Tribunal federal
{T 0/2}
1A.293/2004 /svc
Arrêt du 18 mars 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.
Parties
L.________,
recourante, représentée par
Me Christiane de Senarclens, avocate, Cabinet Mayor,
contre
Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Italie,
recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève
du 1er novembre 2004.
Faits:
A.
Le 16 août 2000, le Procureur de la République auprès du Tribunal de Rome a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure pénale ouverte à l'encontre de E.________ et autres, des chefs d'association de malfaiteurs, recel, omission de déclaration de pièces archéologiques et exportation clandestine. La demande fait état de nombreuses pièces archéologiques provenant de vols ou de fouilles illicites en Italie, qui se trouveraient dans les Ports Francs de Genève, d'où les biens étaient réexportés en dissimulant leur provenance. Cette première demande se réfère à une précédente commission rogatoire du 23 décembre 1997 dans laquelle était requise la documentation comptable et bancaire de O.________ et des sociétés liées à celle-ci, soit notamment L.________ et la fiduciaire C.________, à Genève, ainsi que l'interrogatoire de B.________.
Le 20 décembre 2000, le Procureur de Rome a complété sa demande en indiquant que le gestionnaire de A.________ aurait agi notamment comme prête-nom de E.________. D'autres sociétés seraient également impliquées: L.________ et C.________ sont à nouveau mentionnées à ce titre.
B.
Le 15 février 2001, le Juge d'instruction du canton de Genève est entré en matière, ordonnant notamment une perquisition dans les locaux occupés par L.________ et C.________, ainsi qu'au domicile de B.________, président de C.________ et administrateur de O.________ et de L.________. Une perquisition a eu lieu le 6 mars 2001 chez B.________; selon le procès-verbal du 9 mars suivant, ont été saisis des dossiers concernant les déclarations fiscales de E.________ (HJ1 et HJ2), un carton d'archives "C.________ 1993 L.________" contenant divers courriers, relevés et contrats, ainsi que des pièces relatives à un immeuble à New York, le tout inventorié sous la référence HJ3. La perquisition menée dans les bureaux de C.________ a conduit à la saisie de dossiers relatifs à O.________ (pièces T1 et T2 de l'inventaire du 9 mars 2001), ainsi que de dossiers "L.________ - T.________" de 1997 au 1er juillet 2002 (pièces T3 à T7) et des notes d'honoraires et avis de débit adressées à L.________ de 1994 à janvier 2001 (pièce T8, selon inventaire daté du 30 mars 2003).
Avec l'accord des intéressés, les pièces T1 et T2 et le procès-verbal d'audition de B.________ ont été transmis par voie d'exécution simplifiée, de même que des pièces bancaires remises par T.________; le juge d'instruction a en revanche renoncé à la transmission des pièces HJ1 et HJ2, de nature fiscale.
C.
Par ordonnance de clôture partielle du 23 juin 2004, le juge d'instruction a décidé de transmettre à l'autorité requérante, notamment, les documents suivants:
- les inventaires, notamment des 9 et 30 mars 2001;
- les documents saisis dans les locaux de C.________, soit les pièces T3
à T7;
- les pièces T8;
- les documents saisis chez B.________, soit les pièces HJ3;
- les courriers de l'avocat de L.________;
- les rapports de police.
Ces documents ont été jugés en lien avec la procédure italienne et utiles à la manifestation de la vérité.
D.
Par ordonnance du 1er novembre 2004, la Chambre d'accusation genevoise a déclaré irrecevable le recours formé par L.________. Les pièces qui la concernaient avaient été saisies en main de la fiduciaire ou de son administrateur de l'époque, de sorte que la recourante n'était pas touchée par la mesure d'entraide. Certaines pièces se rapportaient à un compte dont L.________ était titulaire, mais elles concernaient des transactions effectuées, pour elle, par la fiduciaire.
E.
L.________ forme un recours de droit administratif; elle conclut à l'annulation de l'ordonnance de la Chambre d'accusation, ainsi que des décisions d'entrée en matière et de la décision de saisie des documents. Elle s'oppose à la transmission des documents T3 à T7 et HJ3 (à l'exception de certains documents), et déclare ne pas s'opposer à la transmission des autres pièces mentionnées ci-dessus. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la Chambre d'accusation, à la production de la demande d'entraide du 23 décembre 1997, et à ce qu'un tri des pièces soit effectué, celles-ci étant limitées aux années 1985 à 1995. La recourante a fait valoir, ultérieurement, qu'un Tribunal de Rome avait, le 13 décembre 2004, condamné E.________ et acquitté B.________; la demande d'entraide serait devenue sans objet.
La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance. L'Office fédéral de la justice et le juge d'instruction concluent au rejet du recours.
La recourante a pris position sur les observations de l'OFJ.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recours est formé en temps utile contre une décision de clôture confirmée en dernière instance cantonale (art. 80e let. a
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 80e Recours contre les décisions des autorités d'exécution - 1 Peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, la décision de l'autorité cantonale ou fédérale d'exécution relative à la clôture de la procédure d'entraide et, conjointement, les décisions incidentes. |
|
1 | Peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, la décision de l'autorité cantonale ou fédérale d'exécution relative à la clôture de la procédure d'entraide et, conjointement, les décisions incidentes. |
2 | Les décisions incidentes antérieures à la décision de clôture peuvent faire l'objet d'un recours séparé si elles causent un préjudice immédiat et irréparable en raison: |
a | de la saisie d'objets ou de valeurs, ou |
b | de la présence de personnes qui participent à la procédure à l'étranger. |
3 | L'art. 80l, al. 2 et 3, est applicable par analogie. |
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 80e Recours contre les décisions des autorités d'exécution - 1 Peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, la décision de l'autorité cantonale ou fédérale d'exécution relative à la clôture de la procédure d'entraide et, conjointement, les décisions incidentes. |
|
1 | Peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, la décision de l'autorité cantonale ou fédérale d'exécution relative à la clôture de la procédure d'entraide et, conjointement, les décisions incidentes. |
2 | Les décisions incidentes antérieures à la décision de clôture peuvent faire l'objet d'un recours séparé si elles causent un préjudice immédiat et irréparable en raison: |
a | de la saisie d'objets ou de valeurs, ou |
b | de la présence de personnes qui participent à la procédure à l'étranger. |
3 | L'art. 80l, al. 2 et 3, est applicable par analogie. |
2.
Selon la recourante, la cour cantonale aurait violé les art. 80h let. b
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 80h Qualité pour recourir - Ont qualité pour recourir: |
|
a | l'OFJ; |
b | quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. |
procédure.
2.1 Selon l'art. 80h let. b
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 80h Qualité pour recourir - Ont qualité pour recourir: |
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a | l'OFJ; |
b | quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. |
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 21 Dispositions communes - 1 La personne poursuivie peut se faire assister d'un mandataire. Si elle ne peut ou ne veut y pourvoir et que la sauvegarde de ses intérêts l'exige, un mandataire d'office lui est désigné. |
|
1 | La personne poursuivie peut se faire assister d'un mandataire. Si elle ne peut ou ne veut y pourvoir et que la sauvegarde de ses intérêts l'exige, un mandataire d'office lui est désigné. |
2 | Lors du traitement de la demande, les autres personnes concernées par une mesure d'entraide ou le lésé qui assiste à des investigations peuvent se faire assister par un mandataire, si la sauvegarde de leurs intérêts l'exige, et se faire représenter par lui, si l'objet de l'enquête n'est pas compromis.62 |
3 | La personne visée par la procédure pénale étrangère ne peut attaquer une décision que si elle est personnellement et directement touchée par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.63 |
4 | Le recours formé contre une décision rendue en application de la présente loi n'a pas d'effet suspensif. Font exception: |
a | le recours dirigé contre une décision accordant l'extradition; |
b | le recours dirigé contre une décision autorisant soit la transmission à l'étranger de renseignements concernant le domaine secret soit le transfert d'objets ou de valeurs.64 |
2.2 Dans l'ATF 128 II 211 consid. 2.2 p. 216-217, le Tribunal fédéral a précisé que l'établissement bancaire n'a pas qualité pour recourir contre la transmission de documents relatifs à un compte détenu par un client, dans la mesure où ces documents ne contiennent rien sur la gestion des propres affaires de la banque. Plus récemment, le Tribunal fédéral a estimé que l'application de cette jurisprudence aux documents saisis chez un avocat ou une fiduciaire présenterait des difficultés, liées notamment à la notification des décisions. La question a toutefois pu être laissée indécise, car les documents remis par l'avocat se rapportaient en l'occurrence à un compte détenu et géré par l'étude, ce qui lui permettait d'agir en se fondant directement sur l'art. 9a let. a
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale EIMP Art. 21 Dispositions communes - 1 La personne poursuivie peut se faire assister d'un mandataire. Si elle ne peut ou ne veut y pourvoir et que la sauvegarde de ses intérêts l'exige, un mandataire d'office lui est désigné. |
|
1 | La personne poursuivie peut se faire assister d'un mandataire. Si elle ne peut ou ne veut y pourvoir et que la sauvegarde de ses intérêts l'exige, un mandataire d'office lui est désigné. |
2 | Lors du traitement de la demande, les autres personnes concernées par une mesure d'entraide ou le lésé qui assiste à des investigations peuvent se faire assister par un mandataire, si la sauvegarde de leurs intérêts l'exige, et se faire représenter par lui, si l'objet de l'enquête n'est pas compromis.62 |
3 | La personne visée par la procédure pénale étrangère ne peut attaquer une décision que si elle est personnellement et directement touchée par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.63 |
4 | Le recours formé contre une décision rendue en application de la présente loi n'a pas d'effet suspensif. Font exception: |
a | le recours dirigé contre une décision accordant l'extradition; |
b | le recours dirigé contre une décision autorisant soit la transmission à l'étranger de renseignements concernant le domaine secret soit le transfert d'objets ou de valeurs.64 |
2.3 Comme le laisse entendre ce dernier arrêt, le cas des avocats et fiduciaires doit en principe être réglé différemment de celui des banques. Ces dernières mettent en effet à disposition de leurs clients certaines prestations liées à l'ouverture et à l'utilisation de comptes, sans forcément intervenir activement dans la gestion de ces derniers. En revanche, lorsque les avocats ou des fiduciaires détiennent des documents bancaires, elles le font généralement en raison d'un mandat qui les lie à leur client, pour lequel ils déploient une activité propre. C'est sans doute ce qu'a voulu exprimer la Chambre d'accusation en relevant que les documents relatifs au compte de la recourante concernaient des transactions "effectuées par la fiduciaire pour le compte de L.________". Par conséquent, si la jurisprudence présume généralement que les documents saisis auprès d'une banque ne concernent pas sa propre gestion, il faut partir de la prémisse inverse à l'égard des fiduciaires et des avocats. Ces derniers sont donc seuls habilités à recourir en tant que personnes soumises à une mesure de perquisition (art. 9a let. b
SR 351.11 Ordonnance du 24 février 1982 sur l'entraide internationale en matière pénale (Ordonnance sur l'entraide pénale internationale, OEIMP) - Ordonnance sur l'entraide pénale internationale OEIMP Art. 9a Personne touchée - Est notamment réputé personnellement et directement touché au sens des art. 21, al. 3, et 80h EIMP: |
|
a | en cas d'informations sur un compte, le titulaire du compte; |
b | en cas de perquisition, le propriétaire ou le locataire; |
c | en cas de mesures concernant un véhicule à moteur, le détenteur. |
La solution adoptée par la cour cantonale s'inscrit donc dans le cadre de la jurisprudence, qui s'attache à ne pas étendre exagérément le cercle des personnes admises à s'opposer aux mesures d'entraide, et à simplifier autant que possible la tâche de l'autorité d'exécution au moment de notifier ses décisions. L'ordonnance attaquée ne viole pas, par conséquent, le droit fédéral.
2.4 S'agissant des archives de la recourante saisies au domicile de B.________, l'ordonnance attaquée ne fait qu'appliquer les principes dégagés par la jurisprudence constante, selon laquelle la personne concernée par des documents saisis en mains tierces n'a pas qualité pour agir, quand bien même ces documents contiennent des informations à son sujet (ATF 130 II 162 consid. 1.1 p. 164 et la jurisprudence citée).
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais de la recourante, sans qu'il y ait à examiner l'argumentation soulevée au fond.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire internationale (B 100 302).
Lausanne, le 18 mars 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: