Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A 672/2009
Arrêt du 24 décembre 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.
Parties
X.________ SpA,
représentée par Me Giorgio Campá, avocat,
recourante,
contre
Y.________ SA,
représentée par Me Pierre Vuille, avocat,
intimée.
Objet
mainlevée définitive de l'opposition,
recours contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève du 3 septembre 2009.
Faits:
A.
A.a X.________ SpA est une société italienne, dont le but social est l'impression de publications et de magazines. Y.________ SA, dont le siège est à Genève, exerce, en particulier, dans le domaine de l'édition. La première soutient que la seconde lui a commandé de la marchandise pour l'impression de divers magazines; or, bien que cette commande ait été honorée, les factures y relatives n'ont été acquittées qu'en partie, un solde de 186'741,87 Euros restant dû.
A.b Le 29 mai 2007, le Tribunal de Milan a rendu - conformément au droit italien - un decreto ingiuntivo, sans entendre la partie adverse, condamnant Y._________ SA à verser à la requérante X.________ SpA la somme précitée, hors intérêts, avec suite de frais et dépens. Cette décision renvoie aux "articles 633 ss CPC" et informe la débitrice qu'elle "peut s'opposer à l'arrêt devant ce Tribunal dans le même délai et que, en l'absence d'opposition, l'arrêt sera définitif", mais ne mentionne pas le délai pour faire opposition, ni d'ailleurs aucun autre délai.
La société défenderesse n'a pas formé opposition. Le 15 mai 2008, le Tribunal de Milan a apposé la formule suivante: "Vues les dispositions prises aujourd'hui par le Juge de céans, mandons et ordonnons à tous huissiers, sur ce requis, et à qui de droit, de mettre la présente injonction à exécution, au Procureur Général d'y tenir la main et à tous les officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis. Délivré au requérant".
B.
Le 15 décembre 2008, X.________ SpA a fait notifier à Y.________ SA un commandement de payer la somme de 390'392 fr. 60 plus intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2008, invoquant comme titre de la créance le decreto ingiuntivo du 29 mai 2007.
La poursuivie ayant frappé cet acte d'opposition, la poursuivante en a requis la mainlevée définitive à concurrence de 385'153 fr. 32, ainsi que l'exequatur du jugement italien.
Statuant le 13 mai 2009, le Tribunal de première instance de Genève a débouté la requérante. Par arrêt du 3 septembre suivant, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision.
C.
La poursuivante forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt; sur le fond, elle conclut principalement au prononcé de l'exequatur du decreto ingiuntivo rendu par le Tribunal de Milan et à l'octroi de la mainlevée définitive à concurrence de 287'507 fr. 78 avec intérêts à 5% l'an dès le 24 novembre 2008, ainsi qu'au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue sur les intérêts moratoires dus par l'intimée.
Des observations n'ont pas été requises.
Considérant en droit:
1.
Le présent recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète. |
|
1 | Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète. |
2 | Le délai de recours est de dix jours contre: |
a | les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite; |
b | les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale; |
c | les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93. |
d | les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95. |
3 | Le délai de recours est de cinq jours contre: |
a | les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change; |
b | les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales. |
4 | Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national. |
5 | En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. |
6 | ...96 |
7 | Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 90 Décisions finales - Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 75 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37 |
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1 | Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37 |
2 | Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours, sauf si: |
a | une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique; |
b | un tribunal spécialisé dans les litiges de droit commercial statue en instance cantonale unique; |
c | une action ayant une valeur litigieuse d'au moins 100 000 francs est déposée directement devant le tribunal supérieur avec l'accord de toutes les parties. |
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 81 - 1 Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription. |
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3 | Si le jugement a été rendu dans un autre État, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet État ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé161, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens.162 |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 72 Principe - 1 Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière civile. |
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1 | Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière civile. |
2 | Sont également sujettes au recours en matière civile: |
a | les décisions en matière de poursuite pour dettes et de faillite; |
b | les décisions prises en application de normes de droit public dans des matières connexes au droit civil, notamment les décisions: |
b1 | sur la reconnaissance et l'exécution de décisions ainsi que sur l'entraide en matière civile, |
b2 | sur la tenue des registres foncier, d'état civil et du commerce, ainsi que des registres en matière de protection des marques, des dessins et modèles, des brevets d'invention, des obtentions végétales et des topographies, |
b3 | sur le changement de nom, |
b4 | en matière de surveillance des fondations, à l'exclusion des institutions de prévoyance et de libre passage, |
b5 | en matière de surveillance des exécuteurs testamentaires et autres représentants successoraux, |
b6 | les décisions prises dans le domaine de la protection de l'enfant et de l'adulte, |
b7 | ... |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 74 Valeur litigieuse minimale - 1 Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à: |
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1 | Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à: |
a | 15 000 francs en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer; |
b | 30 000 francs dans les autres cas. |
2 | Même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, le recours est recevable: |
a | si la contestation soulève une question juridique de principe; |
b | si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique; |
c | s'il porte sur une décision prise par une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite; |
d | s'il porte sur une décision prise par le juge de la faillite ou du concordat; |
e | s'il porte sur une décision du Tribunal fédéral des brevets. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 76 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière civile quiconque: |
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1 | A qualité pour former un recours en matière civile quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et |
b | est particulièrement touché par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification. |
2 | Ont également qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 72, al. 2, la Chancellerie fédérale, les départements fédéraux et, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions.41 |
2.
La Cour de justice a retenu que le jugement présenté à l'exequatur ne comportait pas le délai pour former opposition, non plus que le délai pour payer la somme réclamée, en sorte qu'il n'était pas conforme aux conditions posées par l'art. 641 CPC/IT. En outre, l'autorité cantonale a considéré que, si le decreto ingiuntivo avait été déclaré exécutoire par le Tribunal de Milan, la poursuivante n'avait pas rendu vraisemblable pour autant que cette décision avait été notifiée à la poursuivie dans le délai de 90 jours prescrit par l'art. 644 CPC/IT; en effet, elle a été prise le 29 mai 2007 et notifiée à la débitrice, par l'intermédiaire du Procureur général, le 22 novembre 2007, et il ne ressort pas des pièces produites (recevables) que ce délai aurait été prolongé ou suspendu.
Dans ces conditions, la poursuivante n'a pas rendu vraisemblable que le titre sur lequel se fonde la procédure d'exécution forcée en Suisse est "valable et efficace selon le droit italien", par conséquent "valide au sens de la LP".
2.1 Lorsque - comme en l'espèce (FF 2001 p. 4107) - le litige est de nature pécuniaire, le Tribunal fédéral n'examine l'application du droit étranger que sous l'angle de l'arbitraire (art. 96 let. b
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 96 Droit étranger - Le recours peut être formé pour: |
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a | inapplication du droit étranger désigné par le droit international privé suisse; |
b | application erronée du droit étranger désigné par le droit international privé suisse, pour autant qu'il s'agisse d'une affaire non pécuniaire. |
2.2 Autant que le grief est suffisamment motivé sur ce point (art. 106 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
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1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
Pour réfuter l'avis de l'autorité précédente, la recourante se réfère à un auteur selon lequel "l'absence d'indication dans le décret du délai pour faire opposition, comme sa fixation en deçà du minimum ou au delà du maximum, font que l'opposition doit être déposée dans le délai ordinaire prévu par la loi". Recevable sous l'angle de l'art. 99 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 99 - 1 Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
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1 | Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
2 | Toute conclusion nouvelle est irrecevable. |
consid. 3b in fine p. 444 et les citations).
On ne saurait davantage suivre la recourante lorsqu'elle soutient que l'absence d'indication expresse du délai d'opposition ne constitue pas une "condition de validité de la décision étrangère du point de vue de la Convention de Lugano, et n'est pas pertinente non plus du point de vue des conditions de l'exequatur fixées par la Convention de Lugano". Il n'est pas contesté que le decreto ingiuntivo du droit italien accompagné de la requête du créancier vaut "acte introductif d'instance" au sens de l'art. 27 ch. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 99 - 1 Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
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1 | Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
2 | Toute conclusion nouvelle est irrecevable. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 99 - 1 Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
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1 | Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
2 | Toute conclusion nouvelle est irrecevable. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 99 - 1 Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
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1 | Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
2 | Toute conclusion nouvelle est irrecevable. |
requis doit contrôler la régularité de la notification de l'acte introductif d'instance et non la régularité de cet acte lui-même (GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe, 3e éd., 2002, n° 417), il ne peut pas reconnaître un jugement inefficace dans l'Etat d'origine (GEIMER, Internationales Zivilprozessrecht, 5e éd., 2005, n° 2889 et 3115).
3.
Vu ce qui précède, il devient superflu de connaître des critiques de la recourante à l'encontre du second motif de la cour cantonale (ATF 133 III 221 consid. 7 p. 228; 130 III 321 consid. 6 p. 328).
4.
En conclusion, le présent recours doit être rejeté, avec suite de frais à la charge de la recourante (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 24 décembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Braconi