122 II 422
53. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 27 septembre 1996 dans la cause Fondation F. contre Chambre d'accusation du canton de Genève (recours de droit administratif)
Regeste (de):
- Internationale Rechtshilfe in Strafsachen; beidseitige Strafbarkeit; Art. 146 StGB.
- Eine Beeinflussung des Börsenkurses, wie sie im Rechtshilfeersuchen umschrieben wurde, kann als Betrug nach schweizerischem Recht qualifiziert werden (E. 2-4).
Regeste (fr):
- Entraide judiciaire internationale en matière pénale; double incrimination; art. 146
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. 2 Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. 3 L'escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte. - Une manipulation de cours boursier, telle qu'elle est décrite dans la demande d'entraide, est susceptible de constituer une escroquerie en droit suisse (consid. 2-4).
Regesto (it):
- Assistenza giudiziaria internazionale in materia penale; doppia incriminazione; art. 146
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. 2 Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. 3 L'escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte. - Una manipolazione delle quotazioni di borsa, così come descritta nella domanda di assistenza, può essere qualificata come truffa ai sensi del diritto svizzero (consid. 2-4).
Sachverhalt ab Seite 422
BGE 122 II 422 S. 422
Le 26 septembre 1994, le juge d'instruction près le Tribunal de grande instance de Paris a adressé à la Suisse plusieurs demandes d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête pénale menée en France contre inconnu du chef de manipulation de cours, faisant état des faits suivants. La société J. SA, à Paris, disposait en 1990 d'un capital social de 10 millions de FF, dont la plus grande partie a toujours été détenue par la famille J. Le 12 juin 1990, l'action J. a été introduite sur le marché hors-cote de la Bourse de Paris. Proposées au prix de 375 FF, les 6'000
BGE 122 II 422 S. 423
actions mises sur le marché (représentant 3% du capital social) provoquèrent une demande si forte, les 12, 13 et 14 juin 1990 (respectivement 765'000, 704'000 et 500'000 titres demandés), que le titre ne put être coté. Le 20 juin 1990, 18'200 actions furent offertes au prix de 508 FF, cours qui progressa, en raison de la demande importante, à 1'400 FF le 2 août 1990, et à 1'845 FF le 28 décembre 1990. La Commission française des Opérations de Bourse (COB) s'est interrogée sur les raisons de l'évolution insolite du cours de ce titre, compte tenu de l'importance limitée de la société; le cours atteint par les actions J. semblait hors de proportion avec la valeur intrinsèque de l'entreprise, et il était surprenant que, pour une société déployant l'essentiel de ses activités en France et dont les titres étaient nominatifs, l'animation du marché du cours de son action fût surtout le fait de banques étrangères, au Luxembourg, en Suisse et en Allemagne. Par ailleurs, l'animation du cours de l'action provenait d'achats successifs, rapidement suivis de reventes des mêmes titres par des opérateurs dont les interventions semblaient concertées. En définitive, l'autorité requérante soupçonne, de la part des dirigeants ou de personnes proches de la société, des manipulations tendant à fausser l'évolution du cours et ayant pour effet une hausse artificielle propre à tromper le public sur la valeur réelle du titre. Le magistrat français demande aux autorités suisses de mener toutes investigations utiles afin d'identifier les personnes ayant procédé, par l'intermédiaire de différentes banques suisses, aux achats et ventes d'actions J.; de produire une liste des transactions correspondant à une série d'ordres de bourse annexée à la requête; de procéder à toutes investigations pour établir d'éventuels liens entre ces personnes et, notamment, les dirigeants et actionnaires de la société. Les demandes nécessitant des investigations dans les cantons de Genève, Vaud, Zurich, Berne et Bâle, l'Office fédéral de la police a, le 7 novembre 1994, désigné Genève en qualité de canton directeur en application de l'art. 80
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SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 80 Examen préliminaire - 1 L'autorité fédérale ou cantonale chargée de l'exécution de la demande procède à un examen préliminaire de celle-ci. |
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1 | L'autorité fédérale ou cantonale chargée de l'exécution de la demande procède à un examen préliminaire de celle-ci. |
2 | En cas d'irrecevabilité de la demande, l'autorité d'exécution la retourne à l'autorité requérante par la même voie que celle suivie lors de l'acheminement. |
BGE 122 II 422 S. 424
requérante pour compléter sa demande: l'autorité requérante ne décrivait pas de façon suffisamment précise les mécanismes mis en place pour manipuler les cours, de sorte qu'il n'était pas possible de déterminer si les manoeuvres en cause pouvaient être qualifiées de tromperie astucieuse au sens de l'art. 146
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2 | Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. |
3 | L'escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte. |
Erwägungen
Extrait des considérants:
2. a) Selon l'art. 5 al. 1
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IR 0.351.1 Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 CEEJ Art. 5 - 1. Toute Partie Contractante pourra, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, par déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, se réserver la faculté de soumettre l'exécution des commissions rogatoires aux fins de perquisition ou saisie d'objets à une ou plusieurs des conditions suivantes: |
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1 | Toute Partie Contractante pourra, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, par déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, se réserver la faculté de soumettre l'exécution des commissions rogatoires aux fins de perquisition ou saisie d'objets à une ou plusieurs des conditions suivantes: |
a | L'infraction motivant la commission rogatoire doit être punissable selon la loi de la Partie requérante et de la Partie requise; |
b | L'infraction motivant la commission rogatoire doit être susceptible de donner lieu à extradition dans le pays requis; |
c | L'exécution de la commission rogatoire doit être compatible avec la loi de la Partie requise. |
2 | Lorsqu'une Partie Contractante aura fait une déclaration conformément au paragraphe 1 du présent article, toute autre Partie pourra appliquer la règle de la réciprocité. |
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SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 35 Infractions donnant lieu à extradition - 1 L'extradition peut être accordée s'il ressort des pièces jointes à la demande que l'infraction: |
|
1 | L'extradition peut être accordée s'il ressort des pièces jointes à la demande que l'infraction: |
a | est frappée d'une sanction privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une sanction plus sévère, aux termes du droit suisse et du droit de l'État requérant, et |
b | ne relève pas de la juridiction suisse. |
2 | Pour déterminer si un acte est punissable en droit suisse, il n'est pas tenu compte: |
a | des conditions particulières de ce droit en matière de culpabilité et de répression; |
b | du champ d'application à raison du temps et des personnes défini par le code pénal83 et le code pénal militaire du 13 juin 192784 en ce qui concerne le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. 85 |
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IR 0.351.1 Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 CEEJ Art. 5 - 1. Toute Partie Contractante pourra, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, par déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, se réserver la faculté de soumettre l'exécution des commissions rogatoires aux fins de perquisition ou saisie d'objets à une ou plusieurs des conditions suivantes: |
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1 | Toute Partie Contractante pourra, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de son instrument de ratification ou d'adhésion, par déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, se réserver la faculté de soumettre l'exécution des commissions rogatoires aux fins de perquisition ou saisie d'objets à une ou plusieurs des conditions suivantes: |
a | L'infraction motivant la commission rogatoire doit être punissable selon la loi de la Partie requérante et de la Partie requise; |
b | L'infraction motivant la commission rogatoire doit être susceptible de donner lieu à extradition dans le pays requis; |
c | L'exécution de la commission rogatoire doit être compatible avec la loi de la Partie requise. |
2 | Lorsqu'une Partie Contractante aura fait une déclaration conformément au paragraphe 1 du présent article, toute autre Partie pourra appliquer la règle de la réciprocité. |
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SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 64 Mesures de contrainte - 1 Les mesures visées à l'art. 63 et qui impliquent la contrainte prévue par le droit de procédure ne peuvent être ordonnées que si l'état de fait exposé dans la demande correspond aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. Elles sont exécutées conformément au droit suisse. |
|
1 | Les mesures visées à l'art. 63 et qui impliquent la contrainte prévue par le droit de procédure ne peuvent être ordonnées que si l'état de fait exposé dans la demande correspond aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. Elles sont exécutées conformément au droit suisse. |
2 | Les mesures visées à l'art. 63 et qui impliquent la contrainte prévue par le droit de procédure sont admises en cas d'impunité de l'acte en Suisse si elles tendent: |
a | à disculper la personne poursuivie; |
b | à poursuivre un acte d'ordre sexuel avec des mineurs.108 |
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manipulation de cours. L'art. 161bis
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 161bis |
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portant sur l'état du marché et ayant déterminé des investisseurs à l'achat d'actions J., en raison de la hausse rapide du cours, constituait un comportement astucieux constitutif d'escroquerie. A supposer que cette condition doive être examinée sous l'angle de la double incrimination, la correspondance entre l'enrichissement illégitime des auteurs et l'appauvrissement de la victime apparaissait suffisamment démontrée. c) La recourante critique cette appréciation, en relevant notamment que, faute d'un contact individuel entre acheteurs et vendeurs de titres, une escroquerie ne serait pas envisageable dans le cas d'une manipulation de cours telle que décrite dans la demande. De simples achats massifs de titres seraient d'ailleurs insuffisants pour retenir une telle infraction.
3. Selon l'art. 146
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2 | Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. |
3 | L'escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte. |
Selon une partie de la doctrine, cette disposition ne serait pas applicable aux cas de manipulations de cours, principalement parce qu'il n'existe pas de lien direct entre le manipulateur et ses victimes, et parce qu'il n'y a pas identité ou correspondance entre l'enrichissement du premier et l'appauvrissement des secondes; cette opinion est aussi celle exprimée par le Conseil fédéral dans le message concernant une loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (FF 1993 I 1269 ss), à l'appui de l'art. 44
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 44 - 1 Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. |
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1 | Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. |
2 | Le juge peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve. |
3 | Le juge explique au condamné la portée et les conséquences du sursis ou du sursis partiel à l'exécution de la peine. |
4 | Le délai d'épreuve commence à courir à la notification du jugement exécutoire.38 |
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 161bis |
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déclarations, si ces dernières ne sont que très difficilement vérifiables, lorsque l'on ne peut attendre de la victime qu'elle les vérifie, si l'auteur la dissuade de les vérifier ou s'il prévoit, au regard de circonstances particulières (par exemple en raison d'un rapport de confiance étroit), qu'il n'y aura pas de vérification. Une tromperie astucieuse peut aussi résulter de l'exploitation d'une erreur préexistante de la victime si l'auteur, par un comportement actif, confirme ou amplifie cette erreur, ou lorsqu'il se tait alors qu'il existe un devoir de renseigner (ATF 120 IV 186 consid. 1a, 119 IV 28 consid. 3a et les arrêts cités). aa) Pour une partie de la doctrine, une tromperie astucieuse ne serait pas possible dans la majorité des cas de manipulations de cours ayant pour cadre le marché anonyme de la bourse, faute de relations directes entre le manipulateur et ses victimes (ROTH, Manipulations boursières: questions pour la construction d'une nouvelle incrimination, RSDA 1991 p. 233 ss, 235; SCHMID, Schweizerisches Insiderstrafrecht, Berne 1988 p. 199 s. à propos des délits d'initiés; SCHMID, Remarques relatives à l' ATF 113 Ib 170, in SAG 1988 p. 136 s.). Ces auteurs se fondent essentiellement, sans étayer plus avant leur opinion, sur l'ATF 109 Ib 54 précité, relatif à un délit d'initiés; l'inexistence d'un rapport entre l'auteur et ses victimes est aussi évoquée dans les arrêts ultérieurs relatifs à des manipulations de cours (ATF 113 Ib 170, arrêt non publié du 8 juin 1989 en la cause R.), mais sans que cette question fasse l'objet d'un réel examen puisque dans ces cas, l'escroquerie a été admise en raison d'une relation particulière unissant l'acheteur au vendeur de titre (offre publique d'échange ou contrat de mandat). Pour IFFLAND (La répression pénale des manipulations de cours en droit suisse, thèse Lausanne 1994 p. 185 ss), la nécessité d'une relation particulière entre le manipulateur et ses victimes repose sur la prémisse erronée que l'erreur de ces dernières porterait sur la véracité des informations diffusées sur le marché; selon cet auteur, l'erreur concernerait plutôt l'état du marché lui-même, ce qui rendrait possible une tromperie visant l'ensemble des investisseurs potentiels. Cette opinion doit être approuvée: elle correspond au mécanisme général des infractions de manipulations de cours dans lesquelles ce n'est pas forcément la divulgation d'une information déterminée qui pousse les investisseurs à des actes qui leur sont préjudiciables, mais, plus généralement, la modification du cours boursier. L'erreur ne porte donc pas sur l'information (faux renseignements sur l'état de la société, achats et ventes fictifs ou simulés de titres), mais consiste dans une représentation
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erronée du marché des titres concernés (cf. ATF 113 Ib 170 consid. 3c/aa p. 173). Lorsque la seule motivation des investisseurs semble être une hausse du cours des actions provoquée artificiellement, on ne voit pas en quoi l'anonymat du marché boursier rendrait impossible une tromperie astucieuse (dans le même sens, DE BEER, Börsenmanipulationen und Betrug, RPS 109 (1992) 272 ss, p. 274 s., 289; JEAN-RICHARD, Handelsinszenierungen zur Kursmanipulation am Kapitalmarkt, RSDA 1995 p. 259 ss, 262-264). Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas nécessaire de rechercher si - comme l'a estimé la Chambre d'accusation en tenant compte des spécificités du marché hors-cote et du caractère nominatif des actions - il existait des liens entre acheteurs et vendeurs; le fait que la victime soit, pour l'auteur, un tiers anonyme ne constitue pas en soi un obstacle à l'application de l'art. 146
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2 | Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. |
3 | L'escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte. |
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 161 |
BGE 122 II 422 S. 429
cours tend donc à refléter des faits objectifs, et l'opinion des investisseurs, qui le sous-tend, doit être qualifiée de "jugement de valeur fondé sur des faits" (Werturteilen mit Tatsachenkern, cf. ATF 119 IV 210 consid. 3b; concernant cette notion, cf. SCHUBARTH, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Berne 1990 p. 139 ad art. 148 no 16; JEAN-RICHARD, op.cit. pp. 260-262; IFFLAND, op.cit. p. 188). cc) Pour qu'une tromperie soit astucieuse au sens de l'art. 148
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 148 - 1 Quiconque, quoique insolvable ou non disposé à s'acquitter de son dû, obtient des prestations de nature patrimoniale en utilisant une carte-chèque, une carte de crédit ou tout moyen de paiement analogue et porte ainsi atteinte aux intérêts pécuniaires de l'organisme d'émission qui le lui a délivré est, pour autant que l'organisme d'émission et l'entreprise contractuelle aient pris les mesures que l'on pouvait attendre d'eux pour éviter l'abus de la carte, puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque, quoique insolvable ou non disposé à s'acquitter de son dû, obtient des prestations de nature patrimoniale en utilisant une carte-chèque, une carte de crédit ou tout moyen de paiement analogue et porte ainsi atteinte aux intérêts pécuniaires de l'organisme d'émission qui le lui a délivré est, pour autant que l'organisme d'émission et l'entreprise contractuelle aient pris les mesures que l'on pouvait attendre d'eux pour éviter l'abus de la carte, puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2 | Si l'auteur fait métier de tels actes, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. |
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par la suite subi une baisse, mais cela n'est pas nécessaire pour admettre l'existence d'un dommage, puisque ce dernier peut n'être que temporaire (ATF 120 IV 122 consid. 6b; GRAVEN, op.cit. p. 18). Certes, il n'est pas encore établi que les victimes aient été déterminées à des achats d'actions par la seule hausse du cours provoquée artificiellement. Il s'agit là toutefois d'un problème de preuve dont il peut être fait abstraction sous l'angle de la double incrimination; il suffit que l'autorité requérante fasse état à ce propos, comme c'est le cas en l'espèce, de soupçons suffisants. bb) L'infraction d'escroquerie impliquant un transfert patrimonial, une partie de la doctrine estime que l'enrichissement de l'auteur doit correspondre à l'appauvrissement que le lésé subit dans son patrimoine; rattachée au dessein d'enrichissement illégitime, cette condition "d'identité de matière" (Stoffgleichheit), qui ne découle pas du texte légal, provient de la doctrine allemande. Selon certains auteurs, elle s'opposerait à la qualification d'escroquerie pour des manipulations de cours, à nouveau en raison de l'absence de contact direct entre le manipulateur et ses victimes, ce qui exclurait toute correspondance entre l'avantage obtenu et le dommage subi (Schmid, SAG 1988 précité; pour un résumé de la doctrine - suisse et allemande - sur ce point, cf. DE BEER, op.cit. p. 278 ss). Comme le relève STRATENWERTH (op.cit. p. 338 no 60), le Tribunal fédéral a d'abord retenu, dans un arrêt du 11 septembre 1958, que le principe de la Stoffgleichheit était étranger à la conception du droit suisse, l'art. 148 aCP ne requérant pas d'autres conditions que le lien de causalité entre le comportement de l'escroc et le préjudice de la victime; "l'escroc ne paraît pas moins fautif lorsque le dommage qu'il cause ne correspond pas au profit qu'il recherche" (ATF 84 IV 89, ATF 103 IV 30 consid. 5c). Par la suite, le Tribunal fédéral a laissé la question indécise (arrêts non publiés du 29 mars 1990 dans la cause F., du 8 juin 1989 dans la cause R., et du 8 juin 1990 dans la cause I. AG). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a estimé que, supposé reconnu en droit suisse, le principe de la "Stoffgleichheit" ne devrait pas être appliqué avec la même rigueur qu'en Allemagne. Telle est aussi l'opinion de SCHUBARTH (op.cit. p. 156), selon lequel le principe - qui permet essentiellement de distinguer l'escroquerie de l'atteinte malicieuse aux intérêts pécuniaires d'autrui - doit être employé avec souplesse. Après un examen approfondi de la question, DE BEER (op.cit. p. 288) relève les difficultés pratiques que soulève la notion d'identité de matière: quand l'avantage obtenu est-il la contrepartie immédiate de
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l'appauvrissement du lésé? Le texte légal n'exige qu'un dommage provoqué par tromperie, et un dessein d'enrichissement illégitime, sans que ce dernier ne se réalise forcément, et sans qu'il y ait nécessairement identité quantitative ou qualitative entre l'appauvrissement et l'enrichissement: il suffit en définitive que l'avantage recherché et la perte subie procèdent de la même décision. Tel est le cas lors d'une manipulation du cours, lorsque la décision de la victime (en l'occurrence acheter des titres) est directement provoquée par la tromperie voulue par l'auteur. JEAN-RICHARD (op.cit. p. 265 ss) conclut également que le principe de la "Stoffgleichheit" doit se limiter à l'existence d'un rapport de causalité entre l'enrichissement projeté et l'appauvrissement (cf. dans le même sens l' ATF 122 IV 197, qui admet l'application de l'art. 146
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2 | Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. |
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 151 - Quiconque, sans dessein d'enrichissement, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et la détermine ainsi à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 146 - 1 Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2 | Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans. |
3 | L'escroquerie commise au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte. |
c) Certes, la répression des manipulations de cours au titre de l'escroquerie pose de sérieux problèmes de preuve, notamment quant à l'existence du dessein d'enrichissement illégitime. Ces problèmes ne se présentent pas de la même façon dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire, puisque l'autorité suisse chargée de l'examen d'une telle demande peut se fonder, en l'absence d'inexactitudes ou de lacunes manifestes, sur les seuls soupçons de l'autorité requérante. Ainsi, la condition de la double incrimination est remplie dans le cas d'espèce, les faits décrits dans la demande pouvant, prima facie, être qualifiés d'escroquerie.