Urteilskopf

91 I 127

21. Arrêt du 12 mai 1965 dans la cause Gilette contre Ministère public fédéral.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 129

BGE 91 I 127 S. 129

A.- Le 12 mars 1962, Jean-Pierre Gilette, ressortissant français, fut condamné par le Tribunal de Grande Instance de la Seine à quinze mois d'emprisonnement pour escroquerie, abus de confiance et abus de blanc-seing. En décembre 1962, il fut arrêté à Innsbruck. S'étant évadé, il passa en Suisse. Il séjourna à Altstätten (canton de St-Gall) du 23 juin au 24 août 1964, et y commit diverses escroqueries. Il se rendit ensuite en Allemagne. Le 14 janvier 1964, il fut extradé par les autorités allemandes aux autorités suisses pour répondre des escroqueries commises à Altstätten. Le 14 avril 1964, il fut condamné de ce chef par le Tribunal du district d'Oberrheintal à quatorze mois d'emprisonnement. Actuellement, il a achevé de purger cette peine. Le 11 mars 1964, l'Ambassade de France à Berne sollicita l'extradition de Gilette en se fondant sur le jugement du 12 mars 1962. Le 30 octobre 1964, les autorités allemandes compétentes accordèrent à la Suisse l'autorisation de réextrader Gilette à la France.
B.- Gilette s'oppose à son extradition. Ses moyens seront repris ci-après dans la mesure utile. Le Ministère public fédéral propose de rejeter l'opposition de Gilette et d'autoriser l'extradition.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. La réextradition dépend de conditions qui relèvent de deux catégories de rapports juridiques: les rapports entre le premier Etat extradant et l'Etat requis de réextrader d'une part, les rapports entre ce dernier et l'Etat qui demende la réextradition à son profit d'autre part. Dans la mesure où, comparée à une extradition ordinaire, la réextradition peut être assortie du conditions supplémentaires, celles-ci n'ont
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leur fondement que dans les relations de la première catégorie. Supposé que ces conditions particulières soient remplies, la réextradition en faveur de l'Etat tiers se présente comme une extradition ordinaire. Il s'ensuit qu'en l'espèce, il faut examiner successivement les rapports entre l'Allemagne et la Suisse, puis les relations entre la Suisse et la France.
2. L'extradition des malfaiteurs entre la République fédérale d'Allemagne et la Confédération suisse est réglée par le traité d'extradition entre la Suisse et l'Empire allemand conclu le 24 janvier 1874 et par les notes que ces Etats ont échangées les 6 et 23 mars 1936. Dès lors, conformément à la jurisprudence, la loi fédérale du 22 janvier 1892 sur l'extradition aux Etats étrangers (LE) n'est en principe pas applicable. Il n'en irait autrement que dans certaines hypothèses, notamment si la LE pouvait être appliquée concurremment avec le traité ou pour en combler une lacune, à la condition toutefois qu'elle ne conduisît pas à une solution contraire à la convention internationale (RO 87 I 136 et les arrêts cités; arrêt rendu le 7 octobre 1964 en la cause Watin, consid. 1 non publié). Hormis le cas du délit politique (cf. art. 4 al. 2), le traité germano-suisse ne règle pas expressément la réextradition d'un malfaiteur par l'une des parties à un Etat tiers. En revanche, dans son chiffre 1, l'échange de notes résout cette difficulté en disposant notamment: "Sans l'autorisation de l'Etat requis, un individu extradé ne peut être... réextradé à un Etat tiers en raison d'un délit commis avant l'extradition et auquel celle-ci ne s'applique pas...". En l'espèce, l'Allemagne a extradé Gilette à la Suisse le 14 janvier 1964 pour qu'il réponde des escroqueries qu'il avait commises à Altstätten. Aujourd'hui, la France demande à la Suisse l'extradition de Gilette pour lui faire subir la peine prononcée le 12 mars 1962. Cette réextradition concerne donc des délits commis avant la première extradition (Allemagne-Suisse) et auxquels celle-ci ne s'appliquait pas. Dès lors l'autorisation de la République fédérale d'Allemagne à la réextradition de Gilette en France est nécessaire. Cette autorisation a été donnée la 30 octobre 1964. Le traité germano-suisse ne soumet pas la réextradition à d'autres conditions particulières. Du point de vue des rapports juridiques entre la République fédérale d'Allemagne et la Confédération suisse, rien ne s'oppose donc à ce que Gilette soit livré à la France.
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Se fondant sur les art. 7 et 8 LE, Gilette soutient, il est vrai, qu'il ne saurait être réextradé à la France sans son propre consentement. Toutefois, cet argument tombe à faux, car, ainsi qu'on l'a vu, la loi fédérale sur l'extradition n'est pas applicable en l'espèce. Les conditions spéciales auxquelles la réextradition à la France pourrait être soumise doivent être recherchées dans le traité germano-suisse et l'échange de notes de 1936. Or ni l'un ni l'autre ne soumettent la réextradition au consentement de l'extradé. Ils ne présentent d'ailleurs pas à cet égard une lacune qu'il faudrait combler en appliquant la loi. Ils exigent le consentement de l'Etat qui a accordé la première extradition: dès lors, si celui de l'extradé était nécessaire, ils l'auraient précisé expressément.
3. Vu les deux considérants qui précèdent, la demande de réextradition présentée par la France à la Suisse ne diffère pas d'une requête ordinaire d'extradition. Conformément à la jurisprudence rappelée au considérant l'elle doit être examinée à la lumière non de la loi fédérale de 1892 sur l'extradition mais du traité d'extradition franco-suisse du 9 juillet 1869. a) L'art. 1er de ce traité institue pour la Suisse l'obligation d'accorder l'extradition des "individus réfugiés de France... en Suisse". Gilette rappelle qu'il se trouve en Suisse parce qu'il y a été extradé par les autorités allemandes. Il en infère qu'il n'est pas un "réfugié" au sens de l'art. 1er du traité franco-suisse. L'interprétation qu'il donne de cette disposition est cependant trop littérale. Il y a longtemps déjà que le Tribunal fédéral a refusé de la faire sienne. Il considère au contraire "que la cause, le caractère volontaire ou involontaire de la présence du délinquant importe peu et que si, par ailleurs, les conditions auxquelles l'extradition est subordonnée sont réalisées, l'Etat requis ne saurait la refuser par le seul fait que ce n'est pas de son plein gré que l'individu en question a pénétré dans le pays" (RO 43 I 73; voir aussi RO 16, p. 108; SCHULTZ, Das schw. Auslieferungsrecht, p. 108/109). Cette jurisprudence doit être confirmée. Elle correspond au vrai sens du traité. Elle est conforme à la pratique internationale moderne, telle qu'elle résulte des traités d'extradition moins anciens que la traité franco-suisse et qui ont remplacé le terme "réfugié" par ceux d'"accusé", de "poursuivi" ou de "condamné" (cf. traités de la Suisse avec l'Etat d'Israël
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du 31 décembre 1958, art. 1er; avec le Paraguay, du 30 juin 1906, art. 1er; avec les Pays-Bas, du 31 mars 1898, art. 1er; avec la Pologne, du 19 novembre 1937, art. 1er; avec la Turquie, du 1er juin 1933, art. 1er; avec l'Uruguay, du 27 février 1923, art. 1er). En conséquence, le fait que Gilette se trouve en Suisse parce qu'il y a été extradé par les autorités allemandes ne s'oppose pas à sa réextradition à la France. b) Gilette objecte également qu'il n'a consenti à son extradition d'Allemagne en Suisse qu'à la condition d'être remis sous la protection des autorités allemandes après que seraient liquidées les affaires pénales pour lesquelles il devait être poursuivi en Suisse. Il est inutile de rechercher s'il a effectivement soumis son extradition à une telle condition. Sa réextradition à la France ne dépend in casu que du consentement de la République fédérale d'Allemagne; ce consentement a été donné; les exigences qu'il aurait pu formuler à titre personnel ne sauraient dès lors jouer de rôle.
c) Gilette exprime enfin la crainte que, pour les autorités françaises, le jugement du 12 mars 1962 soit un simple prétexte et qu'elles entendent en réalité le poursuivre du chef de son activité d'officier dans l'Organisation de l'armée secrète (OAS), c'est-à-dire pour un délit politique qui ne peut donner lieu à extradition. Comme le Tribunal fédéral l'a jugé en d'autres occasions, pareille crainte "ne peut, bien entendu, être prise en considération, car, en présence du texte formel de l'art. 8 al. 2 du traité, elle est sans aucun fondement" (RO 43 I 74, consid. 1 in fine).
d) Il reste dès lors à savoir si les infractions qui ont fait l'objet du jugement du 12 mars 1962 peuvent donner lieu à extradition. Gilette ne conteste pas que tel soit le cas. Il a raison. Punissables en France comme escroqueries, abus de confiance et abus de blanc-seing, les faits qui lui sont reprochés seraient réprimés en Suisse où ils constitueraient les infractions d'escroquerie (art. 148
SR 311.0 Codice penale svizzero del 21 dicembre 1937
CP Art. 148 - 1 Chiunque, insolvente o non disposto a saldare il dovuto, ottiene prestazioni di natura patrimoniale utilizzando una carta-chèque, una carta di credito o un analogo mezzo di pagamento, cagionando un danno al patrimonio dell'istituto d'emissione, è punito con una pena detentiva sino a cinque anni o con una pena pecuniaria, se l'istituto d'emissione e l'impresa contraente hanno preso le misure che si potevano ragionevolmente esigere da loro per evitare l'abuso della carta.
1    Chiunque, insolvente o non disposto a saldare il dovuto, ottiene prestazioni di natura patrimoniale utilizzando una carta-chèque, una carta di credito o un analogo mezzo di pagamento, cagionando un danno al patrimonio dell'istituto d'emissione, è punito con una pena detentiva sino a cinque anni o con una pena pecuniaria, se l'istituto d'emissione e l'impresa contraente hanno preso le misure che si potevano ragionevolmente esigere da loro per evitare l'abuso della carta.
2    La pena è una pena detentiva da sei mesi a dieci anni se il colpevole fa mestiere di tali operazioni.208
CP), d'abus de confiance (art. 140
SR 311.0 Codice penale svizzero del 21 dicembre 1937
CP Art. 140 - 1. Chiunque commette un furto usando violenza contro una persona, minacciandola di un pericolo imminente alla vita o all'integrità corporale o rendendola incapace di opporre resistenza, è punito con una pena detentiva da sei mesi a dieci anni.200
1    Chiunque commette un furto usando violenza contro una persona, minacciandola di un pericolo imminente alla vita o all'integrità corporale o rendendola incapace di opporre resistenza, è punito con una pena detentiva da sei mesi a dieci anni.200
2    Il colpevole è punito con una pena detentiva non inferiore ad un anno201 se, per commettere la rapina, si è munito di un'arma da fuoco o di un'altra arma pericolosa.
3    Il colpevole è punito con una pena detentiva non inferiore a due anni se ha eseguito la rapina come associato ad una banda intesa a commettere furti o rapine, o
4    La pena è una pena detentiva non inferiore a cinque anni se il colpevole ha esposto la vittima a pericolo di morte, le ha cagionato una lesione personale grave o l'ha trattata con crudeltà.
CP) et de faux dans les titres (art. 251
SR 311.0 Codice penale svizzero del 21 dicembre 1937
CP Art. 251 - 1. Chiunque, al fine di nuocere al patrimonio o ad altri diritti di una persona o di procacciare a sé o ad altri un indebito profitto,
1    Chiunque, al fine di nuocere al patrimonio o ad altri diritti di una persona o di procacciare a sé o ad altri un indebito profitto,
2    ...328
CP). Ces actes remplissent d'ailleurs les conditions des infractions énumérées aux chiffres 20, 21, 23 et 24 de l'art. 1er du traité. Ils peuvent dès lors donner lieu à extradition.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette l'opposition de Gilette et autorise l'extradition de celui-ci à la France.