Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour II

Case postale

CH-9023 St-Gall

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Numéro de classement : B-4743/2015

ric/tim/bmm

Décision incidente
du 16 septembre 2015

Pascal Richard (président du collège),

Composition Hans Urech, Marc Steiner, juges,

Muriel Tissot, greffière.

En la cause

X._______ SA,
Parties représentée parMe Jacques Fournier, avocat,

recourante,

contre

Office fédéral des routes OFROU,
Service juridique et acquisition de terrain,
3003 Berne,

pouvoir adjudicateur,

Objet marchés publics - N01 Upn. Faoug-Kerzers installation de signalisation routière Simap-Projet-ID 123843,

Faits :

A.

A.a Le 7 mars 2015, l'Office fédéral des routes OFROU (ci-après : le pouvoir adjudicateur), division "infrastructure routière" - filiale d'Estavayer-le-Lac, a publié dans le Système d'information sur les marchés publics en Suisse (Simap) un appel d'offres, dans le cadre d'une procédure ouverte, pour un marché de services intitulé "N01 Upn. Faoug-Kerzers / Lot 13.431 - BSA S-VM Signalisation dynamique". Cet appel d'offres intervient dans le cadre du projet d'assainissement de l'autoroute A1 sur le tronçon Faoug- Kerzers.

Dans le délai de clôture pour le dépôt des offres, fixé au 22 avril 2015 à 12h00, deux soumissionnaires ont déposé une offre. Parmi celles-ci figurait l'offre de X._______ SA (ci-après : la recourante) pour un montant de (...) francs hors taxe.

A.b Le 27 mai 2015, le pouvoir adjudicateur a requis des précisions sur l'offre déposée ; la recourante a transmis sa réponse le 2 juin 2015.

B.
Le 14 juillet 2015, le pouvoir adjudicateur a informé la recourante qu'elle avait été exclue de la procédure de passation pour le motif que le format "K" des feux lumineux de signalisation offerts ne correspondait pas aux exigences techniques du dossier d'appel d'offres. En outre, il a indiqué que le marché avait été attribué à la société Y._______ AG (ci-après : l'adjudicataire).

C.
Par décision publiée dans Simap le 15 juillet 2015, le pouvoir adjudicateur a adjugé le marché à l'adjudicataire pour un montant de 1'931'041 francs hors taxe, indiquant qu'il s'agissait de l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base de l'ensemble des critères d'adjudication.

D.
Par écritures du 3 août 2015, la recourante a formé recours auprès du Tribunal administratif fédéral, contestant aussi bien son exclusion que l'adjudication du marché à l'adjudicataire. Principalement, elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des actes susmentionnés et à l'attribution du marché à elle-même. Subsidiairement, elle requiert le renvoi de la cause au pouvoir adjudicateur pour adjudication à elle-même et, plus subsidiairement, pour nouvelle évaluation des offres. Préalablement, elle requiert l'octroi de l'effet suspensif au recours, partant, qu'interdiction soit faite au pouvoir adjudicateur de conclure un contrat portant sur la réalisation du projet faisant l'objet du présent recours, ainsi que l'octroi de l'accès complet au dossier de la procédure d'appel d'offres.

A l'appui de ses conclusions, la recourante conteste ne pas avoir respecté les spécifications techniques du cahier des charges. Si elle ne nie pas qu'un signal lumineux présentant une rangée de trois leds était requis, elle estime qu'une rangée de deux leds permet également de respecter, du point de vue optique, toutes les exigences de la Norme européenne EN 12966 / Signaux de signalisation routière verticale - Panneaux à messages variables - Partie 1 : Norme de produit (ci-après : norme EN 12966) et, pour ce qui a trait au nombre total de leds et aux dimensions de tous les symboles, celles de la fiches technique 23001-11432 / éléments de construction / signalisation / Système VM de l'OFROU du 5 mai 2010 (ci-après: la fiche technique). À cet égard, elle précise que dite fiche technique fait expressément référence à la norme EN 12966, laquelle s'attache à la surface éclairée par les leds et non aux nombres de rangées de ceux-ci et que, selon l'art. VI par. 1 let. b de l'accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics, les spécifications techniques sont fondées sur des normes internationales s'il en existe. Par ailleurs, elle fait valoir, se référant à la jurisprudence, que le réquisit de spécifications techniques ne saurait avoir pour conséquence de limiter le nombre de soumissionnaires au point qu'un seul ou un nombre très restreint d'entre eux soient en mesure d'y satisfaire. Or, en l'occurrence, les exigences arrêtées suppriment toute concurrence, seules deux entreprises ayant déposé une offre. Enfin, précisant que les produits offerts ont très récemment été posés dans un tunnel autoroutier, elle considère que l'exigence de trois rangées de leds, qui ne conduit à aucune différence d'un point de vue optique pour le conducteur, n'est nullement justifiée, ce d'autant plus que, en ce qui la concerne, la dimension du signal et le nombre total de leds, le pouvoir adjudicateur fixe des valeurs approximatives.

S'agissant de la requête d'octroi de l'effet suspensif, elle fait valoir que les chances du succès ne peuvent en aucun cas être niées lors d'un examen prima facie. Sur ce point, elle se prévaut de ce que son offre n'a été exclue qu'en fin de procédure et après lui avoir demandé d'apporter des précisions. De même, aucune urgence particulière n'exige la réalisation du marché avant l'issue de la procédure. Enfin, elle se prévaut d'un intérêt public au recours puisque, à ce jour, un seul acteur économique est en mesure de satisfaire aux spécifications techniques requises par le pouvoir adjudicateur dans ce marché.

E.
Par ordonnance du 5 août 2015, le Tribunal administratif fédéral a enjoint le pouvoir adjudicateur, à titre de mesure superprovisionnelle, de n'entreprendre aucune mesure d'exécution susceptible d'influer sur l'issue du litige, en particulier la conclusion du contrat, avant qu'il ne soit statué sur la requête d'octroi de l'effet suspensif.

F.
Invité à se déterminer sur la requête d'effet suspensif, le pouvoir adjudicateur a conclu, par écritures remises à la poste le 26 août 2015, à son rejet pour le motif que le recours serait manifestement infondé. Il a pour le reste requis l'admission partielle - dans les limites du respect des secrets d'affaires - de la demande d'accès au dossier et le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. A l'appui de ses conclusions, il fait tout d'abord valoir que les documents d'appel d'offres indiquent que les feux de fermeture temporaire de voies (FTV) doivent être conçus conformément à la fiche technique 23001-11432. De même, le rapport technique mentionne que les FTV devaient avoir un format "M" renvoyant expressément à la fiche technique. Enfin, les dimensions des FTV correspondant à celles du code de format "M" sont prescrites dans les plans mis à disposition. Le pouvoir adjudicateur en déduit que, en tant que la recourante remet en cause cette exigence, ses griefs sont tardifs puisque l'appel d'offres n'a pas été attaqué et qu'aucune remarque n'a été émise lors des questions-réponses. Elle allègue ensuite que le choix du système "M" pour les FTV est dû au fait qu'il présente une péjoration moindre de la qualité des signaux ; ce choix ressort en outre du Manuel technique d'exploitation et de sécurité disponible sur le site internet de l'OFROU et est donc consultable par tout soumissionnaire éventuel. Par ailleurs, elle fait valoir que l'offre retenue ne satisfait pas aux spécifications techniques, non seulement en ce qu'elle ne propose que deux rangées de leds mais également en ce qui concerne le nombre total de leds et la dimension du signal. Dans ces conditions, elle considère qu'une prise en compte de l'offre contreviendrait au principe de la transparence et de l'égalité de traitement, peu importe que les produits proposés aient été retenus pour des projets aux exigences différentes. S'agissant de la prétendue suppression de la concurrence induite par les spécifications techniques retenues, elle allègue que seuls deux acteurs sont présents sur le marché des panneaux de leds, de sorte que le choix de signaux à deux rangées, plutôt que ceux à trois, ne saurait stimuler la concurrence. Enfin, elle conteste que la recourante puisse tirer argument de ce que son offre n'a été exclue qu'en fin de procédure ; il s'agit là de sa pratique pour tout appel d'offres et quels que soient les manquements constatés.

G.
Egalement invitée à se prononcer sur la requête d'octroi de l'effet suspensif, l'adjudicataire n'a pas répondu dans le délai imparti.

H.
Par décision incidente du 2 septembre 2015, le Tribunal administratif fédéral a accordé un accès au dossier à la recourante conformément aux prescriptions du pouvoir adjudicateur.

I.
Invitée à formuler d'éventuelles remarques, la recourante a, par courrier du 11 septembre 2015, renvoyé aux arguments déjà développés dans son recours.

Droit :

1.

1.1 Le Tribunal administratif fédéral est compétent pour connaître notamment des recours contre les décisions d'adjudication ou d'exclusion dans le domaine de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP, RS 172.056.1 ; cf. art. 29 let. a et d LMP en relation avec l'art. 27 al. 1 LMP). Dans ce cadre, le Tribunal administratif fédéral est également compétent pour statuer sur des requêtes d'octroi de l'effet suspensif (cf. art. 28 al. 2 LMP).

1.2 La procédure devant le Tribunal administratif fédéral est régie par la PA, pour autant que la LMP et la LTAF n'en disposent pas autrement (cf. art. 26 al. 1 LMP et art. 37 LTAF). Selon l'art. 31 LMP, le grief de l'inopportunité ne peut être invoqué dans la procédure de recours.

1.3 Selon une pratique bien établie, le Tribunal administratif fédéral statue en collège sur l'octroi de l'effet suspensif au recours contre une décision d'adjudication (cf. décisions incidentes du TAF B 3402/2009 du 2 juillet 2009 consid. 1.2, partiellement publiée aux ATAF 2009/19, et B 7208/2014 du 5 mars 2015 consid. 1.2).

2.
Le Tribunal administratif fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATAF 2007/6 consid. 1 ; arrêt du TAF B-6177/2008 du 25 novembre 2008 consid. 2.1, non publié aux ATAF 2008/61).

2.1 La LMP s'applique uniquement aux marchés publics visés par l'Accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics (ci-après : AMP, RS 0.632.231.422). Un recours devant le Tribunal administratif fédéral n'est recevable que s'il est dirigé contre une décision prise conformément aux procédures d'adjudication prévues par la LMP (cf. a contrario art. 2 al. 3 4ème phrase LMP, voir aussi art. 39 de l'ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics [OMP, RS 172.056.11] ; ATAF 2008/61 consid. 3.1, 2008/48 consid. 2.1 et réf. cit.).

Elle est applicable si l'entité adjudicatrice est soumise à la loi (art. 2 LMP), si le type de marché adjugé est visé par celle-ci (art. 5 LMP), si la valeur du marché public à adjuger atteint les seuils prescrits à l'art. 6 al. 1 LMP et, enfin, si le marché en cause ne tombe pas sous l'une des exceptions prévues à l'art. 3 LMP.

2.1.1 Ainsi, en vertu de l'art. 2 al. 1 LMP, est notamment soumise à la loi, l'administration générale de la Confédération (let. a). En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Office fédéral des routes appartienne à l'administration générale de la Confédération, de sorte qu'il revêt la qualité d'adjudicateur au sens de l'art. 2 al. 1 let. a LMP.

2.1.2 Par marché de construction au sens de la LMP, on entend un contrat entre un adjudicateur et un soumissionnaire concernant la réalisation de travaux de construction de bâtiments ou de génie civil au sens du ch. 51 de la Classification centrale des produits (liste CPC) selon l'appendice 1, annexe 5, de l'Accord GATT (art. 5 al. 1 let. c LMP).

En l'espèce, le marché en cause constitue un lot du projet d'assainissement de l'autoroute A1, projet portant sur des travaux de construction, de tels travaux impliquant pratiquement toujours également des fournitures en vue de leur réalisation (cf. à ce sujet : Martin beyeler, Der Geltungsanspruch des Vergaberecht, 2012, n. 939). En particulier, l'adjudication litigieuse se rapporte au lot n° 13.431, lequel concerne la planification et l'exécution de la signalisation routière.

2.1.3 Enfin, l'art. 6 al. 1 LMP prévoit des seuils (sans la TVA) au-delà desquels la loi est applicable si la valeur estimée du marché à adjuger les atteint. L'art. 1 let. b de l'ordonnance du DEFR du 2 décembre 2013 sur l'adaptation des valeurs seuils des marchés publics pour les années 2014 et 2015 (RS 172.056.12) dispose en lien avec ledit article que la valeur seuil se monte à 8'700'000 francs pour les ouvrages. L'estimation préalable que le pouvoir adjudicateur fait de la valeur du marché est l'élément déterminant pour apprécier si le seuil fixé par la loi et l'ordonnance est atteint (cf. arrêt du TAF B-985/2015 du 12 juillet 2015 consid. 2.4 et réf. cit.).

Un marché ne peut être subdivisé en vue d'éluder les dispositions de la LMP (art. 7 al. 1 LMP). Si un adjudicateur adjuge plusieurs marchés de construction pour la réalisation d'un ouvrage, leur valeur totale est déterminante. Le Conseil fédéral fixe la valeur de chacun des marchés de construction qui sont dans tous les cas soumis aux dispositions de la LMP. Il détermine le pourcentage qu'ils doivent représenter dans l'ensemble de l'ouvrage (clause de minimis) (art. 7 al. 2 LMP). Edicté en exécution de cette disposition, l'art. 14 OMP - intitulé « clause de minimis » - prévoit que, lorsque l'adjudicateur adjuge plusieurs marchés de construction en rapport avec la réalisation d'un ouvrage dont la valeur totale atteint le seuil déterminant, il n'est pas tenu de les adjuger en se conformant aux dispositions de la loi, pour autant que les conditions suivantes soient remplies : la valeur de chacun de ces marchés est inférieure à deux millions de francs (let. a) ; et la somme des valeurs de ces marchés ne dépasse pas 20 % de la valeur totale de l'ouvrage (let. b).

En l'espèce, le marché a, selon le pouvoir adjudicateur, une valeur globale de 98'184'276.40 francs. Il s'ensuit que la valeur estimée du projet dépasse très largement le seuil légal de 8'700'000 francs. En outre, les travaux relatifs au lot n° 13.431 ont été estimés par le pouvoir adjudicateur à 2'400'000 francs. Les offres déposées sont légèrement inférieures à deux millions de francs. La question de l'exactitude de l'estimation peut toutefois demeurée indécise dès lors que le pouvoir adjudicateur dispose d'une certaine liberté pour décider quels marchés, parmi ceux inférieurs au montant de minimis, il entend ne pas assujettir aux procédures de marché public (cf. ATAF 2009/18 consid. 2.4.2 et réf. cit.).

