Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour IV
D-5303/2012
Arrêt du 23 octobre 2012
Gérald Bovier, juge unique,
Composition avec l'approbation de Jean-Pierre Monnet, juge ;
Mathieu Ourny, greffier.
A._______, se disant né le (...), de nationalité indéterminée,
Parties (...),
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure .
Objet Asile (non-entrée en matière) et renvoi ; décision de l'ODM du 3 octobre 2012 / N (...).
Vu
la demande d'asile déposée en Suisse par l'intéressé en date du 27 mars 2012,
le document qui lui a été remis le même jour et dans lequel l'autorité compétente attirait son attention, d'une part, sur la nécessité de déposer dans les 48 heures ses documents de voyage ou ses pièces d'identité et, d'autre part, sur l'issue éventuelle de la procédure en l'absence de réponse concrète à cette injonction,
les procès-verbaux des auditions des 11 avril (deux auditions), 20 avril et 26 septembre 2012,
l'absence de production de tout document d'identité ou de voyage,
la décision de l'ODM du 3 octobre 2012, notifiée le 6 suivant,
le recours de l'intéressé interjeté le 10 octobre 2012, assorti de demandes d'octroi de l'effet suspensif et d'exemption du paiement d'une avance de frais,
et considérant
que le Tribunal administratif fédéral (le Tribunal), en vertu de l'art. 31



qu'en particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105


que l'intéressé a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1



que le recours a ex lege effet suspensif (art. 42

que, saisi d'un recours contre une décision de non-entrée en matière sur une demande d'asile, le Tribunal se limite à examiner le bien-fondé d'une telle décision (cf. ATAF 2011/30 consid. 3, ATAF 2009/54 consid. 1.3.3, ATAF 2007/8 consid. 5 ; Ulrich Meyer/Isabel von Zwehl, L'objet du litige en procédure de droit administratif fédéral, in : Mélanges en l'honneur de Pierre Moor, Berne 2005 p. 435 ss),
qu'entendu sur ses motifs, l'intéressé a déclaré qu'en (...), une dizaine de jeunes avaient été tués par des rebelles dans son pays qui serait le B._______ ; qu'en raison de ces meurtres et de l'insécurité générale, il aurait entrepris de fuir le B._______, gagnant le C._______, où il avait déjà vécu de longues années auparavant, puis la Suisse, via D._______,
qu'il n'a déposé aucun document à des fins de légitimation,
que dans sa décision du 3 octobre 2012, l'ODM a préalablement considéré que l'intéressé n'avait pas rendu vraisemblable qu'il était mineur, relevant que ce dernier avait tenté de dissimuler ses véritables identité et origine, qu'il n'avait fourni aucun document d'identité, et qu'à l'occasion de ses différentes auditions (en particulier celle relative au droit d'être entendu qui lui avait été accordé le 11 avril 2012), il n'avait pas répondu de manière satisfaisante aux questions posées, tenant notamment des propos confus et lacunaires, et se comportant de manière désinvolte ; qu'ensuite, sur la base de l'art. 32 al. 2 let. a


que dans son recours, l'intéressé a maintenu qu'il était mineur, requérant l'octroi d'un délai pour étayer ses dires par la production de moyens de preuve ; que sur le fond, il s'est contenté de contester "la constatation des faits" et a expliqué que son intégrité physique, voire sa vie, seraient mis en danger en cas de renvoi de Suisse, concluant à l'entrée en matière sur sa demande d'asile,
que s'il existe des doutes quant aux données relatives à l'âge d'un requérant d'asile, par exemple lorsqu'il ne remet pas ses documents de voyage ou ses pièces d'identité, l'office fédéral peut se prononcer, à titre préjudiciel, sur la qualité de mineur dont il se prévaut, avant l'audition sur ses motifs d'asile et la désignation d'une personne de confiance (cf. arrêts du Tribunal D-731/2011 du 11 février 2011 p. 3 et 4, E-7185/2010 du 2 décembre 2010 consid. 5.2) ; que l'office fédéral procédera alors à une clarification des données relatives à l'âge de l'intéressé par le biais, notamment, de questions ciblées portant sur son parcours de vie, sa scolarité, ses relations familiales ainsi que sur son voyage et son pays d'origine (cf. ibidem ; Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2005 n° 16 consid. 4, JICRA 2004 n° 30) ; que si, après avoir fait usage de la diligence commandée par les circonstances, il n'est pas possible d'établir à satisfaction l'âge réel d'un demandeur d'asile se prétendant mineur, celui-ci doit supporter les conséquences du défaut de preuve de la minorité (cf. JICRA 2001 n° 23 consid. 6c),
qu'en l'espèce, le recourant a notamment été interrogé dans le cadre d'une audition ad hoc le 11 avril 2012 ; qu'il n'a produit aucun document d'identité ou pièce de nature à conforter ses déclarations sur son âge, concédant avoir renoncé à se munir d'un tel document au moment de quitter son pays, dans le but d'éviter d'y être refoulé (cf. procès-verbal de l'audition du 11 avril 2012 relative au droit d'être entendu, p. 3, réponse ad question n° 20) ; qu'une fois en Suisse, il n'a effectué aucune démarche sérieuse et concrète dans le but d'obtenir une pièce d'identité, tenant à ce sujet des propos confus ; qu'il a en effet affirmé dans un premier temps qu'il n'était pas en mesure de joindre son père au B._______, et qu'il avait oublié son numéro de téléphone (cf. procès-verbal de l'audition sommaire du 11 avril 2012, p. 6), avant de prétendre, quelques mois plus tard, avoir demandé à son père, par téléphone, de lui faire parvenir un document d'identité, mais que rien n'avait été entrepris dans ce sens par son père (cf. procès-verbal de l'audition du 26 septembre 2012, p. 2) ; qu'en outre, ses affirmations relatives à sa date de naissance et aux circonstances dans lesquelles il l'aurait apprise, sont inconsistantes et divergentes ; qu'il a ainsi déclaré avoir su sa date de naissance tantôt à l'âge de cinq ans, tantôt à 15 ans (cf. procès-verbal de l'audition sommaire du 11 avril 2012, p. 3),
que c'est ainsi à raison que l'ODM a retenu que l'intéressé n'avait pas rendu vraisemblable sa minorité ; que comme relevé ci-dessus, ce dernier doit en assumer les conséquences,
que dans ces circonstances, le Tribunal ne saurait donner suite à la demande du recourant tendant à l'octroi d'un délai pour produire des documents susceptibles d'étayer son âge, celui-ci ayant déjà eu tout loisir de s'exécuter depuis son arrivée en Suisse en mars 2012 ; qu'en outre, il ne précise pas dans son recours comment concrètement il entend s'y prendre pour produire au stade actuel de la procédure un tel document ; que dite demande est donc rejetée,
qu'en vertu de l'art. 32 al. 2 let. a


qu'on entend, par document de voyage, tout document officiel autorisant l'entrée dans l'Etat d'origine ou dans d'autres Etats, tel qu'un passeport ou un document de voyage de remplacement (art. 1a let. b


que les notions de documents de voyage et de pièces d'identité sont ainsi à interpréter de manière restrictive ; que seuls sont visés les documents qui permettent une identification certaine et qui assurent le rapatriement dans le pays d'origine sans grandes formalités administratives (ATAF 2007/7 consid. 4-6),
que le Tribunal a par ailleurs précisé ce qu'il fallait entendre par motifs excusables ; que dans ce contexte, est déterminante la crédibilité générale du requérant en lien avec le récit présenté du voyage jusqu'en Suisse et avec les explications fournies sur le sort réservé à ses documents d'identité ; que l'on peut en particulier retenir l'existence de motifs excusables si l'attitude du requérant permet de conclure qu'il n'essaie pas de manière abusive de prolonger son séjour en Suisse en ne produisant pas les documents requis (ATAF 2010/2 consid. 6),
qu'en l'espèce, le recourant n'a déposé ni documents de voyage ni pièces d'identité dans un délai de 48 heures après le dépôt de sa demande d'asile ; qu'il n'a en outre pas rendu vraisemblable qu'il avait des motifs excusables de ne pas avoir été à même d'en déposer en temps utile ; qu'à la motivation développée à bon droit par l'ODM sur ce point, relative à l'absence de motifs excusables justifiant le défaut de production de documents d'identité valables (cf. décision du 3 octobre 2012, consid. I/1, p. 3), le Tribunal tient à ajouter que les déclarations de l'intéressé en lien avec son départ du B._______ contiennent d'autres éléments d'invraisemblance ; qu'il n'est en effet pas plausible que le trajet en bus entre E._______ et F._______, long de plus de 1'300 kilomètres, n'ait duré que quatre heures (cf. procès-verbal de l'audition sommaire du 11 avril 2012, p. 7) ; qu'en outre, le recourant a présenté des versions divergentes, puisqu'il a tout d'abord prétendu être resté environ cinq mois au C._______ avant son départ pour l'Europe (cf. ibidem, p. 4), avant d'affirmer n'avoir transité que quelques jours dans ce pays (cf. procès-verbal de l'audition du 26 septembre 2012, p. 3, réponse ad question n° 23) ; que par ailleurs, il ressort du dossier que selon les autorités italiennes, il aurait vécu en G._______, contrairement à ses déclarations ; qu'il y aurait obtenu une autorisation de séjour, arrivée à expiration le 29 mars 2012, à savoir deux jours après sa demande d'asile déposée en Suisse ; qu'interrogé à ce propos, ainsi que sur le fait que des billets de bus émis à H._______ avaient été retrouvés sur lui à son arrivée en Suisse, il n'a pas fourni d'explications convaincantes (cf. procès-verbal de l'audition sommaire du 11 avril 2012, p. 4 ; procès-verbal de l'audition du 26 septembre 2012, p. 6 et 7, réponse ad question n° 64),
que dans ces conditions, la première des exceptions prévues par l'art. 32 al. 3

qu'il y a lieu d'examiner la deuxième de ces exceptions et de déterminer si la qualité de réfugié est établie au terme de l'audition, conformément à l'art. 3



qu'avec la réglementation prévue à l'art. 32 al. 2 let. a



qu'en l'occurrence, les allégations de l'intéressé ne constituent que de simples affirmations de sa part, totalement inconsistantes, qu'aucun élément concret ni moyen de preuve ne viennent étayer, et dont la vraisemblance est fortement sujette à caution,
que le récit présenté s'avère de manière générale vague et indigent, en particulier s'agissant de la date des meurtres allégués, de l'identité des victimes et des circonstances précises de leur disparition,
que le recourant n'a pas non plus expliqué en quoi il aurait été personnellement mis en danger suite à ces événements, de sorte que son départ précipité du pays pour les raisons invoquées n'apparaît manifestement pas crédible,
que pour le surplus, le Tribunal renvoie à la motivation de l'ODM à ce sujet (cf. décision du 3 octobre 2012, consid. I/2, p. 3 et 4), en particulier en ce qui concerne le manque de connaissances de l'intéressé sur le B._______,
qu'il peut par ailleurs être déduit de l'inconsistance des déclarations du recourant à ce propos, et du défaut de vraisemblance de l'ensemble de son récit, qu'il cherche à dissimuler aux autorités suisses sa véritable nationalité, de sorte que les motifs d'asile liés au pays dont il prétend avoir la nationalité apparaissent sans pertinence,
qu'au demeurant, les motifs avancés ne sont pas non plus pertinents en matière d'asile, au regard de l'art. 3

que les déclarations du recourant ne satisfaisant de toute évidence pas aux exigences légales requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié, l'exception prévue à l'art. 32 al. 3 let. b

qu'il en va de même de celle de l'art. 32 al. 3 let. c

qu'il n'y a pas lieu non plus de procéder à d'autres mesures d'instruction pour constater l'existence d'un empêchement à l'exécution du renvoi, sous l'angle de la licéité (ATAF 2009/50 consid. 8),
qu'en cas de violation de l'obligation qu'a la partie de collaborer à l'établissement des faits qu'elle est le mieux placée pour connaître (cf. art. 8 al. 1 let. a

qu'en l'espèce, l'intéressé, en ne présentant pas de document d'identité, en dissimulant son identité et en particulier sa nationalité, ainsi que les raisons et les circonstances de sa venue en Suisse, a violé son obligation de collaborer,
que, dès lors, il n'appartient pas aux autorités compétentes de rechercher le véritable pays d'origine du recourant ni de procéder à d'autres mesures d'instruction pour constater l'existence d'un empêchement à l'exécution du renvoi sous l'angle de la licéité (cf. ATAF 2009/50 consid. 8),
que l'ODM a ainsi refusé à juste titre d'entrer en matière sur la demande d'asile ; que sur ce point, le recours doit être rejeté et le dispositif de la décision du 3 octobre 2012 confirmé,
qu'aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée (cf. art. 32


qu'en dissimulant sa nationalité, le recourant rend impossible toute vérification de l'existence, en cas de renvoi dans son pays d'origine effectif, d'une part, d'un risque personnel, concret et sérieux d'être soumis à un traitement prohibé par une disposition de droit international public à laquelle la Suisse est liée (cf. art. 3



que le recours, en tant qu'il porte sur le renvoi et son exécution, doit ainsi être rejeté et le dispositif de la décision entreprise également confirmé sur ces points,
qu'au vu de son caractère manifestement infondé, le recours peut être rejeté par voie de procédure à juge unique avec l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e



que cet arrêt rend la demande d'exemption du paiement d'une avance de frais sans objet,
que, vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge de l'intéressé, conformément aux art. 63 al. 1

(dispositif page suivante)
le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'exemption du paiement d'une avance de frais est sans objet.
3.
Les frais de procédure, d'un montant de 600 francs, sont mis à la charge du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
4.
Le présent arrêt est adressé au recourant, à l'ODM et à l'autorité cantonale compétente.
Le juge unique : Le greffier :
Gérald Bovier Mathieu Ourny
Expédition :