Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour I
A-294/2010
Arrêt du 31 octobre 2011
Alain Chablais (président du collège),
Composition Kathrin Dietrich, Claudia Pasqualetto Péquignot, juges,
Virginie Fragnière Charrière, greffière.
Département de l'intérieur et de la mobilité de la République et Canton de Genève,Département du territoire, Direction générale de la nature et du paysage, 7, rue des Battoirs, 1205 Genève,
Parties représenté par Michèle Künzler, 2, rue de l'Hôtel-de-Ville, 1204 Genève,
recourant,
contre
Office fédéral de l'environnement OFEV, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Objet Autorisation de rempoissonnement.
Faits :
A.
Le 15 octobre 2009, le Département de l'intérieur et de la mobilité de la République et Canton de Genève, agissant par sa Direction générale de la nature et du paysage, a demandé à l'Office fédéral de l'environnement OFEV l'autorisation d'introduire dans le Rhône, en aval du lac Léman, ainsi que dans l'Arve genevoise, d'une part des truites farios originaires du Doubs, de l'Ain et/ou du Rhône hors bassin lémanique (aval de Génissiat), et d'autre part des truites arc-en-ciel.
B.
L'OFEV a, dans une décision du 1er décembre 2009, refusé ces deux autorisations, le Département de l'intérieur et de la mobilité de la République et Canton de Genève n'ayant, de son point de vue, pas prouvé que l'introduction de truites farios étrangères à la région et de truites arc-en-ciel serait sans danger pour la faune et la flore indigènes, ni qu'elle n'entraînerait aucune modification indésirable de la faune. Outre la motivation de son refus, l'OFEV a évoqué l'introduction de truites farios triploïdes comme solution alternative susceptible d'apporter satisfaction à toutes les parties.
C.
Par mémoire déposé le 18 janvier 2010, le Département de l'intérieur et de la mobilité de la République et Canton de Genève (ci-après le recourant) a recouru contre dite décision devant le Tribunal administratif fédéral. Arguant que des truites arc-en-ciel sont déjà présentes dans les cours d'eau genevois, ensuite de leur introduction régulière dans les affluents de l'Arve et sur le tronçon limitrophe du Rhône, depuis plus de 60 ans, par les responsables de la pêche français, et qu'aucun impact négatif sur la faune et la flore n'a été identifié du fait de cette présence, le recourant conteste le refus de l'autorité inférieure dans sa décision précitée du 1er décembre 2009. Il a conclu à son annulation et à l'octroi d'une "autorisation, pour une durée de trois ans (soit de 2010 à 2012), au canton de Genève d'introduire dans le Rhône et l'Arve genevois, une tonne de truites arc-en-ciel (Oncorynchus mykiss) de mesure chaque année, avec remise à l'eau au printemps et en automne".
Invitéà répondre au recours, l'OFEV (ci-après l'autorité inférieure) a conclu à son rejet le 19 mars 2010.
D.
Le 23 avril 2010, le recourant a maintenu l'argumentation de son mémoire de recours précité, soulignant que, de son point de vue, le repeuplement en truites arc-en-ciel pratiqué de longue date hors du territoire genevois, ainsi que,avant l'entrée envigueur de l'ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche, dans les eaux genevoises et de nombreuses autres rivières du bassin lémanique, était resté sans conséquences négatives.
Le recourant a également sollicité qu'une expertise indépendante portant en particulier sur l'évaluation du risque de compétition interspécifique ainsi que des impacts sur la faune et la flore indigène soit ordonnée par le Tribunal.
E.
Dans sa duplique du 27 mai 2010, l'autorité inférieure a estimé que la réplique du recourant du 23 avril 2010 n'apportait aucun élément nouveau et confirmé son argumentation du 19 mars 2010.
F.
Par ordonnance du 1er juin 2010, le Tribunal a imparti au recourant un délai jusqu'au 2 juillet 2010, ensuite prolongé au 2 août 2010, pour produire l'expertise d'un bureau spécialisé à laquelle il avait fait référence dans son recours du 18 janvier 2010.
Le 5 août 2010, le Tribunal a accusé réception de l'expertise susmentionnée, constituée de deux rapports, respectivement intitulés "Rempoissonnement en truites arc-en-ciel dans le Rhône et l'Arve genevois. Impacts potentiels sur la flore et la faune" [daté de juillet 2010], et "Biologie de la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) dans le Rhône genevois et le Léman. Repeuplement, captures, reproduction" [daté du 30 juillet 2010].
Dite expertise a été transmise à l'autorité inférieure pour observations ce même 5 août 2010.
G.
Dans ses observations du 21 septembre 2010, l'autorité inférieure soutient que l'expertise susmentionnée n'apporte pas la preuve que l'introduction de truites arc-en-ciel dans le Rhône et l'Arve genevois resterait sans modification indésirable de la faune.
H.
Par ordonnance du 23 septembre 2010, la cause a été gardée à juger.
I.
Les autres faits et arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans les considérants en droit du présent arrêt.
Droit :
1.
1.1. Aux termes des art. 31

SR 173.32 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) LTAF Art. 31 Principe - Le Tribunal administratif fédéral connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)20. |

SR 173.32 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) LTAF Art. 33 Autorités précédentes - Le recours est recevable contre les décisions: |

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 5 - 1 Sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet: |
|
1 | Sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet: |
a | de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations; |
b | de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations; |
c | de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations. |
2 | Sont aussi considérées comme des décisions les mesures en matière d'exécution (art. 41, al. 1, let. a et b), les décisions incidentes (art. 45 et 46), les décisions sur opposition (art. 30, al. 2, let. b, et 74), les décisions sur recours (art. 61), les décisions prises en matière de révision (art. 68) et d'interprétation (art. 69).25 |
3 | Lorsqu'une autorité rejette ou invoque des prétentions à faire valoir par voie d'action, sa déclaration n'est pas considérée comme décision. |
L'OFEV est une unité de l'administration fédérale centrale (cf. annexe 1 de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 25 novembre 1998 [OLOGA; RS 172.010.1] par renvoi de son
art. 8 al. 1 let. a

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 8 - 1 L'autorité qui se tient pour incompétente transmet sans délai l'affaire à l'autorité compétente. |
|
1 | L'autorité qui se tient pour incompétente transmet sans délai l'affaire à l'autorité compétente. |
2 | L'autorité qui tient sa compétence pour douteuse ouvre sans délai un échange de vues avec l'autorité qu'elle considère comme compétente. |

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 5 - 1 Sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet: |
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1 | Sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet: |
a | de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations; |
b | de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations; |
c | de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations. |
2 | Sont aussi considérées comme des décisions les mesures en matière d'exécution (art. 41, al. 1, let. a et b), les décisions incidentes (art. 45 et 46), les décisions sur opposition (art. 30, al. 2, let. b, et 74), les décisions sur recours (art. 61), les décisions prises en matière de révision (art. 68) et d'interprétation (art. 69).25 |
3 | Lorsqu'une autorité rejette ou invoque des prétentions à faire valoir par voie d'action, sa déclaration n'est pas considérée comme décision. |

SR 173.32 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) LTAF Art. 32 Exceptions - 1 Le recours est irrecevable contre: |
1.2.
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi (art. 50

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 50 - 1 Le recours doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision. |
|
1 | Le recours doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision. |
2 | Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps. |

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 52 - 1 Le mémoire de recours indique les conclusions, motifs et moyens de preuve et porte la signature du recourant ou de son mandataire; celui-ci y joint l'expédition de la décision attaquée et les pièces invoquées comme moyens de preuve, lorsqu'elles se trouvent en ses mains. |
|
1 | Le mémoire de recours indique les conclusions, motifs et moyens de preuve et porte la signature du recourant ou de son mandataire; celui-ci y joint l'expédition de la décision attaquée et les pièces invoquées comme moyens de preuve, lorsqu'elles se trouvent en ses mains. |
2 | Si le recours ne satisfait pas à ces exigences, ou si les conclusions ou les motifs du recourant n'ont pas la clarté nécessaire, sans que le recours soit manifestement irrecevable, l'autorité de recours impartit au recourant un court délai supplémentaire pour régulariser le recours. |
3 | Elle avise en même temps le recourant que si le délai n'est pas utilisé, elle statuera sur la base du dossier ou si les conclusions, les motifs ou la signature manquent, elle déclarera le recours irrecevable. |
2.
2.1.
Selon l'art. 49

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 49 - Le recourant peut invoquer: |
|
a | la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation; |
b | la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents; |
c | l'inopportunité: ce grief ne peut être invoqué lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours. |

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 12 - L'autorité constate les faits d'office et procède s'il y a lieu à l'administration de preuves par les moyens ci-après: |
|
a | documents; |
b | renseignements des parties; |
c | renseignements ou témoignages de tiers; |
d | visite des lieux; |
e | expertises. |
En principe, le Tribunal est tenu d'exercer complètement ("ausschöpfen") son pouvoir d'examen, sous peine de déni de justice formel (Benjamin Schindler in: Kommentar VwVG, Zurich, St-Gall, p. 669, n. 21 ad
art. 49

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 49 - Le recourant peut invoquer: |
|
a | la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation; |
b | la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents; |
c | l'inopportunité: ce grief ne peut être invoqué lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours. |
n. 2.154 ss).
2.2. C'est le lieu de rappeler que le principe de la maxime inquisitoire n'a aucune influence sur la répartition du fardeau de la preuve, qui répond en principe aux règles usuelles (arrêt du TAF A-5584/2008 du 11 juin 2010 consid. 1.2.2; décision 2003-108 de la commission fédérale de recours en matière de contributions [CRC] du 15 juin 2004 in: Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 68.155 consid. 3a; Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., p.166 s, n. 3.149 ss). Ainsi, si la conviction de l'autorité n'est pas acquise sur la base des preuves à disposition, il convient, sauf règle spéciale, d'appliquer par analogie
l'art. 8

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. |
A-1557/2006 du 3 décembre 2009 consid. 1.6 et A-680/2007 du
8 juin 2009 consid. 5).
3.
A son art. 1er

SR 923.0 Loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche (LFSP) LFSP Art. 1 But - 1 La présente loi a pour but: |
RS 923.0) dit avoir notamment pour but de préserver ou d'accroître la diversité naturelle et l'abondance des espèces indigènes de poissons, d'écrevisses, d'organismes leur servant de pâture ainsi que de protéger, d'améliorer ou, si possible, de reconstituer leurs biotopes (let. a), de protéger les espèces et les races de poissons et d'écrevisses menacées, d'assurer l'exploitation à long terme des peuplements de poissons et d'écrevisses (let. c).
D'après l'art. 6 al. 1 let. a LFSP, une autorisation de la Confédération est nécessaire pour importer et introduire dans les eaux suisses des espèces, des races ou des variétés de poissons étrangères au pays. L'art. 6 al. 1 de l'ordonnance relative à la loi fédérale sur la pêche du
24 novembre 1993 (OLFP, RS 923.01) dispose que par "poissons étrangers au pays", on entend les espèces, races et variétés qui ne sont pas répertoriées à son annexe 1. Ne figurant pas dans ladite annexe mais dans l'annexe 2 de l'OLFP, la truite arc-en-ciel est par conséquent un poisson étranger au pays, au sens précité. Il s'ensuit que son introduction est en principe soumise à autorisation, réserve faite des exceptions prévues à l'art. 8

