Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour V

E-1526/2019

Arrêt du 28 septembre 2020

Emilia Antonioni Luftensteiner (présidente du collège),

Composition Déborah D'Aveni, Muriel Beck Kadima, juges,

Thierry Leibzig, greffier.

A._______, né le (...),

Maroc,

Parties représenté par Ange Sankieme Lusanga,

(...),

recourant,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi ; décision du SEM du 19 mars 2019 / N (...).

Faits :

A.

A.a En date du 15 octobre 2014, A._______ (ci-après : le recourant ou l'intéressé) a déposé une demande d'asile en Suisse.

A.b Par décision du 7 janvier 2015, le SEM, se fondant sur l'art. 31a al. 1 let. b LAsi (RS 142.31), n'est pas entré en matière sur dite demande, a prononcé le renvoi (recte : transfert) de l'intéressé vers l'Italie et ordonné l'exécution de cette mesure.

A.c En l'absence de recours interjeté contre cette décision, cette dernière est entrée en force, le 22 janvier 2015.

A.d Le (...) 2015, l'intéressé a été transféré vers l'Italie.

B.
Suite à des retours illégaux en Suisse, l'intéressé a fait l'objet de trois décisions de renvoi, fondées sur l'art. 64a al. 1 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI, RS 142.20) et datées respectivement des 6 août 2016, 29 mars 2017 et 9 février 2018.

En application de ces décisions, il a été transféré en Italie les (...) 2017, (...) 2017 et (...) 2019.

C.
Le 8 février 2019, l'intéressé a été appréhendé par les forces de l'ordre du canton du B._______, sans être au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse.

D.

Le 11 février 2019, le recourant a déposé, par l'entremise de son représentant, une seconde demande d'asile en Suisse. Il a allégué, en substance, qu'après son renvoi en Italie, le (...) 2019, il avait été menacé d'expulsion au Maroc et avait été contraint de séjourner trois jours dans la rue, alors qu'il y faisait très froid. Il a en outre fait valoir qu'il devait être considéré comme une personne vulnérable, compte tenu de sa situation médicale « bien connue des autorités suisses » et a souligné que les conditions d'accueil en Italie s'étaient dégradées après l'entrée en vigueur du décret législatif n° 113/2018 sur la sécurité et l'immigration (ci-après : décret Salvini), notamment en matière de prise en charge médicale. Il a enfin soutenu qu'il n'aurait pas non plus accès à des soins adéquats dans son pays d'origine. Il a dès lors conclu qu'un nouveau transfert vers l'Italie emporterait violation des art. 3 CEDH et 3 Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105). A l'appui de sa requête, il a produit des copies de documents établis par les autorités italiennes à C._______, datés du (...) 2019.

E.
Une comparaison des données dactyloscopiques de l'intéressé avec celles enregistrées dans la banque de données Eurodac a révélé qu'il avait déposé une demande d'asile en Italie, le (...) 2017.

F.
Par écrit du 14 février 2019, le SEM a invité le recourant à se déterminer, dans un délai échéant le 1ermars 2019, sur la compétence de l'Italie ainsi que sur son transfert dans cet Etat. Il lui a également enjoint à lui retourner signés, dans le même délai, les formulaires d'accès à son dossier médical.

G.
Le 28 février 2019, le SEM a soumis aux autorités italiennes compétentes une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé, fondée sur l'art. 18 par. 1 let. b du règlement (UE) no604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (JO L 180/31 du 29.6.2013 ; ci-après : règlement Dublin III). Il a également informé lesdites autorités que l'intéressé avait déjà été transféré à quatre reprises en Italie.

H.
Par courrier du 4 mars 2019, le recourant a fait parvenir au SEM les documents relatifs à la consultation de son dossier médical, partiellement signés. Il ne s'est pas déterminé sur la compétence de l'Italie ainsi que sur son transfert dans cet Etat.

I.
En date du 14 mars 2019, les autorités italiennes compétentes ont expressément accepté de reprendre en charge l'intéressé, sur la base de l'art. 18 par. 1 let. d du règlement Dublin III.

J.
Par décision du 19 mars 2019, notifiée le 25 mars suivant, le SEM, se fondant sur l'art. 31a al. 1 let. b LAsi, n'est pas entré en matière sur la demande d'asile du recourant, a prononcé son renvoi (recte : transfert) vers l'Italie et a ordonné l'exécution de cette mesure, constatant l'absence d'effet suspensif à un éventuel recours.

Le SEM a tout d'abord confirmé que l'Italie était bien compétente pour l'examen de la demande d'asile du recourant. Il a relevé que les autorités italiennes avaient accepté de le reprendre en charge en vertu de l'art. 18 par. 1 let. d. du règlement Dublin III, ce qui signifiait que sa demande d'asile y avait été rejetée. Il a précisé à ce titre que les droits de l'intéressé dans ce pays découlaient dès lors du droit national et que celui-ci garantissait l'accès à des soins médicaux de base également pour les étrangers en situation irrégulière. Il a en outre constaté que, selon les pièces produites par l'intéressé à l'appui de sa nouvelle demande d'asile du 11 février 2019, les autorités italiennes l'avaient informé de la possibilité de déposer une nouvelle demande d'asile dans ce pays, ce que l'intéressé avait refusé de faire. Ce dernier ne pouvait dès lors se prévaloir de l'absence de prise en charge dans le système d'accueil italien, dans la mesure où il avait lui-même renoncé à y accéder. Le SEM a encore relevé que le décret Salvini n'avait pas modifié l'accès aux soins en Italie pour les demandeurs d'asile et que l'intéressé n'avait produit aucun rapport médical depuis le dépôt de sa deuxième demande d'asile. Il a précisé à ce titre que ses problèmes de santé avaient déjà été pris en compte lors de procédures précédentes et qu'il ressortait des pièces au dossier qu'il souffrait d'un état dépressif. Il a retenu qu'il n'y avait pas d'indices faisant penser que l'Italie ne respectait pas ses obligations internationales et qu'aucun élément ne permettait de retenir qu'un retour dans ce pays mettrait l'intéressé dans une situation existentielle critique. Il a dès lors conclu qu'il n'y avait, en l'occurrence, aucun motif justifiant l'application de la clause de souveraineté prévue à l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III.

S'agissant enfin de l'application de la « clause humanitaire » de l'art. 29a al. 3 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), le SEM a d'abord rappelé qu'il s'agissait d'une disposition potestative et qu'il disposait d'une marge d'appréciation en la matière. Examinant la situation personnelle du recourant, il a considéré que le dossier de l'intéressé n'avait pas mis en évidence l'existence de motifs particuliers justifiant l'application de la clause de souveraineté au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1, en lien avec l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III.

K.
Le 29 mars 2019 (date du sceau postal), l'intéressé a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal). Il a demandé, à titre préalable, l'octroi de l'effet suspensif et la dispense du paiement d'une avance de frais. Sur le fond, il a conclu à l'annulation de la décision attaquée.

Il a, pour l'essentiel, réitéré les arguments présentés à l'appui de sa requête du 11 février 2019, faisant à nouveau valoir qu'il était une personne vulnérable sous l'angle médical et qu'un transfert en Italie serait désormais illicite, au vu notamment de la détérioration des conditions d'accueil dans ce pays, suite à l'entrée en vigueur du décret Salvini. Il a également fait grief au SEM de ne l'avoir pas entendu « par oral » sur les conditions de son dernier séjour en Italie.

L.
Par ordonnance du 2 avril 2019, le Tribunal a suspendu l'exécution du transfert du recourant, à titre de mesures provisionnelles.

M.
Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, en tant que besoin, dans les considérants en droit qui suivent.

Droit :

1.

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA, prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (cf. art. 105 LAsi, en relation avec l'art. 6a al. 1 LAsi ; art. 33 let. d LTAF et art. 83 let. d ch. 1 LTF). Cette exception n'est pas réalisée en l'espèce.

1.2 A._______a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA, applicable par renvoi de l'art. 37 LTAF). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 108 al. 3 LAsi) prescrits par la loi, le recours est recevable.

1.3 Il peut être renoncé, en l'occurrence, à un échange d'écritures (cf. art. 111a al. 1 LAsi).

1.4 Saisi d'un recours contre une décision de non-entrée en matière sur une demande d'asile, le Tribunal se limite à examiner le bien-fondé d'une telle décision (cf. ATAF 2017 VI/5 consid. 3.1 et jurisprudence citée).

1.5 Plus précisément, il convient de déterminer si le SEM était fondé à faire application de l'art. 31a al. 1 let. b LAsi (par renvoi de l'art. 111c al. 1 LAsi), disposition en vertu de laquelle il n'entre pas en matière sur une demande d'asile lorsque le requérant peut se rendre dans un Etat tiers compétent, en vertu d'un accord international, pour mener la procédure d'asile et de renvoi.

2.

2.1 Le recourant s'étant prévalu d'une violation de la maxime inquisitoire, en particulier d'un défaut d'instruction, ainsi que du non-respect de son droit d'être entendu, il convient d'examiner en premier lieu le bien-fondé de ces griefs d'ordre formel (cf. arrêt du Tribunal fédéral [ci-après : TF] 2C_360/2011 du 18 novembre 2011 consid. 2 ; arrêt du TAF F-2210/2019 du 15 mai 2019 consid. 2).

En substance, il a reproché à l'autorité intimée de ne pas avoir procédé à une audition portant sur les circonstances de son séjour en Italie, suite à son transfert dans ce pays, le (...) 2019.

2.2 Il est rappelé que les demandes d'asile multiples au sens de l'art. 111c LAsi doivent être traitées dans une procédure matérielle spéciale, menée uniquement par voie écrite. L'art. 111c LAsi doit en conséquence être interprété comme une lex specialis par rapport à l'art. 18 LAsi ; pour être recevable, une nouvelle demande d'asile au sens de l'art. 111c al. 1 LAsi doit impérativement revêtir la forme écrite, le type de procédure ensuite suivi (examen au fond de la nouvelle demande, application de l'un des motifs de non-entrée en matière prévus à l'art. 31a al. 1 à 3 LAsi, ou classement sans décision formelle) ne changeant par ailleurs rien à cette obligation. Il en résulte également que l'application de l'art. 29 LAsi, qui prévoit l'audition du requérant sur ses motifs d'asile, est en principe exclue pour les nouvelles demandes d'asile au sens de cet article (cf. ATAF 2017 VI/7 consid. 5.2.2 ; 2014/39 consid. 4.3).

L'art. 111c al. 1 LAsi exige en outre que la nouvelle demande d'asile soit "dûment motivée". Selon la jurisprudence du Tribunal, cette exigence de motivation ne constitue pas seulement une condition formelle de recevabilité, mais a également une portée matérielle. Autrement dit, la nouvelle demande d'asile au sens de l'art. 111c al. 1 LAsi doit être motivée de façon à ce que l'autorité soit en mesure, le cas échéant, de statuer sur cette requête, sans nécessairement devoir procéder à une audition de l'intéressé. L'obligation pour le requérant de motiver suffisamment (« dûment ») sa demande découle alors directement du devoir de collaboration prévu à l'art. 13 PA (cf. ATAF 2017 VI/7 précité consid. 5.2.3).

2.3 En cas de demande multiple au sens de l'art. 111c al. 1 LAsi - à savoir lorsqu'un requérant revient en Suisse après que son (précédent) transfert Dublin a été exécuté et y dépose une nouvelle demande d'asile - le SEM doit entamer une nouvelle procédure Dublin s'il souhaite procéder à un nouveau transfert de l'intéressé vers l'Etat Dublin compétent. La procédure visée à l'art. 111c LAsi étant en principe exclusivement écrite, le SEM peut, dans ce cas de figure, renoncer à mener un entretien individuel par oral, au sens de l'art. 5 du règlement Dublin III. Il appartient en effet au requérant, qui a déjà fait l'objet d'une première procédure « Dublin » en Suisse et en connaît donc le déroulement, de déposer par écrit une nouvelle demande « dûment motivée », en ce sens que celle-ci doit préciser non seulement les raisons pour lesquelles il souhaite à nouveau demander l'asile à la Suisse, mais également ses éventuelles objections quant à la responsabilité d'un Etat Dublin d'examiner sa demande d'asile ou les motifs pour lesquels il s'oppose à un transfert vers cet Etat. L'autorité de première instance doit néanmoins ménager la possibilité pour le requérant de lui faire parvenir tout moyen de preuve ou information portant sur l'éventuelle absence de compétence d'un Etat tiers ou sur d'éventuelles objections à un transfert dans cet Etat. Elle peut également, si elle l'estime nécessaire, inviter le recourant à se déterminer par écrit (cf. ATAF 2017 VI/5 consid. 6.3 et 7.2 ss et réf. cit.).

2.4 En l'occurrence, la requête déposée par écrit le 11 février 2019 est dûment motivée, en ce sens que l'intéressé y explique les raisons principales pour lesquelles il conteste la compétence de l'Italie pour le traitement de sa demande d'asile et s'oppose à son transfert dans ce pays. A l'appui de sa requête, l'intéressé a également joint des copies de documents attestant de son expulsion d'Italie. Il n'a pas annoncé la production d'autres moyens de preuve - y compris sous l'angle de sa situation médicale - ni demandé de délai pour fournir d'autres informations pertinentes. Par courrier du 14 février 2019, le SEM a par ailleurs octroyé au recourant le droit d'être entendu, en l'invitant à se déterminer par écritsur la compétence de l'Italie pour traiter sa demande d'asile ainsi que ses éventuelles objections à son transfert dans cet Etat. Le recourant avait dès lors tout loisir d'exposer, par écrit, les conditions de son dernier séjour en Italie et les raisons pour lesquelles il s'oppose à un nouveau transfert dans cet Etat. N'ayant pas fait usage de cette possibilité dans le délai imparti, il ne saurait dès lors reprocher en toute bonne foi au SEM d'avoir violé son droit d'être entendu sur ces points.

2.5 Au vu de ce qui précède, le SEM disposait manifestement des éléments de fait essentiels lui permettant de se déterminer sur la compétence de l'Italie et sur le transfert du recourant dans cet Etat. C'est donc à bon droit que l'autorité de première instance a renoncé in casu à entendre le recourant dans le cadre d'une audition et lui a uniquement donné la possibilité de se déterminer par écrit, compte tenu à la fois des exigences de l'art. 111cLAsi et de l'exception prévue à l'art. 5 par. 2 let. b du règlement Dublin III.

2.6 Dès lors que l'autorité inférieure n'a commis aucune négligence procédurale, les griefs tirés d'une violation de la maxime inquisitoire et du droit d'être entendu sont infondés et doivent être écartés.

3.

3.1 Les droits procéduraux du recourant n'ayant pas été violés en l'espèce, il reste encore à examiner la présente cause sur le fond.

3.2 Avant de faire application de l'art. 31a al. 1 let. b LAsi, le SEM examine, conformément à l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse (AAD, RS 0.142.392.68), la compétence relative au traitement d'une demande d'asile selon les critères fixés dans le règlement Dublin III (cf. art. 1 et 29a OA 1). S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande d'asile, le SEM rend une décision de non-entrée en matière après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du requérant d'asile (cf. art. 29a al. 2 OA 1 ; cf. également ATAF 2017 VI/7 consid. 2.1 ; 2017 VI/5 consid. 6.2).

3.3 A teneur de l'art. 3 par. 1 du règlement Dublin III, une demande de protection internationale présentée par un ressortissant d'un pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque des Etats membres est examinée par un seul Etat membre, celui-ci étant déterminé selon les critères fixés à son chapitre III. La procédure de détermination de l'Etat responsable est engagée aussitôt qu'une demande d'asile a été déposée pour la première fois dans un Etat membre (cf. art. 20 par. 1 du règlement Dublin III).

3.4 Dans une procédure de reprise en charge (anglais : « take back »), comme en l'espèce, il n'y a en principe aucun nouvel examen de la compétence selon le chapitre III du règlement Dublin III (cf. ATAF 2017 VI/5 consid. 6.2 et 8.2.1). L'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge - dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 - le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre (cf. art. 18 par. 1 let. d du règlement Dublin III).

4.

4.1 En l'espèce, il ressort du dossier qu'après avoir déposé une première demande d'asile en Suisse, le 15 octobre 2014, et avoir été transféré en Italie, le (...) 2015, en exécution de la décision de non-entrée en matière du SEM du 7 janvier 2015, l'intéressé a fait l'objet de trois décisions de renvoi, fondées sur l'art. 64a al. 1 LEI, suite à des retours illégaux en Suisse. Après l'exécution de son dernier transfert vers l'Italie, intervenu le (...) 2019, il est revenu une nouvelle fois en Suisse et y a déposé, le 11 février 2019, une deuxième demande d'asile.

4.2 Comme précisé ci-avant, en cas de demande multiple au sens de l'art. 111c LAsi, le SEM doit entamer une nouvelle procédure Dublin s'il souhaite procéder à un nouveau transfert du requérant dans l'Etat Dublin compétent (cf. consid. 2.3 supra).

4.3 Le 28 février 2019, le Secrétariat d'Etat a dès lors soumis aux autorités italiennes compétentes, dans le délai fixé à l'art. 23 par. 2 du règlement Dublin III, une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé, fondée sur l'art. 18 par. 1 let. b du règlement Dublin III.

4.4 Le 14 mars suivant, soit dans le respect du délai fixé par l'art. 25 par. 1 du règlement Dublin III, lesdites autorités ont expressément accepté de reprendre en charge l'intéressé, sur la base de l'art. 18 par. 1 let. d du règlement Dublin III. L'Italie a ainsi reconnu sa compétence pour traiter la demande d'asile du recourant.

4.5 En tout état de cause, la compétence de l'Italie avait déjà été déterminée à la suite du dépôt de la première demande d'asile du recourant sur le territoire des Etats membres Dublin (en l'occurrence, en Suisse, le 15 octobre 2014). La responsabilité de l'Italie n'a pas cessé depuis lors, l'intéressé n'ayant pas établi avoir quitté le territoire des Etats membres Dublin durant plus de trois mois (cf. art. 19 par. 2 du règlement Dublin III).

4.6 Partant, la responsabilité de l'Italie pour le traitement de la demande d'asile du recourant est acquise, au regard des critères de détermination de l'Etat membre responsable (cf. art. 7 ss du règlement Dublin III), ce qui n'est du reste pas contesté à l'appui du recours.

5.

5.1 Dans son pourvoi, l'intéressé fait toutefois valoir que, suite à l'entrée en vigueur du décret Salvini, en automne 2018, les conditions d'accueil des requérants d'asile en Italie se sont sérieusement dégradées et que les personnes transférées en vertu du règlement Dublin III dans ce pays risquent d'être systématiquement exposées à des violations de leurs droits « reconnus tant par la CEDH que par d'autres conventions internationales ». Ce faisant, il conclut implicitement à la reconnaissance de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des requérants d'asile dans ce pays.

5.2 En vertu de l'art. 3 par. 2 du règlement Dublin III, lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (JO C 364/1 du 18.12.2000, ci-après : Charte UE), l'Etat procédant à la détermination de l'Etat responsable poursuit l'examen des critères fixés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur vers un Etat désigné sur la base de ces critères ou vers le premier Etat auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination devient l'Etat responsable.

5.3 Le Tribunal rappelle que l'Italie est liée à la Charte UE et partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Conv. réfugiés, RS 0.142.30), ainsi qu'au Protocole additionnel du 31 janvier 1967 (Prot., RS 0.142.301), à la CEDH et à la Conv. torture et, à ce titre, est tenue d'en appliquer les dispositions. Elle est également liée par la directive no 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (JO L 180/60 du 29.6.2013, ci-après : directive Procédure) et par la directive n° 2013/33/UE du Conseil du 26 juin 2013 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres (JO L 180/96 du 29.06.2013 ; ci-après : directive Accueil), ainsi que par la directive no 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO L 337/9 du 20.12.2011).

Dans ces conditions, cet Etat est présumé respecter la sécurité des demandeurs d'asile, en particulier leur droit à l'examen, selon une procédure juste et équitable, de leur demande, et leur garantir une protection conforme au droit international et au droit européen (cf. directives précitées).

5.4 Toutefois, cette présomption de sécurité est réfragable. Cela signifie que les Etats demeurent responsables, au regard de la CEDH, de tous les actes et omissions de leurs organes qui découlent du droit interne ou de la nécessité d'observer les obligations juridiques internationales (cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [ci-après : CourEDH] M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011, requête n° 30696/09, par. 338).

5.5 Ainsi, cette présomption doit être écartée d'office lorsqu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans l'Etat membre responsable, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs (sur la notion de défaillances systémiques, cf. arrêt du Tribunal E-962/2019 du 17 décembre 2019 [publié comme arrêt de référence] consid. 2.4 à 2.4.6 et réf. cit.). Dans un tel cas, l'Etat requérant doit renoncer au transfert.

5.6 A l'issue d'un examen approfondi, le Tribunal a récemment confirmé une jurisprudence constante selon laquelle il ne pouvait pas être conclu à l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et le système d'accueil en Italie et que l'application de l'art. 3 par. 2 al. 2 du règlement Dublin III ne se justifiait dès lors pas, quand bien même la procédure d'asile et le dispositif d'accueil et d'assistance sociale dans cet Etat souffraient de certaines carences (cf. arrêt du Tribunal
E-962/2019 du 17 décembre 2019 consid. 6.3 à 6.5). En l'espèce, le recourant ne faisant pas part d'éléments suffisamment pertinents pour remettre en cause cette jurisprudence, le Tribunal ne saurait conclure à la présence de défaillances systémiques en Italie.

5.7 En conséquence, en l'absence d'une pratique avérée de violation systématique des normes communautaires minimales en la matière, le respect par l'Italie de ses obligations concernant les droits des requérants d'asile sur son territoire demeure présumé (cf. ATAF 2017 VI/5 consid. 8.4 ; ATAF 2010/45 consid. 7.4 et 7.5 ; voir aussi décision de la CourEDH Samsam Mohammed Hussein et autres c. les Pays-Bas et l'Italie du 2 avril 2013, n° 27725/10, par. 78).

6.

6.1 La présomption de sécurité attachée au respect par l'Italie de ses obligations tirées du droit international public et du droit européen peut également être renversée en présence d'indices sérieux et suffisants que, dans le cas concret, les autorités de cet Etat ne respecteraient pas le droit international (cf. ATAF 2011/9 consid. 6 ; 2010/45 consid. 7.5 et réf. cit.).

6.2 En l'espèce, l'intéressé fait valoir, en substance, qu'il est une personne vulnérable sous l'angle médical et que son transfert en Italie serait illicite. Il soutient qu'en cas de retour dans ce pays, il serait menacé d'expulsion vers son pays d'origine, le Maroc, où il n'aurait pas accès aux traitements requis par sa maladie, ce qui aurait pour conséquence d'entrainer une péjoration rapide et grave de son état de santé. Il allègue en outre que, lors de son dernier séjour en Italie, il aurait été contraint de vivre durant trois jours dans la rue, alors que les températures étaient très basses. Un nouveau transfert dans ce pays l'exposerait dès lors à un traitement inhumain et dégradant, dans la mesure où il serait contraint d'y vivre dans des conditions indignes, lesquelles entraîneraient une atteinte à sa santé et mettraient son existence en danger. Ainsi, le recourant sollicite
- implicitement - l'application par la Suisse de la clause de souveraineté prévue à l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III.

6.3 A teneur de l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III, par dérogation à l'art. 3 par. 1 du règlement, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement.

Comme la jurisprudence l'a retenu (cf. ATAF 2017 VI/5 consid. 8.5.2 et jurisp. cit.), le SEM doit admettre la responsabilité de la Suisse pour examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement Dublin III, lorsque le transfert envisagé vers l'Etat membre désigné responsable par lesdits critères viole des obligations de la Suisse relevant du droit international public. La licéité du transfert est, en ce sens, une condition du prononcé d'une non-entrée en matière en application de l'art. 31a al. 1 let. b LAsi. Le SEM peut également admettre cette responsabilité pour des raisons humanitaires au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1.

6.4

6.4.1 En l'occurrence, les autorités italiennes ayant admis la reprise en charge de l'intéressé sur la base de l'art. 18 par. 1 let. d du règlement Dublin III (demandeur qui a présenté une demande auprès de l'Etat membre requérant et dont la demande a été rejetée dans l'Etat membre responsable), il est établi que ces dernières ont tranché au fond sa demande d'asile, déposée en août 2017 (cf. Faits let. E supra), et qu'elles devraient dès lors procéder à son renvoi dans son pays d'origine ou dans un Etat tiers. Il ressort par ailleurs des documents produits à l'appui de la requête du 11 février 2019 que les autorités italiennes ont effectivement ordonné au recourant de quitter le territoire italien, en date du (...) 2019.

