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4C.148/2002


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4C.148/2002 /ech

Arrêt du 30 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffière de Montmollin.

X.________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Bernard Katz, avocat, avenue C.-F. Ramuz 60, case postale 24,
1001 Lausanne,

contre

A.________,
B.________,
C.________,
demandeurs et intimés,
tous trois représentés par Me Gilles Robert-Nicoud, avocat, place Benjamin-Constant 2, case postale 67, 1002 Lausanne.

représentation; contrat avec soi-même

(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 7 septembre 2001)

Faits:
A.
Y.________ SA, dont les actionnaires sont A.________, B.________ et C.________, était propriétaire de la parcelle n° ... de la commune de Z.________, supportant un bâtiment. Elle avait pour administrateur A.________, avec signature individuelle.

La société a été dissoute le 5 décembre 1995, pour devenir Y.________ SA en liquidation. A.________ a été inscrit au Registre du commerce comme liquidateur, avec signature individuelle, dès le 11 décembre 1995. Le 20 décembre 1995, Y.________ SA en liquidation a transféré la propriété de son immeuble à ses trois actionnaires, qui en sont devenus copropriétaires dans une proportion correspondant au nombre d'actions que chacun d'eux détenait dans la société immobilière.

En 1989, Y.________ SA avait confié la gérance de son immeuble à X.________ SA; un litige s'est développé entre les parties à propos de la restitution du solde du compte de gérance.
B.
Le 20 septembre 1996, A.________, B.________ et C.________ ont introduit une demande contre X.________ SA pour obtenir le paiement du solde du compte de gérance. Dans leur dernier état, leurs conclusions portaient sur un montant de 9644 fr.45 avec intérêts.

Le 3 octobre 1997, A.________, agissant au nom de Y.________ SA en liquidation, a signé un acte aux termes duquel il était confirmé que la société cédait aux demandeurs la créance qu'elle détenait à l'encontre de la défenderesse du chef du contrat de gérance relatif à l'immeuble déjà cédé aux mêmes, et qui se montait à 9644 fr. 45 avec intérêts à 5 3/4 % l'an dès le 1er janvier 1996.

Par jugement du 7 septembre 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné la défenderesse à payer aux demandeurs la somme de 9644 fr.45 avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 mars 1996.
C.
La défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral contre le jugement du 7 septembre 2001, concluant en substance à sa libération de toute condamnation. Elle soutient que la "cession de créance" du 3 octobre 1997 est nulle, de sorte que les demandeurs ne seraient pas titulaires du droit qu'ils invoquent en justice.
Les demandeurs concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal cantonal se réfère à son jugement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Les demandeurs soutiennent que le recours en réforme est irrecevable. Ils allèguent que la seule référence légale invoquée est l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC, alors que la question pertinente concerne l'appréciation de la force probante d'un titre, la cession de créance, qui ne peut être revue que par la voie du recours de droit public.

Il est exact que lorsque le juge cantonal a été convaincu de l'existence ou de l'inexistence d'un fait pertinent sur la base d'une appréciation des preuves, la question de la répartition du fardeau de la preuve ou du droit à la preuve ne se pose plus, et que le grief de violation de l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC devient sans objet (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223). L'appréciation d'une preuve documentaire - comme un acte de cession de créance - et généralement de toute autre preuve selon le droit cantonal de procédure déterminant, ou subsidiairement d'après les exigences minimales fixées par les art. 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
et 29 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
Cst., ne peut être soumise au Tribunal fédéral que par le biais d'un recours de droit public (ATF 119 III 60 consid. 2c p. 63; 117 II 387 consid. 2e). Dans ce sens, le recours en réforme est irrecevable.

La défenderesse ne se borne toutefois pas à invoquer l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC; elle soutient aussi une argumentation fondée sur l'art. 33
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 33 - 1 Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons.
CO et le contrat avec soi-même, pour prétendre que la cession de créance du 3 octobre 1997 serait nulle, ce qui impliquerait le défaut de légitimation active des demandeurs. La défenderesse se réfère également expressément à l'art. 167
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 167 - Le débiteur est valablement libéré si, avant que la cession ait été portée à sa connaissance par le cédant ou le cessionnaire, il paie de bonne foi entre les mains du précédent créancier ou, dans le cas de cessions multiples, entre les mains d'un cessionnaire auquel un autre a le droit d'être préféré.
CO en faisant valoir que la cession de créance n'aurait pas été portée à sa connaissance par la cédante. En cela, le recours en réforme est recevable, puisqu'il indique succinctement en quoi consiste la violation du droit fédéral, aux yeux de la défenderesse, qui a ainsi développé des moyens de droit sur la base des faits établis par la juridiction cantonale (Poudret, COJ II, n. 1.5.2.3 ad art. 55).

1.2 Pour le reste, le recours est déposé dans les formes et délai légaux.
2.
2.1 La cour cantonale a considéré que la cession de créance du 3 octobre 1997, constatée par écrit selon les exigences de l'art. 165
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 165 - 1 La cession n'est valable que si elle a été constatée par écrit.
CO, était valable en la forme et que la correction du défaut originel de légitimation active pouvait intervenir en cours d'instance. Le jugement n'est à juste titre pas discuté sur ces points, et il n'y a pas lieu d'y revenir.

Relevant que la cédante avait agi par son liquidateur, qui était en même temps l'un des cessionnaires, la cour cantonale a retenu qu'on était en présence d'un contrat avec soi-même, en principe illicite et partant nul. Elle a toutefois jugé que les conditions permettant d'admettre malgré tout la validité de l'acte litigieux étaient réunies en l'espèce, dans la mesure où la cédante devait être liquidée et où l'immeuble avait déjà été transféré sans contrepartie aux demandeurs; la cession de créance correspondait ainsi aux tâches du liquidateur et n'avait pas porté préjudice à la cédante. Par ailleurs, puisque les cocontractants étaient actionnaires de la cédante, celle-ci ne pouvait ignorer l'acte et l'avait, à tout le moins, ratifié par actes concluants. Au surplus, la défenderesse n'avait pas la qualité pour se plaindre de l'invalidité de la cession.
2.2 La défenderesse persiste à soutenir que le contrat avec soi-même que constitue la cession du 3 octobre 1997 est nul. Selon elle, la cession, opérée à titre gratuit, porte préjudice à la société immobilière et aux créanciers de celle-ci. De plus, les demandeurs n'ont pas prouvé que la cédante ait spécialement autorisé ou ratifié cette transaction. La défenderesse conteste en outre ne pas disposer de la qualité pour se plaindre du contrat avec soi-même, s'agissant d'un cas de nullité. Enfin, fait-elle valoir, l'avis de cession émanerait des cessionnaires, sans confirmation par la cédante, de sorte qu'elle serait en droit de refuser le paiement.
3.
3.1 Selon la jurisprudence constante et l'opinion dominante, la conclusion d'un contrat par le représentant avec lui-même - en ce domaine, on assimile les actes des représentants au sens des art. 32 ss
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 32 - 1 Les droits et les obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté.
CO et ceux des organes d'une personne morale - est en principe illicite en raison des conflits d'intérêts qu'elle génère. L'acte juridique passé de cette manière est donc nul à moins que le risque de porter préjudice au représenté ne soit exclu par la nature de l'affaire, que celui-ci n'ait spécialement autorisé le représentant à conclure le contrat ou qu'il ne l'ait ratifié par la suite. Les mêmes règles s'appliquent à la double représentation (ATF 127 III 332 consid. 2a; 126 III 361 consid. 3a; 95 II 442 consid. 5; 89 II 321 consid. 5 ; Roger Zäch, Commentaire bernois, n. 80 ss ad art. 33
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 33 - 1 Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons.
CO; Rolf Watter, Commentaire bâlois, 2ème éd., n. 19 ad art. 33
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 33 - 1 Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons.
CO).
Aux termes de l'art. 718 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 718 - 1 Le conseil d'administration représente la société à l'égard des tiers. Sauf disposition contraire des statuts ou du règlement d'organisation, chaque membre du conseil d'administration a le pouvoir de représenter la société.
2ème phrase CO, chaque membre du conseil d'administration d'une société anonyme a le pouvoir de la représenter, ce qui signifie que chacun d'eux, individuellement, peut aussi ratifier après coup un contrat avec soi-même passé par un autre membre du conseil (ATF 127 III 332 consid. 2b/aa et les références). Lorsque le contrat avec soi-même est passé par l'unique membre du conseil d'administration, toute ratification relève de la compétence de l'assemblée générale, en tant qu'organe de rang supérieur (ATF 127 III 332 consid. 2b/aa). Dans la mesure où le pouvoir de représentation du liquidateur ne connaît aucune restriction autre que celles impliquées par le but de la liquidation (Christoph Stäubli, Commentaire bâlois, n. 17 ad art. 743
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 743 - 1 Les liquidateurs terminent les affaires courantes, recouvrent, au besoin, les versements non encore opérés sur les actions, réalisent l'actif et exécutent les engagements de la société, à moins qu'il ne ressorte du bilan et de l'appel aux créanciers que l'actif ne couvre plus les dettes.
CO), des principes semblables peuvent lui être appliqués.

Même si l'acte litigieux est soumis à une forme particulière, comme en l'espèce, sa ratification (art. 38
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 38 - 1 Lorsqu'une personne contracte sans pouvoirs au nom d'un tiers, celui-ci ne devient créancier ou débiteur que s'il ratifie le contrat.
CO) peut intervenir par actes concluants, voire tacitement lorsque les règles de la bonne foi en veulent ainsi; la question nécessite toujours une appréciation de l'ensemble des circonstances (ATF 93 II 302 consid. 4; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2ème éd., p. 404/405). Il a par exemple été jugé, dans une affaire présentant de nombreuses similitudes avec la présente cause, que le contrat passé au nom d'une société anonyme par l'administrateur qui en possédait toutes les actions était valable, alors même que ledit administrateur n'avait pas le droit d'engager la société par sa seule signature; on devait en effet admettre en pareil cas qu'il y avait eu ratification tacite par la société, dont en l'occurrence les intérêts coïncidaient avec ceux de l'unique actionnaire faute de créancier ou d'autres actionnaires - ce d'autant plus que l'administrateur aurait toujours eu la possibilité d'obtenir une ratification formelle en constituant le conseil d'administration ou en convoquant une assemblée générale au moyen d'hommes de paille ou encore de faire conclure le contrat litigieux par des organes sociaux constitués de
cette manière (ATF 50 II 168 consid. 4 et 5).
3.2 Qu'il s'agisse d'un contrat avec soi-même ou de double représentation, l'appréciation des possibilités de conflits d'intérêts s'examine de manière identique; l'accent est mis sur la protection de la partie représentée. Dans le cas particulier, le liquidateur devait accomplir les tâches prescrites à l'art. 743 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 743 - 1 Les liquidateurs terminent les affaires courantes, recouvrent, au besoin, les versements non encore opérés sur les actions, réalisent l'actif et exécutent les engagements de la société, à moins qu'il ne ressorte du bilan et de l'appel aux créanciers que l'actif ne couvre plus les dettes.
CO (Stäubli, op. cit., n. 2 ad art. 743
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 743 - 1 Les liquidateurs terminent les affaires courantes, recouvrent, au besoin, les versements non encore opérés sur les actions, réalisent l'actif et exécutent les engagements de la société, à moins qu'il ne ressorte du bilan et de l'appel aux créanciers que l'actif ne couvre plus les dettes.
CO), le but de la société immobilière étant restreint à ces dernières depuis sa mise en liquidation. Bien que non comprise dans l'acte de transfert du 20 décembre 1995, la créance cédée concernait la gérance de l'immeuble repris par les actionnaires dans le cadre de la liquidation, et c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que la cession entrait dans les tâches du liquidateur et le but social ainsi limité. Certes, cette cession de créance, opérée à titre gratuit en faveur des actionnaires, comme d'ailleurs avant elle la cession de l'immeuble, était susceptible de représenter un risque pour les créanciers de la société, qui se vidait de ses actifs au profit de personnes juridiques distinctes. Même si ce critère a été mentionné dans la jurisprudence ancienne du Tribunal fédéral (ATF 50 II 168), l'absence de créancier n'est cependant pas déterminante (ATF 93 II 461
consid. 6a). Les créanciers disposent si nécessaire de l'action révocatoire au sens des art. 285 ss
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 285 - 1 La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
1    La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
2    Peut demander la révocation:
1  tout créancier porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif après saisie;
2  l'administration de la faillite ou tout créancier, individuellement, dans les cas visés aux art. 260 et 269, al. 3.
3    Ne sont pas révocables les actes juridiques qui ont été accomplis durant un sursis concordataire, dans la mesure où ils ont été avalisés par un juge du concordat ou par une commission des créanciers (art. 295a).519
4    Ne sont pas non plus révocables les autres dettes contractées avec l'accord du commissaire durant le sursis.520
LP (Zäch, Commentaire bernois, n. 82 ad art. 33
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 33 - 1 Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons.
CO et les références), ou s'agissant d'une société en liquidation des moyens tirés des art. 742 ss
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 742 - 1 Les liquidateurs dressent un bilan lors de leur entrée en fonction.
CO, voire de l'action en responsabilité de l'art. 754
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 754 - 1 Les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.
CO. Il serait contraire au principe de la liberté contractuelle d'interdire le contrat avec soi-même ou la double représentation chaque fois qu'un créancier de la société court le risque de devoir subir un préjudice. Le représenté peut autoriser le pseudo-représentant à conclure avec lui-même ou le cas échéant en qualité de double représentant, même en mettant en danger l'intérêt de ses créanciers ou en prenant le risque d'une mise en faillite (ATF 126 III 361 consid. 5a). Dans les limites que leur assignent l'ordre public, les bonnes moeurs et les droits attachés à la personnalité, les parties n'ont pas à se soucier de l'intérêts des tiers, notamment des créanciers. Le représenté demeure libre d'autoriser ou de modifier un acte qui le lésera peut-être ou même sûrement (ATF 93 II 461 consid. 6a).

Dans les circonstances d'espèce, il n'est pas douteux qu'une telle ratification aurait eu lieu, voire que l'acte litigieux avait été autorisé par avance. Tout d'abord, la cession intervenait, on le sait, dans le cadre d'une liquidation; par définition, la société était vouée à la disparition à court terme; les actifs devaient être réalisés et leur solde, après paiement des dettes, revenir aux actionnaires, soit en l'occurrence aux cessionnaires (art. 745
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 745 - 1 Après paiement des dettes, l'actif de la société dissoute est, sauf disposition contraire des statuts, réparti entre les actionnaires au prorata de leurs versements et compte tenu des privilèges attachés à certaines catégories d'actions.646
CO). L'immeuble concerné par le contrat de gérance litigieux avait déjà été transféré sans contrepartie à ces derniers. L'état de fait liant le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 745 - 1 Après paiement des dettes, l'actif de la société dissoute est, sauf disposition contraire des statuts, réparti entre les actionnaires au prorata de leurs versements et compte tenu des privilèges attachés à certaines catégories d'actions.646
OJ) n'indique au reste pas l'existence de créances en suspens contre la société en liquidation, hormis éventuellement celle invoquée reconventionnellement par la défenderesse pour des travaux de "gérance extraordinaire". Ensuite et surtout, les cessionnaires constituaient également ensemble la totalité de l'actionnariat de la cédante, donc l'assemblée générale de celle-ci. Ils avaient par conséquent toujours la faculté de donner une procuration ou de procéder à une ratification en se réunissant de façon informelle comme le permet l'art. 701
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 701 - 1 Les propriétaires ou les représentants de la totalité des actions peuvent, s'il n'y a pas d'opposition, tenir une assemblée générale sans observer les prescriptions régissant la convocation.
CO, et il paraît évident que leur volonté était de valider l'acte
litigieux (en ce sens déjà, cf. ATF 50 II 168 consid. 6 in fine). En n'exigeant pas, comme la défenderesse le reproche à la cour cantonale, la preuve de la convocation et de la tenue d'une assemblée générale ou le procès-verbal des décisions qui s'y seraient prises - dont l'établissement n'est pas une condition de validité des décisions concernées dans le cas présent (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, par. 23 N. 120) - la cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral, singulièrement l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC.

La solution n'est pas différente si l'on examine la situation de la défenderesse sous l'angle des dispositions destinées à protéger le débiteur cédé dans le cadre d'une cession de créance: ce dernier peut certes invoquer le défaut de pouvoir du pseudo-représentant du cédant (Engel, op. cit., p. 884), mais les règles des art. 32 ss
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 32 - 1 Les droits et les obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté.
CO trouvent alors application (Spirig, Commentaire zurichois, n. 25 ad art. 169
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 169 - 1 Le débiteur peut opposer au cessionnaire, comme il aurait pu les opposer au cédant, les exceptions qui lui appartenaient au moment où il a eu connaissance de la cession.
CO).

3.3 Quant à la notification de la cession à la débitrice cédée, elle est intervenue devant le Tribunal cantonal, la cession étant portée à la connaissance de la défenderesse tant par la partie adverse, à savoir les demandeurs cessionnaires, que par la cédante représentée par son liquidateur (art. 167
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 167 - Le débiteur est valablement libéré si, avant que la cession ait été portée à sa connaissance par le cédant ou le cessionnaire, il paie de bonne foi entre les mains du précédent créancier ou, dans le cas de cessions multiples, entre les mains d'un cessionnaire auquel un autre a le droit d'être préféré.
CO; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 7ème éd., tome II, n. 3617). Ainsi, la recourante peut valablement s'acquitter de sa dette auprès des cessionnaires.
4.
Vu l'issue du recours, la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument de 2000 fr. ainsi qu'à celui d'une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens en faveur des intimés, créanciers solidaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est rejeté dans la mesure où il est recevable et le jugement attaqué est confirmé.
2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens.
4. Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 30 juillet 2002
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière
4C.148/2002 30 juillet 2002 17 août 2002 Tribunal fédéral Non publié Droit des contrats

Objet -

Répertoire des lois
CC 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CO 32
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 32 - 1 Les droits et les obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté.
CO 33
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 33 - 1 Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons.
CO 38
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 38 - 1 Lorsqu'une personne contracte sans pouvoirs au nom d'un tiers, celui-ci ne devient créancier ou débiteur que s'il ratifie le contrat.
CO 165
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 165 - 1 La cession n'est valable que si elle a été constatée par écrit.
CO 167
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 167 - Le débiteur est valablement libéré si, avant que la cession ait été portée à sa connaissance par le cédant ou le cessionnaire, il paie de bonne foi entre les mains du précédent créancier ou, dans le cas de cessions multiples, entre les mains d'un cessionnaire auquel un autre a le droit d'être préféré.
CO 169
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 169 - 1 Le débiteur peut opposer au cessionnaire, comme il aurait pu les opposer au cédant, les exceptions qui lui appartenaient au moment où il a eu connaissance de la cession.
CO 701
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 701 - 1 Les propriétaires ou les représentants de la totalité des actions peuvent, s'il n'y a pas d'opposition, tenir une assemblée générale sans observer les prescriptions régissant la convocation.
CO 718
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 718 - 1 Le conseil d'administration représente la société à l'égard des tiers. Sauf disposition contraire des statuts ou du règlement d'organisation, chaque membre du conseil d'administration a le pouvoir de représenter la société.
CO 742
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 742 - 1 Les liquidateurs dressent un bilan lors de leur entrée en fonction.
CO 743
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 743 - 1 Les liquidateurs terminent les affaires courantes, recouvrent, au besoin, les versements non encore opérés sur les actions, réalisent l'actif et exécutent les engagements de la société, à moins qu'il ne ressorte du bilan et de l'appel aux créanciers que l'actif ne couvre plus les dettes.
CO 745
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 745 - 1 Après paiement des dettes, l'actif de la société dissoute est, sauf disposition contraire des statuts, réparti entre les actionnaires au prorata de leurs versements et compte tenu des privilèges attachés à certaines catégories d'actions.646
CO 754
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 754 - 1 Les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.
Cst 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
Cst 29
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
LP 285
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 285 - 1 La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
1    La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
2    Peut demander la révocation:
1  tout créancier porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif après saisie;
2  l'administration de la faillite ou tout créancier, individuellement, dans les cas visés aux art. 260 et 269, al. 3.
3    Ne sont pas révocables les actes juridiques qui ont été accomplis durant un sursis concordataire, dans la mesure où ils ont été avalisés par un juge du concordat ou par une commission des créanciers (art. 295a).519
4    Ne sont pas non plus révocables les autres dettes contractées avec l'accord du commissaire durant le sursis.520
OJ 63
Répertoire ATF
Décisions dès 2000