123 I 241
21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 septembre 1997 dans la cause C. contre Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et Département des finances et des affaires sociales du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
Regeste (de):
- Art. 4 BV: Erbschaftssteuer; Besteuerung von Konkubinatspartnern.
- Die gesetzliche Regelung der Erbschaftssteuer des Kantons Neuenburg verstösst insoweit nicht gegen Art. 4 BV, als sie die Erben in Abhängigkeit vom Verwandtschaftsgrad und nicht von ihren persönlichen Verhältnissen zum Erblasser von Steuern befreit oder besteuert bzw. nicht einen besonderen Status für Konkubinatspartner vorsieht und diese Verheirateten nicht gleichstellt (E. 2-7).
Regeste (fr):
- Art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
- La législation neuchâteloise en matière d'impôt sur les successions n'est pas contraire à l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Regesto (it):
- Art. 4 Cost.: imposta sulle successioni; imposizione dei concubini.
- Non viola l'art. 4 Cost. la legislazione neocastellana in materia d'imposta sulle successioni, la quale esonera gli eredi o li impone ad un tasso diverso a dipendenza dei loro legami di parentela, e non personali, con il defunto, rispettivamente, la quale omette di prevedere uno statuto particolare per i concubini senza equipararli a dei coniugi (consid. 2-7).
Sachverhalt ab Seite 241
BGE 123 I 241 S. 241
Par testament authentique, D. a institué héritière unique C., sa compagne de longue date; il est décédé le 14 décembre 1993, sans laisser d'héritier réservataire. Par décision du 17 février 1994, l'Office des droits de mutation et du timbre du canton de Neuchâtel a réclamé à C. le paiement de 145'800 fr. à titre d'impôt cantonal et communal sur les successions au sens de la loi neuchâteloise du 21 mai 1912 concernant la perception d'un droit sur les successions et sur les donations entre vifs
BGE 123 I 241 S. 242
(ci-après: la loi cantonale); ce montant correspondait au 36% de l'actif successoral net fixé à 405'000 fr. par un inventaire. Le recours déposé par C. à l'encontre de cette décision a été rejeté le 5 avril 1995 par le Département des finances et des affaires sociales du canton de Neuchâtel (ci-après: le Département cantonal). Par arrêt du 16 juillet 1996, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel a rejeté le recours déposé par C. contre cette dernière décision. Il a notamment considéré que la différence de taux d'imposition prévue par la législation cantonale entre conjoint survivant et concubin ne violait pas l'art. 4

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
Erwägungen
Extrait des considérants:
2. a) L'intéressée prétend que la loi cantonale est arbitraire et contraire au principe de l'égalité de traitement dans la mesure où elle impose plus lourdement un concubin que n'importe quel autre parent du défunt avec lequel ce dernier n'avait peut-être aucune relation personnelle. Elle affirme à cet égard que la famille traditionnelle a perdu sa signification et que le droit fiscal ne peut plus se fonder exclusivement sur les liens familiaux mais doit également tenir compte du concubinage qui est aujourd'hui une forme de vie commune répandue et socialement acceptée, ce qui justifierait que les concubins soient traités comme les couples mariés. A l'appui de sa thèse, elle cite de la jurisprudence qui, à son avis, démontrerait que le concubinage est une communauté de vie comparable au mariage. Elle soutient en outre que les principes du droit privé successoral ne seraient pas pertinents en matière d'impôt sur les successions. Elle demande l'application par analogie des règles posées par le Tribunal fédéral au sujet de l'égalité de traitement entre époux et concubins en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
BGE 123 I 241 S. 243
b) Le principe de l'égalité de traitement issu de l'art. 4 al. 1

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
3. a) Selon l'art. 1 al. 1 de la loi cantonale, il est perçu, au profit de l'Etat, un droit sur les successions, sur les legs et sur les donations entre vifs. En vertu de l'art. 16 al. 1 de la loi cantonale, pour la fixation du droit à percevoir, les degrés de parenté ou d'alliance sont comptés d'après le système admis par le code civil neuchâtelois (système identique à celui prévu par l'art. 20

