Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A 435/2018
Arrêt du 25 octobre 2018
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi, Herrmann, Schöbi et Bovey.
Greffier : M. Braconi.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
B.________ SA,
intimée,
Objet
déclaration d'insolvabilité,
recours contre l'arrêt de la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève du 10 avril 2018 (C/1925/2018, ACJC/443/2018).
Faits :
A.
Le 19 mars 2013, A.________ a conclu avec B.________ SA un contrat de prêt portant sur la somme de 105'000 fr. - augmentée des intérêts et coûts (à savoir 138'070 fr. 80 au total) -, qu'il s'est engagé à rembourser par 72 mensualités de 1'917 fr. 65, à compter du 30 avril 2013 jusqu'au 31 mars 2019. A cette époque, il travaillait en qualité de magasinier au service de C.________, pour un salaire net de 5'927 fr. 45 par mois.
A.________ a pris sa retraite le 1er décembre 2014. Il perçoit une rente AVS de 1'622 fr. et une rente de la Caisse de prévoyance de D.________ de 2'210 fr., à savoir 3'832 fr. par mois.
B.
En janvier et en décembre 2015, la banque a refusé la proposition de l'emprunteur de rembourser sa dette à raison de 500 fr. par mois. Par courrier du 10 mars 2016, elle a résilié le prêt, se réservant le droit de poursuivre en recouvrement du solde impayé, c'est-à-dire 82'258 fr. 25 plus intérêts. Le 17 mars 2016, elle a introduit une poursuite tendant au paiement de la somme de 82'633 fr. 70 en capital ( n° xx xxxxxx x de l'Office des poursuites de Genève); c'est l'unique poursuite dont fait l'objet l'intéressé.
Le 24 février 2017, l'Office des poursuites de Genève a avisé D.________ qu'une saisie de rente avait été exécutée le jour même au préjudice du débiteur et l'a invitée à retenir la somme de 990 fr. par mois.
C.
Le 29 janvier 2018, le débiteur a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une déclaration d'insolvabilité, que cette autorité a rejetée par jugement du 8 février 2018. Statuant le 10 avril suivant, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours du débiteur.
D.
Par écriture du 16 mai 2018, le débiteur exerce un recours au Tribunal fédéral; sur le fond, il conclut au prononcé de sa faillite.
L'autorité précédente se réfère à son arrêt, alors que l'intimée renonce à présenter des observations.
E.
Le 25 octobre 2018, la IIe Cour de droit civil a délibéré sur le recours en audience publique.
Considérant en droit :
1.
Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1








2.
En l'espèce, la juridiction précédente a constaté que le recourant, dans sa requête, avait demandé sa faillite parce qu'il lui était très difficile de vivre avec la saisie frappant la rente versée par D.________. Dans son recours cantonal, il a précisé qu'il entendait " pouvoir vivre la fin de [s] a vie de manière un peu moins dure qu'au minimum vital de saisie ". Dès lors, il apparaît que le but poursuivi par l'intéressé est de mettre fin à une saisie et de pouvoir à nouveau percevoir tous ses revenus, cette manière de faire étant destinée à désavantager son (seul) créancier et à lui causer un préjudice. C'est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré qu'il commettait un abus de droit, en sorte que sa requête de faillite devait être rejetée.
2.1. Aux termes de l'art. 191 al. 1


2.2. D'emblée, il convient de rappeler que la faillite volontaire prévue à l'art. 191

Ce point étant précisé, la décision attaquée échappe à la critique. Quoi qu'en dise le recourant, l'autorité précédente n'a nullement qualifié sa requête d'abusive pour l'unique motif " qu'il n'y a qu'un seul créancier ", mais bien en raison du but poursuivi en l'espèce (arrêt 5A 676/2008 du 15 janvier 2009 consid. 2.1 et 2.5, avec les citations). Si la démarche du débiteur n'est, certes, pas abusive du simple fait qu'elle est dictée par un mobile égoïste, tel est, en revanche, le cas lorsqu'elle procède de l'unique but de faire tomber une saisie exécutée au profit d'un seul créancier (BRUNNER/BOLLER, in : Basler Kommentar, SchKG II, 2e éd., 2010, n° 16, et C OMETTA, in : Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 11 ad art. 191


intérêts des créanciers doivent également être pris en compte "; dans ce domaine, " il ne peut s'agir de faire triompher uniquement le point de vue du débiteur " (arrêt 5P.207/1994 du 29 juin 1994 consid. 3c, in : RVJ 1994 p. 324 ss). Dans un arrêt plus ancien, le Tribunal fédéral a même affirmé que la déclaration d'insolvabilité que le débiteur présente " pour échapper à la saisie de son salaire " constitue une " manoeuvre faite in fraudum creditorum" (arrêt du 11 septembre 1926, in : SJ 1926 p. 513, spéc. 518 consid. III). La jurisprudence ne s'est plus départie de cette approche (ATF 123 III 402 consid. 3a/aa, avec les citations).
Contrairement à l'opinion du recourant, le Tribunal fédéral n'exige pas, comme condition supplémentaire de rejet de la requête, que la saisie soit limitée " pendant une durée raisonnable ", élément pourtant évoqué par une partie des auteurs (COMETTA, loc. cit.; GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. III, 2001, n° 30 ad art. 191

la durée de l'échelonnement ne serait pas " déraisonnable " en regard des chiffres retenus dans l'arrêt précité.
Enfin, même si elle ne peut être assimilée à un " fresh start " (MARCHAND, op. cit., p. 12 n° 31), la procédure instituée à l'art. 191


En confirmant le rejet de la déclaration d'insolvabilité du recourant, les magistrats précédents n'ont donc pas enfreint le droit fédéral.
2.3. Vu le motif qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si le recourant dispose de " quelques biens à abandonner à ses créanciers " (jurisprudence constante: ATF 133 III 614 consid. 6; arrêt 5A 78/2016 précité consid. 3.1, avec d'autres citations), aspect que la cour cantonale a pu se dispenser d'élucider.
3.
Vu ce qui précède, le recours est rejeté, aux frais du recourant (art. 66 al. 1



Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des faillites de Genève, à l'Office des poursuites de Genève, à l'Office du registre du commerce du canton de Genève, au Registre foncier du canton de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 25 octobre 2018
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
Le Greffier : Braconi