Urteilskopf

121 III 350

70. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 10 octobre 1995 dans la cause Fédération Suisse de Lutte Amateur contre Grossen (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 351

BGE 121 III 350 S. 351

A.- La Fédération Suisse de Lutte Amateur (ci-après: la FSLA) est une association dont les tâches consistent, en particulier, à assurer la formation des lutteurs - en styles libre ou gréco-romain - et à organiser la préparation des athlètes ainsi que la représentation de la Suisse aux compétitions internationales. Les Championnats du monde de lutte devaient se dérouler à Martigny du 25 août au 3 septembre 1989. Chaque pays pouvait présenter un lutteur par catégorie de poids, dans les deux styles de lutte. Sur proposition de la commission technique, le comité central (ou bureau présidentiel, organe exécutif de la FSLA) a fixé les critères de sélection. Pour représenter la Suisse, le lutteur devait se classer dans les quatre premiers rangs lors des Championnats suisses 1989 et remporter le tournoi de qualification spécial; il devait ensuite prendre part à un tournoi à l'étranger et suivre un camp d'entraînement spécifique. Par ailleurs, les participants aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 pouvaient s'inscrire au tournoi de qualification dans la catégorie de poids dans laquelle ils avaient concouru aux Jeux olympiques, même s'ils n'avaient pas participé aux Championnats suisses. Ludwig Küng a participé aux Jeux de Séoul dans la catégorie 62 kg, style libre. Blessé, il n'a pu concourir aux Championnats suisses 1989 et a pris du poids. En mai 1989, le comité central a rejeté une demande de l'entraîneur national des lutteurs de style libre visant à autoriser Küng à participer au tournoi de qualification dans la catégorie 68 kg. Le tournoi qualificatif a eu lieu à Moosseedorf le 8 juillet 1989. Deuxième en lutte libre dans la catégorie 68 kg aux Championnats suisses 1989, René Grossen, seul concurrent, a été déclaré vainqueur du tournoi dans cette catégorie. Du 26 au 30 juillet 1989, il a participé au tournoi international de Bratislava puis, du 7 au 20 août 1989, au camp de préparation aux Championnats de monde, à Ovronnaz. Grossen remplissait ainsi tous les critères de sélection pour représenter la Suisse à Martigny dans la catégorie 68 kg. Son nom figurait du reste sur la liste des participants publiée dans le programme officiel des Championnats du monde et dans la presse. L'éviction de Küng a suscité des protestations. Soumis à diverses pressions, le Président central de la FSLA a décidé, à la fin juillet 1989, qu'un combat départagerait Grossen et Küng. Après avoir vainement protesté auprès de la FSLA, Grossen a déposé une requête de mesures provisionnelles tendant à faire interdire le match. Par décision du 17 août 1989, le
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juge-instructeur des districts de Martigny et Saint-Maurice a rejeté la requête. Peu auparavant, le 12 août 1989, le comité central avait entériné la décision de son président de procéder à un combat de qualification supplémentaire. La rencontre a eu lieu le 27 août 1989, soit quatre jours avant le début du tournoi de lutte libre des Championnats du monde; Küng a gagné et s'est trouvé seul qualifié dans la catégorie 68 kg.
B.- Par mémoire-demande du 21 juin 1990, Grossen a ouvert action contre la FSLA en paiement, d'une part, d'un montant de 10'478 fr. 55 à titre de dommages-intérêts et, d'autre part, d'une indemnité en réparation du tort moral laissée à l'appréciation du tribunal. Le demandeur, salarié, faisait valoir en particulier qu'il avait dû prendre des congés non-payés pour participer au tournoi de Bratislava et au stage d'Ovronnaz. Par jugement du 19 décembre 1994, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais a admis l'action en dommages-intérêts à concurrence de 5'033 fr. 15 et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.
C.- La FSLA a interjeté un recours en réforme, concluant au rejet de la demande. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable et a confirmé le jugement attaqué.
Erwägungen

Extrait des considérants:

5. A ce stade, il convient d'examiner de plus près le comportement du bureau présidentiel de la défenderesse dans le cadre de la sélection des lutteurs pour les Championnats du monde 1989. a) Conformément à la procédure de sélection mise en place pour toutes les catégories de lutteurs et vu l'absence de toute mise en garde de la part du comité central, le demandeur était assuré de prendre part aux Championnats du monde à l'issue du tournoi de qualification de Moosseedorf, le 8 juillet 1989, pour autant qu'il participe ensuite au tournoi de Bratislava et au stage d'entraînement d'Ovronnaz. A ce moment-là, sa qualification définitive ne dépendait donc plus que de lui. Or, le 12 août 1989, le comité central a décidé, uniquement pour la catégorie 68 kg, d'organiser un combat décisif entre Küng et le demandeur, le vainqueur étant qualifié pour les Championnats du monde. Ce faisant, il a adopté une attitude contradictoire que rien ne laissait présager.
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Le revirement du bureau présidentiel apparaît d'autant plus choquant que celui-ci connaissait de longue date le problème d'excès de poids de Küng et qu'il avait précisément interdit à ce lutteur de participer au tournoi de qualification de Moosseedorf dans la catégorie 68 kg. En outre, le comité central ne peut faire valoir aucun juste motif à l'appui de sa volte-face. La raison invoquée - donner une chance de sélection à l'un des meilleurs lutteurs du pays - existait déjà lors du tournoi qualificatif du 8 juillet 1989. Par ailleurs, il n'est allégué nulle part que le demandeur se serait blessé ou aurait connu une baisse de forme importante depuis le tournoi qualificatif. En réalité, le bureau présidentiel a cédé à des pressions, qui se sont faites encore plus insistantes après les joutes de Moosseedorf. b) En modifiant, dans ces circonstances, le mode de sélection dans une seule catégorie de lutteurs à moins de trois semaines des Championnats du monde, le comité central de la défenderesse a-t-il enfreint les règles de la bonne foi (art. 2
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 2 - 1 Jedermann hat in der Ausübung seiner Rechte und in der Erfüllung seiner Pflichten nach Treu und Glauben zu handeln.
1    Jedermann hat in der Ausübung seiner Rechte und in der Erfüllung seiner Pflichten nach Treu und Glauben zu handeln.
2    Der offenbare Missbrauch eines Rechtes findet keinen Rechtsschutz.
CC)? Selon la jurisprudence, la loi ne protège pas l'attitude contradictoire ("venire contra factum proprium") lorsque le comportement antérieur d'une partie a inspiré chez l'autre partie une confiance légitime qui l'a déterminée à des actes qui se révèlent préjudiciables une fois que la situation a changé (ATF 116 II 700 consid. 3b p. 702, ATF 115 II 331 consid. 5a p. 338, ATF 110 II 494 consid. 4 p. 498, ATF 106 II 320 consid. 3a). En l'espèce, force est de constater que ces conditions sont remplies. En effet, après le tournoi de Moosseedorf, le demandeur n'avait aucune raison de douter de sa qualification, ce qui l'a amené à prendre des congés non-payés pour se rendre à Bratislava et à Ovronnaz. Sa confiance, digne de protection, a dès lors été trompée lorsque le comité central, pendant le camp de préparation d'Ovronnaz, a décidé du combat de qualification supplémentaire contre Küng. Certes, ce n'est pas la décision d'organiser le duel qui a éliminé le demandeur, mais bien le résultat du match lui-même. Sur ce point, il y a lieu toutefois d'observer que le bureau présidentiel a pris intentionnellement le risque d'évincer un lutteur pourtant déjà qualifié; le risque était d'ailleurs d'autant plus important que, selon les propres dires des représentants de la défenderesse, Küng était d'un niveau supérieur au demandeur.
6. Organisée sous forme d'association, la défenderesse a la personnalité juridique (art. 60 al. 1
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 60 - 1 Vereine, die sich einer politischen, religiösen, wissenschaftlichen, künstlerischen, wohltätigen, geselligen oder andern nicht wirtschaftlichen Aufgabe widmen, erlangen die Persönlichkeit, sobald der Wille, als Körperschaft zu bestehen, aus den Statuten ersichtlich ist.
1    Vereine, die sich einer politischen, religiösen, wissenschaftlichen, künstlerischen, wohltätigen, geselligen oder andern nicht wirtschaftlichen Aufgabe widmen, erlangen die Persönlichkeit, sobald der Wille, als Körperschaft zu bestehen, aus den Statuten ersichtlich ist.
2    Die Statuten müssen in schriftlicher Form errichtet sein und über den Zweck des Vereins, seine Mittel und seine Organisation Aufschluss geben.
CC). Le comité central est habilité à la représenter (art. 69
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 69 - 1 Der Vorstand hat das Recht und die Pflicht, nach den Befugnissen, die die Statuten ihm einräumen, die Angelegenheiten des Vereins zu besorgen und den Verein zu vertreten.
1    Der Vorstand hat das Recht und die Pflicht, nach den Befugnissen, die die Statuten ihm einräumen, die Angelegenheiten des Vereins zu besorgen und den Verein zu vertreten.
2    Vereine, die zur Eintragung in das Handelsregister verpflichtet sind, müssen durch eine Person vertreten werden können, die Wohnsitz in der Schweiz hat. Diese Person muss Zugang zum Mitgliederverzeichnis haben.91
CC). La défenderesse est par conséquent liée par les actes du bureau présidentiel. En l'occurrence, ce dernier a agi de manière
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contraire aux règles de la bonne foi à l'égard du demandeur, membre du club de lutte bernois TV Länggasse, qui réclame réparation du dommage subi de ce fait. La responsabilité de la défenderesse est-elle engagée pour autant? En d'autres termes, y a-t-il un fondement juridique à la prétention en dommages-intérêts exercée par le demandeur? a) Faute d'un quelconque contrat liant les parties, une responsabilité contractuelle de la défenderesse n'entre pas en considération en l'espèce. b) Il convient de se demander en revanche si la responsabilité de la défenderesse n'est pas engagée sur la base de l'art. 41
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
CO. La jurisprudence qualifie d'illicite l'acte, voire l'omission, objectivement contraire à des ordres ou à des interdictions du droit écrit ou non écrit (ATF 120 II 331 consid. 4 et les arrêts cités). Selon une thèse défendue en particulier par KELLER, un comportement préjudiciable contraire aux règles de la bonne foi peut être illicite s'il existe un rapport particulier de confiance entre le lésé et le responsable (KELLER/GABI, Das Schweizerische Schuldrecht, tome II, 2e éd., p. 39 ss; KELLER, Ist eine Treu und Glauben verletzende Schädigung widerrechtlich? in recht 1987, p. 136 ss; cf. également REY, Rechtliche Sonderverbindungen und Rechtsfortbildung, in Festschrift Keller, 1989, p. 231 ss). Dans un arrêt publié aux ATF 108 II 305, le Tribunal fédéral a toutefois refusé, sauf cas tout à fait exceptionnels, de considérer l'art. 2
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 2 - 1 Jedermann hat in der Ausübung seiner Rechte und in der Erfüllung seiner Pflichten nach Treu und Glauben zu handeln.
1    Jedermann hat in der Ausübung seiner Rechte und in der Erfüllung seiner Pflichten nach Treu und Glauben zu handeln.
2    Der offenbare Missbrauch eines Rechtes findet keinen Rechtsschutz.
CC comme une norme de protection fondamentale dont la violation est propre à entraîner une responsabilité basée sur l'art. 41
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
CO; l'art. 2
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 2 - 1 Jedermann hat in der Ausübung seiner Rechte und in der Erfüllung seiner Pflichten nach Treu und Glauben zu handeln.
1    Jedermann hat in der Ausübung seiner Rechte und in der Erfüllung seiner Pflichten nach Treu und Glauben zu handeln.
2    Der offenbare Missbrauch eines Rechtes findet keinen Rechtsschutz.
CC ne fonde en effet pas une obligation indépendante, mais s'applique en rapport avec des droits et obligations déjà existants (consid. 2b p. 311). c) Cela étant, il se dégage néanmoins de la jurisprudence des cas mettant en cause des relations de confiance dans lesquels le Tribunal fédéral reconnaît un chef de responsabilité, sans se prononcer nécessairement sur sa nature juridique. Ainsi, la responsabilité découlant d'une "culpa in contrahendo" repose sur l'idée que, pendant les pourparlers contractuels, les parties doivent agir selon les règles de la bonne foi. En effet, l'ouverture des pourparlers crée déjà une relation juridique entre elles et leur impose des devoirs réciproques, comme par exemple de négocier sérieusement conformément à leurs véritables intentions (ATF 116 II 695 consid. 3 p. 698, ATF 105 II 75 consid. 2a). Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question de savoir si cette responsabilité est de nature délictuelle ou contractuelle (ATF 108 II 419 consid. 5 p. 422), estimant préférable de rechercher la disposition
BGE 121 III 350 S. 355

applicable selon le problème posé (par exemple, l'art. 60
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 60 - 1 Der Anspruch auf Schadenersatz oder Genugtuung verjährt mit Ablauf von drei Jahren von dem Tage an gerechnet, an welchem der Geschädigte Kenntnis vom Schaden und von der Person des Ersatzpflichtigen erlangt hat, jedenfalls aber mit Ablauf von zehn Jahren, vom Tage an gerechnet, an welchem das schädigende Verhalten erfolgte oder aufhörte.35
1    Der Anspruch auf Schadenersatz oder Genugtuung verjährt mit Ablauf von drei Jahren von dem Tage an gerechnet, an welchem der Geschädigte Kenntnis vom Schaden und von der Person des Ersatzpflichtigen erlangt hat, jedenfalls aber mit Ablauf von zehn Jahren, vom Tage an gerechnet, an welchem das schädigende Verhalten erfolgte oder aufhörte.35
1bis    Bei Tötung eines Menschen oder bei Körperverletzung verjährt der Anspruch auf Schadenersatz oder Genugtuung mit Ablauf von drei Jahren von dem Tage an gerechnet, an welchem der Geschädigte Kenntnis vom Schaden und von der Person des Ersatzpflichtigen erlangt hat, jedenfalls aber mit Ablauf von zwanzig Jahren, vom Tage an gerechnet, an welchem das schädigende Verhalten erfolgte oder aufhörte.36
2    Hat die ersatzpflichtige Person durch ihr schädigendes Verhalten eine strafbare Handlung begangen, so verjährt der Anspruch auf Schadenersatz oder Genugtuung ungeachtet der vorstehenden Absätze frühestens mit Eintritt der strafrechtlichen Verfolgungsverjährung. Tritt diese infolge eines erstinstanzlichen Strafurteils nicht mehr ein, so verjährt der Anspruch frühestens mit Ablauf von drei Jahren seit Eröffnung des Urteils.37
3    Ist durch die unerlaubte Handlung gegen den Verletzten eine Forderung begründet worden, so kann dieser die Erfüllung auch dann verweigern, wenn sein Anspruch aus der unerlaubten Handlung verjährt ist.
CO pour la prescription: ATF 101 II 266 consid. 4c).
De même, celui qui, disposant de connaissances particulières dans un domaine, accepte de fournir des renseignements ou des conseils hors de tout rapport contractuel doit agir de bonne foi (ATF 111 II 471 consid. 3); commet ainsi un acte illicite engageant sa responsabilité celui qui, intentionnellement ou à la légère, donne des informations inexactes ou passe sous silence des faits dont il doit reconnaître l'importance pour l'autre partie (ATF 116 II 695 consid. 4, ATF 111 II 471 consid. 3). L'illicéité résulte du fait que le renseignement inexact ou le conseil incorrect a suscité chez l'autre partie une confiance justifiée qui se trouve trompée ultérieurement (arrêt non publié du 13 décembre 1990 dans la cause 4C.211/1989, consid. 4b/cc). Citant la doctrine récente, le Tribunal fédéral a rattaché par la suite, dans un obiter dictum, la responsabilité pour renseignement inexact à la notion de responsabilité fondée sur la confiance ("Vertrauenshaftung") (ATF 120 II 331 consid. 5a p. 337 et les références). Développée en droit allemand, cette forme juridique consiste à imputer une responsabilité déduite des règles de la bonne foi à celui qui a créé une situation de confiance à laquelle une autre personne peut se fier et s'est du reste fiée en réalité (KRAMER/SCHMIDLIN, Commentaire bernois, n. 150 ad Allgemeine Einleitung in das schweizerische OR; cf. également STAUDINGER/DILCHER, Kommentar zum BGB, 12e éd., n. 44 ss ad Vorbemerkungen ad §§ 116-144). Dans cette optique, la "culpa in contrahendo" constitue un cas particulier de la responsabilité fondée sur la confiance (KRAMER/SCHMIDLIN, op.cit., n. 151 ad Allgemeine Einleitung in das schweizerische OR). Un autre aspect de la responsabilité fondée sur la confiance a été mis en exergue récemment dans la jurisprudence. Le Tribunal fédéral a admis, malgré l'absence d'un fondement contractuel ou délictuel, la responsabilité d'une société mère pour des déclarations publicitaires adressées aux clients de sa filiale, qui mettaient l'accent sur le lien entre les deux sociétés du groupe et cherchaient ainsi à faire bénéficier la filiale de la bonne réputation de la société mère (ATF 120 II 331). Les conditions posées par la jurisprudence pour qu'une telle responsabilité soit engagée sont strictes: il faut que, par son comportement, la société mère ait provoqué, puis déçu de manière contraire à la bonne foi, des attentes déterminées quant à son rôle et à sa responsabilité dans le groupe (même arrêt,
BGE 121 III 350 S. 356

consid. 5a p. 336).
A l'instar des responsabilités découlant de la "culpa in contrahendo" ou de renseignements inexacts, la responsabilité de la société mère suppose, entre le lésé et le responsable, une relation particulière ("Sonderverbindung"), soit un rapport spécial de confiance et de fidélité (ibid.; cf. REY, op.cit., p. 234 ss; KELLER, op.cit., in recht 1987, p. 137). d) En l'occurrence, le demandeur est membre du club de lutte TV Länggasse, qui fait lui-même partie d'une association régionale (art. 4 let. a et art. 5.2. des statuts FSLA). Pour sa part, la défenderesse est composée des associations régionales, ainsi que de membres honoraires et de membres passifs, qui constituent les seuls membres individuels (art. 4 statuts FSLA). Dans ce système, aucun lien de sociétariat direct n'existe entre les parties. Il n'en demeure pas moins que la défenderesse dispose, en particulier en matière de représentation aux compétitions internationales (art. 2.2. § 3 statuts FSLA), d'une situation de monopole qui s'exerce également à l'égard du demandeur et qui est d'ailleurs la règle en matière sportive (cf. BADDELEY, L'association sportive face au droit, thèse Genève 1994, p. 83; JOLIDON, Ordre sportif et ordre juridique, in RJB/ZBJV 127/1991, p. 232; SCHERRER, Sportrecht - Eine notwendige Sonderdisziplin? in RSJ/SJZ 84/1988, p. 2 et 5). Par ailleurs, même en l'absence de toute affiliation directe, le sportif uniquement membre d'une section a certains droits et obligations vis-à-vis de la fédération, notamment un devoir de fidélité (SATTIVA SPRING, Les fédérations à but idéal en droit suisse, thèse Lausanne 1990, p. 184). En contre-partie, la fédération qui se trouve en position monopolistique doit se voir imposer le respect de certains principes fondamentaux à l'égard des sportifs, et spécialement la fidélité aux actes. Au même titre que dans les cas de responsabilité fondée sur la confiance décrits ci-dessus, le lien particulier qui unit le sportif individuel à sa fédération commande donc que la responsabilité de celle-ci soit engagée lorsqu'elle cause un dommage à l'athlète en agissant de manière contraire aux règles de la bonne foi. En l'espèce, comme déjà relevé, la confiance que le demandeur pouvait légitimement placer dans le respect de la procédure de sélection instituée par la défenderesse elle-même a été trompée de manière crasse par la décision injustifiée d'imposer - un peu moins de trois semaines avant l'ouverture des Championnats du monde, style libre - un duel de qualification supplémentaire dans lequel le demandeur avait tout à perdre.
BGE 121 III 350 S. 357

Comme la cour cantonale l'a admis à juste titre, cette attitude contraire aux règles de la bonne foi était propre à engager la responsabilité de la défenderesse pour le dommage causé au demandeur.
7. a) S'agissant des autres conditions de la responsabilité, le lien de causalité naturelle est établi puisque la cour cantonale a constaté, d'une part, que Grossen n'aurait pas assumé les dépenses dont il réclame le remboursement s'il avait été conscient des risques qu'il prenait et, d'autre part, que la consultation de l'avocat bernois est intervenue en raison du revirement du comité central. Le dommage se trouve également dans un lien de causalité adéquate avec l'acte reproché à la défenderesse. En effet, il est conforme au cours ordinaire des choses et à l'expérience générale de la vie qu'un lutteur amateur sélectionné prenne des congés non-payés pour participer aux tournoi et stage obligatoires en vue des Championnats du monde, puis cherche à connaître ses droits auprès d'un avocat de sa région de domicile lorsqu'il apprend que sa qualification est remise en cause. b) Par ailleurs, il est vrai que le demandeur a finalement livré le combat litigieux, non sans avoir cherché, en vain, à le faire interdire par le juge. On ne saurait toutefois en déduire qu'il a consenti au dommage; à ce moment-là, s'il voulait participer aux Championnats du monde, le lutteur n'avait d'autre choix que de se plier à la nouvelle exigence du comité central. c) Enfin, la défenderesse se plaint d'une violation de l'art. 41
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
CO. Elle prétend que le dommage est inexistant, car le demandeur aurait de toute manière participé au tournoi de Bratislava et au camp d'Ovronnaz. Il s'agit là d'une critique qui se fonde sur un fait contredit par les constatations souveraines figurant dans le jugement attaqué. Ce faisant, la défenderesse remet en cause les faits d'une manière inadmissible dans un recours en réforme, ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
, art. 55 al. 1 let. c
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
, art. 63 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
OJ). Le moyen soulevé a du reste déjà fait l'objet d'un examen dans le recours de droit public connexe. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur ce grief.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 121 III 350
Date : 10. Oktober 1995
Publié : 31. Dezember 1995
Source : Bundesgericht
Statut : 121 III 350
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Sportverein - Handeln nach Treu und Glauben (Art. 2 ZGB) - Haftung. Ein Sportverein handelt rechtsmissbräuchlich, wenn
Classification : obiter dictum


Répertoire des lois
CC: 2 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
1    Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
2    L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.
60 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 60 - 1 Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
1    Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
2    Les statuts sont rédigés par écrit et contiennent les dispositions nécessaires sur le but, les ressources et l'organisation de l'association.
69
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 69 - 1 La direction a le droit et le devoir de gérer les affaires de l'association et de la représenter en conformité des statuts.
1    La direction a le droit et le devoir de gérer les affaires de l'association et de la représenter en conformité des statuts.
2    Les associations tenues de s'inscrire au registre du commerce doivent pouvoir être représentées par une personne domiciliée en Suisse. Cette personne doit avoir accès à la liste des membres.87
CO: 41 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 41 - 1 Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
1    Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
2    Celui qui cause intentionnellement un dommage à autrui par des faits contraires aux moeurs est également tenu de le réparer.
60
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 60 - 1 L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.35
1    L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.35
1bis    En cas de mort d'homme ou de lésions corporelles, elle se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.36
2    Si le fait dommageable résulte d'un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l'échéance du délai de prescription de l'action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l'action pénale ne court plus parce qu'un jugement de première instance a été rendu, l'action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement.37
3    Si l'acte illicite a donné naissance à une créance contre la partie lésée, celle-ci peut en refuser le paiement lors même que son droit d'exiger la réparation du dommage serait atteint par la prescription.
OJ: 43  55  63
Répertoire ATF
101-II-266 • 105-II-75 • 106-II-320 • 108-II-305 • 108-II-419 • 110-II-494 • 111-II-471 • 115-II-331 • 116-II-695 • 116-II-700 • 120-II-331 • 121-III-350
Weitere Urteile ab 2000
4C.211/1989
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • société mère • responsabilité fondée sur la confiance • association sportive • congé non payé • culpa in contrahendo • dommages-intérêts • directeur • duel • pression • vue • lien de causalité • jeux olympiques • décision • information • autorisation ou approbation • calcul • violation du droit • tort moral • membre d'une communauté religieuse
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RECHT
1987 S.136 • 1987 S.137
RSJ
84/1988 S.2