6.4.2 Une décision définitive de refus d'asile et de renvoi vers le pays d'origine ne constitue toutefois pas, en soi, une violation du principe de non-refoulement ; au contraire, en retenant le principe de l'examen de la demande d'asile par un seul et même Etat membre (« one chance only »), le règlement Dublin III vise à lutter contre les demandes d'asile multiples. En l'espèce, rien ne démontre que l'intéressé n'aurait pas eu accès, en Italie, à une procédure d'examen de sa demande d'asile conforme aux standards minimaux de l'Union européenne et contraignants en droit international public. Le recourant n'a par ailleurs fourni aucun élément de fait susceptible de démontrer que l'Italie ne respecterait pas le principe de non-refoulement à son endroit et, partant, faillirait à ses obligations internationales, en le renvoyant dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient sérieusement menacées, ou encore d'où il risquerait d'être astreint à se rendre dans un tel pays. Au contraire, il ressort très clairement des documents produits à l'appui de sa requête du 11 février 2019, établies par la Préfecture de la province de C._______, que les autorités italiennes l'ont informé de la possibilité de demander la protection internationale suite à son transfert dans ce pays, ce que celui-ci a spontanément refusé de faire (« PRESO ATTO che in data [...] l'interassato nel compilare il foglio notizie, debitamente informato riguardo alla facoltà di richiedere la protezione internazionale secondo la normativa vigente, ha dichiarato e sottoscritto al personale di Polizia di non voler chiedere la protezione internazionale »). Partant, et dans la mesure où l'intéressé ne remplissait pas non plus les conditions d'octroi d'un permis de séjour en Italie, un ordre d'expulsion a été émis par les autorités italiennes à son encontre. Dans ces conditions, le Tribunal ne peut que constater, à l'instar du SEM, que la décision d'expulsion des autorités italiennes paraît justifiée, dans la mesure où l'intéressé n'a pas souhaité légaliser sa situation de séjour dans ce pays, en y déposant une nouvelle demande de protection internationale (ou en demandant la réouverture de la procédure d'asile précédente), et qu'il ne remplissait pas non plus les critères d'octroi d'un titre de séjour italien.

6.4.3 Son recours ne contient pas davantage d'éléments concrets, le concernant personnellement, de nature à amener le Tribunal à une autre conclusion. En effet, bien qu'il eût évoqué un risque de renvoi vers le Maroc par les autorités italiennes et allégué que celui-ci violerait ses droits fondamentaux, le recourant n'a produit aucune pièce permettant d'appuyer ses dires. En tout état de cause, s'il devait estimer qu'il pourrait, de manière défendable, faire valoir que son éventuel renvoi dans son pays d'origine ou dans un Etat tiers par les autorités italiennes porterait atteinte à l'art. 3 CEDH (ce qu'il n'a pas réussi jusqu'à présent à démontrer), il lui appartiendrait d'en solliciter le réexamen auprès des autorités italiennes, puis d'actionner toutes les voies de recours internes à l'Italie avant de s'adresser, en cas de besoin et en dernière extrémité, à la Cour européenne des droits de l'homme.

6.4.4 Au vu de ce qui précède, le transfert de l'intéressé en Italie ne l'expose pas à un refoulement en cascade qui serait contraire au principe de non-refoulement, ancré à l'art. 33 Conv. réfugiés ou découlant de l'art. 3 CEDH ou encore de l'art. 3 Conv. torture.

6.5

6.5.1 Le recourant n'a pas non plus avancé, ni dans sa requête du 11 février 2019 ni dans son recours, d'éléments concrets et individuels susceptibles de démontrer qu'en cas de transfert, il serait personnellement exposé au risque que ses besoins existentiels minimaux ne soient pas satisfaits, et ce de manière durable, sans perspective d'amélioration, au point qu'il faudrait renoncer à son transfert. Il s'est en effet uniquement limité à déclarer que, suite à son transfert vers l'Italie, le (...) 2019, il y avait passé trois jours dans la rue, avant de revenir illégalement en Suisse. Invité par le SEM à lui faire part de ses éventuelles objections à un transfert en Italie par écrit, il n'a fait parvenir à l'autorité de première instance aucune détermination à ce sujet.

6.5.2 Le Tribunal rappelle que, contrairement à ce qui est le cas pour les demandeurs d'asile démunis (cf. CourEDH, arrêt M.S.S. précité, par. 250 ; arrêt A.S. c. Suisse du 30 juin 2015, requête n° 39350/13, par. 28 ; arrêt Tarakhel c. Suisse du 4 novembre 2014, requête n° 29217/12, par. 95 s.), l'obligation de fournir un logement et des conditions matérielles décentes aux requérants d'asile définitivement déboutés ne pèse pas sur les autorités italiennes, en vertu des termes mêmes de la législation italienne transposant la directive Accueil (cf. dans le même sens, arrêts du Tribunal E-3393/2016 du 7 juin 2016 et E-1370/2016 du 9 mars 2016). En effet, cette directive ne trouve pas application, lorsque, comme cela semble être le cas en l'espèce, le requérant d'asile est définitivement débouté et tenu de retourner dans son pays d'origine (cf. art. 3 par. 1 de ladite directive).

6.5.3 En l'occurrence, aucun élément n'indique que le recourant a, durant son dernier et très bref séjour en Italie, demandé de l'aide aux autorités italiennes pour rentrer au Maroc et trouver un hébergement, dans l'attente de la mise en oeuvre de son renvoi. En outre, comme déjà constaté plus haut, il ressort des documents joints à sa requête du 11 février 2019 que l'intéressé a lui-même refusé de légaliser sa situation dans ce pays, en déclarant qu'il ne souhaitait pas y déposer une demande de protection internationale, alors que les autorités italiennes lui avaient donné la possibilité de le faire. Dans ces circonstances, il ne saurait valablement faire valoir, devant les autorités suisses, que la responsabilité de l'Italie est engagée sous l'angle de l'art. 3 CEDH par le « traitement » que les autorités italiennes risquent de lui réserver à l'avenir du point de vue de ses conditions d'existence, en tant qu'étranger tenu de retourner dans son pays d'origine.

6.5.4 Il convient encore de préciser que le règlement Dublin III ne confère pas au requérant le droit de choisir l'Etat membre offrant, à son avis, les meilleures conditions d'accueil comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (cf. ATAF 2010/45 consid. 8.3 ; cf. également arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne [ci-après : CJUE] du 10 décembre 2013 C-394/12 Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, points 59, 62) et que les non-nationaux dont le renvoi a été décidé ne peuvent en principe revendiquer un droit à rester sur le territoire de l'Etat concerné afin de continuer à bénéficier de l'assistance et des divers services qui y sont fournis (cf. décision de la CourEDH Mohammed Hussein et autres c. les Pays-Bas et l'Italie précitée, par. 70).

6.6

6.6.1 L'intéressé fait également valoir que sa situation médicale s'oppose à son transfert vers l'Italie.

6.6.2 Il sied de rappeler à ce sujet que, selon la jurisprudence de la CourEDH, le retour forcé des personnes touchées dans leur santé n'est susceptible de constituer une violation de l'art. 3 CEDH que lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire qu'en l'absence d'un traitement ou d'accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit, dans l'Etat d'accueil, exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l'espérance de vie (cf. arrêt de la CourEDH Paposhvili c. Belgique du 13 décembre 2016, Grande Chambre, requête n° 41738/10, par. 183).

6.6.3 En l'occurrence, force est de constater que le recourant n'a, dans le cadre de la présente procédure, ni invoqué de trouble psychique d'une certaine gravité, ni produit de pièce relative à sa vulnérabilité alléguée ou à d'autres affections médicales, ni encore avancé un empêchement pour produire un tel moyen de preuve. Dans sa requête du 11 février 2019 et son recours du 29 mars 2019, il se contente de renvoyer à sa situation médicale « bien connue des autorités suisses ». Certes, lors des procédures précédentes, l'intéressé avait fait valoir qu'il souffrait de problèmes psychiques. Il ressort d'ailleurs des pièces au dossier que les médecins avaient diagnostiqué chez lui un trouble dépressif récurrent ainsi que des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de drogues et substances psychoactives, dont un syndrome de dépendance. Ces affections médicales avaient été prises en compte dans le cadre des procédures précédentes et aucun élément au dossier n'indique qu'elles se seraient péjorées depuis lors. Au demeurant, l'intéressé n'a pas autorisé la transmission des informations relatives à sa santé à l'Etat Dublin compétent, en l'occurrence l'Italie, puisqu'il n'a signé que partiellement le document intitulé « access to health data » qui lui a été envoyé par le SEM.

6.6.4 En tout état de cause, même si les problèmes psychiques de l'intéressé devaient toujours être d'actualité (ce qui n'a pas été démontré dans le cadre de la présente procédure), force est de constater que ces troubles ne sont pas d'une gravité telle à faire obstacle, en tant que tels, à l'exécution de son transfert en Italie. Il n'apparait en effet nullement que le recourant serait au seuil de la mort, ni que ses affections constitueraient un « cas très exceptionnel », au sens de la jurisprudence de la CourEDH précitée (cf. consid. 6.6.2 supra). Le recourant ne saurait en outre se prévaloir de la jurisprudence du Tribunal dans son arrêt
E-962/2019 du 17 décembre 2019 (cf. en particulier le consid. 7.4), dans la mesure où rien n'indique, en l'espèce, qu'il souffrirait de problèmes médicaux à ce point graves ou chroniques qu'ils nécessiteraient une prise en charge immédiate à son arrivée en Italie. Le SEM n'était dès lors pas tenu de demander des garanties écrites et individuelles préalables aux autorités italiennes.

6.6.5 Le recourant n'a par ailleurs pas établi que les autorités italiennes, une fois informées de son état de santé, refuseraient de lui accorder des soins urgents ou indispensables, au point que son existence ou sa santé seraient gravement mises en danger. Certes, dans la mesure où la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée en Italie, l'assistance à laquelle il pourra y prétendre, jusqu'à l'exécution du renvoi, relève du droit national de cet Etat, la directive Accueil ne trouvant pas application dans un tel cas (cf. art. 3 par. 1 de ladite directive ; cf. également consid. 6.5.2 supra). Rien ne permet cependant de considérer que les autorités italiennes lui refuseraient l'accès aux soins, en cas d'urgence ou de problèmes graves, les soins médicaux essentiels étant garantis dans ce pays, même pour les personnes en situation irrégulière (cf. art. 35 du « Decreto Legislativo n° 286 » du 25 juillet 1998, également appelé « Testo unico delle disposizioni concernenti la disciplina dell'immigrazione e norme sulla condizione dello straniero »).

En outre, comme indiqué par le SEM dans la décision attaquée, il sera tenu compte de l'état de santé de l'intéressé au moment d'organiser son transfert vers l'Italie. Dans ce contexte, il lui appartiendra, s'il l'estime nécessaire, de fournir au SEM des informations plus détaillées et actualisées concernant son dossier médical et d'autoriser leur transmission aux autorités italiennes compétentes. Le cas échéant, le SEM devra ensuite transmettre ces informations aux autorités italiennes, au moyen du formulaire-type utilisé aux fins de la transmission à l'Etat membre responsable des données indispensables à la protection des droits de la personne à transférer et à la prise en compte de ses besoins particuliers immédiats (cf. art. 31 du règlement Dublin III).

