121 II 97
16. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 février 1995 dans la cause B. contre l'Office cantonal de contrôle des habitants et de police des étrangers du canton de Vaud (recours de droit administratif)
Regeste (de):
- Art. 7 ANAG. Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung; Scheinehe; Rechtsmissbrauch.
- Art. 105 Abs. 2 OG. Neue tatsächliche Vorbringen sind unzulässig (E. 1c).
- Art. 7 Abs. 1 ANAG. Das Zusammenleben der Ehegatten ist nicht Voraussetzung für die Erteilung oder Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung; vorbehalten bleiben die gesetzlichen Ausnahmen sowie der Rechtsmissbrauch (Bestätigung der Rechtsprechung, E. 2).
- Art. 7 Abs. 2 ANAG. Kriterien für die Annahme einer Scheinehe. Angesichts der Dauer des ehelichen Zusammenlebens ist im vorliegenden Fall eine Scheinehe nicht nachgewiesen (E. 3).
- Es ist rechtsmissbräuchlich, wenn der ausländische Ehegatte sich auf eine Ehe beruft, die einzig noch im Hinblick auf die Erteilung der Aufenthaltsbewilligung formell besteht (E. 4).
Regeste (fr):
- Art. 7
LSEE. Prolongation de l'autorisation de séjour; mariage fictif; abus de droit.
- Art. 105 al. 2
OJ. Irrecevabilité de faits nouveaux (consid. 1c).
- Art. 7 al. 1
LSEE. L'octroi ou la prolongation de l'autorisation de séjour n'est pas subordonné à l'existence d'une vie commune des époux; sont réservés les exceptions légales et l'abus de droit (confirmation de la jurisprudence, consid. 2).
- Art. 7 al. 2
LSEE. Conditions permettant d'établir l'existence d'un mariage fictif. Celui-ci n'est pas suffisamment établi en l'espèce, compte tenu de la durée de la vie conjugale commune (consid. 3).
- Il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger invoque un mariage n'existant plus que formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de séjour (consid. 4).
Regesto (it):
- Art. 7 LDDS; proroga del permesso di dimora; matrimonio fittizio; abuso di diritto.
- Art. 105 cpv. 2 OG. Inammissibilità di fatti nuovi (consid. 1c).
- Art. 7 cpv. 1 LDDS. La concessione o la proroga del permesso di dimora non dipende dell'esistenza della vita comune dei coniugi; rimangono riservati le eccezioni legali e l'abuso di diritto (conferma della giurisprudenza; consid. 2).
- Art. 7 cpv. 2 LDDS. Condizioni per determinare se vi sia matrimonio fittizio. In concreto, le stesse non sono adempiute, tenuto conto della durata della vita coniugale comune (consid. 3).
- Vi è abuso di diritto quando il coniuge straniero si richiama a un matrimonio che esiste solo dal lato formale unicamente allo scopo di ottenere un permesso di dimora (consid. 4).
Sachverhalt ab Seite 98
BGE 121 II 97 S. 98
B., ressortissant turc né en 1962, est entré illégalement en Suisse en 1985 et a demandé l'asile politique. Sa demande ayant été rejetée, il a quitté la Suisse en octobre 1987 pour la Turquie où il a épousé, le 15 du mois, dame O., de nationalité suisse, née en 1928, avec laquelle il vivait depuis le mois de février de la même année. Depuis cette date, il a vécu en Suisse au bénéfice d'une autorisation de séjour. Dès 1988, le couple B. a connu des difficultés en raison du comportement violent du mari et de la jalousie de son épouse. Une première ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale, du 30 mai 1989, a autorisé dame B. à vivre séparée de son mari pour six mois. Les époux ont toutefois continué la vie commune. Une seconde ordonnance de mesures protectrices du 30 octobre 1990 a autorisé dame B. à vivre séparée de son mari jusqu'au 31 mars 1991. Les époux vivent effectivement séparés depuis le 16 novembre 1990. Selon leurs dires, ils n'ont pas l'intention de divorcer.
L'Office cantonal de contrôle des habitants et de la police des étrangers du canton de Vaud a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de B. par décision du 19 juillet 1991 en raison de la séparation des époux. Par arrêt du 19 mars 1993, le Tribunal administratif du canton de Vaud a rejeté le recours déposé par B. contre cette décision. Il a considéré en particulier que rien ne permettait de penser que les époux formaient encore une véritable union conjugale et que la relative longue durée de séjour en Suisse de B. était insuffisante à justifier le renouvellement de son autorisation de séjour. Agissant par la voie du recours de droit administratif, B. demande au Tribunal fédéral de réformer la décision entreprise en ce sens que l'autorisation de séjour requise lui soit accordée.
BGE 121 II 97 S. 99
Le Tribunal administratif du canton de Vaud se réfère aux considérants de son arrêt. Le Service de la police administrative se rallie à la position du Tribunal administratif. L'Office fédéral des étrangers conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Par ordonnance du 26 mai 1993, le Président de la cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours. La IIe Cour de droit public a délibéré le 8 décembre 1994 et le 24 février 1995. A l'issue de la première séance, B. a été invité à se déterminer sur une lettre de son épouse, transmise au Tribunal fédéral, dans laquelle celle-ci affirme que son mari aurait eu, le 20 juillet 1994, un enfant illégitime d'une Suissesse. Dans ses déterminations du 26 janvier 1995, B. admet ce fait et précise qu'il vit avec la mère de l'enfant depuis trois ans en "véritable union conjugale". En plus des moyens développés dans son mémoire de recours, il invoque désormais l'art. 8
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IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) CEDH Art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale - 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
|
1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. |
2 | Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. |
Erwägungen
Extrait des considérants:
1. c) En matière de police des étrangers, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements sur l'état de fait et de droit existant au moment de la décision de dernière instance, donc de la décision fédérale (ATF 120 Ib 257 consid. 1f p. 262/3; ATF 118 Ib 145 consid. 2 p. 148; ATF 114 Ib 1 consid. b p. 4). Ces arrêts concernaient toutefois des cas où les décisions attaquées émanaient d'une autorité administrative. Dans le cas d'espèce, le recours de droit administratif est dirigé contre une décision d'une autorité judiciaire. Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est donc limité par l'art. 105 al. 2
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BGE 121 II 97 S. 100
si ceux-ci se sont modifiés après sa décision (ATF 107 Ib 167 consid. 1b p. 169 précité). Au surplus, les parties ne peuvent invoquer devant le Tribunal fédéral des faits nouveaux qu'elles auraient été en mesure - ou qu'il leur appartenait, en vertu de leur devoir de collaborer à l'instruction de la cause - de faire valoir devant la juridiction inférieure déjà (en l'espèce la nouvelle "union conjugale"). De tels allégués tardifs ne permettent pas de qualifier d'imparfaites, au sens de l'art. 105 al. 2
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2. L'art. 7 al. 1
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BGE 121 II 97 S. 101
considérations gardent toute leur valeur concernant le droit matériel qu'a le conjoint étranger d'obtenir une autorisation de séjour, si bien que celle-ci ne saurait être soumise à des conditions supplémentaires. Dès lors, seules les exceptions prévues à l'art. 7
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3. L'art. 7 al. 2
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SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 120 - 1 La liquidation du régime matrimonial est soumise aux dispositions sur le régime matrimonial. |
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1 | La liquidation du régime matrimonial est soumise aux dispositions sur le régime matrimonial. |
2 | Les époux divorcés cessent d'être les héritiers légaux l'un de l'autre.199 |
3 | Sauf clause contraire, les époux perdent tous les avantages résultant de dispositions pour cause de mort: |
1 | au moment du divorce; |
2 | au moment du décès si une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve du conjoint survivant est pendante.200 |
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SR 141.0 Loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse (LN) - Loi sur la nationalité LN Art. 3 Enfant trouvé - 1 L'enfant mineur de filiation inconnue trouvé en Suisse acquiert le droit de cité du canton dans lequel il a été trouvé et par là même la nationalité suisse. |
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1 | L'enfant mineur de filiation inconnue trouvé en Suisse acquiert le droit de cité du canton dans lequel il a été trouvé et par là même la nationalité suisse. |
2 | Le canton détermine le droit de cité communal qu'acquiert l'enfant. |
3 | Lorsque la filiation est constatée, l'enfant perd les droits de cité ainsi acquis s'il est encore mineur et ne devient pas apatride. |
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SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 120 - 1 La liquidation du régime matrimonial est soumise aux dispositions sur le régime matrimonial. |
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1 | La liquidation du régime matrimonial est soumise aux dispositions sur le régime matrimonial. |
2 | Les époux divorcés cessent d'être les héritiers légaux l'un de l'autre.199 |
3 | Sauf clause contraire, les époux perdent tous les avantages résultant de dispositions pour cause de mort: |
1 | au moment du divorce; |
2 | au moment du décès si une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve du conjoint survivant est pendante.200 |
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BGE 121 II 97 S. 102
commune a été de courte durée constituent des indices que les époux n'ont pas la volonté de créer une véritable union conjugale durable (cf. ATF 119 Ib 420; ATF 98 II 1 consid. 2c p. 7; PETER KOTTUSCH, Scheinehen aus fremdenpolizeilicher Sicht, ZBl 84/1983 p. 425, 432 ss). Pour que l'art. 7 al. 2
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BGE 121 II 97 S. 103
l'autorisation de séjour du conjoint étranger. Or, cela n'a précisément pas été voulu par le législateur (cf. consid. 2b et 3a ci-dessus). Même si on peut avoir quelques doutes quant au but poursuivi par le recourant lorsqu'il a contracté mariage avec une Suissesse, il n'en reste pas moins que les époux B. ont réellement formé une union conjugale, même si leur mariage a rapidement fait naufrage. Le mariage fictif n'étant pas suffisamment établi, il reste à examiner si le comportement du recourant consistant à invoquer un mariage qui n'existe plus que formellement pour obtenir une prolongation de son autorisation de séjour est constitutif d'un abus de droit.
4. Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution juridique est utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts que cette institution juridique ne veut pas protéger (voir à ce sujet HÄFELIN/MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, p. 133; IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, nos. 74 et 78, et les exemples dans RHINOW/KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, no 78). a) Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises que le fait d'invoquer l'art. 7 al. 1
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BGE 121 II 97 S. 104
suffit pas non plus qu'une procédure de divorce soit entamée; le droit à l'octroi ou à la prolongation d'une autorisation de séjour subsiste en effet tant que le divorce n'a pas été prononcé, car les droits du conjoint étranger ne doivent pas être compromis dans le cadre d'une telle procédure. Enfin, on ne saurait uniquement reprocher à des époux de vivre séparés et de ne pas envisager le divorce. Toutefois, il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger invoque un mariage n'existant plus que formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation de séjour, car ce but n'est pas protégé par l'art. 7
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b) Dans le cas d'espèce, le recourant invoque un mariage qui, selon ses propres déclarations, a cessé depuis longtemps d'exister. Il est établi et incontesté que les époux se sont séparés en novembre 1990 et qu'ils n'ont pas entrepris depuis d'efforts pour reprendre la vie commune. Le recourant ne s'acquitte d'aucune obligation civile envers son épouse. Qu'il invoque parallèlement son mariage et sa nouvelle union avec une autre Suissesse et l'enfant né de cette relation démontre également que son mariage est définitivement terminé depuis trois ans au moins et qu'il ne le maintient manifestement que pour obtenir une prolongation de son autorisation de séjour. Au demeurant, le fait même de se référer simultanément à deux unions "conjugales" pourrait être considéré comme un abus de droit. Indépendamment de ces nouveaux éléments, qui ne peuvent être pris en considération pour eux-mêmes pour les raisons susmentionnées (consid. 1c), les faits connus à l'époque de la décision cantonale déjà (notamment les circonstances de la conclusion du mariage et surtout l'absence totale de volonté de reprendre la vie commune depuis novembre 1990, le mariage étant manifestement maintenu artificiellement dans le but unique d'éviter au recourant de devoir rentrer en Turquie), s'ils ne suffisent pas à qualifier le mariage de fictif, démontrent en revanche clairement l'existence d'un abus de droit. Force est de constater que le recourant invoque abusivement l'art. 7 al. 1
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BGE 121 II 97 S. 105
mariage. Il est donc déterminant de savoir si l'abus de droit existait déjà avant l'écoulement de ce délai. C'est le cas en l'espèce. Le 15 octobre 1992, les époux étaient mariés depuis cinq ans. A cette époque toutefois, ils vivaient déjà séparés depuis près de deux ans et le mariage était maintenu, de l'aveu même de l'épouse, dans le seul but d'éviter au recourant de devoir retourner dans son pays d'origine. L'abus de droit existant déjà avant l'écoulement du délai de cinq ans, le recourant ne peut donc exiger une autorisation d'établissement sur la base de l'art. 7 al. 1
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