Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
U 389/04
Arrêt du 27 octobre 2005
IVe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Geiser, suppléant. Greffière : Mme von Zwehl
Parties
B.________, recourant, représenté par Me Pascal Pétroz, avocat, avenue de Champel 24, 1206 Genève,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée
Instance précédente
Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève, Genève
(Jugement du 21 septembre 2004)
Faits:
A.
B.________, né en 1956, a travaillé comme manoeuvre auprès de l'entreprise A.________ SA, dès le 15 octobre 2000. A ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident (CNA).
Le 3 février 2001, l'assuré a été victime d'un accident de la circulation; la voiture dans laquelle il avait pris place comme passager et qui se trouvait à l'arrêt a été percutée à l'arrière par un autre véhicule qui n'a pas pu freiner à temps. Le soir même, il a ressenti des douleurs cervicales, des vertiges et des céphalées. Le docteur K.________, de la Permanence de C.________, qu'il a consulté le lendemain de l'accident, a posé le diagnostic de traumatisme cervical de type «whiplash» (rapport médical intermédiaire du 10 mai 2001). L'assuré a été mis en incapacité de travail par son médecin traitant, le docteur M.________. Un bilan radiologique a révélé une discarthrose postérieure en C6-C7 et ébauchée en C5-C6, mais pas de déplacement anormal d'une vertèbre. Une tentative de reprise de travail à 50%, le 28 mai 2001, s'est soldée par un échec. La CNA a alors requis une expertise biomécanique auprès de son groupe de travail sur la mécanique des accidents. Dans un rapport du 11 avril 2002, celui-ci est parvenu à la conclusion que les plaintes de l'assuré étaient explicables par le choc subi lors de l'accident. B.________ a également été examiné par le docteur G.________, médecin d'arrondissement de la CNA, qui a émis un pronostic
défavorable sur le cas (rapport du 13 mars 2002). Dans un rapport complémentaire du 4 juillet suivant, ce médecin a déclaré que la persistance, après un an, de la symptomatologie douloureuse ne pouvait plus être «acceptée» comme une conséquence de l'accident dès lors qu'aucune lésion squelettique n'avait été décelée.
Le 12 juillet 2002, la CNA a rendu une décision par laquelle elle a mis fin à ses prestations au 31 juillet 2002, considérant que l'assuré ne présentait plus de séquelles consécutives à l'accident du 3 février 2001. Saisie d'une opposition, elle a requis un second avis du docteur S.________, de sa division de médecine des accidents, et confirmé sa prise de position initiale dans une nouvelle décision du 27 mai 2003.
B.
Par jugement du 21 septembre 2004, le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition de la CNA.
C.
B.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclut à ce que la CNA soit astreinte à lui allouer les prestations prévues par la LAA pour les suites de son accident.
La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations d'assurance au-delà du 31 juillet 2002, en raison de l'accident survenu le 3 février 2001.
2.
2.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage
paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 181 consid. 3.1, 406 consid. 4.3.1, 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références).
En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin» (Schleudertrauma, whiplash-injury) sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un rapport de causalité naturelle doit, dans la règle, être reconnue lorsqu'un tel traumatisme est diagnostiqué et que l'assuré en présente le tableau clinique typique (cumul de plaintes tels que maux de tête diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité accrue, troubles de la vision, irritabilité, labilité émotionnelle, dépression, modification du caractère, etc.). Il faut cependant que, médicalement, les plaintes puissent de manière crédible être attribuées à une atteinte à la santé; celle-ci doit apparaître, avec un degré prépondérant de vraisemblance, comme la conséquence de l'accident (ATF 119 V 338 consid. 2, 117 V 360 consid. 4b).
2.2 La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 181 consid. 3.2, 405 consid. 2.2, 125 V 461 consid. 5a et les références).
En présence de troubles d'ordre psychique consécutifs à un accident, l'appréciation de la causalité adéquate se fonde sur des critères différents selon que l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue (SVR 1995 UV no 23 p. 67 consid. 2) ou d'un traumatisme cranio-cérébral. En effet, lorsque l'existence d'un tel traumatisme est établie, il faut, si l'accident est de gravité moyenne, examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur les critères énumérés aux ATF 117 V 366 sv. consid. 6a et 382 sv. consid. 4b, sans qu'il soit décisif de savoir si les troubles dont est atteint l'assuré sont plutôt de nature somatique ou psychique (ATF 117 V 367 consid. 6a, dernier paragraphe; RAMA 1999 no U 341 p. 408 sv. consid. 3b). En revanche, dans les autres cas, l'examen du caractère adéquat du lien de causalité doit se faire, pour un accident de gravité
moyenne, sur la base des critères énumérés aux ATF 115 V 140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa (RAMA 2002 n° U 470 p. 531 consid. 4a).
Si les lésions appartenant spécifiquement au tableau clinique des suites d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un traumatisme cranio-cérébral, bien qu'en partie établies, sont reléguées au second plan par rapport aux problèmes d'ordre psychique, ce sont les critères énumérés aux ATF 115 V 140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa, et non pas ceux énumérés aux ATF 117 V 366 sv. consid. 6a et 382 sv. consid. 4b, qui doivent fonder l'appréciation de la causalité adéquate (ATF 123 V 99 consid. 2a; RAMA 2002 n° U 470 p. 532 consid. 4a, 1995 p. 115 ch. 6).
3.
3.1 Sans même aborder la question de la causalité naturelle, la juridiction cantonale a fait application de la jurisprudence relative aux troubles du développement psychique (ATF 115 V 140 6c/aa et 409 consid. 5c/aa) pour juger du lien de causalité adéquate entre les affections présentées par B.________ et l'événement accidentel. Ce faisant, elle a implicitement retenu que ces affections étaient de nature exclusivement psychique ou, du moins, a-t-elle admis la prédominance, chez l'assuré, de tels troubles par rapport aux lésions liés au traumatisme de type «coup du lapin». Toujours selon la juridiction cantonale, la CNA n'avait plus à répondre de l'incapacité de travail de l'assuré au-delà du 31 juillet 2002, dès lors qu'aucun des critères consacrés par la jurisprudence n'était rempli.
3.2 Le recourant, pour sa part, ne s'explique pas le retournement d'opinion du médecin d'arrondissement de la CNA, le docteur G.________. Par ailleurs, les premiers juges n'auraient pas tenu compte des constatations des médecins du Centre X.________, dont il avait produit le rapport (du 2 octobre 2002) en cours de procédure cantonale et qui faisaient mention, outre la présence de cervicalgies diffuses et de céphalées bi-temporales, d'un retrait social, de troubles du sommeil, d'une irritabilité et de difficultés de concentration. Or, le cumul de ces plaintes appartenaient typiquement au tableau clinique du traumatisme «du coup du lapin», de sorte que l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate devait être admise dans son cas.
4.
4.1 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 264 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêts B. du 30 novembre 2004, U 222/04, C. du 14 octobre 2004, U 66/04, et N. du 4 octobre 2004, U 159/04).
4.2 A l'issue de son examen du 12 mars 2002, le docteur G.________ notait encore la présence, chez l'assuré, de cervicalgies, d'épisodes d'étourdissements pendant lesquels la vision devenait floue et de maux de tête antérieurs et postérieurs. La situation médicale, décrite comme stationnaire par rapport à celle de mai 2001, amenait le docteur G.________ à poser un pronostic plutôt défavorable quant à une reprise du travail à long terme (même si une capacité de travail résiduelle dans une activité plus légère lui semblait possible) et à requérir du médecin traitant un nouveau bilan radiologique. Dans un document ultérieur (du 4 juillet 2002), après avoir procédé à l'analyse de l'ensemble du dossier radiographique de l'assuré et constaté l'absence d'une modification post-traumatique de la colonne cervicale, le docteur G.________ exposait que la symptomatologie douloureuse était marquée par des douleurs cervicales, que les autres éléments constitutifs du syndrome après traumatisme par accélération/décélération faisaient défaut, et que par conséquent, on ne pouvait plus admettre un lien de causalité avec l'accident. Le docteur S.________, qui partage le point de vue de son confrère, a quant à lui évoqué la probabilité d'une souffrance
psychosomatique «per exclusionem» (avis médical du 22 mai 2003).
4.3 En l'occurrence, les considérations médicales des docteurs G.________ et S.________ sur lesquelles se fondent tant la CNA que la juridiction cantonale apparaissent insuffisantes pour justifier à elles seules la suppression du droit du recourant aux indemnités journalières ainsi qu'à la prise en charge du traitement médical. Dans son rapport du 13 mars 2002, le docteur G.________ n'a ni remis en cause le fait que l'assuré présentait les conséquences d'un syndrome après traumatisme par accélération/décélération, ni évoqué la possibilité de troubles de nature psychique surajoutés. On comprend dès lors mal qu'il ait pu retenir, à peine quatre mois plus tard qu'il n'existait plus d'éléments compatibles avec un tel syndrome, les plaintes de l'intéressé se limitant à des douleurs cervicales. Quant aux observations du docteur S.________, elles n'en disent pas davantage, ce médecin se contentant de poser un diagnostic psychiatrique «per exclusionem». Il existe certes des indices susceptibles d'étayer l'hypothèse d'une évolution psychiatrique défavorable, notamment le fait que le docteur M.________ a très tôt fait état d'un risque important de sinistrose chez son patient si rien n'était tenté pour le reclasser (voir les rapports
intermédiaires qu'il a établis à l'intention de la CNA). Cela étant, l'existence d'un trouble psychique n'est pas médicalement documentée. A défaut d'informations circonstanciées sur les affections qui subsistent encore chez l'assuré, il n'est pas possible de savoir si celles-ci ressortissent spécifiquement au tableau clinique du traumatisme cervical de type «coup du lapin» ou constituent une atteinte à la santé (secondaire) indépendante, ce qui est déterminant pour juger de son droit aux prestations ou non au-delà du 31 juillet 2002. Or, des investigations complémentaires permettraient de lever ce doute.
Partant, il y a lieu de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle procède à une instruction complémentaire, notamment sous la forme d'une expertise psychiatrique. L'expert devra poser un diagnostic précis sur la nature des troubles présentés par le recourant et dire si ceux-ci se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l'accident; enfin, il se prononcera sur la capacité de travail. Après quoi, l'intimée rendra une nouvelle décision.
5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant, qui obtient gain de cause et est représenté par un avocat, a droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève du 21 septembre 2004, ainsi que la décision sur opposition de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents du 27 mai 2003, sont annulés, la cause étant renvoyée à cette institution pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
L'intimée versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
4.
Le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève statuera sur les dépens pour la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière instance.
5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 27 octobre 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IVe Chambre: p. la Greffière: