S. 22 / Nr. 3 Stimmrecht, kantonale Wahlen und Abstimmungen (f)
BGE 73 I 22
3. Arrêt du 13 février 1947 dans la cause Glasson et consorts contre Grand
Conseil du canton de Fribourg.
Regeste:
Initiative constitutionnelle en droit fribourgeois.
1. Initiative à référé. Pouvoir du Grand Conseil, à la suite de la première
votation populaire admettant le principe de la revision, d'arrêter le nouveau
texte constitutionnel à soumettre au peuple en seconde votation (consid. 2).
2. Limites de ce pouvoir: élaboration du texte «dans le sens de l'initiative».
Présentation de la question dans la votation préliminaire (consid. 3).
3. Texte élaboré par le Grand Conseil s'écartant, sous divers rapports, de la
volonté des auteurs de l'initiative (introduction du referendum en matière
financière). (Consid. 4.)
4. Droit du Grand Conseil de présenter un contre-projet? d'user de son droit
d'initiative propre immédiatement après que l'initiative populaire a abouti?
(Consid. 6.)
Verfassungsinitiative nach freiburgischem Recht.
1. Referendumsinitiative. Befugnis des Grossen Rates, auf Grund der ersten,
die Revisionsfrage bejahenden Volksabstimmung den neuen Verfassungstext, der
dem Volke zur zweiten Abstimmung vorzulegen ist, auszuarbeiten. (Erw. 2.)
2. Schranken dieser Befugnis: Ausarbeitung des Textes «im Sinne der
Initiative». Formulierung der Frage in der Vorabstimmung. (Erw. 3)
3. Vom Grossen Rate ausgearbeiteter Text, der sich in verschiedenen
Beziehungen vom Willen der Initianten entfernt (Einführung des
Finanzreferendums). (Erw. 4.)
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4. Befugnis des Grossen Rates, einen Gegenentwurf vorzulegen? sein eigenes
Initiativrecht unmittelbar nach dem Zustandekommen der Volksinitiative
auszuüben? (Erw. 6.)
Iniziativa costituzionale secondo il diritto friburghese.
1. Iniziativa ad referendum. Potere del Gran Consiglio di stabilire in seguito
alla prima votazione che ammette il principio della revisione, il nuovo testo
costituzionale da sottoporre al popolo in seconda votazione (consid. 2).
2. Limiti di questo potere: elaborazione del testo «nel senso
dell'iniziativa». Tenore della domanda nella votazione preliminare (consid.
3).
3. Testo elaborato dal Gran Consiglio che si scosta, sotto diversi aspetti,
dalla volontà dogli autori dell'iniziativa (introduzione del referendum in
materia finanziaria). (Consid. 4.)
4. Diritto del Gran Consiglio di presentare un controprogetto? d'usare del suo
proprio diritto d'iniziativa subito dopo che è riuscita l'iniziativa popolare?
(Consid. 5.)
A. La Constitution fribourgeoise du 7 mai 1857, dans son titre VI, dispose
ce qui suit au sujet de la revision de la Constitution:
«Art. 78. La Constitution peut toujours être revisée en totalité ou en partie.
Dans ce dernier cas, les articles dont la revision est demandée doivent être
spécialement désignés.
Art. 79. La revision totale ou partielle peut avoir lieu:
1° lorsqu'elle est demandée, suivant les prescriptions de la loi, par 6000
citoyens actifs au moins;
2° lorsqu'elle est décrétée par le Grand Conseil.
Dans l'un comme dans l'autre cas, la question de savoir si la Constitution
doit être revisée est soumise au peuple et si la majorité absolue des citoyens
actifs, prenant part à la votation, se prononce pour l'affirmative, il est
procédé à la revision dans les formes et les délais établis par la loi et sous
réserve des articles suivants.
Art. 80. La revision totale se fait par une Constituante qui est élue de la
même manière que le Grand Conseil.
Art. 81. Si le projet de Constitution revisée est rejeté par la majorité des
citoyens actifs prenant part à la votation, la même assemblée constituante en
élabore un second.
Si ce second projet est encore rejeté, il est procédé à l'élection d'une
nouvelle Constituante.
Art. 82. La revision partielle se fait par le Grand Conseil.
Les articles à reviser sont soumis à deux délibérations, à un intervalle de
six mois.
Le projet des articles revisés adopté par le Grand Conseil, est soumis à
l'acceptation du peuple qui procède à ce vote après l'expiration d'un mois au
moins depuis la seconde délibération.
Si la majorité des citoyens actifs prenant part à la votation se prononce pour
l'acceptation, les articles revisés sont promulgués et font partie intégrante
de la Constitution.»
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Par ailleurs, la Constitution garantit le droit d'initiative et le referendum
en matière législative:
«Art. 28bis: Toute loi ou décret de portée générale voté par le Grand Conseil
et n'ayant pas le caractère d'urgence doit être soumis au peuple si la demande
en est faite par 6000 citoyens.
Art. 28ter: 6000 citoyens ont le droit de demander l'élaboration, l'abrogation
ou la modification d'une loi.
Art. 28quater: La loi règle la forme et les délais dans lesquels s'exercent le
droit d'initiative et le referendum.»
La loi visée par les art. 79 al. 2 et par l'art. 28quater est actuellement la
loi du 13 mai 1921 sur l'exercice du droit d'initiative constitutionnelle et
législative des citoyens et du droit de referendum. Le chapitre premier règle
l'exercice du droit d'initiative constitutionnelle, le chapitre II, l'exercice
du droit d'initiative législative, le chapitre III, l'exercice du droit de
referendum, et le chapitre IV contient des dispositions communes sur la
réunion des signatures, les délais, les publications.
B. Le 17 juillet 1943, 57 citoyens affiliés au parti radical ont déposé,
conformément à l'art. 3 de la loi précitée du 13 mai 1921, une demande
d'initiative tendant à la revision partielle de la Constitution fribourgeoise
par l'adjonction d'un nouvel article de la teneur suivante:
«Toute loi ou décret entraînant une dépense extrabudgétaire de plus de 500000
fr. doit être soumis à la votation populaire, à la demande d'un quart des
députés ou de 6000 citoyens.»
Le Conseil d'Etat publia la demande d'initiative dans la Feuille officielle
fribourgeoise et fixa du 15 septembre au 13 décembre 1943 le délai de 90 jours
prévu par l'art. 28 de la loi pour la réunion des signatures nécessaires.
La demande d'initiative fut appuyée par 6748 signatures sur lesquelles 6182
furent déclarées valables. Le nombre légal de signatures était ainsi atteint
et le résultat du dépouillement fut publié dans la Feuille officielle du 8
avril 1944.
Le Conseil d'Etat soumit alors le dossier au Grand Conseil, dans sa session
ordinaire de mai 1944. Le 4 du même
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mois, se conformant à l'art. 6 de la loi, le Grand Conseil déclara valide la
demande d'initiative et désigna une commission chargée de présenter un rapport
sur la proposition à faire au peuple (art. 6 al. 2).
Dans sa séance du 22 novembre 1944, le Grand Conseil, sur le vu d'un message
du Conseil d'Etat qui ne se déclarait «pas opposé au principe du referendum en
matière financière, sous réserve des modalités», et après rapport de la
Commission spéciale, prit le décret suivant, en application des art. 78 et 79
de la Constitution:
Article premier: Le peuple fribourgeois sera consulté sur la question de
savoir si la Constitution doit être revisée dans le sens de l'introduction du
referendum facultatif en matière financière.
Art. 2: Il est recommandé au peuple l'acceptation de cette revision.
Le 21 janvier 1945, le peuple fribourgeois a répondu affirmativement à la
question soumise, par 10 838 voix contre 5645. Dans sa session de février
1945, le Grand Conseil a pris connaissance du résultat de la votation et,
conformément à l'art. 9 de la loi de 1921' a chargé le Conseil d'Etat de
préparer le projet du texte constitutionnel.
Le 19 octobre 1945, le Conseil d'Etat soumit au Grand Conseil un projet de
décret concernant la revision partielle de la Constitution cantonale
(referendum financier facultatif), dont l'art. 1er disposait:
«L'art. 28bis de la Constitution cantonale est complété par un nouvel alinéa
de la teneur suivante:
«Il en est de même de toute décision du Grand Conseil entraînant une dépens
extra-budgétaire totale de plus de 1000000 de fr. pour le même objet, et
n'ayant pas le caractère d'urgence reconnu par la majorité absolue des membres
composant le Grand Conseil.»
Ce projet fut soumis aux deux délibérations prévues par l'art. 82 al. 2 Const.
frib., dans les sessions du Grand Conseil de novembre 1945 et de mai 1946.
Dans sa séance du 28 mai 1946, le Grand Conseil adopta le décret sous la forme
suivante:
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Article premier:... Il en est de même de tout décret du Grand Conseil
entraînant une dépense extra-budgétaire totale de plus de 1000000 de fr. pour
le même objet.
Art. 2: Cette modification de la Constitution sera soumise la votation
populaire le 7 juillet 1946.
Art. 3: Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution du présent décret.»
Le 29 mai 1946, le Conseil d'Etat a promulgué le décret du Grand Conseil et en
a ordonné la publication dans la Feuille officielle où il a paru le 1er juin
1946.
Dans sa séance du 31 mai 1946, le Conseil d'Etat a pris l'arrêté d'exécution
convoquant les assemblées électorales pour le 7 juillet 1946 en vue de la
votation sur la revision constitutionnelle.
C. Le 28 juin 1946, Pierre Glasson et treize autres citoyens affiliés au
parti radical ont formé un recours de droit public contre le décret du Grand
Conseil et l'arrêté d'exécution du Conseil d'Etat.
Préliminairement, les recourants ont demandé au Président du Tribunal fédéral
d'ordonner, par voie de mesures provisionnelles, qu'il soit sursis à la
votation populaire jusqu'à droit connu sur le recours. Le Conseil d'Etat ne
s'est pas opposé à cette requête. Le Président de la Chambre de droit public y
a fait droit par ordonnance du 1er juillet 1946.
Au fond, les recourants demandent au Tribunal fédéral: 1) d'annuler le décret
et l'arrêté dont est recours; 2) d'inviter le Grand Conseil à soumettre à la
votation du peuple fribourgeois un texte d'article constitutionnel libellé
ainsi que dans la demande d'initiative du 17 juillet 1943.
A l'appui de ces conclusions, ils font valoir en substance:
L'initiative constitutionnelle en droit fribourgeois est régie non seulement
par les dispositions de la Constitution et de la loi, mais aussi par les
principes qui découlent de la nature même de l'institution, tels qu'ils sont
énoncés par l'arrêt du Tribunal fédéral dans la cause Kündig (RO 25 I 64 sv.)3
et par GIACOMETTI, Das Staatsrecht der schweiz.
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Kantone, p. 419 sv. Les art. 78 sv. Const. frib. consacrent l'initiative
constitutionnelle dite à référé, par laquelle les citoyens décident dans une
votation préliminaire la revision de la Constitution sur la base de la demande
d'initiative. Si le principe de la revision est admis, le Grand Conseil doit
préparer le texte constitutionnel. Mais il n'a pas toute liberté à cet égard:
il doit se conformer à la demande d'initiative. Ce n'est que si l'initiative
de la revision émane de lui-même qu'il est libre de formuler le texte. Lorsque
l'initiative émane du peuple, il n'est plus que le «rédacteur de la volonté
populaire, dans la mesure où il est encore nécessaire d'être ce rédacteur».
Tel n'est pas le cas si la demande d'initiative est présentée sous la forme
d'un voeu général. Mais si, comme en l'espèce, la demande a la forme d'un
projet rédigé de toutes pièces, qui puisse prendre place tel quel dans la
Constitution, le Grand Conseil doit se borner à soumettre ce texte au peuple,
sans pouvoir lui apporter de modifications autres que purement
rédactionnelles. S'il fait autre chose, il viole les principes à la base du
droit d'initiative, principes que les art. 78 sv. Const. frib. ne font
qu'expliciter. Par ailleurs, s'il n'approuve pas la demande d'initiative, il
ne peut pas non plus soumettre au peuple un projet propre ou un contre-projet,
à la place ou à côté du projet conforme à la volonté des initiants. En effet,
pour l'exercice de son propre droit d'initiative (art. 79 ch. 2), il est, à ce
moment-là, en retard d'un stade: celui de la votation préliminaire, par lequel
une proposition de revision émanant du Grand Conseil doit aussi passer (art.
79 al. 2 Const. frib.).
Le texte proposé par les auteurs de l'initiative pouvait être inséré tel quel
dans la Constitution, sans même qu'il eût été nécessaire d'y apporter des
changements rédactionnels; il suffisait de le placer sous un chiffre. Au lieu
de cela, le texte proposé par le Grand Conseil modifie complètement le sens de
l'initiative.
D'après cette dernière, le referendum financier pouvait être dirigé contre
toute décision, loi ou décret, peu importe,
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tandis que, d'après le projet du Grand Conseil, seul un «décret» peut faire
l'objet d'une demande de referendum. Or on ne sait si toute décision de
dépense sera toujours prise par voie de décret.
Les auteurs de l'initiative voulaient que toute dépense supérieure à 500000
fr., sans autre spécification, pût être soumise au referendum. Le Grand
Conseil porte ce chiffre à 1000000 fr., montant qui est plus élevé que celui
admis généralement dans les cantons suisses. La différence est aussi dans les
qualifications de la dépense, le décret parlant d'une dépense «totale,, faite
«pour le même objet». Ces termes offrent des difficultés d'interprétation qui
permettront de restreindre le contrôle que les auteurs de l'initiative
voulaient donner au peuple.
L'initiative accordait aussi au quart des députés le droit de demander le
referendum. Le texte proposé ne reconnaît plus ce droit qu'à 6000 citoyens.
Le texte de l'initiative, indépendant d'un autre article constitutionnel, ne
permettait pas de faire obstacle au referendum par l'insertion de la clause
d'urgence toujours facile à justifier en matière financière. Le Grand Conseil,
en rattachant son texte à l'art. 28bis par les mots «Il en est de même», ouvre
cette possibilité, l'alinéa premier de cet article excluant le referendum pour
une décision ayant le caractère d'urgence.
D. Le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a conclu au rejet du recours, en
faisant observer notamment:
Les considérations générales émises par les recourants sur la nature du droit
d'initiative dans la Confédération et les cantons sont sans application pour
le droit fribourgeois. C'est uniquement sur la base des textes
constitutionnels et légaux qu'il faut examiner si le Grand Conseil pouvait
soumettre au peuple le décret attaqué. Le droit fribourgeois connaît deux
sortes d'initiatives entre lesquelles il faut bien distinguer: l'initiative
constitutionnelle et l'initiative législative. En ce qui concerne cette
dernière, la loi du 13 mai 1921 prévoit expressément
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qu'elle peut revêtir soit la forme d'une proposition conçue en termes
généraux, soit celle d'un projet rédigé de toutes pièces. Cette distinction ne
figure pas dans le chapitre 1er relatif - à l'initiative constitutionnelle.
L'omission est voulue: la Constitution ne connaît pas la double forme et une
simple loi ne pouvait l'introduire. L'art. 82 Const. frib. déclare que «la
revision partielle se fait par le Grand Conseil». C'est pourquoi il n'est pas
distingué entre l'initiative formulée et l'initiative conçue en termes
généraux. Dans tous les cas, c'est le Grand Conseil qui élabore la nouvelle
disposition constitutionnelle qui sera soumise au peuple. Le droit
fribourgeois ne connaît ainsi que l'initiative constitutionnelle générale,
c'est-à-dire le droit pour un certain nombre de citoyens de contraindre le
Grand Conseil à élaborer et à présenter au peuple un projet de revision de la
Constitution dans un domaine déterminé. La procédure à suivre à cet égard est
fixée de manière précise par la Constitution et la loi, et ne laisse place à
aucune espèce de doutes: il n'y a donc pas lieu de chercher ailleurs, en droit
fédéral ou dans d'autres droits cantonaux, des éléments d'interprétation.
Cette thèse est corroborée par l'histoire politique du canton. La Constitution
qui a précédé l'actuelle ne connaissait pas l'initiative constitutionnelle. IL
est à penser que lorsqu'il a introduit cette institution, le constituant n'a
pas voulu passer d'un extrême à l'autre et donner tout à coup au peuple le
droit de remplacer le pouvoir législatif dans l'élaboration du texte
Considérant en droit:
1. (Recevabilité.)
2. Les recourants prétendent que le résultat de la votation préliminaire sur
le principe du referendum financier ayant été positif, le Grand Conseil avait
à présenter au peuple le texte proposé par les auteurs de l'initiative, sans
le soumettre à un examen portant sur le fond ni lui faire subir de
modifications autres que purement
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rédactionnelles. Cette thèse est en contradiction avec la genèse des
dispositions applicables, ainsi qu'avec la lettre et l'esprit de celle-ci.
a) Le droit fribourgeois connaît aussi bien l'initiative législative que
l'initiative constitutionnelle.
L'initiative constitutionnelle a été introduite par la Constitution
actuellement en vigueur, du 7 mai 1857. Dans la Constitution qui l'a précédée,
celle du 4 mars 1848, la revision de la loi fondamentale était exclusivement
l'affaire du Grand Conseil, qui ne pouvait y procéder que moyennant
l'observation de formes particulières. L'art. 97 disposait à ce sujet:
«a) Le Grand Conseil sera convoqué sous serment, avec indication de l'objet à
traiter.
b) La demande de revision lui sera présentée dans deux sessions consécutives
et revision chaque fois par lui à la majorité des deux tiers de la totalité de
ses membres. Il sera. procédé à la revision dans les formes à observer pour la
délibération et la votation d'une loi. ~
L'art. 98 ajoutait que «si la demande de la revision est écartée, elle ne
pourra être reproduite que de cinq ans en cinq ans»
La Constitution fédérale de 1848 ayant, à son art. ô, obligé les cantons à
demander à la Confédération la garantie de leurs constitutions, et prévu que
cette garantie ne serait accordée que si elles avaient été acceptées par le
peuple et qu'elles pussent être revisées lorsque la majorité absolue des
citoyens le demande, la nouvelle Constitution fribourgeoise de 1857
introduisit le principe que «la Constitution peut toujours être revisée en
totalité ou en partie;».
L'institution fut organisée dans les art. 79 à 82 qui, à l'exception de l'art.
79 al. 2, n'ont point été modifiés depuis lors. L'art. 79 al. 2, dans sa
teneur actuelle, est issu de la revision partielle du 14 janvier 1894: au lieu
de la «majorité absolue des citoyens actifs», c'est la «majorité absolue des
citoyens prenant part à la votation» qui dédie si la Constitution sera
revisée, et, tandis que
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l'ancien texte disposait qu'il «est procédé à la revision dans les formes
établies par les articles suivants», le nouveau vise, sous réserve de ces
articles, «les formes et les délais établis par la loi».
Le 12 mai 1894, le Grand Conseil, «considérant qu'il appartient à la loi de
fixer les prescriptions suivant les quelles une demande d'initiative ayant
pour objet la revision totale ou partielle de la Constitution peut être
introduite par les citoyens, qu'il est réservé aussi à la loi de déterminer
les formes et délais dans lesquels la demande d'initiative doit être traitée,
sous réserve des dispositions constitutionnelles», a porté la loi prévue par
l'art. 79 de la Constitution. L'art. 16 de cette loi dispose:
«Si l'initiative est acceptée, le «rand Conseil, en cas de revision totale,
décide qu'il y a lieu de procéder à l'élection d'une Constituante dans le
délai de six mois. en cas de revision partielle, il charge le Conseil d'Etat
ou une commission spéciale d'en préparer le projet.»
Le 30 janvier 1921, le canton de Fribourg a introduit, par la voie d'une
revision constitutionnelle, l'initiative en matière législative (art. 28ter).
L'art. 28quater réserve à la loi le soin de régler la forme et les délais dans
lesquels s'exerce le droit d'initiative. Cette loi a été adoptée le 13 mai
1921 et régit le point en question dans son chapitre II, art. 10 sv.
Le législateur incorpora par la même occasion la loi du 12 mai 1894 sur
l'exercice du droit d'initiative constitutionnelle dans la nouvelle loi, les
principales dispositions à ce sujet formant le chapitre premier. En
particulier, l'art. 15 précité fut repris tel quel et devint l'art. 9 de la
loi de 1921. Les règles de détail touchant la réunion des signatures, les
délais, les publications, furent renvoyées à un chapitre IV, contenant les
dispositions communes aux deux genres d'initiatives, ainsi qu'au droit de
referendum, objet du chapitre III.
De cette évolution législative et de la logique des textes, il résulte
clairement que la loi du 30 janvier 1921 n'a
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modifié en rien les dispositions de fond sur l'exercice de l'initiative
constitutionnelle, telles qu'elles étaient établies par la Constitution et la
loi du 12 mai 1894; d'ailleurs, en ce qui concerne les règles posées par la
Constitution elle-même, le législateur n'en eût pas eu le pouvoir. D'autre
part, il apparaît nettement que les dispositions relatives à l'exercice du
droit d'initiative législative (chapitre IV) ne sauraient s'appliquer à
l'initiative constitutionnelle. Celle-ci est régie uniquement par les
dispositions figurant dans les chapitres I et IV.
b) L'initiative constitutionnelle. en droit fribourgeois, est une initiative à
référé, c'est-à-dire que, lorsque la revision est demandée par 6000 citoyens
ou qu'elle est décrétée par le Grand Conseil, la question de savoir si la
Constitution doit être revisée est soumise au peuple. Si le peuple se prononce
pour l'affirmative, «il est procédé à la revision dans les formes et les
délais établis par la loi et sous réserve des articles suivants» (art. 79 al.
2 Const. frib.). La votation préliminaire ouvre ainsi la procédure de revision
proprement dite, consistant dans l'élaboration et l'adoption des textes
constitutionnels. A cet égard, il faut distinguer entre la revision totale et
la revision partielle. La revision totale se fait par une Constituante qui est
élue de la même manière que le Grand Conseil (art. 80 Const.). La revision
partielle se fait par le Grand Conseil (art. 82 al; 1 Const.), qui charge le
Conseil d'Etat ou une commission spéciale de préparer le projet (art. 9 de la
loi de 1921), et qui soumet les articles à reviser à deux délibérations à un
intervalle de six mois (art. 82 al. 2 Const.), avant de les présenter à la
votation du peuple (art. 82 al. 3).
n n'est pas douteux que, dans ce système, le Grand Conseil n'ait à élaborer
lui-même le nouveau texte constitutionnel à soumettre au peuple. Du
rapprochement de l'art. 82 et des art. 80/81, il apparaît que le pouvoir
législatif joue, en cas de revision partielle, le rôle dévolu à la
Constituante en cas de revision totale. C'est dire que non seulement il a pour
mission de vérifier ce qu'il doit
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déjà faire en vue de la votation préliminaire si la demande de revision
partielle est régulière en la forme et de veiller à ne rien introduire dans la
Constitution cantonale qui soit incompatible avec la Constitution et la
législation fédérales, mais qu'en outre il est chargé d'arrêter le texte même
de la nouvelle disposition. IL fait ainsi, dans le cadre de la procédure de
revision constitutionnelle, couvre législative. Aussi bien ne comprendrait-on
pas la règle de la double délibération si le Grand Conseil n'avait nullement à
se déterminer sur le fond de l'initiative.
D'autre part, de par sa nature, l'initiative à référé est conçue en termes
généraux (GIACOMETTI, op. cit., p. 42). Tel est bien le cas à Fribourg, où
l'initiative dite formulée n'est connue qu'en matière législative (art. 11 et
17 loi de 1921; cf. WALDKIRCH, Die Mitwirkung des Volkes bei der
Rechtssetzung, p. 41; HIS, Schweizerisches Staatsrecht, t. 3, p. 309/10). Or
l'initiative conçue en termes généraux suppose nécessairement une élaboration
de la part du pouvoir législatif. En fait, il est vrai, les auteurs de
l'initiative ont déposé un texte rédigé de toutes pièces. Mais cette
circonstance ne saurait naturellement modifier la position du Grand Conseil en
face d'une initiative constitutionnelle D'après la Constitution et la loi, le
pouvoir législatif n'est pas un simple agent de transmission entre les auteurs
de l'initiative et le peuple; il doit soumettre à la votation, non le projet
qui lui est éventuellement présenté, mais un texte qu'il a à préparer en vertu
de sa compétence propre. Le texte de la demande d'initiative peut servir à
révéler au pouvoir législatif la volonté de ses auteurs en vue de
l'élaboration de l'article constitutionnel (cf. ci-dessous, consid. 3); en
soi, il n'en garde pas moins, dans un système d'initiative à référé, la portée
d'un voeu général (cf. RO 61 I p. 177 consid. 8). Si le Grand Conseil avait à
soumettre tel quel au peuple le texte proposé, la votation préliminaire sur le
principe de la revision n'aurait plus aucun sens. IL faudrait alors présenter
d'emblée au peuple le projet des auteurs de l'initiative, ce qui reviendrait à
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transformer l'initiative constitutionnelle à référé des art. 79 et sv. Const.
frib. en une initiative directe.
3. Si le Grand Conseil a pour tâche d'élaborer et d'adopter Ia nouvelle
disposition constitutionnelle, il reste
savoir si et dans quelle mesure il doit, ce faisant, prendre en considération
les propositions des auteurs de l'initiative, telles qu'ils les ont formulées
dans un exposé des motifs à l'appui de leur demande ou dans un texte déjà
rédigé.
L'introduction de l'initiative constitutionnelle remonte à l'époque de la
régénération qui a vu le développement des droits populaires (cf HIS,
Schweizerisches Staatsrecht, t. 2 p. 211 sv.; BUELER., Die Entwicklung und
Geltendmachung des schweiz. Volksinitiativrechts, p. 20 sv.). L'évolution
historique a fait du droit d'initiative, étendu plus tard à l'élaboration des
lois, une institution déterminée du droit public suisse, aussi bien cantonal
que fédéral. Il faut ainsi nécessairement tenir compte de l'origine et de la
nature de ce droit pour trancher la question qui se pose ici.
Primitivement, dans les cantons comme dans la Confédération, l'initiative
populaire avait toujours été conçue comme un voeu général, qui obligeait les
autorités constituantes à compléter ou à modifier la Constitution en vigueur
«dans le sens» («im Sinne») de l'initiative (HIS, op. cit., t. 3, p. 309).
C'est là une loi fondamentale de l'institution, qui doit trouver application
aujourd'hui chaque fois que la demande d'initiative n'est pas présentée - ou
ne devrait pas l être - sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.
Qu'il s'agisse, dans ce cas, d'une initiative à soumettre directement au
peuple, d'une initiative à référé admise en votation préliminaire, ou d'une
initiative mixte approuvée par le Grand Conseil, celui-ci, doit donner corps
aux intentions des auteurs de l'initiative, c'est-à-dire élaborer un projet
qui exprime leur pensée. Certes le Grand Conseil exerce-t-il là une activité
qui lui appartient en propre; cependant il ne le fait pas en toute liberté'
mais dans l'exécution d'un mandat conféré par
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le peuple. Lorsqu'elle a abouti, l'initiative populaire n'a pas pour effet
seulement de mettre en mouvement l'organe législatif; elle lui trace une voie
dont il ne peut s'écarter ni pour modifier le sens de la proposition, ni pour
régler d'autres matières que celles visées par la demande, ni même sauf
disposition contraire pour présenter simultanément un contre-projet
(ci-après, consid. 5).
C'est dans ce sens que se sont prononces la jurisprudence et la doctrine (RO
26 I 71 sv., notamment p. 74, 76 à 79; RO 61 I p. 177, consid. 8; arrêt non
publié du 13 septembre 1945 dans la cause Schönenberger et Scheider; FLEINER,
Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 296; GIACOMETTI, op. cit., p. 428;
WALDKIRCH, OP. cit., p. 44/ 45). Il faut sans doute réserver le cas de
l'initiative décrétée par le pouvoir législatif lui-même (cf. art. 79 ch. 2
Const. frib.), ainsi que le cas de la revision totale où la Constituante n'est
pas lice par les voeux des partisans d'une Constitution nouvelle. Mais
précisément, lorsque l'initiative en est prise par le peuple, la revision
part-elle, qui ne peut porter que sur un objet déterminé (cf. art. 2 loi
fribourgeoise de 1921), implique déjà dans une certaine mesure que l'autorité
appelée à élaborer le texte s'en tienne au cadre tracé par les auteurs de
l'initiative, à défaut de quoi il serait au pouvoir de l'autorité de présenter
au peuple un projet qui n'aurait plus d'autre rapport que formel avec
l'«objet» de la demande. Cela serait rendre illusoire le droit d'initiative
populaire.
Selon ces principes qui sont d'application générale en Suisse, le Grand
Conseil fribourgeois devait donc établir un projet d'article constitutionnel
qui répondît pour l'essentiel aux intentions des auteurs de l'initiative,
telles qu'elles s'exprimaient dans leur demande. C'est aussi bien ce qui
semble résulter de l'art. 9 de la loi de 1921 aux termes duquel, en cas de
revision partielle, le Grand Conseil «charge le Conseil d'Etat d'en préparer
le projet», c'est-à-dire le projet de texte correspondant à 1«objet,
exactement déterminé» de la demande d'initiative (art. 2). On
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doit même se demander si, dans le système de l'initiative à référé, la
question soumise au peuple dans la votation préliminaire ne doit pas l'être
déjà, non pas sous la forme d'un projet élaboré, mais avec la précision qu'il
s'agit d'une revision dans le sens préconisé par les auteurs de l'initiative.
C'est ce qu'il faut admettre sous peine de créer une situation incertaine en
ce qui concerne la suite qui sera donnée à la demande d'initiative par
l'autorité chargée de la mettre en forme. En l'espèce, le Grand Conseil s'est
borné à consulter le peuple fribourgeois sur la question tout à fait générale
de savoir «si la Constitution doit être revisée dans le sens de l'introduction
du referendum en matière financière». Les promoteurs de la revision auraient
donc pu recourir contre le décret du Grand Conseil ordonnant cette
consultation. On peut même considérer qu'ils auraient dû le faire, de sorte
qu'ils ne seraient plus recevables aujourd'hui à prétendre que le texte adopté
méconnaîtrait leurs intentions. Cependant, ils sont excusables de n'avoir pas
formé recours à l'époque, car, sur le vu des déclarations du Conseil d'Etat
manifestant dans son message son accord avec eux sur le principe du referendum
financier «sous réserve des modalités», ils ne pouvaient pas s'attendre que,
comme ils le soutiennent, le Grand Conseil ne se conformerait pas au sens de
l'initiative. IL convient donc néanmoins d'entrer en matière, sous réserve des
conséquences du vote intervenu le 21 janvier 1945 (cf. consid. 5).
4. Les recourants prétendent que le texte adopté par le Grand Conseil
s'écarte sur des points essentiels des voeux des auteurs de l'initiative.
a) Tandis que, d'après l'initiative, «toute loi ou décret entraînant une
dépense» peut faire l'objet du referendum, le projet du Grand Conseil ne fait
mention que du décret. Cette différence est en effet essentielle. Sans doute,
d'après l'art. 28bis Const. frib., «toute loi ou décret de portée générale
voté par le Grand Conseil», est aujourd'hui déjà soumis au referendum
facultatif, sans que la Constitution
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distingue selon que la loi ou le décret entraîne ou non une dépense. A cet
égard, il n'y aurait donc pas divergence quant au fond entre l'initiative et
le projet du Grand Conseil: tous les actes soumis au referendum d'après la
première, le sont aussi d'après le second, sous la réserve de la clause
d'urgence dont il sera question ci-dessous (litt. e). Toutefois, l'initiative
prévoit que la loi ou le décret entraînant une dépense doit aussi être soumis
à la votation populaire à la demande d'un quart des députés. Cette règle
devant elle-même être considérée comme essentielle (ci-dessous, litt. d), la
suppression du mot «loi» dans le texte du Grand Conseil revient à restreindre
sensiblement le nombre des décisions qui pourront être l'objet du referendum,
la loi ne devant être soumise au peuple qu'à la demande de 6000 citoyens (art.
28bis Const. frib.).
b) Le Grand Conseil a porté de 500000 fr. à un million le montant de la
dépense extra-budgétaire pouvant donner lieu au referendum. Pour résider non
dans le principe mais dans la mesure, la différence n'en est pas moins
essentielle, car elle aboutit à réduire considérablement la portée pratique de
l'institution. Les recourants font observer avec raison que, par là, le canton
de Fribourg, même compte tenu de la dépréciation de l'argent, irait bien
au-delà des chiffres généralement admis dans les cantons suisses, Berne
excepté (cf. GIACOMETTI, op. cit. p. 531, note 32).
c) En revanche on ne voit pas en quoi le projet du Grand Conseil s'écarterait
sur un point essentiel de la demande d'initiative en adoptant la formule
«dépense extra-budgétaire totale . . . pour le même objet» Cette adjonction
semble ne faire qu'expliciter une idée contenue dans l'initiative elle-même, à
savoir qu'il doit s'agir d'une dépense visant un objet unique.
d) Les auteurs de l'initiative veulent aussi conférer à un quart de la
députation au Grand Conseil le droit de demander qu'une décision de dépense
soit soumise à la votation populaire. Le décret attaqué écarte purement et
simplement cette idée. Il n'est pas douteux qu'il y a là
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une différence essentiele qui a pour conséquence d'aggraver sensiblement
l'exercice du referendum financier tel que le concevaient les auteurs de
l'initiative.
D'autre part, le Grand Conseil ne pouvait pas opposer à l'innovation
préconisée une fin de non-recevoir tirée des principes généraux du droit
constitutionnel. Certes, de par son origine et la nature des choses, le droit
d'exiger que le peuple se prononce sur une mesure du pouvoir législatif
appartient normalement aux citoyens, et non aux membres du parlement. Mais on
conçoit aussi qu'il soit reconnu à un certain nombre de députés, censés
représenter une fraction correspondante du peuple. Cette faculté est de nature
à faciliter singulièrement l'exercice du droit de referendum. On crée ainsi
pratiquement une institution intermédiaire entre le referendum obligatoire et
le referendum facultatif. Cette institution, désignée en doctrine sous le nom
de referendum facultatif extraordinaire (cf. GIACOMETTI, op. cit., p. 432),
n'est pas nouvelle en droit public suisse. Elle se trouve consacrée par le §
34 de la Constitution zougoise et l'art. 47 de la Constitution saint-galloise.
Dans ces deux cantons, un tiers des membres du Conseil cantonal ou du Grand
Conseil peut demander qu'une loi ou un arrêté de portée générale du pouvoir
législatif, qui n'ont pas un caractère d'urgence, soient soumis au peuple. Le
même droit existe en outre dans le canton de Zoug en ce qui concerne les
décrets de nature financière qui entraînent une dépense extraordinaire unique
d'au moins 40000 fr. ou une dépense annuelle d'au moins 5000 francs.
e) Le projet du Grand Conseil ouvre la possibilité de soustraire au referendum
une décision de dépense par l'insertion de la clause d'urgence, ce que les
auteurs de l'initiative voulaient éviter par le texte proposé. Les recourants
craignent que le Grand Conseil recoure trop facilement, voire abusivement, à
la clause d'urgence. On pourrait objecter que les intéressés auraient toujours
à leur disposition le recours de droit public pour s'opposer à l'abus qui
serait fait de cette clause et que, par ailleurs,
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il ne manque pas de bons arguments pour justifier en principe la réserve
proposée par le Grand Conseil. Cependant la question n'est pas là. Il ne
s'agit pas de savoir si des raisons d'opportunité militent en faveur de
l'introduction de la clause d'urgence, mais si cette réserve contredit la
volonté des auteurs de l'initiative. Tel est évidemment le cas, et la
divergence porte sur un point essentiel. La solution proposée par la demande
d'initiative correspond à celle du § 34 de la Constitution zougoise, d'après
lequel la clause d'urgence est admise pour les lois et arrêtés de portée
générale, mais non pour les décrets financiers.
5. De ce qui précède, il résulte que sur les points essentiels visés par les
lettres a, b, d et e ci-dessus, le projet du Grand Conseil est en opposition
manifeste avec les intentions clairement exprimées des auteurs de
l'initiative. Or, selon ce qui a été exposé au considérant 3, les recourants
ont un droit constitutionnel découlant des art. 78 et sv. Const. frib. à ce
que le projet élaboré par l'autorité compétente traduise la pensée des
promoteurs de la revision constitutionnelle. Le Grand Conseil a méconnu ce
droit en portant son décret du 28 mai 1946. Le recours doit par conséquent
être admis en ce sens que le Grand Conseil devra élaborer et soumettre à la
votation populaire un nouveau projet conforme aux intentions des auteurs de
l'initiative.
Les recourants concluent à l'annulation pure et simple du décret du 28 mai
1946 et de l'arrêté d'exécution du Conseil d'Etat du 31 mai 1946. Ils
entendent ainsi non seulement que le Grand Conseil ait à présenter au peuple
un nouveau projet dans le sens de la demande d'initiative, mais qu'il ne
puisse pas en même temps soumettre à la votation populaire son propre projet,
tel qu'il figure dans le décret attaqué.
Lorsque, à la suite d'une demande d'initiative populaire, le principe de la
revision a été admis par le peuple en votation préliminaire, le Grand Conseil
chargé d'élaborer le texte constitutionnel ne peut généralement pas, en cas de
désaccord avec les auteurs de l'initiative,
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présenter, à côté du projet conforme à la demande, un contre-projet reflétant
sa manière de voir sur la question; il ne le peut que si une disposition
formelle du droit cantonal l'y autorise, comme c'est le cas dans le canton du
Tessin (art. 28 Const.; of. ci-dessus consid. 3 et GIACOMETTI, op. cit. p.
429). Le droit fribourgeois ne connaît aucune disposition semblable. Les art,
82 Const. frib. et 9 de la loi de 1921 ne font même pas allusion à l'attitude
que le Grand Conseil pourrait prendre à l'égard du texte élaboré qu'il soumet
au peuple. La loi de 1921 ne prévoit l'élaboration d'un contre-projet par le
Grand Conseil qu'en matière d'initiative législative, et encore seulement
lorsque la demande revêt la forme d'un projet rédigé de toutes pièces (art. 17
et 18). La nette distinction que fait la loi entre l'initiative
constitutionnelle et l'initiative législative (of. ci-dessus consid. 2 litt.
a), exclut qu'on applique par analogie à la première une institution prévue
pour la seconde. D'ailleurs, comme le font justement observer les recourants,
si le Grand Conseil dispose bien lui-même du droit d'initiative
constitutionnelle, il est, au moment de l'élaboration du texte, en retard d'un
stade, celui de la votation préliminaire, pour exercer ce droit.
Mais, autre est la question de savoir si le Grand Conseil peut auparavant, à
la suite de la demande d'initiative appuyée par 6000 citoyens, faire usage de
son droit propre, et soumettre son initiative, en même temps que l'initiative
populaire, à la votation préliminaire, de telle sorte qu'en cas d'acceptation
par le peuple il ait pouvoir d'élaborer, à côté du texte conforme à la demande
des citoyens, un texte répondant à son idée, et de les soumettre tous deux à
la votation définitive. C'est en réalité la procédure qu'a suivie le Grand
Conseil en l'espèce, en ce sens que, par son décret du 22 novembre 1944, il a
décidé de consulter le peuple sur la question toute générale de l'introduction
du referendum facultatif en matière financière, sans aucune référence, dans le
texte présenté à la votation, à la demande d'initiative telle qu'elle était
formulée. Par là, il sortait du cadre tracé par les auteurs de l'initiative
et, dans cette
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mesure, tout en donnant suite en la forme à la demande des citoyens, il
décrétait lui-même la revision en vertu du droit que lui confère l'art. 79 ch.
2 Const. frib. Or il n'y a pas lieu d'examiner si le Grand Conseil était fondé
à procéder de la sorte au regard du droit constitutionnel fribourgeois, car le
décret en question n'a pas été attaqué et ne peut plus l'être en l'état (cf.
ci-dessus, consid. 3 in fine). Il faut donc tenir compte de la situation créée
par la votation préliminaire du 21 janvier 1945, dans laquelle le peuple
fribourgeois a répondu affirmativement à la question telle que la lui posait
le Grand Conseil. Ce vote ouvrait la voie aussi bien à une revision dans le
sens de l'initiative populaire qu'à une revision dans le sens du texte élaboré
par le pouvoir législatif. Celui-ci ne peut prétendre régler le sort de
l'initiative populaire en ne présentant au peuple que ce seul texte. Mais il
lui est loisible de le soumettre aussi à la votation, conjointement avec un
texte conçu dans le sens de l'initiative. C'est d'ailleurs sur ce terrain que
se plaçait le représentant de la minorité radicale dans la séance du Grand
Conseil du 27 novembre 1945 (Bulletin, 1945, p. 334).
En conséquence, le décret du 28 mai 1946 ne peut pas être annulé en tant qu'il
soumet à la votation populaire un texte émanant de l'initiative propre du
Grand Conseil, mais seulement en tant qu'il ne présente au peuple que ce
texte, à l'exclusion d'un projet conforme aux voeux des auteurs de
l'initiative. IL en va de même de l'arrêté d'exécution du Conseil d'Etat du 31
mai 1946.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis dans le sens des motifs.
Vgl. Nr. 5. Voir no 5.