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 8 Exemption d'autorisation - 1 Une autorisation pour l'importation selon l'art. 6, al. 1, de la loi n'est pas nécessaire pour: |

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 8 Exemption d'autorisation - 1 Une autorisation pour l'importation selon l'art. 6, al. 1, de la loi n'est pas nécessaire pour: |
Conséquemment, le litige revient à déterminer si c'est à bon droit que l'autorité inférieure n'a pas admis la réalisation des conditions de
l'art. 6 al. 2 LFSP et refusé au recourant l'autorisation d'introduire des truites arc-en-ciel dans le Rhône et dans l'Arve genevois.
4.
D'après l'autorité inférieure, l'immersion de truites arc-en-ciel est acceptable uniquement lorsqu'elle a lieu dans un domaine d'introduction autorisé, en milieu hydrologique fermé et que les mesures nécessaires contre l'évasion sont prises. Toujours selon l'autorité inférieure, l'immersion de truites arc-en-ciel est dans tous les autres cas considérée comme susceptible de générer une "modification indésirable de la faune", au sens de l'art. 6 al. 2 let. b LFSP. Le recourant soutient qu'il s'agit là d'une interprétation contraire à la LFSP, l'art. 6 al. 2 de cette loi ne pouvant alors plus trouver application pour l'immersion de truites arc-en-ciel en milieu ouvert. Pareille argumentation ne saurait cependant être retenue pour les motifs qui suivent.
4.1. L'art. 6 al. 2 let. b LFSP dispose clairement que, pour obtenir l'autorisation demandée, le requérant doit apporter la preuve que l'introduction de truites arc-en-ciel dans le Rhône et l'Arve genevois n'entraînera pas une modification indésirable de la faune. S'agissant des truites arc-en-ciel, qui figurent à l'annexe 2 de l'OFLP (cf. consid. 3 ci-dessus), l'art. 7

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 7 Conditions pour l'octroi d'une autorisation - Les conditions de l'art. 6, al. 2, de la loi sont en général remplies lorsque: |
La présomption réfragable se distingue de la présomption irréfragable qui, absolue, peut donc fonder, à elle seule les conclusions d'une décision administrative ou judiciaire (ATF 133 IV 142, 143 s consid. 2.3). L'autorité n'a alors pas à examiner les moyens de preuves avancés contre un fait irréfragablement présumé. En l'espèce, l'autorité inférieure ne s'est pas comportée comme si la présomption posée aux art. 6 al. 2 let. b LFSP et 7 let. b OLFP était irréfragable. Elle ne s'est pas contentée d'affirmer que l'introduction de truites arc-en-ciel dans le Rhône et l'Arve genevois était absolument inadmissible de par la loi. Elle a au contraire examiné les allégués du recourant - essentiellement d'ordre "socio-halieutique - et a considéré que ceux-ci n'étaient pas suffisamment convaincants pour autoriser une introduction d'espèces étrangères au pays. Par ailleurs, l'autorité inférieure a produit sept décisions concernant cinq cantons qui, rendues entre 1997 et 2008, ont autorisé l'introduction de truites arc-en-ciel hors les domaines définis à l'annexe 2 OLFP, en milieu hydrologiquement ouvert. Enfin et surtout, dans le cas d'espèce, la décision attaquée propose, comme solution alternative, d'autoriser l'introduction de truites farios triploïdes.
4.2. L'absence de modification indésirable de la faune ensuite de l'introduction de truites arc-en-ciel dans le Rhône et l'Arve genevois est un fait négatif. Celui qui entend se prévaloir d'un tel fait ne doit généralement pas en apporter la preuve stricte; il lui suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante (arrêt du TF 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.3). Dans le cas d'espèce, le recourant a produit un graphique empirique qui compare le taux de récupération des truites de mesure (art. 2 al. 2

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 2 Longueurs minimales - 1 Les poissons et les écrevisses énumérés ci-après ne peuvent être pêchés que s'ils ont atteint au moins la longueur suivante: |
Les deux rapports qui constituent l'expertise déposée par le recourant revêtent un caractère scientifique car, se fondant sur des faits établis, des données et d'autres études, notamment, ils contiennent des démonstrations, soit des raisonnements qui aboutissent à des conclusions. Cela dit, une preuve scientifique ne peut être admise que si le juge a la conviction qu'elle donne un résultat certain ou tout au moins qu'elle conduit à une quasi-certitude. Aussi ne peut-on admettre une preuve scientifique que si elle s'impose à la généralité des spécialistes avec une évidence suffisante pour que, dans la branche considérée, elle soit reconnue comme sûre. Sans faire nécessairement l'unanimité, elle doit être admise par l'opinion générale des milieux scientifiques intéressés. Ce n'est que si cette condition première est réalisée que les tribunaux, après avoir éventuellement encore pris l'avis d'experts, pourrontimposer cette preuve comme une méthode sûre, reconnue et éprouvée. Tant qu'une méthode demeure controversée, qu'elle n'est appliquée que par un nombre restreint de spécialistes, la plus grande retenue est de rigueur et les tribunaux ne peuvent s'y référer (ATF 98 II 265, 271 s consid. III.5).
4.3.
4.3.1. Le rapport 1 conclut au respect des conditions de l'art. 6 al. 2 LFSP, motifs pris que le déversement annuel dans le Rhône et l'Arve genevois, effectué entre 1969 et 1994, d'environ une tonne de truites arc-en-ciel n'avait pas permis à l'espèce de s'y reproduire, qu'il n'y a pas de risque significatif de perturbation des biocénoses indigènes en raison de l'état très dégradé des cours d'eau concernés, et qu'en raison d'un cloisonnement biologique provoqué par les installations hydroélectriques sur le Rhône et l'Arve, le risque de voir les déversements prévus coloniser des milieux sensibles en quantité significative est très limité, voire nul.
L'autorité inférieure fait valoir à cet égard que, de manière générale, la truite arc-en-ciel peut rester discrète pendant des années au sein d'un milieu naturel, puis développer subitement un comportement invasif, par exemple suite à une modification de ce milieu ou de la génétique de la souche immergée. Or, le nouveau régime d'exploitation des paliers hydroélectriques qui a cours depuis quelques années (double modulation) a fortement modifié l'environnement du Rhône. De sorte que l'introduction de truites arc-en-ciel dans le Rhône pourrait induire une irruption soudaine de l'espèce, avec pour corollaire le risque de voir disparaître la truite indigène. Cette affirmation est confirmée par la littérature scientifique (Kurt D. Fausch, Introduction, establishment and effects of non-native salmonids: considering the risk of rainbow trout invasion in the United Kingdom, in: Journal of Fish Biology, Vol. 71, London 2007, p. 1 ss). Les observations faites entre 1969 et 1994, selon lesquelles le déversement annuel dans le Rhône et l'Arve genevois, effectué entre 1969 et 1994, d'environ une tonne de truites arc-en-ciel n'aurait pas permis à l'espèce de s'y reproduire, n'ont donc pas de force probante allant dans un sens contraire.
Cela étant, le rapport 1 conclut également que l'introduction demandée par le recourant aurait pu influencer négativement les populations salmonicoles sauvage, mais que ce risque est toutefois théorique, dites populations n'étant plus présentes, "sauf pour l'ombre dont il faudra suivre le développement dans l'Arve ces prochaines années". Cette dernière conclusion est contredite par la législation sur la pêche. En effet, à teneur de l'annexe 1 OLFP, l'ombre de rivière est une espèce indigène menacée protégée à l'échelle européenne selon la Convention du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe(Convention de Berne, RS 0.455, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er juin 1982 [RO 1982 802]). Il s'ensuit que le rapport 1 lui-même aboutit au constat que l'introduction de truites arc-en-ciel dans l'Arve genevois violerait l'art. 6 al. 2 LFSP.
Dans ses conclusions, le rapport 2 admet lui aussi que "le déversement de truites arc-en-ciel dans l'Arve nécessiterait des précautions supplémentaires dans la mesure où ce cours d'eau abrite des populations de truites et d'ombres susceptibles de se reproduire naturellement ainsi que d'autres espèces patrimoniales comme le spirlin ou le blageon. En outre, cette rivière comporte actuellement à la fois des zones de graviers favorables au frai - qui sont en cours de reconstitution - et quelques zones de grossissement favorables aux salmonidés [indigènes]. Enfin, une amélioration de la qualité physico-chimique des eaux de l'Arve est également encore possible au cours des années". Il concède également que des truites arc-en-ciel introduites dans le Rhône genevois pourraient amener plusieurs géniteurs dans ses affluents ou dans ceux du Léman, précisant que le repeuplement avec cette espèce devrait alors être arrêté. Ainsi, à la lecture du rapport, il apparaît que l'on doit s'abstenir d'introduire des truites arc-en-ciel non seulement dans l'Arve, mais aussi dans l'Arve genevois. C'est dire que le rapport 2, et par là-même la propre argumentation du recourant, admet en l'espèce le non-respect de l'art. 6 al. 2 LFSP et le refus de l'autorisation sollicitée.
4.4. Il faut déduire de ce qui précède que le recourant n'a pas apporté la preuve du respect des conditions posées à l'art. 6 al. 2 LFSP. Il ne suffit en effet pas de se référer aux pratiques passées en matière d'immersion et de leur absence d'impact négatif pour conclure automatiquement à l'absence future de risque de modification indésirable de la faune.
5.
D'après le recourant, l'immersion de truites arc-en-ciel dans le Rhône et l'Arve genevois permettrait une meilleure protection des souches de truites indigènes dans d'autres cours d'eau. Cela serait en particulier le cas pour l'Allondon et la Versoix, rivières qui seraient surexploitées et où la pression de la pêche serait importante malgré une réglementation extrêmement restrictive. L'autorité écarte cet argument en avançant à raison les trois motifs qui suivent.
D'après le rapport 1, il est probable que l'introduction de truites arc-en-ciel envisagée par le recourant aurait un certain effet de délestage, surtout en ce qui concerne l'Allondon; un effet qu'il n'est toutefois "guère possible de quantifier actuellement". Ce même rapport ajoute que pour renforcer la cohérence des objectifs de protection du recourant, il serait aussi nécessaire d'intervenir directement sur les milieux sensibles, en particulier sur l'Allondon.
L'autorité inférieure soutient que la pêche à la ligne pratiquée dans le Rhône urbain et l'Arve genevoise et celle à la mouche qui a cours dans l'Allondon ou la Versoix sont des activités halieutiques différentes en termes d'aptitudes et de matériel. De sorte qu'elles visent généralement deux groupes de pêcheurs distincts. L'autorité précité constate également que l'introduction de truites arc-en-ciel dans des étangs fermés, qui a été accordée après la demande faite par le canton de Genève le 23 décembre 1998, n'a pas permis de diminuer la pression de la pêche sur l'Allondon et la Versoix, dont fait mention le recourant. Pareils arguments ne manquent pas de pertinence.
Cela étant, quand bien même l'immersion de truites dans le Rhône et l'Arve genevois permettrait une meilleure protection des souches de truites indigènes dans d'autres cours d'eau, cela ne suffirait pas à justifier l'introduction de truites arc-en-ciel, étrangères au pays (voir ci-dessous consid. 6).
C'est par ailleurs le lieu de rappeler au recourant que la protection légitime des truites indigènes de l'Allondon et de la Versoix pourrait - et devrait (art. 1er al. 2

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 1 Périodes de protection - 1 Pour les poissons et écrevisses énumérés ci-après, la période de protection dure au moins: |

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 2 Longueurs minimales - 1 Les poissons et les écrevisses énumérés ci-après ne peuvent être pêchés que s'ils ont atteint au moins la longueur suivante: |
6.
Le recourant soutient que l'immersion de truites arc-en-ciel permet une meilleure exploitation du potentiel halieutique du Rhône et de l'Arve genevois. Selon lui, ces cours d'eau n'offrent plus les conditions nécessaires à la reproduction des truites indigènes, notamment à cause de l'impact de l'exploitation hydroélectrique due à la présence de trois barrages avec de fortes modulations, de celui des moules zébrées dans le Rhône urbain, qui tapissent le fond du cours d'eau, et du manque de gravier résultant de la surexploitation de l'Arve française. A cela s'ajouterait le fait que le Rhône et l'Arve genevois ne présenteraient pas de bonnes conditions pour le grossissement des truites en raison de la pression des oiseaux piscivores en hiver, de la pollution domestique en étiage hivernal dans l'Arve française et genevoise, et de la température trop élevée dans le Rhône urbain en été.
Le recourant entend ici justifier sa volonté d'offrir, par l'immersion de truites arc-en-ciel non triploïdes, espèce étrangère au pays, une pêche urbaine populaire et attrayante à la population genevoise. Cette pêche, telle que décrite, revêt peut-être un intérêt public. Toutefois, la législation fédérale sur la pêche reconnaît clairement un intérêt public prépondérant dans la préservation des espèces indigènes (art. 5

SR 923.0 Loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche (LFSP) LFSP Art. 5 Espèces et races menacées - 1 Le Conseil fédéral désigne les espèces et les races de poissons et d'écrevisses qui sont menacées. |

SR 923.01 Ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la pêche (OLFP) OLFP Art. 5 Mesures pour la protection des espèces et races menacées - 1 Par espèces et races menacées (art. 5, al. 1, de la loi), on entend les poissons et les écrevisses énumérés à l'annexe 1 et ayant un statut de menace de 1 à 4. |
Si, en revanche, il apparaît qu'une espèce de truites étrangère au pays ne menace pas la flore et la faune indigènes, ni n'a d'impacts indésirables sur la faune, aucun intérêt public contraire, du moins au titre de la législation fédérale sur la pêche, ne s'oppose alors à l'intérêt public que les pêcheurs genevois ont à voir cette espèce introduite dans un milieu hydrologique ouvert. C'est en ce sens que doit se comprendre la possibilité évoquée par l'autorité inférieure d'autoriser l'introduction de truites farios triploïdes dans le Rhône et l'Arve genevois .
7.
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Aucun frais de procédure n'est mis à la charge des autorités inférieures, ni des autorités fédérales recourantes et déboutées; si l'autorité recourante qui succombe n'est pas une autorité fédérale, les frais de procédure sont mis à sa charge dans la mesure où le litige porte sur des intérêts pécuniaires de collectivités ou d'établissements autonomes (art. 63 al. 2

SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 63 - 1 En règle générale, les frais de procédure comprenant l'émolument d'arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis, dans le dispositif, à la charge de la partie qui succombe. Si celle-ci n'est déboutée que partiellement, ces frais sont réduits. À titre exceptionnel, ils peuvent être entièrement remis. |
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1 | En règle générale, les frais de procédure comprenant l'émolument d'arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis, dans le dispositif, à la charge de la partie qui succombe. Si celle-ci n'est déboutée que partiellement, ces frais sont réduits. À titre exceptionnel, ils peuvent être entièrement remis. |
2 | Aucun frais de procédure n'est mis à la charge des autorités inférieures, ni des autorités fédérales recourantes et déboutées; si l'autorité recourante qui succombe n'est pas une autorité fédérale, les frais de procédure sont mis à sa charge dans la mesure où le litige porte sur des intérêts pécuniaires de collectivités ou d'établissements autonomes. |
3 | Des frais de procédure ne peuvent être mis à la charge de la partie qui a gain de cause que si elle les a occasionnés en violant des règles de procédure. |
4 | L'autorité de recours, son président ou le juge instructeur perçoit du recourant une avance de frais équivalant aux frais de procédure présumés. Elle lui impartit pour le versement de cette créance un délai raisonnable en l'avertissant qu'à défaut de paiement elle n'entrera pas en matière. Si des motifs particuliers le justifient, elle peut renoncer à percevoir la totalité ou une partie de l'avance de frais.101 |
4bis | L'émolument d'arrêté est calculé en fonction de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la manière de procéder des parties et de leur situation financière. Son montant est fixé: |
a | entre 100 et 5000 francs dans les contestations non pécuniaires; |
b | entre 100 et 50 000 francs dans les autres contestations.102 |
5 | Le Conseil fédéral établit un tarif des émoluments.103 L'art. 16, al. 1, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral104 et l'art. 73 de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales105 sont réservés.106 |
Enfin, l'autorité inférieure n'a pas droit à des dépens (art. 7 al. 3

SR 173.320.2 Règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF) FITAF Art. 7 Principe - 1 La partie qui obtient gain de cause a droit aux dépens pour les frais nécessaires causés par le litige. |
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1 | La partie qui obtient gain de cause a droit aux dépens pour les frais nécessaires causés par le litige. |
2 | Lorsqu'une partie n'obtient que partiellement gain de cause, les dépens auxquels elle peut prétendre sont réduits en proportion. |
3 | Les autorités fédérales et, en règle générale, les autres autorités parties n'ont pas droit aux dépens. |
4 | Si les frais sont relativement peu élevés, le tribunal peut renoncer à allouer des dépens. |
5 | L'art. 6a s'applique par analogie.7 |
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est adressé :
- au recourant (Acte judiciaire)
- à l'autorité inférieure (n° de réf. 1474-0554 ; Acte judiciaire)
L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante.
Le président du collège : La greffière :
Alain Chablais Virginie Fragnière Charrière
Indication des voies de droit :
La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours: |
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a | contre les décisions rendues dans des causes de droit public; |
b | contre les actes normatifs cantonaux; |
c | qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. |

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 90 Décisions finales - Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure. |

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 42 Mémoires - 1 Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
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1 | Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
1bis | Lorsqu'une procédure en matière civile a été menée en anglais devant l'autorité précédente, les mémoires peuvent être rédigés en anglais.15 |
2 | Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Si le recours n'est recevable que lorsqu'il soulève une question juridique de principe ou qu'il porte sur un cas particulièrement important pour d'autres motifs, il faut exposer en quoi l'affaire remplit la condition exigée.16 17 |
3 | Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu'elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée si le mémoire est dirigé contre une décision. |
4 | En cas de transmission électronique, le mémoire doit être muni de la signature électronique qualifiée de la partie ou de son mandataire au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique18. Le Tribunal fédéral détermine dans un règlement: |
a | le format du mémoire et des pièces jointes; |
b | les modalités de la transmission; |
c | les conditions auxquelles il peut exiger, en cas de problème technique, que des documents lui soient adressés ultérieurement sur papier.19 |
5 | Si la signature de la partie ou de son mandataire, la procuration ou les annexes prescrites font défaut, ou si le mandataire n'est pas autorisé, le Tribunal fédéral impartit un délai approprié à la partie pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
6 | Si le mémoire est illisible, inconvenant, incompréhensible ou prolixe ou qu'il n'est pas rédigé dans une langue officielle, le Tribunal fédéral peut le renvoyer à son auteur; il impartit à celui-ci un délai approprié pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
7 | Le mémoire de recours introduit de manière procédurière ou à tout autre égard abusif est irrecevable. |
Expédition :