Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C 50/2009
Arrêt du 26 février 2009
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
A.________ et B.________,
recourants,
contre
Office fédéral des migrations, Quellenweg 6,
3003 Berne.
Objet
naturalisation facilitée; assistance judiciaire,
recours contre la décision du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 29 janvier 2009.
Faits:
A.
Le 1er mars 2007, A.________, ressortissant tunisien né le 12 juin 1976, a déposé une demande de naturalisation facilitée fondée sur son mariage avec une ressortissante helvétique, B.________, célébré le 1er septembre 2003.
Selon un rapport d'enquête établi le 22 janvier 2008 par la Police municipale de la Ville de Lausanne, A.________ fait l'objet de cinq poursuites en cours, dont quatre sont frappées d'opposition, pour un total de 1'129.85 fr. ainsi que de douze actes de défaut de biens délivrés au cours des cinq dernières années pour une somme de 14'492.20 fr. Il aurait en outre des arriérés d'impôts.
Le 8 février 2008, l'Office fédéral des migrations a informé le requérant que la naturalisation facilitée ne pouvait pas être prononcée aussi longtemps que des poursuites étaient en suspens ou qu'il existait des actes de défaut de biens de moins de cinq ans. Il lui recommandait en conséquence de retirer momentanément sa requête. L'occasion lui était en outre donnée de se déterminer dans un délai de deux mois.
Le 14 février 2008, A.________ a maintenu sa requête. Il s'est engagé à payer le montant des poursuites en suspens dans la mesure de ses possibilités.
Le 7 mai 2008, l'Office fédéral des migrations a demandé à l'intéressé de lui faire parvenir une attestation récente des autorités fiscales certifiant que ses impôts sont régulièrement payés ou la preuve qu'un éventuel arrangement a été accordé pour le règlement de ses arriérés d'impôts, ainsi qu'une attestation récente de l'Office des poursuites démontrant l'absence de poursuites et d'actes de défaut de biens.
Le 14 mai 2008, A.________ a refusé de délivrer un extrait récent de l'Office des poursuites au motif que l'état des dettes relevait de la sphère privée et que la naturalisation facilitée ne pouvait pas être refusée pour des raisons économiques sans violer le droit à l'égalité des chances. Il s'est au surplus référé à une attestation de l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud du 4 avril 2008, certifiant qu'il était à jour avec le paiement de ses impôts.
Le 30 octobre 2008, l'Office fédéral des migrations a une nouvelle fois rappelé au requérant que l'existence de dettes ne lui permettait pas de répondre favorablement à sa demande de naturalisation facilitée et précisé qu'une nouvelle demande pourrait être déposée lorsque sa situation financière serait assainie. Il a maintenu sa position dans un courrier du 19 novembre 2008.
A.________ ayant requis le prononcé d'une décision formelle sujette à recours, l'Office fédéral des migrations a statué en date du 22 décembre 2008 et refusé la demande de naturalisation facilitée.
Le 12 janvier 2009, les époux A.________ et B.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal fédéral; leur acte a été transmis au Tribunal administratif fédéral comme objet de sa compétence.
Par acte du 22 janvier 2009, A.________ a été invité à payer une avance sur les frais de procédure présumés de 1'000 fr. d'ici au 20 février 2009, à peine d'irrecevabilité. Il a déposé le lendemain une demande de dispense du paiement de l'avance de frais que le Tribunal administratif fédéral a rejetée par décision du 29 janvier 2009 au motif que le procès était dénué de chances de succès.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cette décision qu'ils tiennent pour discriminatoire et attentatoire à leur sphère privée et à leur dignité.
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position sur le recours.
Considérant en droit:
1.
Le recours est dirigé contre une décision incidente susceptible de causer un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 93 Autres décisions préjudicielles et incidentes - 1 Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
|
1 | Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
a | si elles peuvent causer un préjudice irréparable, ou |
b | si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. |
2 | En matière d'entraide pénale internationale et en matière d'asile, les décisions préjudicielles et incidentes ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.88 Le recours contre les décisions relatives à la détention extraditionnelle ou à la saisie d'objets et de valeurs est réservé si les conditions de l'al. 1 sont remplies. |
3 | Si le recours n'est pas recevable en vertu des al. 1 et 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées par un recours contre la décision finale dans la mesure où elles influent sur le contenu de celle-ci. |
2.
Le Tribunal administratif fédéral a considéré que le recours formé par A.________ contre le refus de l'Office fédéral des migrations de lui accorder la naturalisation facilitée n'avait aucune chance de succès et refusé l'assistance judiciaire partielle sous la forme d'une dispense du paiement de l'avance des frais dans la mesure où une décision favorable supposait que le requérant ne fasse pas l'objet d'actes de défaut de biens durant les cinq ans précédant la requête. Or, cette condition ne pouvait être tenue pour réalisée au vu des documents versés au dossier tendant à établir que sa situation financière est obérée. Les recourants estiment pour leur part qu'un refus d'octroi de la naturalisation facilitée fondé sur le seul fait que le requérant aurait des dettes serait discriminatoire et contraire à l'égalité des chances. Ils soutiennent en outre que l'obligation de fournir un extrait des poursuites porterait une atteinte inadmissible à leur sphère privée.
2.1 Aux termes de l'art. 29 al. 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
|
1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
Selon la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est pas, en revanche, lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 p. 136). La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 133 III 614 consid. 5 p. 616).
Dire quels sont les éléments d'appréciation pertinents et s'il existe des chances de succès est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement.
2.2 Aux termes de l'art. 26 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, l'octroi de la naturalisation facilitée est notamment subordonné à la condition que le requérant se conforme à l'ordre juridique suisse (LN; RS 141.0). Cette notion a été précisée par le Conseil fédéral en ce sens que le requérant doit avoir une bonne réputation en matière pénale et en matière de poursuites et faillites, d'une part, et que son comportement lors de l'exercice de ses droits et de l'accomplissement de ses devoirs doit pouvoir être pris en compte, d'autre part (Message du 26 août 1987 relatif à la modification de la loi sur la nationalité, FF 1987 III 296 et 301; voir aussi Message du 21 novembre 2001 concernant le droit de la nationalité des jeunes étrangers et révision de la loi sur la nationalité, FF 2002 p. 1845). Selon la pratique, des actes de défaut de biens ou des poursuites en suspens font en règle générale obstacle à l'octroi de la naturalisation facilitée lorsqu'ils ont été rendus dans les cinq ans précédant la demande de naturalisation; des exceptions sont concevables lorsque le requérant ne peut être tenu responsable de ses dettes (ROLAND SCHÄRER, Erfahrungen bei der Anwendung der letzten
Revision des Bürgerrechtsgesetzes, REC 62/1994 p. 36; KARL HARTMANN/LAURENT MERZ, Ausländerrecht, 2ème éd., 2008, p. 598). Le respect de cette condition est vérifié par la production d'un extrait du registre des poursuites couvrant les cinq dernières années précédant la requête et d'une attestation des autorités fiscales certifiant que le requérant est à jour dans le règlement de ses impôts. Le Tribunal fédéral a jugé que cette pratique devait en principe être approuvée malgré son schématisme (arrêt 5A.3/1997 du 1er mai 1997 consid. 3b). Dans le cas d'espèce, il avait toutefois confirmé le refus d'octroi de la naturalisation facilitée parce que le recourant, dans l'exécution de ses dettes, avait choisi celles qu'il entendait honorer et laissé de côté celles contractées vis-à-vis de la collectivité, démontrant ainsi qu'il n'entendait pas respecter l'ordre juridique suisse.
2.3 En l'occurrence, selon l'extrait des poursuites versés au dossier, le recourant fait l'objet d'actes de défaut de biens délivrés dans les cinq dernières années précédant la demande de naturalisation et de poursuites en cours pour un montant d'environ 15'000 fr. S'il fallait suivre la pratique constante des autorités fédérales, la demande de naturalisation facilitée devrait être écartée et un recours contre cette décision serait manifestement voué à l'échec, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal administratif fédéral. L'appréciation des chances de succès du recours n'est pas différente au regard de l'argumentation développée par son auteur.
Les recourants voient une atteinte inadmissible à leur sphère privée et à la dignité humaine dans l'obligation qui leur est faite de produire l'état de leurs dettes; ils tiennent également pour discriminatoire et contraire au principe de l'égalité des chances le refus systématique des autorités administratives de donner une suite favorable aux demandes de naturalisation facilitée qui émanent de personnes endettées. Le droit à la protection de la sphère privée garanti à l'art. 13
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 13 Protection de la sphère privée - 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. |
|
1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. |
2 | Toute personne a le droit d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 13 Protection de la sphère privée - 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. |
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1 | Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. |
2 | Toute personne a le droit d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent. |
l'art. 8 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 8 Égalité - 1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. |
|
1 | Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. |
2 | Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. |
3 | L'homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l'égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. |
4 | La loi prévoit des mesures en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées. |
SR 141.0 Loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse (LN) - Loi sur la nationalité LN Art. 26 Conditions - 1 La réintégration est accordée si le requérant remplit les conditions suivantes: |
|
1 | La réintégration est accordée si le requérant remplit les conditions suivantes: |
a | il séjourne en Suisse: son intégration est réussie; |
b | il vit à l'étranger: il a des liens étroits avec la Suisse; |
c | il respecte la sécurité et l'ordre publics; |
d | il respecte les valeurs de la Constitution; |
e | il ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. |
2 | Les conditions prévues à l'al. 1, let. c à e, s'appliquent par analogie aux requérants qui ne séjournent pas en Suisse. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 190 Droit applicable - Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international.135 |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 8 Égalité - 1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. |
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1 | Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. |
2 | Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. |
3 | L'homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l'égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. |
4 | La loi prévoit des mesures en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées. |
SR 141.0 Loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse (LN) - Loi sur la nationalité LN Art. 26 Conditions - 1 La réintégration est accordée si le requérant remplit les conditions suivantes: |
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1 | La réintégration est accordée si le requérant remplit les conditions suivantes: |
a | il séjourne en Suisse: son intégration est réussie; |
b | il vit à l'étranger: il a des liens étroits avec la Suisse; |
c | il respecte la sécurité et l'ordre publics; |
d | il respecte les valeurs de la Constitution; |
e | il ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. |
2 | Les conditions prévues à l'al. 1, let. c à e, s'appliquent par analogie aux requérants qui ne séjournent pas en Suisse. |
LN. On cherche en vain une telle démonstration dans le recours pendant devant le Tribunal administratif fédéral ou un élément dans le dossier qui permettrait d'étayer cette hypothèse.
2.4 En définitive, l'on ne saurait faire grief au Tribunal administratif fédéral d'avoir jugé le recours dont il était saisi dénué de chances de succès et refusé d'accorder au recourant l'assistance judiciaire partielle sous la forme d'une dispense du paiement de l'avance des frais judiciaires.
3.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Vu les circonstances, l'arrêt sera exceptionnellement rendu sans frais (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
|
1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux recourants et au Tribunal administratif fédéral, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
Lausanne, le 26 février 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: Le Greffier:
Aemisegger Parmelin