Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
9C 46/2016
Arrêt du 10 août 2016
IIe Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Meyer, Juge présidant, Parrino et Moser-Szeless.
Greffier : M. Berthoud.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Pierre Seidler, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 30 novembre 2015.
Faits :
A.
A.________ travaille en qualité d'horticulteur indépendant depuis l'année 1982. Son épouse le seconde et il emploie 1 ou 2 apprentis. Souffrant de polyarthralgies inflammatoires rhumatoïdes depuis août 2012, il s'est annoncé à l'assurance-invalidité le 11 juillet 2013.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) a recueilli les avis des docteurs B.________, généraliste, et C.________, spécialiste en médecine interne et en maladies rhumatismales. A l'issue d'un examen clinique rhumatologique pratiqué le 11 novembre 2014, le docteur D.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation, médecin au Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR) Suisse romande, a diagnostiqué, avec répercussion durable sur la capacité de travail, des cervicalgies chroniques dans le cadre de protrusions discales étagées et d'uncarthrose modérée à sévère en C5-C6-C7. Il a attesté une capacité de travail de 50 % dans l'activité habituelle d'horticulteur-fleuriste; dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites, le docteur D.________ a retenu une capacité de travail totale depuis le 30 octobre 2012, sauf en cas d'arthrite inflammatoire objectivable cliniquement et au laboratoire (rapport du 21 novembre 2014).
Par décision du 29 avril 2015, l'office AI a fixé le taux d'invalidité à 22 % et rejeté la demande de prestations.
B.
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances sociales, en concluant au renvoi de la cause à l'office AI afin qu'il procède à une nouvelle évaluation de son degré d'invalidité, le cas échéant qu'il complète l'instruction médicale.
La juridiction cantonale l'a débouté par jugement du 30 novembre 2015.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation, en reprenant ses conclusions formées en première instance.
Considérant en droit :
1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente de l'assurance-invalidité, singulièrement sur son taux d'invalidité.
La juridiction cantonale a exposé correctement les règles applicables à la solution du litige, si bien qu'il suffit de renvoyer au jugement attaqué.
2.
2.1. La juridiction cantonale a rappelé que chez les assurés actifs, le degré d'invalidité se détermine sur la base d'une comparaison des revenus (avec et sans invalidité). Celle-ci s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité.
Par ailleurs, les juges cantonaux ont rappelé que chez une personne de condition indépendante, la comparaison des résultats d'exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l'invalidité ne permet de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l'invalidité que dans le cas où l'on peut exclure au degré de vraisemblance prépondérante que les résultats de l'exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à l'invalidité. En effet, les résultats d'exploitation d'une entreprise dépendent souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l'aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l'entreprise ou des collaborateurs. Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer à ces facteurs - étrangers à l'invalidité - et celle qui revient à la propre prestation de travail de l'assuré (cf. arrêt 9C 44/2011 du 1 er septembre 2011 consid. 3.3 et les références).
2.2. Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont appliqué la méthode générale de comparaison des revenus pour évaluer l'invalidité du recourant. Afin de déterminer le revenu sans invalidité, ils se sont fondés sur les résultats de l'exploitation que le recourant avait réalisés dans son exploitation horticole avant la survenance de l'invalidité. Ils ont constaté que ces résultats étaient globalement similaires au cours des divers exercices de 2008 jusqu'en 2011, année précédant celle au cours de laquelle l'incapacité de travail était survenue. A cet égard, les juges cantonaux ont relevé que l'intimé n'avait pas tenu compte du fait que l'épouse du recourant, titulaire d'un CFC de fleuriste, l'avait assisté, sans rémunération, durant ces exercices. Cette omission ne justifiait toutefois pas un renvoi pour instruction complémentaire, car si l'on tenait compte de la part de revenu imputable à l'épouse, cette part n'aurait pas dû être affectée aux charges de l'exploitation, ce qui aurait pour conséquence de diminuer le bénéfice net et, partant, de réduire également la perte de gain du recourant dans le calcul du degré de l'invalidité. Les juges cantonaux ont dès lors confirmé le revenu sans invalidité de 68'750 fr. retenu par l'intimé.
En ce qui concerne le gain d'invalide, la juridiction cantonale a rappelé qu'en vertu de son obligation de réduire le dommage, un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d'obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à la rente. Elle a également confirmé le calcul de l'intimé, qui avait déterminé ce revenu sur la base des statistiques salariales de l'Enquête sur la structure des salaires (ESS) 2010, table TA1, niveau de qualification 4, auquel il a appliqué un abattement de 15 %. Elle a dès lors maintenu le revenu d'invalide à 53'726 francs.
La comparaison aboutissait ainsi à un taux d'invalidité de 22 %, insuffisant pour ouvrir droit à la rente.
3.
En premier lieu, le recourant soutient que l'évaluation de son invalidité a été effectuée à tort selon la méthode générale de comparaison des revenus. A son avis, il aurait fallu appliquer la méthode extraordinaire, à laquelle il convient de recourir lorsqu'il n'est pas possible de déterminer directement et de manière fiable les revenus à comparer, notamment en raison de la situation économique. Il observe que l'intimé n'a pas tenu compte de l'aide que lui apporte son épouse.
Le recourant conteste ensuite le facteur d'abattement qui a été appliqué sur le salaire d'invalide, insuffisant à son avis. Un taux de 25 % lui semble justifié.
Enfin, le recourant se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits pertinents consécutive à une appréciation arbitraire des preuves. A ses yeux, une nouvelle expertise médicale doit être ordonnée, car ses deux médecins traitants, les docteurs B.________ et C.________, n'ont pas posé le même diagnostic que celui que le docteur D.________ a retenu dans son rapport d'expertise du 21 novembre 2014 et en ont déduit des effets incapacitants sur son activité de jardinier indépendant.
4.
4.1. S'agissant tout d'abord de la capacité de travail, dont l'étendue a été fixée à 100 % dans une activité adaptée aux problèmes de santé du recourant par la juridiction cantonale, elle ne résulte pas d'une appréciation et d'une administration des preuves (cf. art. 61 let. c
SR 830.1 Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) LPGA Art. 61 Procédure - Sous réserve de l'art. 1, al. 3, de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative48, la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est réglée par le droit cantonal. Elle doit satisfaire aux exigences suivantes: |
|
a | elle doit être simple, rapide et en règle générale publique; |
b | l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l'acte n'est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l'avertissant qu'en cas d'inobservation le recours sera écarté; |
c | le tribunal établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement; |
d | le tribunal n'est pas lié par les conclusions des parties; il peut réformer, au détriment du recourant, la décision attaquée ou accorder plus que le recourant n'avait demandé; il doit cependant donner aux parties l'occasion de se prononcer ou de retirer le recours; |
e | si les circonstances le justifient, les parties peuvent être convoquées aux débats; |
f | le droit de se faire assister par un conseil doit être garanti; lorsque les circonstances le justifient, l'assistance judiciaire gratuite est accordée au recourant; |
fbis | pour les litiges en matière de prestations, la procédure est soumise à des frais judiciaires si la loi spéciale le prévoit; si la loi spéciale ne prévoit pas de frais judiciaires pour de tels litiges, le tribunal peut en mettre à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou fait preuve de légèreté; |
g | le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d'après l'importance et la complexité du litige; |
h | les jugements contiennent les motifs retenus, l'indication des voies de recours ainsi que les noms des membres du tribunal et sont notifiés par écrit; |
i | les jugements sont soumis à révision si des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont découverts ou si un crime ou un délit a influencé le jugement. |
SR 830.1 Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) LPGA Art. 16 Taux d'invalidité - Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. |
La constatation d'une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée lie donc le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
|
1 | Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
2 | Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95. |
3 | Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99 |
4.2. En ce qui concerne le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité, le seul fait invoqué par le recourant qu'il est indépendant ne signifie pas pour autant qu'il faille recourir à la méthode extraordinaire (cf. ATF 128 V 29) comme il le demande. Celle-ci ne s'applique que si les revenus à comparer ne peuvent pas être établis de manière fiable, ce qui n'est précisément pas le cas ici compte tenu de la constance du chiffre d'affaires et du bénéfice net de l'exploitation au cours des années qui ont précédé l'atteinte à la santé (voir les données mentionnées en bas de la page 6 du jugement attaqué).
Au demeurant, le recourant ne dit rien sur les éléments qui devraient être pris en compte dans cette éventualité et ne prétend pas que les revenus retenus par les premiers juges ne seraient pas fiables. Aussi l'évaluation de l'invalidité pouvait-elle être faite suivant la méthode générale de comparaison des revenus (art. 16
SR 830.1 Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) LPGA Art. 16 Taux d'invalidité - Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. |
4.3. La juridiction cantonale a fixé le revenu sans invalidité à 68'760 fr., après avoir constaté que le chiffre d'affaires et le bénéfice net de l'exploitation étaient restés stables jusqu'à l'atteinte à la santé. Le recourant ne démontre pas en quoi ce revenu serait erroné, étant précisé que le montant pris en considération ne le désavantage pas même si l'on tenait compte des cotisations sociales (cf. art. 25
SR 831.201 Règlement du 17 janvier 1961 sur l'assurance-invalidité (RAI) RAI Art. 25 Principes de la comparaison des revenus - 1 Est réputé revenu au sens de l'art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la LAVS163, à l'exclusion toutefois: |
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1 | Est réputé revenu au sens de l'art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la LAVS163, à l'exclusion toutefois: |
a | des prestations accordées par l'employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée; |
b | des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la LAPG164 et des indemnités journalières de l'assurance-invalidité. |
2 | Les revenus déterminants au sens de l'art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse. |
3 | Si les revenus déterminants sont fixés sur la base de valeurs statistiques, les valeurs médianes de l'enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l'Office fédéral de la statistique font foi. D'autres valeurs statistiques peuvent être utilisées, pour autant que le revenu en question ne soit pas représenté dans l'ESS. Les valeurs utilisées sont indépendantes de l'âge et tiennent compte du sexe. |
4 | Les valeurs statistiques visées à l'al. 3 sont adaptées au temps de travail usuel au sein de l'entreprise selon la division économique ainsi qu'à l'évolution des salaires nominaux. |
4.4. Lorsque l'activité exercée par un assuré de condition indépendante au sein de l'entreprise après la survenance de l'atteinte à la santé ne met pas pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, l'assuré peut être tenu, en fonction des circonstances objectives et subjectives du cas concret, de mettre fin à son activité indépendante au profit d'une activité salariée plus lucrative (voir la jurisprudence résumée dans l'arrêt 9C 578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4, in SVR 2010 IV n° 37 p. 115). En l'espèce, le recourant était âgé de près de 55 ans lors du prononcé de la décision administrative. A dix ans de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse de l'AVS, il ne s'agissait donc pas d'un cas limite (admis dans l'arrêt 9C 578/2009), si bien qu'un revenu d'invalide devait être pris en compte.
Le revenu d'invalide a été établi sur la base des données économiques statistiques, en application de la jurisprudence (cf. ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475). Le recourant ne conteste pas la pertinence des valeurs retenues. En revanche, il s'en prend à l'abattement sur le salaire statistique (cf. ATF 126 V 75). Le recourant ne démontre toutefois pas en quoi les premiers juges auraient violé le droit fédéral (art. 95
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 95 Droit suisse - Le recours peut être formé pour violation: |
|
a | du droit fédéral; |
b | du droit international; |
c | de droits constitutionnels cantonaux; |
d | de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires; |
e | du droit intercantonal. |
4.5. Vu ce qui précède, le recours est infondé.
5.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 10 août 2016
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Meyer
Le Greffier : Berthoud