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 20 - 1 La proximité de parenté s'établit par le nombre des générations. |
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1 | La proximité de parenté s'établit par le nombre des générations. |
2 | Les parents en ligne directe sont ceux qui descendent l'un de l'autre, les parents en ligne collatérale ceux qui, sans descendre l'un de l'autre, descendent d'un auteur commun. |
"Sont exemptés du droit:
a) les successions en ligne directe, descendante ou ascendante; b) les legs en faveur d'un descendant ou d'un ascendant du défunt; c) les donations entre vifs en faveur d'un descendant ou d'un ascendant du donateur; d) les dispositions en faveur du conjoint survivant, lorsqu'un ou plusieurs enfants sont issus du mariage; e) les dispositions en faveur du conjoint survivant, jusqu'à concurrence de 20'000 fr., si aucun enfant n'est issu du mariage; f) les versements de capitaux effectués, ensuite d'un rapport de service, pour remplacer en particulier des retraites, rentes ou pensions; g) les dispositions en faveur d'une personne autre que le conjoint survivant ou un employé, jusqu'à concurrence de 2'000 fr."
BGE 123 I 241 S. 244
L'art. 17 de la loi cantonale est en outre libellé ainsi:
"Le montant du droit est le suivant, en pour-cent de la fortune nette imposable: a) pour le conjoint survivant, si aucun enfant n'est issu du mariage 6% b) pour les parents au second degré 9%
c) pour les parents au troisième degré 12%
d) pour les parents au quatrième degré 15%
e) pour les parents au cinquième degré 18%
f) pour les parents au sixième degré et pour les alliés du premier au troisième degré 22% g) pour les alliés du quatrième au sixième degré 28%
h) pour les parents et alliés plus éloignés et pour les personnes qui ne sont ni parentes ni alliées 36%" b) Comme la recourante est seule héritière de D. avec lequel elle ne prétend pas avoir de lien de parenté ou d'alliance, l'art. 17 lettre h de la loi cantonale lui est dès lors en principe applicable.
4. a) La loi cantonale prévoit un système selon lequel - sauf dans les cas prévus à l'art. 5 al. 1 lettres f et g - les héritiers sont exonérés ou imposés à un taux de faveur en fonction des liens familiaux qui les unissaient au défunt. Les degrés de parenté sont ceux qui sont prévus par le code civil (cf. l'art. 16 al. 1 de la loi cantonale) et qui sont utilisés pour déterminer l'ordre et l'importance des dévolutions successorales (cf. art. 457 ss

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 457 - 1 Les héritiers les plus proches sont les descendants. |
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1 | Les héritiers les plus proches sont les descendants. |
2 | Les enfants succèdent par tête. |
3 | Les enfants prédécédés sont représentés par leurs descendants, qui succèdent par souche à tous les degrés. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 470 - 1 Celui qui laisse des descendants, son conjoint ou son partenaire enregistré a la faculté de disposer pour cause de mort de ce qui excède le montant de leur réserve.489 |
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1 | Celui qui laisse des descendants, son conjoint ou son partenaire enregistré a la faculté de disposer pour cause de mort de ce qui excède le montant de leur réserve.489 |
2 | En dehors de ces cas, il peut disposer de toute la succession. |
BGE 123 I 241 S. 245
Un tel système, qui est également prévu par la loi cantonale (cf. consid. 3a et 4a), favorise notamment la réalisation des objectifs familiaux, sociaux et moraux à la base du droit privé successoral, en particulier l'ordre de succession des héritiers légaux et les réserves dont jouissent certains d'entre eux, tel le conjoint survivant (cf. les art. 457 ss

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 457 - 1 Les héritiers les plus proches sont les descendants. |
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1 | Les héritiers les plus proches sont les descendants. |
2 | Les enfants succèdent par tête. |
3 | Les enfants prédécédés sont représentés par leurs descendants, qui succèdent par souche à tous les degrés. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 471 - La réserve est de la moitié du droit de succession. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
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1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
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1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 163 - 1 Les époux contribuent, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille.223 |
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1 | Les époux contribuent, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille.223 |
2 | Ils conviennent de la façon dont chacun apporte sa contribution, notamment par des prestations en argent, son travail au foyer, les soins qu'il voue aux enfants ou l'aide qu'il prête à son conjoint dans sa profession ou son entreprise. |
3 | Ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l'union conjugale et de leur situation personnelle. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 276 - 1 L'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires.333 |
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1 | L'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires.333 |
2 | Les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.334 |
3 | Les père et mère sont déliés de leur obligation d'entretien dans la mesure où l'on peut attendre de l'enfant qu'il subvienne à son entretien par le produit de son travail ou par ses autres ressources. |

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
5. a) Certes, ainsi que le soutient la recourante, le concubinage de longue durée présente des points communs avec la communauté conjugale, notamment en raison des liens et des devoirs moraux qui se créent entre les partenaires. La jurisprudence qu'elle cite n'est toutefois pas pertinente dans le cas particulier. Elle concerne en effet des arrêts en rapport avec les assurances sociales ou le droit civil et non pas avec le droit fiscal; elle n'a en outre pas la portée que l'intéressée entend lui donner.
En effet, en considérant que la concubine qui s'occupe du ménage et reçoit de son compagnon des prestations en nature (sous forme de nourriture et de logement), et éventuellement de l'argent de poche, doit être considérée - contrairement à la femme mariée dans une situation semblable - comme une personne exerçant une activité lucrative dépendante soumise à l'obligation de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants (ATF 110 V 1), le Tribunal fédéral des assurances ne supprime pas une différence de traitement entre conjoints
BGE 123 I 241 S. 246
et concubins, mais au contraire la consacre. Par ailleurs, en affirmant que l'art. 153 al. 1

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
c) Par ailleurs, comme le législateur cantonal est autorisé à adopter des solutions forfaitaires propres à simplifier l'imposition (cf. ATF 114 Ia 221 consid. 6a p. 231-232; YERSIN, op.cit., n. 102 ss p. 209 ss; KÜNG, op.cit., p. 468), la proximité des rapports familiaux entre le défunt et l'héritier apparaît comme un critère aisément applicable et contrôlable par l'autorité fiscale ou par le contribuable, notamment grâce aux registres d'état civil, ce qui renforce également la sécurité juridique. d) Au surplus, ni les législations des autres cantons en matière d'impôt sur les successions et les donations (cf. Die Steuern der Schweiz, IIIème Partie, Erbschafts- und Schenkungssteuern, Vermögensverkehrssteuern, Verbrauchs- und Aufwandsteuern, partie A), ni le modèle de loi concernant ces impôts établi en août 1983 par la Conférence des directeurs cantonaux des finances ne font des concubins une catégorie particulière de contribuables.
6. a) Le Tribunal fédéral a certes examiné à plusieurs reprises la question de l'égalité de traitement entre conjoints et concubins en
BGE 123 I 241 S. 247
matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (cf. ATF 120 Ia 343 et 329 et les références citées; Archives 63 p. 330 consid. 4a p. 334). Il a toutefois également précisé que cette jurisprudence ne pouvait être appliquée, sans autre examen, à l'impôt sur les gains immobiliers, dont la nature est différente de celle des contributions précitées (arrêt du 31 janvier 1992 in Revue fiscale 1992 p. 440 consid. 3b p. 443). L'impôt litigieux est également d'une nature différente de celle des impôts sur le revenu et sur la fortune. En effet, ces derniers sont calculés en particulier selon un taux progressif dépendant uniquement de l'importance des revenus ou de la fortune imposables; lors de l'imposition d'un couple marié, les éléments imposables des deux conjoints sont additionnés (cf. HÖHN, op.cit., p. 165-166, 325 et 338). En matière d'impôt successoral, le canton de Neuchâtel perçoit, d'une part, l'impôt litigieux dont chaque héritier doit s'acquitter sur le montant de sa propre part successorale selon un taux variant, non pas en fonction du montant de celle-ci, mais du lien de parenté l'unissant au défunt (cf. art. 17 de la loi cantonale), et, d'autre part, un "émolument" sur la masse successorale payé par tous les héritiers, solidairement entre eux, selon un taux qui varie en fonction du montant de l'actif net successoral (cf. art. 4 et 8 de la loi neuchâteloise du 10 novembre 1920 concernant l'application de l'article 551 du code civil suisse et la perception d'un émolument en cas de dévolution d'hérédité); que le contribuable soit marié ou non n'est pas déterminant pour la fixation de cette dernière contribution.
Au vu de ces éléments, il est dès lors douteux que la jurisprudence précitée concernant l'égalité de traitement entre conjoints et concubins soit applicable en l'espèce. L'arrêt cantonal cité à cet égard par la recourante laisse d'ailleurs la question indécise dans le cas de l'impôt successoral perçu par le canton de Berne (cf. arrêt du 25 octobre 1993 in Revue fiscale 1994 p. 80 consid. 4f p. 89). b) Il faut en outre relever que C. a, semble-t-il, exercé une activité lucrative à 60% durant sa vie commune avec D. et que, dans la mesure où les revenus des concubins sont imposés séparément alors que ceux des époux sont additionnés (cf. art. 12 al. 1 de la loi neuchâteloise du 9 juin 1964 sur les contributions directes et art. 13 al. 1 de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct, en vigueur jusqu'au 1er janvier 1995), elle a bénéficié durant toutes ces années d'une imposition plus favorable que si elle avait été mariée avec lui. Elle ne saurait remettre en cause, lorsqu'il se révèle défavorable, le statut qu'elle-même
BGE 123 I 241 S. 248
et le défunt ont librement choisi. Au surplus, dans la mesure où elle prétend que l'impôt litigieux est notamment calculé sur la valeur d'un immeuble dont elle aurait en grande partie financé l'acquisition par le défunt, il lui appartenait de se prévaloir de sa créance au moment de la fixation de sa part successorale imposable (cf. art. 7 et 22 de la loi cantonale).
7. Au vu de ce qui précède, force est de constater que la réglementation de l'impôt litigieux - intimement liée au droit privé des successions - ne peut être considérée comme contraire à l'art. 4

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |