S. 238 / Nr. 42 Verwaltungs- und Disziplinarrecht (f)

BGE 72 I 238

42. Arrêt de la le Cour civile du 5 novembre 1946 dans la cause Verhulst
contre Bureau fédéral de la propriété intellectuelle.


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Regeste:
Marque de fabrique.
Refus de protéger en Suisse une marque internationale dépourvue de caractère
distinctif.
La dénomination «5th Avenue» n'est pas propre à individualiser des produits de
beauté.
Convention de Paris, art. 6 B, Arrangement de Madrid, art. 5 al. 1; LMF art.
14 al. 1 ch. 2 et art. 18.
Fabrik- und Handelsmarke.
Verweigerung des Schutzes in der Schweiz für eine internationale Marke, die
der Unterscheidungskraft ermangelt.
Die Bezeichnung «5th Avenue» für Schönheitsmittel entbehrt der
Unterscheidungskraft.
Pariser Verbandsübereinkunft Art. 6 B; Madrider Abkommen Art. 5 Abs. 1; MSchG
Art. 14 Abs. 1 Ziff. 2 und Art. 18.
Marca di fabbrica.
Rifiuto di proteggere in Isvizzera una marca internazionale sprovvista di
carattere distintivo.
La denominazione «5th Avenue» non è idonea a individuare dei prodotti di
bellezza.
Convenzione di Parigi, 6 B, Accordo di Madrid, art. 5 cp. 1 LMF, art. 14, cp.
1, cifra 2 e art. 18.

L'ingénieur-chimiste Verhulst, à Jette (Belgique), a fait enregistrer par le
Bureau international de la propriété intellectuelle la marque «5th Avenue»
pour a produits de parfumerie liquides ou solides, fards à joues, fards à
cils, crayons à sourcils, rouge à lèvres, vernis à ongles, eaux et vinaigres
de toilette, pommades et préparations pour les soins de la peau et tout
produit cosmétique»:
Le 4 juillet 1946, le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle a informé
le Bureau international que cette marque ne pouvait être admise à la
protection en Suisse, «5th Avenue» étant le nom bien connu d'une rue de
New-York et, par conséquent, une simple indication de provenance dépourvue de
tout caractère distinctif.
Par acte du 11 septembre, Verhulst demande au Tribunal fédéral d'annuler cette
décision, qui lui a été communiquée le 9 juillet. Il allègue que de nombreuses
villes américaines ayant une «5th Avenue», cette expression n'indique aucune
provenance. On ne saurait l'assimiler à la marque «Cannebière», car il
n'existe que la Cannebière de Marseille. Lors du dépôt de la marque
litigieuse, les

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mots «5th Avenue» servaient déjà couramment de marque de fabrique. Les
produits vendus à New-York sous cette dénomination proviennent pour la plupart
de l'étranger; il n'y a pas de rapport entre le lieu de vente et la marque de
fabrique comme indication de provenance.
Le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle propose de rejeter le
recours, s'il n'est pas tardif.
Considérant en droit:
1.- Le délai de recours est de trente jours dès la réception de la
communication écrite de la décision (art. 107 OJ). Il ne court pas du 15
juillet au 15 août inclusivement (art. 34 al. 1 OJ). Aussi Verhulst a-t-il agi
en temps utile.
2.- D'après l'art. 6 A de la convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour
la protection de la propriété industrielle, toute marque de fabrique et de
commerce régulièrement enregistrée dans le pays d'origine sera admise au dépôt
et protégée telle quelle dans les autres pays de l'Union. Ce principe n'est
pas absolu. La lettre B du même article lui apporte plusieurs réserves. Elle
permet notamment de refuser a les marques dépourvues de tout caractère
distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant
servir, dans le commerce, pour désigner... le lieu d'origine des produits...»
(ch. 2). La protection peut être refusée, dans les mêmes conditions, à une
marque enregistrée par le Bureau international (art. 5 al. 1 de l'Arrangement
de Madrid du 14 avril 1891 concernant l'enregistrement international des
marques de fabrique ou de commerce).
Pour décider si une dénomination est distinctive ou si elle se borne à
désigner par exemple l'origine de la marchandise, on applique le droit de
l'Etat où la protection est requise (RO 55 II 62, 151 et citations).
D'après l'art. 14 al. 1 eh. 2 LMF, le Bureau fédéral de la propriété
intellectuelle doit refuser l'enregistrement d'une marque comprenant comme
élément essentiel un signe qui appartient au domaine public. Pareille marque

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ne sera pas protégée, même si elle a fait l'objet d'un dépôt international (RO
56 I 48, 63 I 92, 68 I 204).
3.- Une indication de provenance ne saurait être monopolisée; elle est la
propriété commune de tous les producteurs de la même localité (art. 18 LMF',
cf. RO 43 II 96). Le nom d'une localité qui n'est pas la propriété exclusive
du titulaire de la marque ne peut, dès lors, servir à lui seul de marque, à
moins de n'avoir aucun rapport avec le produit. Il en est ainsi lorsqu'il
indique, sans fraude d'ailleurs, une provenance purement imaginaire,
reconnaissable d'emblée comme telle par le public (cirage Congo, bitter des
Diablerets, ice-cream Pôle-Nord, laine Groenland). On est alors en présence de
dénominations de fantaisie appartenant exclusivement à ceux qui en usent les
premiers, en dehors de tout signe spécial, de toute forme distinctive (RO 55 I
271
).
Le terme «localité» devant être pris dans son sens le plus étendu (RO 38 II
695
), ces principes s'appliquent aussi au nom d'une rue. La rue est-elle
privée, son propriétaire a seul le droit d'en utiliser le nom en tant que
marque. S'agit-il, comme en l'espèce, d'une rue publique, il importe de
distinguer selon qu'on a affaire à un nom de rue très répandu («rue de la
Gare», «rue du Marché», «Brodway») ou au nom d'une rue qui révèle la ville à
laquelle elle appartient («Cannebière», «Perspective Newski», «Galerie
Victor-Emmanuel»). Dans le premier cas, on ne saurait parler d'indication de
provenance, sauf si le produit est vendu uniquement dans la ville où il est
fabriqué. Dans le deuxième cas, les principes rappelés ci-dessus s'appliquent.
D'après le recourant, l'appellation «5th Avenue» est communément employée. Il
ne fournit toutefois aucune précision à cet égard, se bornant à déclarer qu'on
la retrouve «probablement» dans beaucoup de villes de langue anglaise. Mais ce
n'est pas concluant: même dans cette hypothèse, les acheteurs suisses de
produits de beauté munis de la marque «5th Avenue» ­ et c'est la manière de
voir de ces acheteurs qu'il importe de considérer (RO 50

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II 200, 57 II 605, 68 I 204) ­ ne connaissent qu'une seule cinquième avenue,
la grande artère de New-York, renommée pour ses magasins de luxe, comme la rue
de la Paix à Paris. Une appellation telle que «5th Avenue» ou a rue de la
Paix» est donc impropre, faute de caractère distinctif, à individualiser des
produits de luxe, y compris ceux des commerçants qui y sont établis. Seul un
usage prolongé, d'une durée suffisante pour donner à la marque un caractère
distinctif dans le monde économique, justifierait une exception (art. 6 B ch.
2 in fine de la convention d'Union de Paris; RO 55 I 273, 59 II 212 s.). Outre
qu'un tel usage n'est pas établi ni même allégué en l'occurrence, le
recourant, qui fabrique ses produits en Belgique, ne saurait bénéficier de
cette exception.
Il est indifférent que la cinquième avenue de New-York ne passe point pour un
centre de fabrication. Comme la convention d'Union de Paris, la loi fédérale
du 26 septembre 1890/21 décembre 1928 vise également les marques de commerce.
Les consommateurs qui verront un produit de beauté offert sous le nom de «5th
Avenue» ne douteront pas qu'il provienne des magasins de la célèbre artère
new-yorkaise, réputés pour le soin qu'ils apportent à ne mettre en vente que
des marchandises de première qualité, où qu'elles soient fabriquées.
4.- Si la marque «5th Avenue» était apposée sur des produits à l'égard
desquels le public n'établirait aucun lien entre eux et la rue en question (p.
ex. des machines agricoles), le problème se poserait autrement. Il faudrait
alors examiner si la marque ne serait pas contraire aux bonnes moeurs parce
que de nature à tromper sur l'origine des produits (RO 56 I 469, 68 I 203).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours.