121 I 181
26. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 14 août 1995 dans la cause E. contre Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)
Regeste (de):
- Art. 4 BV; Beschlagnahme eines als Kaution aus dem Ausland überwiesenen Betrags.
- Die Beschlagnahme eines als Kaution aus Deutschland überwiesenen Betrags, von dem vermutet wird, dass er deliktisch erworben wurde, verletzt im vorliegenden Fall den Grundsatz von Treu und Glauben nicht (E. 2b). Mit einer derartigen Beschlagnahme dürfen indessen die Bestimmungen betreffend die internationale Rechtshilfe nicht umgangen werden (E. 2c).
Regeste (fr):
- Art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
- La saisie, comme produit présumé de l'infraction, d'une somme versée depuis l'Allemagne à titre de caution, ne viole pas en l'espèce le principe de la bonne foi (consid. 2b). Une telle saisie ne saurait toutefois permettre d'éluder les règles relatives à l'entraide judiciaire (consid. 2c).
Regesto (it):
- Art. 4 Cost.; Sequestro di una somma versata dall'estero a titolo di cauzione.
- Il sequestro, in quanto presunto prodotto dell'infrazione, di una somma versata dalla Germania a titolo di cauzione non viola, nel caso concreto, il principio della buona fede (consid. 2b). Tale sequestro non può tuttavia permettere di eludere i disposti di legge relativi all'assistenza giudiziaria (consid. 2c).
Sachverhalt ab Seite 182
BGE 121 I 181 S. 182
Ressortissant allemand, E. est en détention préventive depuis le 21 mars 1995, sous l'inculpation d'escroquerie par métier. Il lui est reproché d'avoir escroqué des investisseurs en Allemagne, pour plusieurs dizaines de millions de Deutschmark; aux termes d'un contrat de participation avec une société vaudoise, les investisseurs mettaient à disposition une certaine somme destinée à l'achat d'objets d'art et d'antiquités, et à leur revente avec bénéfice après restauration. En réalité, les fonds des nouveaux clients étaient utilisés pour rembourser les premiers investisseurs. Au sein de cette organisation, E. aurait fonctionné comme distributeur exclusif en Allemagne. Les commissions touchées à ce titre auraient constitué son unique revenu depuis le 19 juin 1991. A l'issue d'une audience du 10 mai 1995, le Juge informateur de l'arrondissement de Lausanne s'est déclaré prêt à libérer E. provisoirement moyennant le dépôt d'une caution de 100'000 fr. conformément aux art. 69 ss
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SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 69 Principes - 1 Les débats devant le tribunal de première instance et la juridiction d'appel de même que la notification orale des jugements et des décisions de ces tribunaux sont publics, à l'exception des délibérations. |
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1 | Les débats devant le tribunal de première instance et la juridiction d'appel de même que la notification orale des jugements et des décisions de ces tribunaux sont publics, à l'exception des délibérations. |
2 | Lorsque, dans ces cas, les parties ont renoncé à un prononcé en audience publique ou qu'une ordonnance pénale a été rendue, les personnes intéressées peuvent consulter les jugements et les ordonnances pénales. |
3 | Ne sont pas publics: |
a | la procédure préliminaire, les communications des autorités pénales au public étant réservées; |
b | la procédure devant le tribunal des mesures de contrainte; |
c | la procédure devant l'autorité de recours et, en tant qu'elle est menée par écrit, devant la juridiction d'appel; |
d | la procédure de l'ordonnance pénale. |
4 | Les débats publics sont accessibles à tous, les personnes de moins de seize ans devant toutefois avoir l'autorisation de la direction de la procédure pour y assister. |
BGE 121 I 181 S. 183
Sur recours du prévenu, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé ces décisions par deux arrêts rendus les 20 et 23 juin 1995. Agissant par la voie du recours de droit public, E. demande au Tribunal fédéral d'annuler ces arrêts et d'ordonner sa mise en liberté provisoire. Il se plaint notamment d'une interprétation arbitraire des art. 59
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SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 59 Décision - 1 Lorsqu'un motif de récusation au sens de l'art. 56, let. a ou f, est invoqué ou qu'une personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale s'oppose à la demande de récusation d'une partie qui se fonde sur l'un des motifs énumérés à l'art. 56, let. b à e, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves:23 |
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1 | Lorsqu'un motif de récusation au sens de l'art. 56, let. a ou f, est invoqué ou qu'une personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale s'oppose à la demande de récusation d'une partie qui se fonde sur l'un des motifs énumérés à l'art. 56, let. b à e, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves:23 |
a | par le ministère public, lorsque la police est concernée; |
b | par l'autorité de recours, lorsque le ministère public, les autorités pénales compétentes en matière de contraventions et les tribunaux de première instance sont concernés; |
c | par la juridiction d'appel, lorsque l'autorité de recours et des membres de la juridiction d'appel sont concernés; |
d | par le Tribunal pénal fédéral lorsque l'ensemble de la juridiction d'appel d'un canton est concerné. |
2 | La décision est rendue par écrit et doit être motivée. |
3 | Tant que la décision n'a pas été rendue, la personne concernée continue à exercer sa fonction. |
4 | Si la demande est admise, les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton. Si elle est rejetée ou qu'elle est manifestement tardive ou téméraire, les frais sont mis à la charge du requérant. |
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SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 70 Restriction de la publicité de l'audience et huis clos - 1 Le tribunal peut restreindre partiellement la publicité de l'audience ou ordonner le huis clos: |
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1 | Le tribunal peut restreindre partiellement la publicité de l'audience ou ordonner le huis clos: |
a | si la sécurité publique et l'ordre public ou les intérêts dignes de protection d'une personne participant à la procédure, notamment ceux de la victime, l'exigent; |
b | en cas de forte affluence. |
2 | En cas de huis clos, le prévenu, la victime et la partie plaignante peuvent être accompagnés de trois personnes de confiance au maximum. |
3 | Le tribunal peut, à certaines conditions, autoriser les chroniqueurs judiciaires et d'autres personnes justifiant d'un intérêt légitime à assister à des débats à huis clos au sens de l'al. 1. |
4 | Lorsque le huis clos a été ordonné, le tribunal notifie le jugement en audience publique ou, au besoin, informe le public de l'issue de la procédure sous une autre forme appropriée. |
Erwägungen
Extrait des considérants:
2. Dans son arrêt du 20 juin 1995, la cour cantonale considère que le nouveau magistrat saisi de la cause n'a pas commis d'abus de droit en saisissant la somme de 100'000 fr. en mains de l'avocat du recourant, car il y avait des indices sérieux que cette somme versée par l'épouse du recourant provienne du produit d'infractions, de sorte qu'il se justifiait de les saisir provisoirement. Le recourant se prévaut en bref d'une violation des règles de la bonne foi (art. 4
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SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
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SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
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ailleurs de juger du respect des règles de la bonne foi par l'administration selon des critères objectifs, indépendamment de la personne des agents en cause; aussi l'administration peut-elle être rendue responsable d'un comportement contradictoire, même si celui-ci est dû à des personnes différentes, au besoin à l'insu des unes et des autres (ATF 114 Ia 23 /24, 119 Ia 9 et 19). b) Il résulte de ce qui précède que, face au recourant, le comportement des deux magistrats successifs ayant conduit l'enquête est à attribuer à l'Etat comme s'il avait été accompli par le même magistrat. Il n'en résulte pas toutefois que le principe de la bonne foi ait été violé, dans le cas particulier, à l'égard du recourant. Contrairement à ce que soutient ce dernier, on ne saurait assimiler l'évocation, par le Juge informateur, d'une libération sous caution, à un "accord de procédure" liant le magistrat. Le recourant ne pouvait en particulier ignorer qu'une telle mesure devait encore faire l'objet d'une décision formelle (cf. arrêt non publié du 10 août 1995 relatif à la mise en liberté, consid. 3b). L'avis du juge informateur ne pouvait en tout cas constituer une assurance quant à l'affectation définitive de la somme qui pourrait être versée à titre de caution, de sorte que le recourant ne pouvait, à la seule évocation d'une libération contre caution, se croire à l'abri de l'application, prévisible, des règles relatives à la confiscation du produit de l'infraction et aux mesures provisoires à cet effet. Certes, lorsqu'il a laissé entrevoir la possibilité d'une libération contre caution, le magistrat ne pouvait pas ignorer que le recourant vivait uniquement, depuis 1991, des commissions perçues dans le cadre des faits qui lui sont reprochés; il pouvait toutefois raisonnablement compter avec la possibilité que l'argent destiné à servir de caution provienne d'une autre source ou d'autres personnes, comme c'est fréquemment le cas. L'appréciation juridique de la situation s'est fondamentalement modifiée lorsque l'autorité allemande a fait savoir que l'épouse du recourant avait vidé le contenu d'un safe détenu par le recourant. En effet, il devenait alors évident qu'on pouvait d'emblée suspecter que l'argent mis à disposition pour le paiement de la caution provenait d'une activité pouvant être tenue pour délictueuse. Compte tenu de ces circonstances, l'attitude des autorités d'instruction ne peut être considérée ni comme un piège tendu au recourant, ni même comme la violation d'une assurance donnée; elle ne viole pas le principe de la bonne foi à l'égard du prévenu. c) aa) La bonne foi doit également être respectée par les Etats dans l'accomplissement de leurs devoirs internationaux. Tel est en particulier
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le cas dans le respect des règles internationales régissant l'entraide judiciaire (ATF 119 Ib 71). C'est ainsi que la jurisprudence a sévèrement condamné des pratiques déloyales destinées à éluder les règles normales de l'entraide judiciaire (cf. l'arrêt non publié du Tribunal fédéral du 20 mars 1981, en la cause C., où, pour éluder l'impossibilité d'obtenir l'extradition d'un ressortissant de l'Etat de résidence, un Etat étranger avait tendu un piège à ce ressortissant pour le faire venir en Suisse, à laquelle l'extradition fut demandée, et qui la refusa; ASDI 1983 p. 228, cité in ATF 117 Ib 340; à ce sujet, cf. l'étude de SCHULTZ, Male captus, bene deditus in ASDI 1984 p. 93 ss., ainsi que les références citées dans l'ATF susmentionné). A cet égard, les Etats se doivent de respecter réciproquement leur souveraineté; ils méconnaîtraient cette règle s'ils se procuraient, par des moyens jugés objectivement déloyaux, des moyens de preuve ou des biens frappés de mesures conservatoires, en violation des règles régissant l'entraide internationale en matière pénale. bb) En l'espèce, l'Etat de Vaud est responsable d'un comportement qui a conduit le recourant et son épouse à transférer en Suisse une somme de 100'000 fr. sur la base de renseignements donnés par un magistrat, qui se sont révélés par la suite inexacts et ont permis la saisie de cette somme, contrairement à ce qui avait été envisagé et annoncé. Ce comportement a eu objectivement pour effet d'éluder les règles internationales relatives à l'entraide judiciaire, soit à soustraire à la souveraineté de la République fédérale d'Allemagne une somme d'argent de 100'000 fr. alors que des traités fixent les conditions auxquelles l'entraide judiciaire, notamment une saisie provisoire, est accordée. En effet, les relations entre les deux Etats sont régies à ce sujet par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.1) et par l'accord complémentaire à cette convention conclu entre les deux Etats le 13 novembre 1969 (RS 0.351.913.61), notamment en son art. II, avec les observations communes formulées par les deux Etats à cet égard. Même si le recourant n'a pas expressément invoqué cet argument sous cette forme, il s'en est prévalu implicitement en prétendant qu'il y avait violation des règles de la bonne foi et d'un engagement suisse à l'égard de l'Allemagne, qui fautivement n'aurait pas été tenu, de sorte que le Tribunal fédéral doit entrer en matière à ce sujet. La décision attaquée ne saurait être maintenue telle quelle en tant qu'elle permet d'éluder, par des moyens fallacieux, les engagements suisses à l'égard de l'Etat étranger - moyen que le particulier touché est aussi recevable à invoquer selon la
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jurisprudence (ATF 117 Ib 340 et la jurisprudence citée).
cc) Il sied de rétablir une situation conforme au droit international, ce qui n'empêche point de prévoir des mesures conservatoires. Il convient donc de rechercher si la saisie litigieuse pourrait être obtenue dans le respect des engagements internationaux de la Suisse. Le droit suisse autorise une saisie provisoire, destinée à assurer une confiscation éventuelle ultérieure (ATF 117 Ia 427 consid. 20a); de son côté, l'art. II de l'accord complémentaire germano-suisse prévoit aussi une entraide en cette matière. Aussi conviendra-t-il de rechercher si l'autorité allemande compétente est disposée à saisir les avoirs des époux E. provenant des ressources tirées de l'activité reprochée dans le cadre de la présente procédure, et si elle consent à la saisie de la somme de 100'000 fr. Si tel était le cas, rien ne s'opposerait au maintien de la saisie. A défaut, celle-ci devrait être levée; d'ordinaire, la levée d'une saisie pénale doit ménager les intérêts des lésés en leur permettant de solliciter du juge civil des mesures conservatoires (cf. ATF 120 Ia 122 consid. 2, 119 Ib 73/74); dans la présente hypothèse, un tel objectif ne saurait être recherché que dans le respect de la souveraineté de l'Etat étranger.