2.1.4 Aucune des exceptions prévues par l'art. 3 al. 1 LMP n'est, par ailleurs, réalisée en l'espèce.

2.1.5 Il ressort de ce qui précède que, prima facie, la LMP s'applique dans le cas présent.

2.2 La qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA en relation avec l'art. 26 al. 1 LMP) doit être reconnue à la recourante en tant qu'elle défère son exclusion. Cette qualité doit également être admise, en tant que la recourante s'en prend à la décision d'adjudication, dès lors que, si son offre - qui présente le prix le plus bas - devait être évaluée, celle-ci aurait des chances réelles d'être retenue (cf. ATF 141 II 14 consid. 4 ainsi que l'arrêt du TF 2C_203/2014 du 9 mai 2015 consid. 2; cf. également Martin Beyeler, Lausanne-Luzern, einfach, in Droit de la construction 2015, p. 214 ss). Toutefois, elle n'a d'intérêt digne de protection à recourir contre la décision d'adjudication que si son offre est effectivement évaluée (cf. arrêt du TAF 1875/2014 du 16 juillet 2014 consid. 1.3). En effet, l'exclusion de soumissionnaires intervient nécessairement avant l'évaluation des offres et l'adjudication du marché. Si une offre est exclue à tort, la procédure d'adjudication s'en trouve viciée - comme elle le serait d'un vice de nature formel - et doit être reprise au stade précis de l'exclusion erronée, à savoir avant l'évaluation des offres. Il s'ensuit que la conclusion de la recourante tendant à ce que le marché lui soit adjugé n'est pas recevable, car prématurée. En revanche, en tant qu'elle prétend que son offre a été exclue à tort, elle est pleinement légitimée à requérir l'annulation de l'adjudication et le renvoi de la cause pour nouvelles évaluation et décision (cf. arrêt du TAF B-985/2015 du 12 juillet 2015 consid. 1.4).

2.3 Les dispositions relatives à la représentation (cf. art. 11 al. 1 PA), au délai de recours (cf. art. 30 LMP), à la forme et au contenu du mémoire de recours (cf. art. 52 al. 1 PA), ainsi qu'au paiement de l'avance de frais (cf. art. 63 al. 4 PA) sont en outre respectées.

2.4 En conséquence, le recours ne paraît pas irrecevable. Partant, il y a lieu d'entrer en matière sur la requête d'octroi de l'effet suspensif formulée par la recourante.

3.
A la différence de l'art. 55 al. 1 PA, l'art. 28 al. 1 LMP prévoit que le recours n'a pas d'effet suspensif. Sur demande, le Tribunal administratif fédéral peut accorder l'effet suspensif (cf. art. 28 al. 2 LMP). La LMP ne mentionne pas les critères à prendre en considération pour statuer sur la requête d'effet suspensif. Selon les principes développés par la jurisprudence et la doctrine à propos de l'art. 55 PA, auxquels il convient de se référer, l'octroi, le retrait ou la restitution de l'effet suspensif résultent d'une mise en balance des intérêts, d'une part, à l'exécution immédiate de la décision et, d'autre part, au maintien du régime antérieur jusqu'à droit connu. Il s'agit donc de procéder à une pondération des intérêts publics et privés, voire entre des intérêts privés divergents (cf. ATF 129 II 286 consid. 3 ; décisions incidentes du TAF B-804/2014 du 16 avril 2014 consid. 3, B-3158/2011 du 12 juillet 2011 consid. 3 et réf. cit.). La réglementation spéciale de l'art. 28 LMP, prévoyant que le recours n'a pas d'effet suspensif mais qu'il peut être accordé sur demande, atteste que le législateur était conscient de la portée d'un tel effet dans le domaine des marchés publics et qu'il a voulu que cette question soit examinée de cas en cas. Cela ne signifie toutefois pas que l'effet suspensif ne peut être accordé qu'exceptionnellement (cf. ATAF 2007/13 consid. 2.1 et réf. cit. ; décision incidente du TAF B 3402/2009 précitée).

Dans le cadre de l'examen de la requête d'effet suspensif, la jurisprudence prescrit un examen prima facie de l'apparence du bien-fondé du recours. Si, au regard des seules pièces du dossier, le recours apparaît manifestement irrecevable ou mal fondé, l'effet suspensif ne doit pas être octroyé. En revanche, si le recours - qui ne semble pas d'emblée irrecevable - ne paraît pas dénué de chances de succès ou qu'il existe des doutes à ce propos, il y a lieu de procéder à une pondération des intérêts en présence (cf. décisions incidentes du TAF B 3311/2009 précitée consid. 2.2 et B-6177/2008 du 20 octobre 2008 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, il convient, dans la pondération des intérêts, de tenir compte de celui du recourant au maintien de la possibilité d'obtenir l'adjudication, lequel présente également un intérêt public à garantir une véritable voie de droit (cf. décision incidente du TAF B-6177/2008 précitée consid. 2). A ces intérêts, s'opposent les intérêts publics que le pouvoir adjudicateur doit prendre en considération. Dans son message du 19 septembre 1994 relatif aux modifications à apporter au droit fédéral dans la perspective de la ratification des accords du GATT/OMC (Cycle Uruguay, Message 2 GATT ; FF 1994 IV 995 ss), le Conseil fédéral relève que si un recours comportait automatiquement un effet suspensif, empêchant la conclusion du contrat jusqu'à ce que la décision soit rendue, cela risquerait d'entraîner des retards et des frais supplémentaires considérables lors de l'acquisition (p. 1236). Dans le même sens, le Tribunal fédéral relève, dans le cadre de l'interprétation de l'art. 17 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994/15 mars 2001, qu'il convient de reconnaître d'emblée un poids considérable à l'intérêt public à une exécution aussi rapide que possible de la décision d'adjudication (cf. arrêt du TF 2P.103/2006 du 29 mai 2006 consid. 4.2.1 et réf. cit. ; dans le même sens ATAF 2008/7 consid. 3.3). De jurisprudence constante, il y a également lieu de tenir compte d'éventuels intérêts de tiers, notamment des autres participants à une procédure de marchés publics. Enfin, au regard notamment des objectifs poursuivis par l'art. XX ch. 2 et 7 AMP, il se justifie tout particulièrement de veiller à ne pas rendre illusoire la garantie d'une protection juridique efficace (cf. ATAF 2007/13 consid. 2.2 et réf. cit.).

4.
Le pouvoir adjudicateur a tout d'abord fait valoir que les griefs de la recourante relatifs aux exigences techniques étaient tardifs.

4.1 Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, les griefs concernant l'appel d'offres ne peuvent être soulevés dans le cadre d'un recours contre une décision ultérieure à moins que la signification et la portée de la disposition en cause ne soient pas d'emblée reconnaissables. En revanche, les documents d'appel d'offres ne sont pas réputés décisions sujettes à recours au sens de l'art. 29 LMP et ne font pas nécessairement partie de l'appel d'offres ; des griefs y relatifs peuvent dès lors, en principe, être invoqués à l'encontre de la décision d'adjudication. De manière générale, on ne saurait en outre déduire du principe de la bonne foi, qu'un grief serait tardif, indépendamment de sa nature, dès lors qu'il n'a pas été invoqué auprès du pouvoir adjudicateur (cf. ATAF 2014/14 consid. 4.4).

4.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que l'exigence technique litigieuse ne ressort pas directement de l'appel d'offres, celle-ci contenant uniquement la mention selon laquelle la nouvelle signalisation devra être réalisée conformément au plan de signalisation établi par l'ingénieur trafic. Dans les documents d'appel d'offres, il est simplement indiqué que les FTV doivent être conçus conformément à la fiche technique. Le rapport technique mentionne toutefois que les FTV doivent avoir un format "M" revoyant expressément à la fiche technique. De même, les dimensions des FTV correspondant à celles du code de format "M" sont prescrites dans les plans mis à disposition.

4.3 Dans ces circonstances, on ne saurait d'emblée admettre que l'exigence technique en cause, laquelle ne se trouve expressément prévue que dans le rapport technique parmi de nombreux autres réquisits, fût immédiatement reconnaissable au point que la recourante eût dû attaquer l'appel d'offres ou contester dite exigence dans le cadre des questions-réponses. Ce d'autant plus que le produit proposé par la recourante figure également dans la fiche technique et est parfois exigé par le pouvoir adjudicateur pour des FTV. Les griefs relatifs à l'exigence technique en cause ne peuvent, en conséquence, être considérés prima facie comme manifestement tardifs.

5.
La recourante fait principalement valoir que son offre satisfait aux exigences techniques dès lors qu'elle est en mesure de produire le même signal lumineux que le format "M" formellement requis par le pouvoir adjudicateur. Elle ne nie toutefois pas ne pas avoir expressément respecté le cahier des charges sur ce point mais estime que s'en tenir à une interprétation stricte de cette exigence conduirait à une suppression de la concurrence sur le marché en cause.

5.1 Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication. Dans le cadre de son contrôle, l'autorité judiciaire fait preuve de retenue et n'intervient que dans certaines conditions (cf. arrêts du TAF B-4071/2014 du 24 octobre 2014 consid. 7.3.1 et réf. cit.). Cela vaut notamment pour les spécifications techniques (cf. arrêt du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.3 et réf. cit.).

Selon l'art. VI ch. 3 de l'AMP, le pouvoir adjudicateur n'exigera ni ne mentionnera de marques de fabrique ou de commerce ou noms commerciaux, de brevets, de modèles ou de types particuliers, ni d'origines ou de producteurs ou fournisseurs déterminés, à moins qu'il n'existe pas d'autre moyen suffisamment précis ou intelligible de décrire les conditions du marché et à la condition que des termes tels que «ou l'équivalent» figurent dans la documentation relative à l'appel d'offres (cf. décision de l'ancienne Commission de recours en matière de marchés publics [CRM] du 16 novembre 2001, publiée in JAAC 66.38 consid. 5b/bb). Aussi, afin d'éviter une trop grande restriction de la concurrence, le pouvoir adjudicateur ne doit, en principe, pas décrire les spécifications techniques attendues de manière si restrictive que seul un produit ou un soumissionnaire, voire un nombre limité d'entre eux, n'entrent en considération pour l'adjudication. Il convient au contraire de privilégier une description en fonction des propriétés d'emploi du produit plutôt que de sa conception ou de ses caractéristiques descriptives, comme le requiert l'art. VI ch. 2 let. a AMP (cf. arrêt B-4958/2013 cité et réf. cit.; décision incidente du TAF B-822/2010 du 10 mars 2010 consid. 5.1).

5.2 En l'espèce, la recourante allègue que la spécification technique requise conduit à une suppression de la concurrence dès lors que seul un soumissionnaire a satisfait à cette exigence. Dans sa prise de position, le pouvoir adjudicateur constate que seuls deux acteurs sont présents sur le marché des panneaux à leds de sorte que le choix de signaux à deux rangées, plutôt que de ceux à trois, ne stimulerait pas la concurrence.

Il suit de là que le choix de requérir un panneau à trois rangées de leds a pour conséquence de limiter le nombre de soumissionnaires dans un marché avec peu d'acteurs.

5.3 En définitive, la question de savoir si la spécification technique en cause a pour conséquence de restreindre dans une mesure inadmissible la concurrence doit être tranchée en l'espèce à la lumière de la jurisprudence susmentionnée (cf. consid. 5.1) ; elle nécessite toutefois un examen approfondi de la cause. Nonobstant, force est d'admettre que l'on ne saurait nier prima facie toute chance de succès au recours sur ce point.

5.4 Le sort du grief susmentionné pouvant, à lui seul, conduire à l'admission du recours, nul n'est besoin d'examiner plus avant les chances de succès de celui-ci.

6.
Le recours n'étant pas prima facie manifestement infondé, il convient de procéder à la pondération des intérêts publics et privés en présence pour juger de la requête portant sur l'effet suspensif.

6.1 L'intérêt de la recourante consiste en le maintien de la possibilité d'obtenir l'adjudication et d'exécuter les prestations qui font l'objet du marché litigieux. Il s'agit d'intérêts financiers et commerciaux auxquels s'ajoute l'intérêt public à une protection juridique efficace. A ces intérêts s'oppose l'intérêt public, pris en compte par le pouvoir adjudicateur, à une exécution aussi rapide que possible de la décision d'adjudication (cf. décision incidente du TAF B-3579/2012 du 6 décembre 2012 consid. 3.2).

6.2 En l'occurrence, le pouvoir adjudicateur ne s'est toutefois prévalu d'aucune urgence à l'exécution de marché dont l'adjudication est litigieuse. De plus, il lui appartient d'intégrer à sa planification la durée de la procédure de passation et, dans toute la mesure du possible, celle d'une éventuelle procédure de recours (cf. décision incidente du TAF B 3544/2008 du 2 juillet 2008 consid. 4.4 et réf. cit.).

Il s'ensuit que l'intérêt de la recourante - dont le recours n'est prima facie pas dénué de chance de succès - à une adjudication du marché en cause conforme à la loi, de même que l'intérêt public à la garantie d'une protection juridique efficace sont prépondérants ; ils l'emportent, en l'espèce, sur l'intérêt public à une exécution immédiate de la décision d'adjudication.

La demande d'octroi de l'effet suspensif doit ainsi être admise.

7.
La question des frais et dépens liés à la présente décision incidente sera réglée dans le cadre de l'arrêt final.

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
La requête d'octroi de l'effet suspensif de la recourante est admise.

2.
Les frais et dépens relatifs à cette décision seront réglés dans l'arrêt au fond.

3.
La présente décision incidente est adressée :

- à la recourante (recommandé avec avis de réception)

- au pouvoir adjudicateur (n° de réf. SIMAP - ID du projet 123843 ; recommandé avec avis de réception)

Le président du collège : La greffière :

Pascal Richard Muriel Tissot

Indication des voies de droit :

Pour autant qu'elle cause un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]), que les valeurs seuils fixées à l'art. 83 let. f ch. 1 LTF soient atteintes et qu'elle soulève une question juridique de principe (art. 83 let. f ch. 2 LTF), la présente décision incidente peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 100 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).

Expédition : 17 septembre 2015
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : B-4743/2015
Date : 16 septembre 2015
Publié : 24 septembre 2015
Source : Tribunal administratif fédéral
Statut : Non publié
Domaine : économie
Objet : marchés publics - N01 Upn. Faoug-Kerzers installation de signalisation routière Simap-Projet-ID 123843


Répertoire des lois
LMP: 2  3  5  7  26  27  28  29  30  31
LTAF: 37
LTF: 42  83  93  100
OMP: 14  39
PA: 11  48  52  55  63
Répertoire ATF
129-II-286 • 141-II-14
Weitere Urteile ab 2000
2C_203/2014 • 2P.103/2006
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
effet suspensif • appel d'offres • tribunal administratif fédéral • décision incidente • marchés publics • intérêt public • mention • chances de succès • vue • acteur • office fédéral des routes • tribunal fédéral • signalisation routière • tennis • efficac • communication • conclusion du contrat • procédure d'adjudication • calcul • urgence
... Les montrer tous
BVGE
2014/14 • 2009/19 • 2009/18 • 2008/61 • 2008/7 • 2007/6 • 2007/13
BVGer
B-3158/2011 • B-3311/2009 • B-3402/2009 • B-3544/2008 • B-3579/2012 • B-4071/2014 • B-4743/2015 • B-4958/2013 • B-6177/2008 • B-7208/2014 • B-804/2014 • B-822/2010 • B-985/2015
FF
1994/IV/995
VPB
66.38