Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour IV
D-2054/2013
Arrêt du 20 février 2014
Gérald Bovier (président du collège),
Composition François Badoud, Yannick Felley, juges,
Mathieu Ourny, greffier.
A._______, né le (...),
Egypte,
Parties
représenté par (...),
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure .
Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 12 mars 2013 /
Objet
N (...).
Vu
la demande d'asile déposée en Suisse par A._______ en date du 30 janvier 2012,
les procès-verbaux des auditions des 1er février et 5 juin 2012,
la décision du 12 mars 2013, notifiée le 16 suivant, par laquelle l'ODM a rejeté la demande d'asile présentée par l'intéressé, a prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l'exécution de cette mesure,
le recours du 11 avril 2013 formé contre cette décision, ainsi que ses annexes,
les demandes tendant à la consultation du dossier N 573 615 et à l'octroi d'un délai pour déposer un mémoire complémentaire,
les demandes d'assistance judiciaire totale et partielle,
l'ordonnance du 18 avril 2013, par laquelle le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a transmis le dossier N (...) à l'ODM et l'a invité à donner suite à la demande du recourant tendant à la consultation dudit dossier,
le courrier du 25 avril 2013, par lequel l'ODM a donné suite à la demande de consultation de l'intéressé,
l'ordonnance du 15 mai 2013, par laquelle le Tribunal a invité le recourant à produire d'éventuelles observations complémentaires,
les observations complémentaires de l'intéressé du 30 mai 2013, ainsi que leurs annexes,
la décision incidente du 18 juin 2013, par laquelle le Tribunal a rejeté la demande d'assistance judiciaire totale, en tant qu'elle visait à la désignation d'un avocat d'office, a rejeté la demande d'assistance judiciaire partielle, au motif que le recourant disposait de ressources suffisantes au sens de l'art. 65 al. 1

le versement de la somme requise dans le délai imparti,
et considérant
que le Tribunal, en vertu de l'art. 31



qu'en particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105


qu'à l'instar de l'ODM, le Tribunal s'appuie sur la situation prévalant au moment de l'arrêt s'agissant de la crainte de persécution future ou de motifs d'empêchement à l'exécution du renvoi, que ceux ci soient d'ordre juridique ou pratique (cf. ATAF 2009/29 consid. 5.1, ATAF 2008/12 consid. 5.2, ATAF 2008/4 consid. 5.4) ; qu'il prend ainsi en considération l'évolution de la situation intervenue depuis le dépôt de la demande d'asile,
que l'intéressé a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1



qu'au cours des auditions, le requérant, de confession copte, a déclaré être originaire (...) B._______, où il aurait toujours vécu ; que dès l'âge de (...), il aurait travaillé dans le domaine du (...), se spécialisant dans le (...) ; qu'interrogé sur ses motifs d'asile, il a expliqué avoir fui l'Egypte en raison des violences de certains musulmans à l'encontre des membres de la communauté copte ; que des églises auraient notamment été incendiées et des femmes chrétiennes converties de force à l'islam ; que s'agissant de ses problèmes propres, l'intéressé a expliqué s'être fait arracher des mains (...), en pleine rue, par deux individus barbus, qui l'auraient frappé avec la valise avant de s'enfuir ; que selon lui, il aurait été visé en raison de son apparence (cheveux longs et croix chrétienne autour du cou) ; qu'en outre, alors qu'il se rendait régulièrement dans un appartement (...), dans un immeuble habité par des musulmans, un salafiste lui aurait un jour demandé de ne plus venir dans l'appartement en question ; qu'un autre jour, après s'être garé devant l'immeuble et s'être rendu dans l'appartement, il aurait retrouvé sa voiture avec les vitres cassées, un chapelet arraché au rétroviseur et un mot lui demandant de ne plus revenir ; que par ailleurs, il aurait été à plusieurs reprises insulté, dans la rue, par des personnes qui l'auraient pris, à tort, pour un homosexuel, en raison de ses longs cheveux ; que ces brimades et intimidations se seraient accentuées suite à la victoire des salafistes aux élections législatives ; qu'enfin, le requérant aurait connu des difficultés pour se déplacer et travailler de manière régulière ; qu'après le départ des membres de sa famille et de certains amis à l'étranger, il aurait décidé de faire de même ; qu'en date du 28 janvier 2012, il aurait rejoint Genève par avion, au bénéfice d'un visa obtenu pour rendre visite à son frère, installé en Suisse,
qu'à l'appui de sa demande d'asile, l'intéressé a produit, outre ses documents d'identité, divers moyens de preuve, à savoir des articles de presse et des photographies en lien avec ses activités de (...), un certificat de travail, un extrait de son casier judiciaire égyptien, des diplômes scolaires et des relevés de notes, des photographies en lien avec la révolution égyptienne, ainsi que des documents relatifs au séjour et au mariage de son frère en Suisse,
que l'ODM, dans sa décision du 12 mars 2013, a retenu le défaut de pertinence des motifs d'asile invoqués, faute d'intensité suffisante des mesures subies ; que s'agissant de la situation générale en Egypte, en particulier de la recrudescence des tensions entre chrétiens et musulmans, l'office a relevé que l'intéressé n'avait fait état d'aucun acte de persécution à son encontre en lien avec cette situation, précisant que la communauté copte, si elle devait certes faire face à des vexations et des discriminations, n'était pas pour autant exposée à des persécutions au sens de l'art. 3

que dans son recours, l'intéressé a mis l'accent sur la situation sécuritaire des chrétiens en Egypte, qui se serait péjorée, notamment depuis l'arrivée au pouvoir des Frères musulmans, au point qu'ils seraient de plus en plus menacés de persécutions ; qu'en outre, selon le recourant, les autorités égyptiennes ne poursuivraient pas les auteurs de persécutions ; que dès lors, en cas de retour dans son pays, il serait exposé à des préjudices déterminants en matière d'asile, du simple fait de sa religion,
que dans ses observations complémentaires du 30 mai 2013, le recourant a invoqué un fait nouveau ; qu'il a en effet expliqué être homosexuel, et risquer pour cette raison des traitements contraires à l'art. 3

qu'à l'appui de son recours et de ses observations complémentaires, l'intéressé a déposé divers documents de portée générale sur la situation en Egypte,
que sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (cf. art. 3 al. 1


que quiconque demande l'asile doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (cf. art. 7 al. 1


que conformément à la jurisprudence du Tribunal, le caractère tardif d'éléments tus lors de l'audition sommaire au centre d'enregistrement, mais invoqués plus tard lors de l'audition sur les motifs d'asile, peut être retenu pour mettre en doute la vraisemblance des motifs d'asile allégués ; que ce principe vaut a fortiori pour des allégués présentés uniquement au stade du recours ; que dans certaines circonstances particulières, les allégués tardifs peuvent certes être excusables ; que tel est le cas, par exemple, des déclarations de victimes de graves traumatismes, qui ont de la réticence à s'exprimer sur les événements vécus, ou encore de personnes provenant de milieux dans lesquels la loi du silence est une règle d'or (cf. arrêt du Tribunal D-7332/2009 du 3 septembre 2012 consid. 3.3 et jurisprudence citée),
qu'en l'espèce, s'agissant tout d'abord de la prétendue homosexualité du recourant, force est de constater que cet élément a été invoqué de manière tardive, au stade des observations complémentaires, de sorte que la crédibilité de l'intéressé sur ce point peut être fortement mise en doute, au vu de la jurisprudence précitée,
que lors de ses auditions par-devant l'ODM, le recourant n'a jamais indiqué être homosexuel, expliquant en revanche avoir souvent été pris pour tel, en raison de son apparence physique, en particulier de ses cheveux longs (cf. procès-verbal de l'audition du 1er février 2012, p. 8 et 9) ; qu'il n'a pas non plus mentionné cet élément dans son recours ; que ce n'est qu'après s'être fait remettre les pièces de son dossier par l'ODM qu'il a déclaré être attiré par des personnes du même sexe,
que ses explications pour justifier la tardiveté de ses allégations, à savoir l'assurance faite par son mandataire que ses propos ne seraient pas divulgués aux autorités égyptiennes, ne sont pas convaincantes ; qu'en effet, en marge de son audition sommaire le 1er février 2012, son attention avait déjà été attirée sur le traitement confidentiel de ses déclarations (cf. procès-verbal de l'audition du 1er février 2012, p. 1 et 2),
qu'au demeurant, l'intéressé n'a évoqué aucun élément précis et concret de préjudices qu'il aurait subis en raison de son orientation sexuelle ; que les remarques déplacées dont il aurait été victime, dans la rue, ne sont à cet égard pas décisives, faute d'intensité suffisante,
qu'en ce qui concerne les autres motifs d'asile invoqués par le recourant, indépendamment de la question de leur vraisemblance, qui peut rester indécise, ils ne sont pas pertinents au sens de l'art. 3

que comme l'a relevé récemment la Cour européenne des droits de l'home (Cour EDH), les coptes en Egypte ne sont pas tous exposés, de manière générale et indépendamment des cas d'espèce, à des risques de traitements contraires à l'art. 3

qu'il y a donc lieu, pour chaque cas particulier, d'examiner si la personne concernée court un risque de persécution en cas de retour dans cet Etat,
que s'agissant des motifs particuliers exposés par l'intéressé, ils ne sont, en tout état de cause, pas d'une intensité telle qu'ils puissent être déterminants en matière d'asile,
qu'il en va ainsi du vol de valise dont il aurait fait l'objet dans la rue et des dégâts faits à sa voiture ; qu'au demeurant, rien n'indique qu'à ces occasions, le recourant ait été visé en raison de son appartenance à la communauté copte ; que s'agissant des déprédations faites à son véhicule, à laquelle il n'aurait d'ailleurs pas assisté et dont les auteurs lui seraient inconnus, elle ne revêt pas non plus une intensité suffisante, au regard de l'art. 3

qu'il en va de même des brimades et insultes dont il aurait fait l'objet dans la rue,
qu'aucun des moyens de preuve produits par l'intéressé ne fait état d'un quelconque risque de préjudices pesant sur sa propre personne en cas de retour en Egypte,
qu'en définitive, celui-ci n'a subi aucune persécution déterminante en matière d'asile dans son pays d'origine ; qu'il ne peut se prévaloir d'une crainte fondée d'en subir en cas de retour dans cet Etat,
que son départ d'Egypte semble avoir été avant tout motivé par celui des membres de sa famille et de ses amis (cf. procès-verbal de l'audition du 1er février 2012, p. 5, 6 et 8 ; procès-verbal de l'audition du 5 juin 2012, p. 5, 6 et 9), ainsi que par des difficultés économiques (cf. procès-verbal de l'audition du 5 juin 2012, p. 4), éléments non pertinents en matière d'asile,
qu'au vu de ce qui précède, faute d'argument susceptible de remettre en cause le bien-fondé de la décision de l'ODM du 12 mars 2013, sous l'angle de la reconnaissance de la qualité de réfugié et de l'octroi de l'asile, le recours doit être rejeté et le dispositif de la décision précitée confirmé sur ce point,
qu'aucune des conditions de l'art. 32


que l'exécution du renvoi est ordonnée si elle est possible, licite et raisonnablement exigible; qu'à l'inverse, l'ODM règle les conditions de résidence conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20) concernant l'admission provisoire (cf. art. 44 al. 2

que l'intéressé n'ayant pas établi l'existence d'un risque de sérieux préjudices au sens de l'art. 3





qu'elle est également raisonnablement exigible (cf. art. 44 al. 2

que l'Egypte, malgré les mouvements protestataires ayant abouti à la destitution de l'ancien président Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013, ainsi qu'à la création d'un nouveau gouvernement transitoire et à l'annonce d'élections législatives et présidentielles, ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée - et indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4

qu'il ne ressort pas non plus du dossier que l'intéressé pourrait être mis concrètement en danger pour des motifs qui lui seraient propres,
qu'il est jeune, a suivi une formation scolaire et bénéficie d'une expérience professionnelle ; qu'il dispose encore d'amis ou de connaissances dans son pays d'origine, chez lesquels il aurait vécu avant son départ pour la Suisse (cf. procès-verbal de l'audition du 5 juin 2012, p. 7 à 9) ; qu'il n'a pas allégué ni établi souffrir de problèmes de santé particuliers, soit autant de facteurs qui devraient lui permettre de se réinstaller sans rencontrer d'excessives difficultés,
que l'exécution du renvoi s'avère enfin possible (cf. art. 44 al. 2



que le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi, doit également être rejeté et le dispositif de la décision querellée confirmé sur ce point,
que, vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1



(dispositif page suivante)
le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 600 francs, sont mis à la charge du recourant. Ils sont compensés avec l'avance de frais de même montant versée le 27 juin 2013.
3.
Le présent arrêt est adressé au mandataire du recourant, à l'ODM et à l'autorité cantonale.
Le président du collège : Le greffier :
Gérald Bovier Mathieu Ourny
Expédition :