Urteilskopf

105 IV 25

7. Extraits de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 22 février 1979, dans la cause J. et C. C. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 26

BGE 105 IV 25 S. 26

A.- Dans le courant de l'année 1976 et jusqu'en avril 1977, les époux C. ont maltraité, négligé et traité avec cruauté leur fille T., née le 18 février 1969, dont ils avaient la charge et la garde. Ils l'ont notamment souvent frappée violemment et aveuglément, soit avec les mains, soit avec une ceinture. A diverses reprises, l'époux a arraché les cheveux de sa fille et il lui est arrivé de lui brûler les doigts soit avec des allumettes, soit en les appliquant sur une plaque de la cuisinière électrique, lui causant des brûlures au deuxième degré et des cloques.
Les deux époux, qui sont violents et colériques, ont fait valoir qu'ils avaient été poussés à agir par le fait que leur fille avait été conçue hors mariage. L'enfant a été hospitalisée et plusieurs rapports médicaux ont été établis. Après une première intervention de l'autorité qui avait espéré, en octobre 1976, une modification de l'attitude des époux, une hospitalisation de l'enfant a dû être ordonnée le 18 avril 1977 sur ordre d'un médecin qui a constaté que l'enfant avait à nouveau été battue. Le même jour, une ordonnance de retrait provisoire du droit de garde aux parents a été rendue par le juge de paix compétent. Le 18 avril au soir, les parents ont rendu visite à leur fille et ils l'ont emmenée le lendemain de force, malgré l'opposition des médecins, pour la conduire aussitôt en Espagne d'où ils sont originaires.
B.- Reconnus coupables de mauvais traitements et de négligence envers les enfants (art. 134 ch. 1 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP), les époux ont été condamnés, le mari à deux ans d'emprisonnement et l'épouse à deux ans et demi d'emprisonnement, tous deux étant expulsés du territoire suisse pour une durée de 15 ans. Ces peines ont été réduites par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud respectivement à 18 mois pour l'épouse et à un an pour le mari. Le jugement précédent a été maintenu pour le surplus.
Erwägungen

Extraits des considérants:

1. a) Se référant tout d'abord aux constatations médicales faites dans la présente espèce et aux arrêts rendus par le Tribunal fédéral dans les affaires Piquerez (ATF 80 IV 102) et Annen (ATF 85 IV 125), les recourants font valoir que les traces constatées
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sur l'enfant sont assimilables à des lésions corporelles, qu'elles ne peuvent être considérées comme graves, que ces lésions sont en tout point semblables à celles décrites dans l'arrêt Annen en ce sens qu'elles sont éminemment superficielles et susceptibles de guérir dans un laps de temps de quelques jours. Comme l'enfant a cependant été visiblement incapable de résister, ils admettent devoir être punis sur la base de l'art. 123 ch. 1 al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 123 - 1. Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    L'auteur est poursuivi d'office,
CP. b) Il n'est ni contesté ni contestable qu'il y a en l'espèce mauvais traitements et actes de cruauté. Il n'est pas contesté non plus que les atteintes portées à l'enfant constituent des lésions corporelles au sens de l'art. 123 ch. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 123 - 1. Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    L'auteur est poursuivi d'office,
CP et de la jurisprudence distinguant ces lésions des simples voies de fait (cf. ATF 103 IV 70 et arrêts cités). La jurisprudence instaurée par l'arrêt Piquerez (ATF 80 IV 105 /106) a cependant considéré qu'en matière de mauvais traitement des enfants, au sens de l'art. 134
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP, la notion d'atteinte à la santé visée par cette disposition a une portée moins étendue que la notion de lésion corporelle, qui vise, outre l'atteinte à la santé, l'atteinte à l'intégrité corporelle. Ainsi, s'il n'y a pas eu atteinte à la santé, l'existence d'une atteinte à l'intégrité corporelle de l'enfant, même constitutive de lésions corporelles - et pour autant que l'une des autres conditions d'application de l'art. 134
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
ne soit pas réalisée -, ne tombe pas sous le coup de l'art. 134
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
, mais seulement de l'art. 123
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 123 - 1. Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    L'auteur est poursuivi d'office,
CP. Quant à l'atteinte à la santé, elle implique l'existence d'un trouble d'une certaine importance. Cette jurisprudence est fondée d'une part sur l'interprétation comparative des textes des art. 123
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 123 - 1. Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    L'auteur est poursuivi d'office,
et 134
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP et d'autre part sur le caractère plus restrictif qui doit être reconnu à l'art. 134 ch. 1 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP en raison de la peine plus lourde - emprisonnement pour un mois au moins - qu'il prévoit. Les autres arrêts rendus par le Tribunal fédéral en la matière n'ont pas remis - ou pas eu à remettre - cette jurisprudence en question (cf. arrêt Keller, du 20 mars 1956, ZR 55 (1956), p. 269-271; ATF 85 IV 126, ATF 98 IV 185).
Cette jurisprudence n'est pas satisfaisante, aussi n'a-t-elle pas manqué de soulever, à plus d'un titre, les critiques d'une partie de la doctrine (cf. FEHR, in RPS 79 (1963), p. 173 ss; BRÜHSCHWEILER, Misshandlung und Vernachlässigung von Kindern und Jugendlichen, thèse Zurich 1963, pp. 97-99; STRATENWERTH, Bes. Teil I, 2e éd., p. 85). Il faut bien admettre que
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la justification de son caractère restrictif par la référence au minimum plus élevé de la peine prévue à l'art. 134 ch. 1
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CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP, n'emporte guère la conviction; la relative sévérité de cette disposition légale trouve en effet avant tout sa justification dans la protection accrue qui doit être accordée aux enfants, à l'égard de ceux qui en ont la charge et auxquels ils sont soumis, en raison des répercussions plus profondes que peuvent avoir des lésions provoquées par des adultes dominants, et non évidemment dans la volonté d'appliquer cette disposition de manière restrictive (cf., à cet égard, un arrêt zurichois, in ZR 54 (1955), no 137, p. 273). De plus, la distinction qui devrait être faite entre les lésions corporelles selon qu'elles portent ou non une atteinte d'une certaine importance à la santé se révèle imprécise, peu sûre et artificielle. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter à la jurisprudence relative à la distinction entre lésions corporelles et voies de fait (ATF 103 IV 70 et arrêts cités) dans laquelle on cherche précisément à différencier ces deux sortes d'atteintes par les effets plus ou moins importants qu'elles exercent sur la santé. Ce qui précède, joint aux circonstances de l'espèce, démontre que cette jurisprudence ne peut être maintenue et qu'il convient dorénavant de considérer que tout mauvais traitement constitutif de lésions corporelles représente par définition une atteinte à la santé et tombe sous le coup de l'art. 134 ch. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP, lorsqu'il est infligé à un enfant de moins de seize ans dont l'auteur a la garde. De toute manière, même si l'on s'en tenait à la jurisprudence restrictive exposée dans l'arrêt Piquerez, on devrait admettre que les lésions subies par l'enfant C. ont porté à sa santé le trouble d'une certaine importance entraînant l'application de l'art. 134
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP. Cela est non seulement vrai à propos des brûlures infligées à la fillette (des brûlures même au deuxième degré, de par leurs effets et leurs traces s'étendant sur quelques jours, constituent des atteintes non négligeables à la santé); mais cela l'est aussi pour les coups et sévices répétés dont l'enfant a été victime. Les nombreuses traces laissées par ces coups, ainsi que la fréquence et la répétition de ceux-ci, excluent que l'on puisse qualifier de relativement peu importante l'atteinte qu'ils ont portée à la santé de la fillette. Si l'on applique en outre l'art. 134
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP sous l'angle, non plus de l'atteinte effective à la santé, mais sous celui de la grave mise en danger de la santé ou du développement intellectuel de l'enfant,
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on constate que cette autre forme de l'infraction est également réalisée. Il ressort en effet de l'expérience et des données médicales que les effets de mauvais traitements sur le développement intellectuel et moral des enfants peuvent être très graves (cf. FEHR, op.cit., p. 181; BRÜHSCHWEILER, op.cit., p. 9/10; HEGNAUER, Berner Kommentar, n. 16 et 23 ad art. 278
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 278 - 1 Pendant le mariage, les père et mère supportent les frais d'entretien conformément aux dispositions du droit du mariage.
1    Pendant le mariage, les père et mère supportent les frais d'entretien conformément aux dispositions du droit du mariage.
2    Chaque époux est tenu d'assister son conjoint de façon appropriée dans l'accomplissement de son obligation d'entretien envers les enfants nés avant le mariage.
CC). Ces effets et les risques qu'ils font courir sont multipliés en cas de répétition des mauvais traitements, au point de constituer alors incontestablement une grave mise en danger au sens de la loi.
Ainsi tant sous l'angle de l'atteinte à la santé que sous celui de la grave mise en danger du développement intellectuel de la victime, les éléments constitutifs de l'art. 134 ch. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP sont pleinement réalisés à la charge de chacun des deux recourants tant au regard de l'ancienne que de la nouvelle jurisprudence. C'est donc à juste titre qu'ils ont été condamnés en application de cette disposition.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 105 IV 25
Date : 22 février 1979
Publié : 31 décembre 1980
Source : Tribunal fédéral
Statut : 105 IV 25
Domaine : ATF - Droit pénal et procédure penale
Objet : Art. 123 ch. 1 al. 2, art. 134 ch. 1 al. 1 CP. Tout mauvais traitement constitutif de lésions corporelles représente une
Classification : Changement de Jurisprudence


Répertoire des lois
CC: 278
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 278 - 1 Pendant le mariage, les père et mère supportent les frais d'entretien conformément aux dispositions du droit du mariage.
1    Pendant le mariage, les père et mère supportent les frais d'entretien conformément aux dispositions du droit du mariage.
2    Chaque époux est tenu d'assister son conjoint de façon appropriée dans l'accomplissement de son obligation d'entretien envers les enfants nés avant le mariage.
CP: 123 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 123 - 1. Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    L'auteur est poursuivi d'office,
134 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 134 - Quiconque participe à une agression dirigée contre une ou plusieurs personnes au cours de laquelle l'une d'entre elles ou un tiers trouve la mort ou subit une lésion corporelle est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
134n
Répertoire ATF
103-IV-65 • 105-IV-25 • 80-IV-102 • 85-IV-125 • 98-IV-184
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
allumette • atteinte à l'intégrité • atteinte à la santé • avis • berne • cour de cassation pénale • doctrine • droit de garde • décision • emprisonnement • espagne • juge de paix • lésion corporelle • mauvais traitement • membre d'une communauté religieuse • mois • non-évidence • pourvoi en nullité • provisoire • quant • rapport médical • tennis • tombe • tribunal cantonal • tribunal fédéral • vaud • voies de fait