Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B 270/2010
Arrêt du 13 octobre 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
B.________,
intimé,
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne.
Objet
procédure pénale; changement de défenseur d'office,
recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 juillet 2010.
Faits:
A.
A.________ fait l'objet d'une plainte déposée le 19 novembre 2008 par l'Etat de Vaud pour calomnie, subsidiairement diffamation et injure, et instruite par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne. Il a été représenté en premier lieu par un avocat genevois. Dès le 5 mars 2010, Me C.________, lui a été désigné comme avocat d'office. Le 7 mai 2010, A.________ demanda le dessaisissement de Me C.________ en raison d'un conflit d'intérêts, demande qui fut acceptée le 19 mai 2010. Me D.________, nommé en remplacement, a refusé le mandat. Le 31 mai 2010, Me B.________ a été désigné comme nouveau défenseur d'office.
Le 6 juin 2010, A.________ demanda la nomination de Me E.________. Par prononcé du 22 juin 2010, le Juge d'instruction a rejeté la demande, relevant que rien ne permettait de mettre en doute les qualités professionnelles de Me B.________, et que Me E.________ avait indiqué qu'il n'entendait pas assumer ce mandat. A.________ a recouru contre ce prononcé. Le 24 juin 2010, Me B.________ demanda à son tour au Président du Tribunal d'arrondissement à être relevé de ce mandat, expliquant que toute communication avec son client était impossible, ce qui empêchait une relation de confiance. Cette demande fut rejetée le 25 juin 2010. Le 27 juin 2010, A.________ demanda à nouveau le dessaisissement de Me B.________, élevant une série de reproches à l'égard de l'avocat et de sa collaboratrice.
B.
Par arrêt du 5 juillet 2010, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.________. Un changement d'avocat d'office n'était possible que pour des raisons objectives. En présence d'un cas de défense obligatoire, les motifs subjectifs allégués ne justifiaient pas un tel changement, rien ne permettant d'affirmer que la défense assurée par Me B.________ soit insuffisante. Le problème provenait du refus systématique de l'inculpé de collaborer avec son défenseur d'office. Me B.________ était toutefois invité à s'occuper personnellement du mandat, et à ne pas déléguer entièrement le dossier à sa collaboratrice.
C.
Par acte du 10 août 2010, A.________ a adressé un recours au Tribunal cantonal, destiné au Tribunal pénal fédéral, contre l'arrêt cantonal. Il demande la révocation de Me B.________ et la désignation d'un autre avocat d'office suffisamment expérimenté. Il demande par ailleurs diverses constatations au sujet des faits établis en instance cantonale, notamment des causes des désistements successifs de ses avocats. Le recourant a par la suite demandé l'assistance judiciaire. Le Tribunal d'accusation a transmis ce recours au Tribunal fédéral.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Dans ses déterminations, Me B.________ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours, tout en relevant que le 16 août 2010, il a une nouvelle fois demandé d'être relevé de sa mission.
Le recourant a répliqué, reprenant ses griefs à l'encontre de l'avocat et de sa collaboratrice.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la qualification juridique et la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331).
1.1 La contestation portant sur une décision en matière pénale rendue en dernière instance cantonale, le recours au Tribunal fédéral est régi par les art. 78 ss
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 78 Principe - 1 Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale. |
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1 | Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale. |
2 | Sont également sujettes au recours en matière pénale: |
a | les décisions sur les prétentions civiles qui doivent être jugées en même temps que la cause pénale; |
b | les décisions sur l'exécution de peines et de mesures. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 93 Autres décisions préjudicielles et incidentes - 1 Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
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1 | Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
a | si elles peuvent causer un préjudice irréparable, ou |
b | si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. |
2 | En matière d'entraide pénale internationale et en matière d'asile, les décisions préjudicielles et incidentes ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.88 Le recours contre les décisions relatives à la détention extraditionnelle ou à la saisie d'objets et de valeurs est réservé si les conditions de l'al. 1 sont remplies. |
3 | Si le recours n'est pas recevable en vertu des al. 1 et 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées par un recours contre la décision finale dans la mesure où elles influent sur le contenu de celle-ci. |
arbitrairement de tenir compte des voeux émis par la partie assistée (arrêts 1B 74/2008 du 18 juin 2008 consid. 2 et 1B 245/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2).
1.2 En l'occurrence, le recourant élève une série de reproches à l'égard de son avocat, plus particulièrement de sa collaboratrice. Point n'est besoin en l'espèce d'examiner si ces reproches peuvent s'avérer totalement ou partiellement fondés ou s'ils relèvent du procès d'intention. En effet, même s'il conteste les manquements qui lui sont reprochés, l'avocat lui-même admet qu'il n'existe aucune relation de confiance réciproque et qu'il n'est pas possible dans ces circonstances d'assurer la défense de son client. Il peut manifestement en résulter un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence précitée, ce qui justifie d'entrer en matière.
1.3 Outre les reproches déjà exprimés à l'égard de sont avocat et de sa collaboratrice, notamment le fait de l'avoir convoqué alors qu'il était en déplacement et d'avoir faussement prétendu avoir lu le dossier, le recourant présente d'autres allégués qui sont soit sans pertinence (circonstances dans lesquels les précédents avocats ont renoncé à leur mandat), soit nouveaux (défaut d'information de l'avocat à réception de l'expertise psychiatrique) puisque postérieurs au 5 juillet 2010, date de l'arrêt attaqué. A ce titre, ils sont irrecevables (art. 99 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 99 - 1 Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
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1 | Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. |
2 | Toute conclusion nouvelle est irrecevable. |
1.4 Le recourant conclut à la réforme de l'arrêt cantonal et à la révocation de son avocat d'office, conclusions qui correspondent à l'objet de sa requête puis de son recours devant le Tribunal d'accusation. Les autres conclusions, en constatations et en injonctions diverses, vont au-delà de l'objet du litige et sont irrecevables.
2.
Sur le fond, le recourant persiste à reprocher à son avocat d'office plusieurs manquements, notamment aux règles déontologiques.
2.1 Bien qu'il ne l'invoque pas expressément, il se prévaut ainsi de son droit à l'assistance gratuite d'un avocat, garanti à l'art. 29 al. 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) CEDH Art. 6 Droit à un procès équitable - 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. |
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1 | Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. |
2 | Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. |
3 | Tout accusé a droit notamment à: |
a | être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui; |
b | disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense; |
c | se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent; |
d | interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge; |
e | se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. |
2.2 La cour cantonale a considéré que les motifs allégués par le recourant étaient purement subjectifs, rien ne permettant d'affirmer que l'avocat aurait agi de manière préjudiciable aux intérêts du recourant. Cette appréciation ne prête pas en soi le flanc à la critique: en effet, les reproches du recourant portent sur les circonstances de sa convocation par l'avocat et sur l'intervention d'une collaboratrice qui, selon le recourant, ne connaissait pas le dossier. Rien ne permet d'affirmer qu'il en aurait résulté un quelconque préjudice pour le recourant, et celui-ci n'entreprend d'ailleurs pas de le démontrer. Toutefois, les impressions subjectives du recourant se trouvent corroborées par celles de son propre avocat. Ce dernier a en effet demandé à être relevé de son mandat le 24 juin 2010, en estimant que toute communication avec son client s'était révélée impossible et que la teneur de ses lettres était "plus qu'inadéquate". Il ressort en effet des courriers échangés que le recourant a immédiatement mis en doute les compétences professionnelles, voire l'honnêteté de son avocat, et violemment pris à partie la collaboratrice chargée du dossier, dans des termes parfois injurieux. Toute possibilité de communication entre le
recourant et son avocat semble ainsi définitivement compromise, et le rapport de confiance inexistant, ce qui ressort également des écritures échangées dans la présente procédure, ainsi que de la nouvelle demande de dessaisissement présentée par l'avocat le 16 août 2010.
2.3 Dans ces conditions, le refus de relever Me B.________ de sa mission apparaît, dans son résultat, arbitraire. L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle relève Me B.________ de son mandat d'office. La cour cantonale pourra également s'interroger sur l'existence d'un cas de défense nécessaire, au sens de l'art. 104 CPP/VD, et devra statuer à nouveau sur les frais de l'instance cantonale. Conformément à l'art. 66 al. 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable; l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.
3.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 13 octobre 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Féraud Kurz