Au vu de ce qui précède, aucun élément concret ne permet de mettre en doute l'accès en Italie à une prise en charge et à un encadrement adéquat.

6.6.6 S'agissant des craintes du recourant d'être renvoyé dans son pays d'origine, où il n'aurait, selon ses dires, pas accès aux soins nécessités par son état de santé, le Tribunal relève qu'il lui appartiendra de faire valoir ces arguments par-devant les autorités italiennes compétentes. L'Italie étant un Etat de droit, il peut être attendu du recourant qu'il requière une reconsidération de la décision négative rendue à son encontre par les autorités italiennes, en faisant valoir l'ensemble des éléments qui parleraient en défaveur d'un renvoi au Maroc, si ceux-ci existent désormais. Il n'y a pas de raisons de retenir que les autorités italiennes ne procéderaient pas à un nouvel examen, si celui-ci se justifie. Il est rappelé à ce titre que le recourant n'a fourni aucun élément dont il y aurait lieu d'inférer que l'Italie le renverrait dans son Etat d'origine, en violation du principe de non-refoulement. Il appartiendra dès lors à l'Italie, dont il n'y a aucune raison de penser qu'elle faillira à ses obligations, de prendre dûment en compte ses besoins d'encadrement.

6.7 Par conséquent, le transfert du recourant vers l'Italie n'est pas contraire aux obligations de la Suisse découlant des dispositions conventionnelles auxquelles cette dernière est liée.

6.8 Enfin, le SEM a bien pris en compte les faits allégués par l'intéressé, susceptibles de constituer des raisons humanitaires au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1, en lien avec l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III. L'autorité de première instance a exercé correctement son pouvoir d'appréciation, en examinant notamment s'il y avait lieu d'entrer en matière sur la demande du recourant pour des raisons humanitaires, et elle n'a pas fait preuve d'un abus dans son appréciation ni violé le principe de la proportionnalité ou de l'égalité de traitement. A ce titre, le Tribunal rappelle qu'il ne peut plus, ensuite de l'abrogation de l'art. 106 al. 1 let. c LAsi entrée en vigueur le 1er février 2014, substituer son appréciation en opportunité à celle de l'autorité inférieure, son contrôle étant limité à vérifier que celle-ci a constaté les faits pertinents de manière exacte et complète et qu'elle a exercé son pouvoir d'appréciation conformément à la loi (cf. ATAF 2015/9 consid. 7 et 8).

6.9 En conclusion, c'est à bon droit que le SEM a considéré qu'il n'y avait pas lieu de faire application de la clause de souveraineté ancrée à l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III, que ce soit pour des raisons tirées du respect par la Suisse de ses obligations internationales ou pour des raisons humanitaires.

7.

7.1 Au vu de ce qui précède, le SEM était fondé à refuser d'entrer en matière sur la demande d'asile, en application de l'art. 31a al. 1 let. b LAsi, auquel renvoie l'art. 111c al. 1 LAsi, et à prononcer le transfert du recourant en Italie et l'exécution de cette mesure, en application de l'art. 44 1ère phrase LAsi, étant précisé qu'aucune exception à la règle générale du renvoi n'est réalisée (cf. art. 32 OA 1).

7.2 Partant, le recours doit être rejeté et la décision attaquée confirmée.

8.

Le présent arrêt rend sans objet la demande de dispense du paiement d'une avance de frais.

9.
Vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), sans lui allouer de dépens (cf. art 64 al. 1 PA, en lien avec l'art. 7 al. 1 FITAF).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de procédure, d'un montant de 750 francs, sont mis à la charge du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

La présidente du collège : Le greffier :

Emilia Antonioni Luftensteiner Thierry Leibzig
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : E-1526/2019
Date : 28 septembre 2020
Publié : 14 octobre 2020
Source : Tribunal administratif fédéral
Statut : Non publié
Domaine : Renvoi Dublin (art. 107a LAsi)
Objet : Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi; décision du SEM du 19 mars 2019


Répertoire des lois
CEDH: 3  33
FITAF: 7
LAsi: 6a  18  29  31a  44  105  106  108  111a  111c
LEtr: 64a
LTAF: 31  32  33  37
LTF: 83
OA 1: 1  29a  32
PA: 5  13  48  52  63  64
Weitere Urteile ab 2000
2C_360/2011 • L_180/31 • L_180/60 • L_180/96
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
italie • règlement dublin • examinateur • nouvelle demande • pays d'origine • ue • cedh • vue • procédure d'asile • maroc • demandeur d'asile • viol • non-refoulement • tribunal administratif fédéral • entrée en vigueur • première instance • droit d'être entendu • communication • parlement européen • moyen de preuve
... Les montrer tous
BVGE
2017-VI-5 • 2017-VI-7 • 2015/9 • 2011/9 • 2010/45
BVGer
E-1370/2016 • E-1526/2019 • E-3393/2016 • E-962/2019 • F-2210/2019
EU Verordnung
604/2013