S. 234 / Nr. 39 Stimmrecht, Kantonale Wahlen und Abstimmungen (f)

BGE 75 I 234

39. Extrait de l'arrêt du 9 juin 1949 en la cause Bender contre Valais,
Conseil d'Etat.


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Regeste:
Droit de vote des citoyens. Elections communales.
Usage de bulletins marqués, c'est-à-dire munis d'un signe distinctif propre à
les identifier lors du dépouillement.
Si les marques ont été apposées par des tiers à l'effet de permettre un
contrôle du vote dos électeurs à qui les bulletins ont été remis le procédé,
même licite au regard du droit cantonal, porté atteinte au secret du scrutin
et à la liberté de vote et peut justifier l'annulation des élections. Pour
cela, il suffit qu'on puisse admettre, d'après le cours normal des choses, que
les irrégularités dont il s'agit aient pu altérer l'expression fidèle de la
volonté du corps électoral.
Politisches Stimmrecht. Gemeindewahlen.
Verwendung von Stimmzetteln, die durch Zeichen kenntlich gemacht sind.
Sind die Stimmzettel zum Zwecke der Kontrolle der Wähler gezeichnet worden, so
liegt hierin, auch wenn es gegen keine kantonale Vorschrift verstösst, eine
Beeinträchtigung des Stimmgeheimnisses und der Stimmfreiheit, welche die
Kassation der Wahl rechtfertigen kann. Dazu genügt, dass nach dem gewöhnlichen
Lauf der Dinge anzunehmen ist, diese Unregelmässigkeiten hätten das
Wahlergebnis beeinflusst.
Diritto di voto dei cittadini. Elezioni comunali.
Uso di schede munite d'un segno distintivo che permette d'identificarle
all'atto dello spoglio.
Se i segni sono stati apposti da un terzo allo scopo di controllare il voto
degli elettori, questo procedimento, anche se non vietato dal diritto
cantonale, viola il segreto dello scrutinio e la libertà di voto e può
giustificare l'annullamento delle elezioni. Per ciò basta che, secondo il
corso normale delle cose, queste irregolarità abbiano potuto alterare la
fedele espressione della volontà del corpo elettorale.

A. ­ Le 5 décembre 1948, ont eu lieu à Fully les élec
tions communales selon le système majoritaire. Sur
906 électeurs, il y eut 881 bulletins rentrés, dont 1 blanc
et 3 nuls; restaient donc 877 bulletins valables. Ont été
déclarés élus:

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Carron Henri avec 457 voix
Bender Adrien 458 »
Roduit Henri 467 »
Tornay Louis 448 »
Perret Marcel 464 »
Dorsaz Benoît 457 »
Carron Meinrad 448 »
N'ont pas été élus:
Carron Fernand 424 »
Granges Ulysse 414 »
Ducrey André 420 »
Cottier Léonce 418 »
Bender Robert 411 »
Carron André 408 »
Bender Armand 414 »
Tous les élus figuraient sur la liste conservatrice, tandis que les non-élus
étaient les candidats de la liste de l'entente communale intervenue entre les
radicaux et les conservateurs indépendants.
Clément Bender, président du parti conservateur indépendant, a recouru au
Conseil d'Etat contre ces élections en se plaignant notamment que le parti
adverse ait fait usage de bulletins marqués.
Statuant le 31 janvier 1949, le Conseil d'Etat du canton du Valais a rejeté ce
recours. Sur le grief indiqué, il se prononce comme suit:
L'examen des bulletins donne le résultat suivant:
Bulletins conservateurs.
1 écriture se retrouve sur 2 bulletins
1 autre » » » 2 »
1 » » » » 2 »
1 » » » » 3 »
1 » » » » 3 » ces 8 sont probablement
1 » » » » 5 » de la même main
1 » » » » 7 »
24 bulletins

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Parmi les adjonctions figurant sur les 42 autres bulletins marqués, plusieurs
ont entre elles de grandes analogies, mais on ne peut affirmer avec certitude
qu'elles sont de la même main.
Bulletins du parti de l'entente.
2 portent une adjonction au crayon rouge apparemment du même auteur.
5 portent un huitième nom (il n'y avait que 7 candidats à élire) inscrit au
bas du bulletin à l'encre rouge avec un stylo à bille. Deux sont en tout cas
du même auteur.
Les 7 autres bulletins portent des adjonctions diverses.
L'art. 41 de la loi prévoit limitativement les cas où des bulletins doivent
être tenus pour nuls. En l'espèce, un certain nombre de bulletins portaient
des adjonctions qui n'avaient aucun caractère général, mais étaient distinctes
pour chacun d'eux. Ce procédé peut, dans certaines circonstances, porter
atteinte au secret du scrutin. Mais la loi n'interdit pas des adjonctions
manuscrites au bulletin de vote, même lorsqu'elles sont le fait d'un autre
citoyen. Les abus que ce procédé risquerait d'entraîner sont réduits a néant
par l'existence du couloir d'isolement, où chaque citoyen reste libre de
modifier encore sa décision au dernier moment.
Si les adjonctions en question devaient permettre d'user de moyens illicites
et de procédés ayant un caractère de vénalité, c'est au regard de l'art. 42,
non plus de l'art. 41, que la solution devrait être recherchée. Or, d'après
l'art. 42, il ne suffit pas que les faits qui se sont passés aient pu servir
de point de départ à des actes entachés de vénalité. Il faut que les actes
répréhensibles aient été effectivement commis. Or aucune preuve n'a été
apportée à cet égard. De nombreux électeurs se rendent aux urnes non seulement
pour exercer platoniquement un droit que leur garantit la Constitution, mais
aussi et surtout pour manifester leur sympathie à tel ou tel candidat auquel
ils vouent une estime particulière, pour des motifs qui ne regardent qu'eux.
Il est de notoriété publique que, par le système des

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adjonctions et des modifications, le citoyen peut en quelque sorte donner à
son bulletin un caractère spécifique qu'il n'aurait pas sans elles. Et comme
l'expérience le prouve, l'électeur avertit presque toujours de son geste le
candidat, car il ne lui suffit pas que ce geste ait été fait; il tient
essentiellement à ce que le bénéficiaire en soit informé, afin que sa
sympathie ne s'incorpore pas simplement à la masse anonyme des électeurs.
Cette sympathie n'est pas punissable.
Les bulletins dont il s'agit auraient passé inaperçus si l'élection s'était
déroulée dans l'atmosphère calme et sereine qui convient aux élections sous le
régime démocratique. Mais ce ne fut pas le cas. Il y eut une action politique
très intense et tout à fait extraordinaire qui explique l'usage de bulletins
marqués. Le Conseil d'Etat regrette que ces élections se soient déroulées dans
cette atmosphère de surexcitation sans précédent, mais il n'est nullement
établi que cette façon de voter ait été adoptée par les électeurs à la suite
de promesses de dons ou rétributions quelconques ou à la suite de menaces dans
le sens de l'art. 42 de la loi.
B. ­ Par le présent recours de droit public, Clément Bender demande au
Tribunal fédéral de casser la décision du Conseil d'Etat du 31 décembre 1948,
et d'annuler les élections du Conseil communal de Fully, du 5 décembre 1948. n
invoque les art. 4
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
Cst. f., 3 Cst. valais., la loi électorale du 1er juillet
1938, ainsi que les art. 84
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
et 85
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
litt. a OJ.
C. ­ Le Conseil d'Etat du canton du Valais conclut au rejet du recours.
La Commune de Fully conclut dans le même sens.
Le Tribunal fédéral a admis le recours en retenant le grief tiré de la
présence de bulletins marqués.
Motifs:
5. ­ Le recourant s'en prend à l'existence même de bulletins marqués,
c'est-à-dire de bulletins munis d'un signe distinctif, propre à les identifier
lors du

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dépouillement. Il relève d'abord qu'un nouvel examen des bulletins lui a
permis d'en déceler encore deux qui étaient munis d'un signe distinctif. Il y
aurait donc en tout 68 bulletins conservateurs marqués. Le recourant
reconnaît, avec le Conseil d'Etat, qu'en soi ces bulletins ne sont pas nuls au
regard de l'art. 41 de la loi cantonale. Cependant les marques et inscriptions
figurant sur 66 bulletins n'émaneraient pas des électeurs eux-mêmes, mais
auraient été portées par des tiers pour les individualiser. Si le Conseil
d'Etat avait fait droit à la requête du recourant tendant faire procéder à un
examen graphologique, il aurait pu se rendre compte que de nombreux bulletins
(on en compte 18) contenaient des annotations de la main de Henri Carron,
candidat au Conseil et président de la commune. On se trouverait ainsi en
présence d'actes caractérisés d'atteinte à la liberté de vote. On ne saurait
en effet admettre la thèse du Conseil d'Etat selon laquelle ces 66 bulletins
pourraient émaner de citoyens qui avaient eux-mêmes spontanément tenu à rendre
leur vote reconnaissable. Le recourant affirme enfin que si l'on éliminait les
bulletins suspects ou même une partie d'entre eux, le résultat de l'élection
serait complètement changé.
a) En ce qui concerne les constatations relatives au nombre des bulletins
marqués, à la nature et à l'origine des adjonctions, le Tribunal fédéral ne
peut intervenir que sous l'angle de l'arbitraire.
Pour cette raison, on ne saurait d'abord tenir compte des deux nouveaux
bulletins marqués que le recourant a découverts dans l'instance fédérale.
Saisi d'un recours fondé sur l'art. 4
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
Cst., le Tribunal fédéral examine
l'affaire sur la seule base du dossier cantonal (RO 73 I 112, 181; 71 I 382).
Les adjonctions manuscrites aux 66 bulletins de la liste conservatrice sont
incontestées. Il y a aussi des adjonctions à 14 bulletins de la liste de
l'Entente; mais elles ne font pas l'objet du litige.
Les adjonctions litigieuses ont trait surtout à la

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profession ou aux activités d'un candidat, à son grade militaire, a un mandat
public qu'il exerce, à son domicile, au nom de son père; certains bulletins
portent un candidat supplémentaire.
Il n'est pas mis en doute que ces adjonctions ou une partie d'entre elles (en
tout cas 24) n'émanent pas de l'électeur, mais d'un ou plusieurs tiers. On
connaît l'un d'entre eux: Roduit, associé du candidat Henri Carron, qui a
remis la veille du vote à quelques-uns de ses ouvriers une liste conservatrice
marquée.
Pour le surplus, le Conseil d'Etat admet dans sa décision que 8 « écritures »,
sur 24 bulletins conservateurs sont de la même main et que, parmi les
adjonctions figurant sur les 44 autres bulletins marqués, plusieurs ont entre
elles de grandes analogies. Le recourant se plaint qu'on n'ait pas ordonné
l'expertise qu'il avait sollicitée pour établir que 18 adjonctions étaient de
la main même de Henri Carron. Mais il n'élève pas à cet égard le grief de déni
de justice. L'affirmation du recourant ne peut donc être retenue.
b) Dans leurs réponses au recours, le Conseil d'Etat et la Commune de Fully
relèvent que, lors de la discussion de la loi actuellement en vigueur sur les
élections et les votations, le Grand Conseil avait décidé, après d'amples
délibérations, de ne pas reprendre la disposition de la loi de 1908
interdisant les modifications manuscrites ­ qu'elles émanent d'un tiers ou de
l'électeur lui-même. De fait, I'art. 41 de la loi de 1938 énumère
limitativement les bulletins qui doivent être considérés comme nuls; or ceux
qui contiennent des inscriptions manuscrites ne rentrent pas dans cette
énumération.
Le Conseil d'Etat concède que l'usage de bulletins marqués peut entraîner
l'annulation des élections en vertu de l'art. 42, si la remise de tels
bulletins est en relation avec des actes de vénalité ou s'accompagne de
menaces. Mais il nie que tel ait été le cas, et cela n'est en effet pas établi
positivement.

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Toutefois, en l'absence même d'irrégularités dans la procédure électorale ou
d'actes réprimés par une disposition légale expresse, le résultat d'une
élection peut être annulé s'il a été influencé par des moyens répréhensibles
portant atteinte à la liberté du vote, de sorte qu'il y a lieu d'admettre que
ce résultat ne correspond pas à la volonté libre de la majorité du corps
électoral. A cet égard, le Tribunal fédéral a plein pouvoir d'examen, comme
autrefois le Conseil fédéral (cf. SALIS, III no 121 1; SALIS-BURCKHARDT, Droit
fédéral suisse, II, no 411, p. 53; arrêt Oertli, du 4 février 1946, p. 6).
L'un de ces moyens répréhensibles consiste, à n'en pas douter, dans
l'utilisation de bulletins munis de marques distinctives permettant de
contrôler le vote des électeurs à qui ils sont remis. Sans doute l'électeur
qui dépose un pareil bulletin dans l'urne approuve-t-il son contenu et ne
vote-t il pas contre sa volonté, abstraction faite du cas des menaces (cf.
PICENONI, Die Kassation von Volkswahlen und Volksabstimmungen in Bund,
Kantonen und Gemeinden, p. 91, qui fait allusion à une pratique dans ce sens
de certains Conseils d'Etat et du Conseil fédéral). Mais, dans ce cas-là, la
liberté de l'électeur n'est pas entière; elle est entravée par la perspective
que son vote sera connu directement ou indirectement, soit qu'il utilise le
bulletin remis, soit qu'il en dépose un autre. Il peut ainsi se croire obligé
de déposer dans l'urne le bulletin remis, surtout s'il s'agit d'une personne
qui se trouve dans la dépendance économique d'un autre. A cet égard,
l'aménagement d'un couloir d'isolement n'est pas une garantie. Le Conseil
d'Etat lui-même admet que le procédé des bulletins marqués peut, le cas
échéant, constituer une atteinte au secret du scrutin. Or, dans le vote aux
urnes, le secret du scrutin est conçu par le législateur comme un moyen
d'assurer la liberté de vote telle que la garantissent les art. 28 et 37 de la
loi cantonale. Dans l'arrêt Solliard et Dubuis, du 6 octobre 1934, p. 27 sv.,
le Tribunal fédéral a du reste déjà jugé qu'une élection devait en principe
être annulée lorsqu'il

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y avait été fait usage de bulletins portant des signes distinctifs apposés par
des tiers à l'effet de contrôler le vote des électeurs.
c) Il s'agit donc de savoir en l'espèce si c'est à ces fins-là que des
adjonctions ont été apportées aux 66 bulletins du parti conservateur.
aa) D'après le Conseil d'Etat, si le législateur n'a pas voulu condamner le
système des surcharges, c'est notamment pour assurer au citoyen le maximum de
liberté en ce qui concerne l'expression de son opinion politique. Or, dans le
cas particulier, la présence de bulletins marqués pourrait parfaitement
s'expliquer par le souci de maint électeur de donner à son bulletin un
caractère spécifique, propre à le faire reconnaître par le candidat
bénéficiaire de ses suffrages.
On ne peut écarter d'emblée une telle explication, pas plus d'ailleurs qu'on
ne peut ignorer certains autres motifs légitimes qui, même en cas d'élections
d'après le système majoritaire, peuvent amener l'électeur, voire des tiers, à
apporter des adjonctions aux bulletins imprimés par les partis. Toutefois le
Conseil d'Etat ne fait pas allusion à ces autres motifs, et quant à la raison
qu'il suggère, elle n'est, dans les circonstances de la cause, pas
convaincante. Elle pourrait expliquer la présence de bulletins modifiés des
mains de l'électeur, encore que, d'une manière générale, celui-ci, quand il
n'y est pas poussé de l'extérieur, n'ait pas une tendance naturelle à dévoiler
son vote. Mais les bulletins, du moins nombre d'entre eux, portent des marques
apposées par des tiers. Pour ces bulletins marqués, l'explication donnée n'est
pas plausible. Au contraire, le fait que plusieurs adjonctions (8 au moins,
d'après le Conseil d'Etat) sont de la même main, le fait que plusieurs autres
offrent entre elles de grandes analogies permettent de supposer qu'une
certaine organisation a présidé à l'établissement et à la délivrance de
bulletins marqués. A cela s'ajoute que des mentions comme « négociant »,« vins
», « Eglise », « Fully », etc. ne sont pas de nature à

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exprimer une sympathie particulière au candidat en question, mais peuvent
facilement se prêter à l'exercice d'un contrôle lors du dépouillement.
bb) Dans sa réponse, le Conseil d'Etat ne conteste pas sérieusement qu'un tel
contrôle ait eu lieu, lorsqu'il écrit: « le fait que le vote de certains
citoyens de l'un et l'autre partis ait pu être contrôlé ne permet pas, par
lui-même, de conclure à une pression ».
cc) Dans le cas des bulletins délivrés par Roduit, les ouvriers ­ ou partie
d'entre eux ­ se sont sentis contrôlés par la remise de listes conservatrices
marquées.
L'ouvrier Albert Delasoie avait reçu un bulletin conservateur portant le mot
«Fully» écrit à la main, à côté du nom de Henri Carron. Il n'est pas allé
voter, mais après les élections, il n'a pas essayé de se présenter de nouveau
à l'entreprise Carron et Roduit. Delasoie avait précédemment montré cette
liste à l'aubergiste Ulysse Granges en lui disant qu'il était « ennuyé, car
s'il ne votait pas avec ce bulletin, il serait renvoyé du chantier Carron et
Roduit où il travaillait et devrait en outre rembourser un montant qu'il
devait personnellement à M. Henri Carron ».
L'ouvrier Rozain, à qui avait également été remise une liste marquée, n'a pas
été menacé de congé, mais n'est plus retourné à l'entreprise Roduit, ayant
l'impression qu'il n'y serait pas bien reçu.
Si ces ouvriers ne se sont pas laissé intimider par la remise de bulletins
marqués, on ignore ce qu'il en est des autres qui ont voté la liste remise.
dd) Il n'a pas été établi que, lors du dépouillement, un pointage des listes
conservatrices marquées ait été opéré. Mais l'attitude du scrutateur
Taramarcaz, le fait qu'il a détruit par la suite son carnet de notes, laisse
planer l'incertitude à ce sujet.
ee) Ces élections et la campagne qui les a précédées se sont déroulées sous le
signe d'une nervosité et d'une tension extrêmes.
Pris dans leur ensemble. ces divers indices autorisent

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à conclure que des listes marquées ont été systématiquement établies et
distribuées pour contrôler le vote de certains électeurs, les adjonctions
relevées n'ayant pas d'autre but que de permettre l'individualisation du
bulletin lors du dépouillement, voire par la suite. Peu importe que ce
pointage n'ait en réalité pas eu lieu, dès le moment où l'électeur avait de
sérieuses raisons de penser que son vote serait contrôlé.
d) Des irrégularités de ce genre sont de nature à faire annuler une élection.
La preuve qu'elles ont eu effectivement une influence sur le résultat du
scrutin n'est pas nécessaire; aussi bien cette preuve est-elle fort souvent
impossible à rapporter. Il suffit qu'on puisse admettre que, dans le cours
normal des choses, les irrégularités dont il s'agit aient pu altérer
l'expression fidèle de la volonté du corps électoral. Tel est le cas en
l'espèce.
Selon le procès-verbal des élections de Fully, il y a eu 877 bulletins
valables. La majorité était donc de 439 voix Les candidats élus de la liste
conservatrice qui ont le moins de voix sont Louis Tornay et Meinrad Carron,
avec 448 suffrages, tandis que le candidat Roduit, qui a le plus de voix, en a
recueilli 467. La majorité du parti conservateur n'a donc été que de 9 voix
pour les candidats qui ont obtenu le moins de voix et de 28 voix pour celui
qui en a obtenu le plus. Dans ces conditions, on peut admettre, avec le
recourant, que si le système des bulletins marqués n'avait pas été pratiqué
sur une aussi large échelle, le résultat du vote aurait été différent. Cela
suffit pour admettre le recours et annuler l'élection du 5 décembre 1948.
La Commune de Fully et le Conseil d'Etat font allusion, dans leurs réponses,
aux élections pour le Grand Conseil qui eurent lieu en mars 1949 et qui
auraient confirmé la force du parti conservateur, qui l'a emporté par 88
listes de majorité. Mais on ne peut faire de comparaison entre une votation
cantonale et une votation communale. n est fort possible qu'au cantonal les
conservateurs indépendants,

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qui formaient avec le parti radical la liste de l'Entente pour les élections
communales, aient voté la liste conservatrice. Cette possibilité peut à elle
seule expliquer la différence constatée.
Vgl. auch Nr. 40.­Voir aussi no 40.