Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B 1360/2021
Arrêt du 7 avril 2022
Cour de droit pénal
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys, Muschietti,
van de Graaf et Koch.
Greffière : Mme Musy.
Participants à la procédure
Ministère public de la République
et canton de Neuchâtel,
passage de la Bonne-Fontaine 41,
2300 La Chaux-de-Fonds,
recourant,
contre
A.________,
représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat,
intimé.
Objet
Discrimination raciale (art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel
du 7 septembre 2021 (CPEN.2021.9).
Faits :
A.
Par jugement du 15 juillet 2020, le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers a libéré A.________ du chef d'infraction de discrimination raciale (art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
B.
Par jugement du 7 septembre 2021, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a partiellement admis l'appel formé par le Ministère public neuchâtelois à l'encontre de la décision de première instance en ce sens que le montant de l'indemnité selon l'art. 429
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 429 Prétentions - 1 Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à: |
|
1 | Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à: |
a | une indemnité fixée conformément au tarif des avocats, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure; les tarifs des avocats n'opèrent aucune distinction entre l'indemnité allouée et les honoraires dus en cas de défense privée; |
b | une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale; |
c | une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté. |
2 | L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier. |
3 | Lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l'indemnité prévue à l'al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client. Le défenseur peut contester la décision fixant l'indemnité en usant des voies de droit autorisées pour attaquer la décision finale.283 |
B.a. A.________ a exercé des activités politiques qui l'ont amené, en 2001, à participer à la fondation du parti B.________. En 2003, il a été élu au Conseil national. En 2013, il a été porté au Conseil d'État neuchâtelois. En raison d'ennuis de santé, il a démissionné de cette charge en 2014. Actuellement, A.________ exerce une fonction de conseiller politique. Depuis le 1er juin 2021, il travaille pour le parti B.________ du canton de Genève en qualité de secrétaire général.
B.b. Le 18 avril 2019, l'association " C.________ " a dénoncé auprès du ministère public du Valais des commentaires publiés sur le compte Facebook de A.________, incitant, selon la dénonciatrice, à la haine envers les citoyens musulmans. A la dénonciation étaient jointes des captures d'écran de publications effectuées entre le 4 et le 9 avril 2019. En particulier, le 6 avril 2019, A.________ avait partagé sur sa page Facebook un article du journal " D.________ " intitulé " Près de Lyon, une inquiétante école musulmane sous contrat et...sous influence ", illustré d'une photo montrant, de dos, deux femmes voilées et deux jeunes filles, dont l'une est voilée, se dirigeant vers l'entrée d'un bâtiment. A.________ avait commenté sa propre publication en ces termes: " l'infection s'étend ".
En réaction à cette publication, on pouvait notamment lire les commentaires suivants, émanant de diverses personnes:
- Une image représentant une bouteille incendiaire avec le texte " En bon voisin offre de la chaleur à la mosquée du coin ";
- " Bravo A.________. Tout ce monde retour dans leur pays et on détruit les mosquées et tout ce qui va avec ";
- Une image représentait un soldat utilisant un lance-flamme avec le texte " Nettoyez-moi toute cette merde " ainsi que le commentaire " Fusillez moi tout ça ";
- " Je veux bien les aider à devenir martyre...tout seuls " et " on va devoir se mettre en mode antibiotique ";
- " Ce serait le moment de se poser des questions quand à ce musée ou à chaque fois que je passais devant j'avais de lancer une grenade... " [sic];
- " L'islam c'est comme le cancer, il progresse en silence! Quand tu n'en entends pas parler, tu crois le danger écarté et c'est là qu'il avance...!!! Et ces connards de Bruxelles voudraient nous enlever nos flingues.!!!!! Et pourquoi pas nous apprendre à nous mettre à 4 pattes pour la prière ! !!!!! ";
- Une image d'une guillotine;
- " a faire sauter ", en commentaire à l'image du Musée E.________ de U.________ diffusée par l'auteur de cette publication;
- " Oui, c'est vrai à faire sauter avec tous ceux [...] qui sont dedans ".
B.c. Le partage par A.________ de l'article du journal " D.________ " du 6 avril 2019 sur son compte Facebook faisait suite à trois publications précédentes du prénommé, postées les 4 et 5 avril 2019, la première se référant à un article du journal F.________ concernant, selon A.________, le " financement de l'islam tendance Frères musulmans en Suisse en général et à U.________ en particulier " ainsi que " des versements non négligeables provenant de la Qatar Fondation, oeuvre de bienfaisance proche des Frères musulmans. Ce club réservé aux prosélytes d'un islam pur, genre Brunei, a pour leader incontesté un bon type interdit d'entr... "[sic], et la seconde consistant en une photo montrant des gens barbus et armés, se référant à un article du journal G.________ intitulé " Salafisme et complotisme, le double moteur du djihad en Suisse. Un ancien agent secret et un journaliste retracent l'histoire des djihadistes... " avec le commentaire de A.________: " La religion d'amour et de paix, suite et pas... fin. Vivement la sortie du livre ! ". Venait enfin une photo d'un grand bâtiment avec la référence à un article de H.________ dont le titre était le suivant: " U.________: le musée sur l'islam inquiète des députés neuchâtelois ",
assortie du commentaire de A.________: " Les craintes exprimées par le parti B.________ à l'époque et moquées par beaucoup ne semblent plus si farfelues à la lumière des éléments mis en évidence dans l'ouvrage Qatar Papers. On se réjouit de savoir ce qu'en pensent les autorités locales et cantonales aujourd'hui ".
B.d. La police a identifié six auteurs des commentaires litigieux publiés sur le compte Facebook de A.________. Tous se sont vus condamnés par ordonnances pénales rendues le 13 février 2020 par le ministère public pour discrimination raciale au sens de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
C.
Le Ministère public neuchâtelois forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut principalement, avec suite de frais, à la réforme du jugement du 7 septembre 2021 en ce sens que A.________ est condamné, pour violation de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Considérant en droit :
1.
1.1. La cour cantonale a confirmé l'acquittement de l'intimé du chef d'infraction de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
dans lequel il avait été formulé ne pouvaient raisonnablement conduire un lecteur moyen non averti à le comprendre comme étant haineux, rabaissant ou discriminant à l'égard des musulmans en général.
La cour cantonale a également confirmé l'acquittement de A.________ à raison des commentaires publiés par des tiers sur sa page Facebook.
1.2. Le recourant ne remet pas en cause l'acquittement de l'intimé à raison de la publication dont il est l'auteur. En revanche, il estime que celui-ci endosse une responsabilité pénale pour les commentaires, constitutifs de discrimination raciale, publiés par des tiers sur son compte Facebook.
1.3. Aux termes de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
L'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
2.
Le recourant soutient tout d'abord qu'en offrant la tribune d'une personnalité publique aux internautes, leur permettant ainsi d'y publier des propos illicites, l'intimé avait propagé une " idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique [...] ce groupe de personnes [soit la communauté musulmane] ", selon la définition de l'art. 261bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
La cour cantonale a constaté que l'acte d'accusation ne décrivait pas le processus visé par l'art. 261bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 173 - 1. Quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, |
|
1 | Quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, |
2 | L'auteur n'encourt aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. |
3 | L'auteur n'est pas admis à faire ces preuves et il est punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille. |
4 | Si l'auteur reconnaît la fausseté de ses allégations et les rétracte, le juge peut atténuer la peine ou renoncer à prononcer une peine. |
5 | Si l'auteur ne fait pas la preuve de la vérité de ses allégations ou si elles sont contraires à la vérité ou si l'auteur les rétracte, le juge le constate dans le jugement ou dans un autre acte écrit. |
Le recourant ne discute nullement les considérations cantonales. Dénué de motivation suffisante, son grief est par conséquent irrecevable (cf. art. 42 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 42 Mémoires - 1 Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
|
1 | Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
2 | Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Si le recours n'est recevable que lorsqu'il soulève une question juridique de principe ou qu'il porte sur un cas particulièrement important pour d'autres motifs, il faut exposer en quoi l'affaire remplit la condition exigée.15 16 |
3 | Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu'elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée si le mémoire est dirigé contre une décision. |
4 | En cas de transmission électronique, le mémoire doit être muni de la signature électronique qualifiée de la partie ou de son mandataire au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique17. Le Tribunal fédéral détermine dans un règlement: |
a | le format du mémoire et des pièces jointes; |
b | les modalités de la transmission; |
c | les conditions auxquelles il peut exiger, en cas de problème technique, que des documents lui soient adressés ultérieurement sur papier.18 |
5 | Si la signature de la partie ou de son mandataire, la procuration ou les annexes prescrites font défaut, ou si le mandataire n'est pas autorisé, le Tribunal fédéral impartit un délai approprié à la partie pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
6 | Si le mémoire est illisible, inconvenant, incompréhensible ou prolixe ou qu'il n'est pas rédigé dans une langue officielle, le Tribunal fédéral peut le renvoyer à son auteur; il impartit à celui-ci un délai approprié pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
7 | Le mémoire de recours introduit de manière procédurière ou à tout autre égard abusif est irrecevable. |
3.
Le recourant expose que l'intimé doit répondre pénalement, sous l'angle de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
3.1. La cour cantonale a retenu qu'ainsi formulé, le reproche du recourant pouvait tomber sous le coup des al. 1 et 4 de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
L'autorité précédente a considéré qu'en application des principes développés par le Tribunal fédéral (en particulier l'arrêt 6B 645/2007 du 2 mai 2008), il n'était pas question, de manière générale, d'exiger du titulaire d'un compte Facebook de surveiller en permanence les réactions publiées par des tiers à ses propres publications, ni de le rendre systématiquement et pénalement responsable des commentaires postés par des tiers. En revanche, on aurait pu attendre de l'intimé, lorsque les commentaires visés par l'acte d'accusation lui avaient été effectivement signalés, qu'il prenne les mesures nécessaires pour les éliminer de son compte. Lors des débats d'appel, l'intimé avait expliqué que tout son compte était resté " en l'état " depuis le moment où il avait été averti de la dénonciation, de manière à figer les choses pour la police. La cour cantonale a retenu cette explication au bénéfice du doute, considérant qu'il n'était en effet nullement improbable que le prénommé ait pensé qu'il ne lui appartenait pas de modifier l'état de fait pertinent dès lors que la justice avait été saisie et que des actes d'instruction devaient être en cours. Au reste, les faits décrits dans la décision d'ouverture de la procédure et qui lui ont été
signifiés le 7 juin 2019, repris dans l'acte d'accusation, visaient la période entre le 4 et le 6 avril 2019, de sorte qu'il était douteux qu'on puisse le condamner pour des agissements ou des omissions après le 6 avril 2019.
3.2. Le recourant ne discute pas les considérations cantonales excluant la responsabilité pénale de l'intimé pour le comportement adopté après avoir été averti de l'ouverture d'une procédure pénale et, a fortiori, de l'existence de contenus illicites sur son " mur " Facebook. Il concentre son reproche sur le fait d'avoir omis de surveiller les réactions postées sur son compte à la suite de sa propre publication et de les supprimer lorsqu'elles étaient problématiques. Le recourant soutient, en particulier, que l'intimé savait qu'il comptait parmi ceux qui le suivaient sur Facebook des personnes susceptibles de se livrer à des commentaires excessifs, spécialement lorsqu'il ouvrait un débat sur un sujet aussi sensible que celui de la crainte qu'une certaine forme de l'Islam provoque dans les pays occidentaux, avec tous les risques d'amalgame que cela impliquait. L'autorité précédente aurait également dû prendre en considération le fait que le nombre de ces publications était relativement peu important (189 commentaires) et que, parmi celles-ci, la majorité démontrait que le risque d'amalgame était loin d'être théorique. Du reste, ces commentaires étaient, pour certains d'entre eux, accompagnés d'images frappantes (une bouteille
incendiaire, un lance-flamme, une guillotine). Selon le recourant, on pouvait donc affirmer qu'une lecture rapide de la totalité de ces commentaires ne devait pas prendre plus d'une vingtaine de minutes ce qui, sur cinq jours, représentait une moyenne de quatre minutes par jour. L'intimé avait donc l'obligation de prendre connaissance de ces commentaires compte tenu du risque accru, qu'il ne pouvait ignorer, d'héberger, sur sa page Facebook, visible par des milliers de personnes, des propos excessifs. Faute d'avoir pris les mesures nécessaires pour éviter les conséquences résultant du danger qu'il avait créé, il devait être condamné sous l'angle de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
3.3.
3.3.1. La CourEDH a récemment été saisie de la question de savoir si la condamnation pénale du titulaire d'un compte Facebook à raison du contenu de messages écrits par des tiers sur son " mur " était conforme au principe de liberté d'expression prévu à l'art. 10
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) CEDH Art. 10 Liberté d'expression - 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. |
|
1 | Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. |
2 | L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. |
constitutive d'une atteinte à la liberté d'expression, reposait sur une base légale suffisante (soit l'art. 93-3 de la loi française no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle qui prévoit la punissabilité, comme auteur principal, du " directeur " ou " codirecteur de la publication " - avec la précision que " [l]orsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message " -) et visait un but légitime.
La CourEDH a ensuite examiné si la décision prise par les autorités reposait sur des motifs pertinents et suffisants dans les circonstances de la cause. Elle a attaché une importance particulière au support utilisé et au contexte dans lequel les propos incriminés ont été diffusés, et par conséquent à leur impact potentiel sur l'ordre public et la cohésion du groupe social: " si la possibilité pour les individus de s'exprimer sur Internet constitue un outil sans précédent d'exercice de la liberté d'expression, les avantages de ce média s'accompagnent d'un certain nombre de risques, avec une diffusion comme jamais auparavant dans le monde de propos clairement illicites, notamment des propos diffamatoires, haineux ou appelant à la violence " (arrêt de la CourEDH Sanchez précité, § 86). La CourEDH a relevé que, bien que considéré comme " auteur " par la loi française et sanctionné pénalement à ce titre, les juridictions internes avaient caractérisé les faits établissant la responsabilité du requérant en raison d'un comportement particulier, directement lié à son statut de titulaire du " mur " de son compte Facebook. Pour la CourEDH, il était légitime qu'un tel statut emporte des obligations spécifiques, en particulier lorsque, à
l'instar du requérant, le titulaire du " mur " d'un compte Facebook décidait de ne pas faire usage de la possibilité qui lui était offerte d'en limiter l'accès, choisissant au contraire de le rendre accessible à tout public. Avec les juridictions internes, la CourEDH a estimé qu'un tel constat valait particulièrement dans un contexte susceptible de voir apparaître des propos clairement illicites, comme en l'espèce (arrêt de la CourEDH Sanchez précité, § 100). En conclusion, elle a considéré qu'au vu des circonstances spécifiques de l'affaire et eu égard à la marge d'appréciation de l'État défendeur, l'ingérence litigieuse pouvait passer pour nécessaire dans une société démocratique (arrêt de la CourEDH Sanchez précité, § 104).
On signalera encore l'opinion dissidente de la juge Mourou-Vikström, qui pose la question plus générale de la responsabilité pénale " dérivée " ou " projetée " du titulaire d'un compte Facebook pour des propos publiés par des tiers, a fortiori lorsque ce titulaire est, comme en l'espèce, un homme public ou politique ayant un nombre élevé d' " amis ". La juge a reproché à la majorité de faire peser sur le titulaire d'un compte Facebook la même responsabilité que celle incombant à un portail d'actualités invitant les lecteurs à commenter les articles publiés (hypothèse de l'arrêt Delfi AS c. Estonie [GC] [requête n° 64569/09], CEDH 2015). Par ailleurs, elle a estimé que les juridictions internes n'avaient pas suffisamment établi la connaissance effective qu'aurait eue le requérant des messages publiés. Or, la connaissance étant l'un des éléments fondamentaux permettant d'établir la responsabilité pénale du titulaire du compte, elle devait être établie dans le respect des règles du droit pénal. Pour elle, le constat d'absence de violation de l'article 10
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) CEDH Art. 10 Liberté d'expression - 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. |
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1 | Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. |
2 | L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. |
précité; opinion dissidente de la juge Mourou-Vikström).
Concernant la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, celle-ci a jugé, dans son arrêt Unabhängiges Landeszentrum für Datenschutz Schleswig-Holstein contre Wirtschaftsakademie Schleswig-Holstein GmbH du 5 juin 2018 (C-210/16, EU:C:2018:388), que l'administrateur d'une page fan hébergée sur Facebook devait être qualifié de responsable du traitement des données des personnes qui visitent sa page et qu'il existe dès lors une responsabilité conjointe avec l'exploitant du réseau social à ce titre, au sens de la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23 novembre 1995, p. 31-50).
3.3.2. En l'état du droit suisse, il n'existe aucune norme régissant spécifiquement la responsabilité pénale des prestataires de services internet tels que Facebook et Twitter, ni, a fortiori, des simples " fournisseurs de contenus " que sont les utilisateurs de ces réseaux. A plusieurs reprises, le Conseil fédéral a affirmé qu'il n'y avait pas lieu de légiférer sur la responsabilité pénale des fournisseurs de services, considérant notamment que l'obligation d'effacer ou de bloquer un message diffusé sur un réseau social, indépendamment de toute décision administrative ou judiciaire, posait de délicates questions de compatibilité avec les droits fondamentaux, notamment la liberté d'expression (Avis du 1er décembre 2017 en réponse à l'interpellation n° 17.3734 Discours de haine sur les réseaux sociaux. Le Laisser-faire ?).
Ainsi, à la différence de la France par exemple, qui a défini dans une loi les conditions auxquelles " le directeur ou le codirecteur de publication " pouvait répondre comme auteur principal des messages publiés par des tiers sur son compte (cf. arrêt de la CourEDH Sanchez précité), le législateur suisse ne s'est volontairement pas emparé de cette question, ce que reconnaît d'ailleurs le recourant.
3.3.3. Cela étant, le recourant estime que la responsabilité pénale de l'intimé peut se déduire des principes existants du droit pénal suisse. Il se réfère à l'arrêt du Tribunal fédéral 6B 645/2007 du 2 mai 2008 (publié in SJ 2008 I 373) ainsi qu'à une opinion doctrinale commentant ledit arrêt (cf. Bianchi della Porta/Robert, Responsabilité pénale de l'éditeur de médias en ligne participatif - Comment se prémunir des contenus illicites " postés " par des tiers? in Medialex 1/09, p. 25).
Le Tribunal fédéral a en effet été amené, dans l'arrêt précité, à examiner l'éventuelle responsabilité pénale de celui qui gère, sur un site internet, un forum de discussion, en raison de la publication de contenu illicite sur cette plateforme. Constatant, dans le cas d'espèce, que l'exploitant du forum avait omis de retirer de l'espace de discussion une vidéo de propagande djihadiste, le Tribunal fédéral a tout d'abord rappelé qu'en application du principe dit de la subsidiarité, la mise à disposition d'installations constitue une prestation positive. Dans cette perspective, l'omission reprochée à l'exploitant du forum de ne pas avoir supprimé la vidéo litigieuse devait être replacée dans le contexte plus global des activités déployées en relation avec son forum, ce qui pouvait conduire à exclure la forme subsidiaire de l'omission et à lui reprocher une action, sans qu'il soit nécessaire d'examiner s'il endossait une position de garant. Cela étant, même la qualification du comportement comme pure omission ne lui permettrait de toute façon pas d'exclure sa responsabilité pénale. Le Tribunal fédéral a considéré, en effet, que " l'exploitation d'un forum de discussion est indissociable du risque que des contenus illégaux y soient
déposés et, partant, que des intérêts juridiquement protégés par une norme pénale soient lésés. Si, en lui-même, ce risque n'excède pas ce qui peut être admis en société ( Sozialadäquanz) et ne permet vraisemblablement pas de fonder une obligation de surveillance permanente, la situation est cependant différente lorsque l'exploitant du forum a effectivement connaissance de la présence de ce contenu illégal sur son site " (arrêt 6B 645/2007 précité consid. 7.3.4.4.2). Dans un tel cas, le Tribunal fédéral a considéré que le risque d'atteinte - à supposer qu'il ne soit pas encore réalisé - à des intérêts protégés par le droit pénal était tel qu'il excédait ce qui pouvait être admis. On pouvait dès lors déduire l'obligation de l'exploitant de supprimer le contenu litigieux du principe non écrit selon lequel il incombe à celui qui crée un danger de prendre les mesures nécessaires pour en éviter les conséquences. Il s'agissait donc uniquement de déterminer si le comportement de la personne en cause - indépendamment de sa qualification comme action ou comme omission -, était constitutif d'une infraction pénale et si celle-ci en répondait en qualité d'auteur, de coauteur ou de complice (arrêt 6B 645/2007 précité consid. 7.3.4.4.2 et les
références citées). En l'espèce, l'exploitant, qui avait admis partager l'opinion véhiculée par la vidéo incriminée, a été condamné en tant que coauteur de l'infraction de soutien à une organisation criminelle. En effet, en exploitant le forum sur lequel se trouvait la vidéo, ce que l'intéressé savait, il avait intentionnellement collaboré à l'exécution de l'infraction. Par ailleurs, en permettant de toucher de plus nombreux internautes que les seuls sites d'une tierce partie, sa participation n'était pas secondaire, mais procédait de l'intention de diffuser plus largement ces informations (arrêt 6B 645/2007 précité consid. 7.3.4.5). Il résulte encore de cet arrêt qu'une incrimination au titre de complice peut également entrer en considération lorsque l'exploitant du forum a facilité et encouragé l'infraction par une contribution sans laquelle les événements auraient pris une tournure différente, sans toutefois que son assistance ne constitue nécessairement une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction (cf. arrêt 6B 645/2007 précité consid. 7.3.4.4.2). Le Code pénal excluant la complicité par négligence, l'exploitant du forum doit donc avoir eu conscience et volonté de prêter assistance à l'auteur (cf. Bianchi della
Porta/Robert, op. cit., p. 25).
Il a été soutenu en doctrine que la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée pouvait être transposée au cas de l'exploitant d'un blog (David Equey, La responsabilité pénale des fournisseurs de services internet, étude à la lumière des droits suisse, allemand et français, 2016, n° 899 ss). De même, un réseau social accessible en principe à tous les utilisateurs d'internet, axé sur l'interactivité, offrait des caractéristiques semblables (cf. David Equey, op. cit., n° 1029 et 1035). En outre, toujours selon cet auteur, un blogueur peut engager sa responsabilité pénale à partir du moment où des informations illicites sont déposées sur l'espace mis à disposition des internautes, qu'il en est informé et qu'il ne procède pas à leur effacement (David Equey, op. cit., n° 907).
C'est encore le lieu de préciser que la jurisprudence a exclu l'application de l'art. 28
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 28 - 1 Lorsqu'une infraction a été commise et consommée sous forme de publication par un média, l'auteur est seul punissable, sous réserve des dispositions suivantes. |
|
1 | Lorsqu'une infraction a été commise et consommée sous forme de publication par un média, l'auteur est seul punissable, sous réserve des dispositions suivantes. |
2 | Si l'auteur ne peut être découvert ou qu'il ne peut être traduit en Suisse devant un tribunal, le rédacteur responsable est punissable en vertu de l'art. 322bis. À défaut de rédacteur, la personne responsable de la publication en cause est punissable en vertu de ce même article. |
3 | Si la publication a eu lieu à l'insu de l'auteur ou contre sa volonté, le rédacteur ou, à défaut, la personne responsable de la publication, est punissable comme auteur de l'infraction. |
4 | L'auteur d'un compte rendu véridique de débats publics ou de déclarations officielles d'une autorité n'encourt aucune peine. |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
3.4. En l'espèce, la cour cantonale a constaté que l'intimé alimentait son compte Facebook, ouvert à tous, presque tous les jours, qu'il n'y publiait rien de personnel mais abordait divers sujets de société qui suscitaient des commentaires. On peut dès lors admettre, avec l'autorité précédente, que l'intimé utilisait son compte Facebook d'une façon comparable à celle d'un forum de discussion tel que dans l'arrêt 6B 645/2007 évoqué ci-dessus, de sorte que les principes qui en découlent sont pertinents en l'espèce.
3.5. Le comportement reproché à l'intimé sera tout d'abord examiné sous l'angle d'une omission.
3.5.1. Conformément à l'art. 11
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 11 - 1 Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir. |
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1 | Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir. |
2 | Reste passif en violation d'une obligation d'agir quiconque14 n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu: |
a | de la loi; |
b | d'un contrat; |
c | d'une communauté de risques librement consentie; |
d | de la création d'un risque. |
3 | Quiconque reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un comportement actif. |
4 | Le juge peut atténuer la peine. |
Dans le cas d'espèce, il est vrai qu'en choisissant de ne pas limiter l'accès à son " mur " Facebook, mais au contraire de le rendre accessible à tout public, et d'y aborder des thèmes de nature politique, de surcroît sensibles et sujets aux amalgames, l'intimé a créé un risque que des contenus illégaux y soient déposés (cf. arrêt de la CourEDH Sanchez précité; cf. consid. 3.3.1 supra). Cependant, conformément à la jurisprudence, ce risque ne dépasse ce qui peut être socialement admis que si l'intéressé avait connaissance du contenu problématique qui a été ajouté sur sa page (arrêt 6B 645/2007 précité consid. 7.3.4.4.2; dans le même sens: David Equey, op. cit., n° 907). Puisqu'il n'a pas été établi que l'intimé aurait eu connaissance du contenu illicite publié sur son " mur " avant l'ouverture d'une procédure pénale, une responsabilité pénale pour l'omission reprochée à l'intimé est exclue sous cet angle.
3.5.2. Le recourant soutient cependant que dans la présente configuration de fait, le risque encouru par l'intimé ne serait plus socialement admissible. Se référant à l'art. 97 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
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1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
3.5.3. Le recourant appelle ainsi à poser des principes qui vont au-delà de la portée de l'arrêt 6B 645/2007 précité. En effet, cet arrêt fonde la responsabilité pénale de l'auteur sur sa connaissance du contenu illicite publié sur la plateforme qu'il exploite, mais il ne définit pas les contours du risque socialement admissible ni ceux d'une obligation de surveillance et de modération permanente.
3.5.4. Le principe de la légalité (art. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 1 - Une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi. |
Dans le cas présent, il convient de rappeler que le législateur, soucieux de ne pas mettre en place une norme susceptible d'entraîner des restrictions disproportionnées au principe de la liberté d'expression, n'a pas souhaité, à ce jour, prévoir l'obligation, incombant aux titulaires de compte sur un réseau social - ni d'ailleurs, aux prestataires de service eux-mêmes (cf. consid. 3.3.2 supra) -, de modérer le contenu publié par autrui. Il n'y a pas lieu de revenir sur ce choix par le biais d'une interprétation jurisprudentielle. En effet, il serait manifestement problématique, sous l'angle du principe de la légalité, de faire dépendre l'existence d'une obligation de surveillance et de modération du titulaire d'un compte Facebook (ou tout autre réseau social) de circonstances telles que la sensibilité des sujets abordés, le cercle de potentiels destinataires des publications, ou encore le nombre ou le caractère frappant des commentaires " postés " en réaction à la publication originelle, puisque dite obligation reposerait intégralement sur une évaluation délicate à opérer, difficilement prévisible et manifestement empreinte de subjectivité. De surcroît, cela reviendrait à placer sur les épaules de l'intéressé, simple utilisateur
d'un réseau social, un devoir de vigilance très lourd, puisque permanent et exhaustif - un seul commentaire de tiers pouvant potentiellement suffire à entraîner la responsabilité pénale du titulaire du compte -, et cela, alors qu'aucune norme ne le prévoit expressément.
3.5.5. En définitive, la thèse défendue par le recourant ne trouve aucun fondement de lege lata. En tout état, ses réflexions peuvent être relativisées dans la mesure où l'on constate que la plupart des auteurs des publications litigieuses ont été identifiés et condamnés pénalement pour leurs propos (cf. let. B.d supra). Si ces personnes-là sont dissuadées, par la menace de la sanction pénale, de communiquer des propos haineux ou discriminatoires sur une plateforme jouissant d'une certaine visibilité, la paix publique est indirectement protégée (cf. consid. 1.1 supra). Aussi, le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il affirme qu'en ne mettant pas à charge du titulaire du compte une obligation de surveillance constante, tout l'arsenal de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
3.5.6. Considérant ce qui précède, il convient de s'en tenir à des principes clairs et prévisibles, ce qui exclut de conclure, en l'état du droit positif, que des circonstances d'espèce, telles que celles mises en exergue par le recourant, puissent générer une obligation de surveillance et de modération à charge du titulaire d'un compte sur un réseau social. Il s'ensuit que l'intimé ne répond pas d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir, au sens de l'art. 11 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 11 - 1 Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir. |
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1 | Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir. |
2 | Reste passif en violation d'une obligation d'agir quiconque14 n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu: |
a | de la loi; |
b | d'un contrat; |
c | d'une communauté de risques librement consentie; |
d | de la création d'un risque. |
3 | Quiconque reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un comportement actif. |
4 | Le juge peut atténuer la peine. |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 11 - 1 Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir. |
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1 | Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir. |
2 | Reste passif en violation d'une obligation d'agir quiconque14 n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu: |
a | de la loi; |
b | d'un contrat; |
c | d'une communauté de risques librement consentie; |
d | de la création d'un risque. |
3 | Quiconque reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un comportement actif. |
4 | Le juge peut atténuer la peine. |
3.6. A supposer que le libre accès au " mur " de son compte Facebook constitue une prestation positive de l'intimé en faveur de tiers, dans la mesure où il leur est ainsi offert une plateforme publique sur laquelle exprimer leur avis personnel, le comportement de l'intimé pourrait être appréhendé comme une action. Il conviendrait alors d'examiner dans quelle mesure le prénommé en répond au titre d'une participation aux infractions commises par les auteurs des publications litigieuses (cf. arrêt 6B 645/2007 précité consid. 7.3.4.4.2).
La coactivité suppose une collaboration intentionnelle et déterminante à la décision de commettre une infraction. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet, auquel il peut adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant, c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155; 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66; 125 IV 134 consid. 3a p. 136). De même, le complice doit avoir l'intention de favoriser la commission de l'infraction, même si le dol éventuel suffit (art. 25
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 25 - La peine est atténuée à l'égard de quiconque a intentionnellement prêté assistance à l'auteur pour commettre un crime ou un délit. |
les références citées).
Dans l'arrêt 6B 645/2007 précité, il a été retenu que l'intention du prévenu, tout au moins dès qu'il a eu connaissance de la présence de la vidéo illicite sur son site, portait sur la publication de ce document, de sorte qu'en exploitant le forum sur lequel se trouvait la vidéo, ce qu'il savait, il avait intentionnellement collaboré à l'exécution de l'infraction (consid. 7.3.4.5). En l'espèce, puisque l'intimé ignorait la présence de contenu litigieux publié par des tiers sur sa page virtuelle, on ne voit pas comment, faute d'un accord des volontés entre les auteurs principaux et l'intimé, celui-ci aurait pu participer aux infractions commises par ceux-là, que ce soit à titre principal ou accessoire.
Partant, sous cet angle également, une responsabilité pénale en qualité de titulaire d'un compte Facebook pour des propos publiés par des tiers ne peut s'envisager aussi longtemps que l'intéressé n'avait pas connaissance du contenu illicite publié sur son " mur ".
3.7. Sur le vu de ce qui précède, considérant qu'il n'a pas été établi que l'intimé aurait toléré, en connaissance de cause, les publications litigieuses dès leur apparition sur son compte, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 261bis al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
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1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
4.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
|
1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 7 avril 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Musy