S. 142 / Nr. 25 Obligationenrecht (f)

BGE 64 II 142

25. Arrêt de la Ire Section civile du 4 mai 1938 dans la cause Schwarz contre
Roulier.


Seite: 142
Regeste:
Le dol incident ou accidentel (dolus incidens), permet à la partie lésée,
aussi bien que le dol principal (dolus causam dans), d'invalider le contrat.
Dès que le dol a pesé d'une manière quelconque sur la volonté d'une partie, il
n'y a pas lieu de rechercher quel aurait été le contrat que cette partie
aurait conclu si elle n'avait pas été trompée (art. 28
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 28 - 1 La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
1    La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
2    La partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat.
CO).
Toutefois, lorsque le dol porte sur une clause très accessoire, le juge peut
examiner si le lésé n'aurait pas quand même conclu dans les mêmes conditions,
s'il n'avait pas été trompé. Le droit d'attaquer le contrat doit, au
demeurant, s'exercer selon les règles de la bonne foi. Réserve est faite enfin
de la faculté du lésé, s'il y trouve son intérêt, de ratifier le contrat et de
se borner à réclamer une indemnité (art. 31 al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 31 - 1 Le contrat entaché d'erreur ou de dol, ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée, est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé.
1    Le contrat entaché d'erreur ou de dol, ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée, est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé.
2    Le délai court dès que l'erreur ou le dol a été découvert, ou dès que la crainte s'est dissipée.
3    La ratification d'un contrat entaché de dol ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée n'implique pas nécessairement la renonciation au droit de demander des dommages-intérêts.
CO).

Résumé des faits:
A. - L'agriculteur Roulier livrait son lait au laitier Schwarz. Lors d'un
contrôle, l'inspecteur cantonal des denrées alimentaires découvrit que Roulier
additionnait son lait d'une forte quantité d'eau. Roulier reconnut les faits.
Schwarz s'adressa à l'auteur de la fraude et lui réclama une indemnité de
10000 fr. pour le dommage prétendument subi. Il représenta à Roulier que
l'affaire était grave, qu'il s'exposait à une sévère condamnation, qu'il
aurait de gros frais de procès, qu'il devait donc à tout prix conclure un
arrangement pour éviter tous ces inconvénients. Roulier refusa. Le laitier se
rendit alors chez le Préfet qui lui dit que l'affaire n'était pas de son
ressort mais qu'elle suivrait son cours. Schwarz écrivit à Roulier qu'il avait
consulté un avocat, que selon ce dernier la fraude commise entraînait, en cas
de plainte, condamnation à la prison, que la somme réclamée était un minimum.
En réalité Schwarz ne s'était pas rendu chez un avocat. Sur de nouvelles
instances, Roulier finit par céder et versa les 10000 fr. demandés. Les
parties signèrent une pièce aux termes de laquelle Schwarz reconnaissait avoir

Seite: 143
reçu la prédite somme et déclarait «la chose complètement liquidée».
Malgré cette transaction,. l'instruction pénale suivit naturellement son cours
et Roulier fut condamné à quatre mois d'emprisonnement et à une amende de 2000
fr.
B. - La même année, Roulier a ouvert action à Schwarz, en concluant à
l'annulation de la transaction et à la restitution des 10000 fr. versés. Le
défendeur a conclu à libération.
La Cour cantonale a admis l'invalidation de la transaction pour cause de dol.
Elle constate que, lors de la remise des 10000 fr., le demandeur croyait que,
s'il effectuait le versement et si Schwarz ne portait pas plainte, il ne
serait plus inquiété et que l'affaire serait ainsi réglée; elle relève que le
défendeur a non seulement laissé subsister cette idée fausse dans l'esprit du
demandeur, mais qu'il l'a confirmée, en prétendant notamment avoir été
consulter un avocat, ce qui était faux, et alors qu'il savait pertinemment,
par les renseignements du Préfet, que l'affaire suivrait son cours. La Cour
n'en a cependant pas déduit que le demandeur ne fût nullement obligé par la
transaction et que ses conclusions dussent en principe être accueillies pour
leur montant total. Elle estime que le dol ne doit être pris en considération
qu'à raison de l'influence qu'il a exercée sur la conclusion du contrat et
dans la mesure où le consentement a été vicié, l'art. 25
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 25 - 1 La partie qui est victime d'une erreur ne peut s'en prévaloir d'une façon contraire aux règles de la bonne foi.
1    La partie qui est victime d'une erreur ne peut s'en prévaloir d'une façon contraire aux règles de la bonne foi.
2    Elle reste notamment obligée par le contrat qu'elle entendait faire, si l'autre partie se déclare prête à l'exécuter.
CO al. 2 devant être
appliqué par analogie. Or elle tient que, même s'il avait su que le défendeur
ne pouvait pas empêcher les poursuites pénales, le demandeur n'en aurait pas
moins conclu, bien que sur d'autres bases, un arrangement destiné à réparer le
dommage matériel subi par le défendeur. Elle porte dès lors ce dommage, évalué
à 1400 fr., en déduction de la somme de 10000 fr. faisant l'objet de la
transaction invalidée et admet par conséquent la demande à concurrence de 8600
fr.
C. - Le défendeur a recouru en réforme au TF en reprenant ses conclusions
libératoires.

Seite: 144
Considérant en droit:
1.- (Le Tribunal fédéral admet, avec la Cour cantonale, que la transaction
conclue entre parties est viciée par le dol.)
2.- (Le Tribunal fédéral se demande si Roulier aurait payé quoi que ce soit
s'il avait su que son paiement n'arrêterait nullement la poursuite pénale. La
Cour de réforme ne prend cependant pas parti, car elle rejette le principe
selon lequel il faudrait rechercher la mesure de l'influence du dol sur le
contrat.)
3.- Se fondant sur l'arrêt Seligmann c. Weber (RO 40 II 114), sur l'opinion de
VON TUHR (Partie générale du CO, p. 267) et à tort sur celle des commentateurs
OSER ET SCHÖNENBERGER (ad art. 28
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 28 - 1 La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
1    La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
2    La partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat.
CO note 11), la Cour civile a fait
application de la théorie suivant laquelle seul le dol principal (dolus causam
dans contractui) autorise l'invalidation du contrat, tandis que le dol
incident ou accidentel (dolus incidens) ne permet que la réduction des
prestations du lésé dans la mesure où celui-ci aurait conclu le contrat s'il
n'avait pas été trompé. Or le Tribunal fédéral a abandonné cette théorie dans
l'arrêt non publié Specken c. Ruoss, du 29 septembre 1936, en prononçant que
le dol incident pouvait, aussi bien que le dol principal, avoir pour effet la
rescision du contrat. Un nouvel examen de la question ne peut que confirmer le
Tribunal dans cette opinion.
a) Le droit commun avait en général adopté la distinction entre le dolus
causam dans et le dolus incidens, le premier entraînant l'annulation du
contrat, le second donnant droit à des dommages-intérêts. La doctrine entend
la distinction dans des sens différents. Pour les uns, le dol incident, c'est
le dol non déterminant, par opposition au dol qui a déterminé le lésé à
contracter. Pour les autres, le dol incident porte sur un accessoire, le dol
principal sur l'essence du contrat. Pour d'autres enfin, qui s'en tiennent à
l'intention du lésé, il faut distinguer selon que celui-ci

Seite: 145
n'aurait pas du tout conclu le contrat sans le dol (dol principal), ou au
contraire aurait quand même conclu, mais à des conditions plus favorables pour
lui, le dol l'ayant induit à contracter à des conditions qu'il n'aurait pas
acceptées s'il n'avait pas été trompé (dol incident).
C'est à cette dernière distinction qu'il faut s'arrêter lorsqu'on examine les
conséquences du dol incident. Pour être pris en considération, le dol, quel
qu'il soit, doit nécessairement être déterminant, c'est-à-dire se trouver dans
une certaine relation de cause à effet avec la conclusion du contrat, car le
dol ne peut conférer au lésé des droits quelconques que s'il l'a amené à
contracter, soit purement et simplement, soit à des conditions déterminées.
C'est d'ailleurs ainsi que le problème a été posé dans les arrêts antérieurs.
b) Les codes modernes diffèrent peu dans la manière dont ils définissent le
rapport de causalité entre le dol et & conclusion du contrat. Aux termes de
l'art. 28
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 28 - 1 La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
1    La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
2    La partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat.
CO, «la partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas
obligée» (en allemand: «... zu dem Vertragsabschlusse verleitet ...»; l'ancien
CO traduisait «verleitet» par «amené»). Le § 123 BGB déclare: «Wer zur Abgabe
einer Willenserklärung durch arglistige Täuschung ... bestimmt worden ist,
kann diese Erklärung anfechten». Selon l'art. 1116 du C.c.fr., le dol est une
cause de la nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par
l'une des parties sont telles que, sans ces manoeuvres, l'autre partie
n'aurait pas contracté. Enfin, le Code civil italien parle également de
manoeuvres «tali che l'altro senza di essi non avrebbe contrattato». Ces
textes ne permettent pas de résoudre la question des effets du dol incident.
Si tous les codes exigent un rapport de causalité entre le dol et le contrat
(ou la déclaration de volonté), aucun ne dit explicitement - contrairement à
l'opinion exprimée, pour la loi suisse, dans l'arrêt Seligmann (40 II 119) -
si le dol doit être la seule cause, la cause pour laquelle la partie adverse a
conclu un contrat, ou s'il suffit qu'il soit l'une

Seite: 146
des causes, la cause pour laquelle elle a conclu ce contrat particulier avec
toutes ses dispositions.
Dans la doctrine suisse, un seul auteur, VON TUHR, suivi par le Tribunal
fédéral dans l'arrêt précité, s'est prononcé nettement pour une différence de
traitement entre les deux espèces de dol (cf. «Über die Mängel des
Vertragsabschlusses», Zeitschr. f. Schw. Recht, nouv. série 17, p. 1 ss). Dans
sa Partie générale du CO, le même auteur est cependant moins catégorique: il
constate (p. 267) que l'opinion dominante attribue au dol incident la même
valeur qu'au dol principal; il ne fait une réserve que pour le cas où
l'annulation procure au lésé un «avantage injustifié». En revanche, tous les
autres auteurs suisses admettent que le dolus incidens suffit pour que le lésé
ne soit pas obligé et puisse demander la rescision du contrat (BECKER, art.
28, note 6; OSER-SCHÖNENBERGER, loc. cit.; ROSSEL, Manuel, p. 71; GUHL,
Obligationenrecht, 2 édit., p. 72, qui cite au reste à tort deux arrêts du
Tribunal fédéral).
En Allemagne, la jurisprudence (Reichsgericht, 77, 309 et Jur. Wochenschrift
1910, 799 s. ch. 4 et 1911, p. 275 ch. 2) et la doctrine (WARNEYER, § 123, p.
196; ENNECCERUS-KIPP, p. 439/3, note 11; OERTMANN, § 123/1 g; STAUDINGER, §
123, IV note 2) admettent sans discussion que la distinction entre les deux
sortes de dol n'a aucune portée en droit civil allemand moderne.
En France, en revanche, comme en Italie, la jurisprudence et les auteurs,
jusqu'à ces dernières années, tenaient pour principe que seul le dol principal
donne droit à la rescision du contrat et que le dolus incidens ne permet
qu'une action en dommages-intérêts fondée sur l'acte illicite
(BAUDRY-LACANTINERIE, Traité, no 115 et 116; PLANIOL, Traité élémentaire, §
282; DEMOGUE, p. 591; SIREY, ad art. 1116; DALLOZ, ibidem; STOLFI, P. 707).
Toutefois, dans la doctrine la plus récente, la distinction traditionnelle
fait l'objet de vives critiques. Les auteurs constatent combien est délicate
la mission du juge «d'apprécier comment le contrat eût été conclu si l'on
avait

Seite: 147
connu la vérité» (DEMOGUE, p. 591). Ils relèvent que, le dol étant toujours
employé pour peser sur la volonté du contractant, la vraie réparation doit
consister dans les deux cas à permettre à la partie lésée de demander la
nullité (COLIN ET CAPITANT, Cours élément., no 44). Ils vont jusqu'à poser le
principe contraire en déclarant qu'«il appartient au juge d'apprécier si
l'erreur provoquée a eu ou non une influence sur la détermination de la
partie, et, s'il estime que l'erreur est pour cela de trop faible importance,
de la débouter»; qu'au cas contraire, «ce n'est pas à lui, mais à la victime
du dol, à apprécier si la réparation du dommage doit être procurée par
l'annulation ou par l'allocation de dommages-intérêts» (PLANIOL, RIPERT ET
ESMEIN, Traité pratique, t. VI no 207).
c) L'abandon de la distinction du droit commun entre le dol principal et le
dol incident apparaît aussi bien comme la seule solution logique. Le dol doit
être tenu pour déterminant, qu'il influe sur la conclusion même du contrat ou
sur la stipulation de ses modalités, qu'il soit la cause ou l'une des causes
du contrat. En effet, le rapport de causalité au sens juridique n'est pas
exclu par le fait que le résultat est provoqué par d'autres causes encore que
la cause visée. Il suffit donc, pour justifier l'annulation, que l'une des
parties ait, par son dol, produit une cause qui, en corrélation avec d'autres,
a déterminé l'autre partie à conclure un contrat d'un certain contenu. De même
que la responsabilité à raison de l'acte illicite ne suppose pas, comme seule
cause du dommage, l'acte qui entraîne cette responsabilité, de même
l'annulation d'un contrat à raison du dol d'un contractant n'implique pas que
ce dol ait été seul à peser sur la volonté du lésé.
Cette solution est, d'autre part, conforme à la réglementation moderne des
vices du consentement ou de la volonté. Les dispositions légales en cette
matière ne procèdent en effet pas toujours ni exclusivement de l'idée que
celui qui conclut sous l'empire de l'erreur, du dol ou de la crainte fondée
n'est pas obligé parce que sa volonté n'apparaît

Seite: 148
pas libre dans son résultat ou dans sa formation. Les conséquences attachées à
tel vice du consentement ne sont pas uniquement fonction de l'influence de ce
vice sur la volonté. S'il en était ainsi, la loi ne distinguerait pas selon
que l'erreur sur les motifs est ou non provoquée par le cocontractant (cf.
art. 28 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 28 - 1 La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
1    La partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle.
2    La partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat.
in fine, et 24 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 24 - 1 L'erreur est essentielle, notamment:
1    L'erreur est essentielle, notamment:
1  lorsque la partie qui se prévaut de son erreur entendait faire un contrat autre que celui auquel elle a déclaré consentir;
2  lorsqu'elle avait en vue une autre chose que celle qui a fait l'objet du contrat, ou une autre personne et qu'elle s'est engagée principalement en considération de cette personne;
3  lorsque la prestation promise par celui des contractants qui se prévaut de son erreur est notablement plus étendue, ou lorsque la contre-prestation l'est notablement moins qu'il ne le voulait en réalité;
4  lorsque l'erreur porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat.
2    L'erreur qui concerne uniquement les motifs du contrat n'est pas essentielle.
3    De simples erreurs de calcul n'infirment pas la validité du contrat; elles doivent être corrigées.
CO), la volonté de celui qui se trouve dans
l'erreur étant exactement la même dans les deux cas. Il n'y aurait de même
aucune différence entre le dol commis par un tiers et celui dont s'est rendue
coupable l'autre partie, car, subjectivement et toutes choses égales
d'ailleurs, la volonté du lésé est viciée de la même manière dans les deux
hypothèses. Si donc le législateur confère à la victime du dol le droit
d'invalider le contrat sans assurer la même faculté à la victime d'une simple
erreur sur les motifs, ce n'est pas que la volonté soit plus viciée là qu'ici,
mais c'est en vue de mettre en garde le trompeur, de réprimer les agissements
frauduleux et d'augmenter l'honnêteté et la sécurité dans les affaires. Les
dispositions sur le dol, à raison de leur sévérité, ont ainsi le caractère de
mesures de prévention et de répression. De ce point de vue, la sanction
normale du dol, dès que celui-ci a pesé d'une manière quelconque sur la
volonté d'une partie, ne peut être que l'annulation du contrat, même si ce
résultat frappe durement l'auteur des manoeuvres au point d'apparaître comme
une peine privée (Privatstrafe). Il s'agit en effet moins de ménager les
trompeurs que de protéger les gens honnêtes. Il n'y a au surplus,
actuellement, aucune raison de relâcher l'application des prescriptions que le
législateur a édictées pour sauvegarder la morale et la loyauté dans les
obligations.
d) La solution adoptée se justifie en outre par les difficultés que
rencontrent les tribunaux à opérer une sorte de reconstitution hypothétique de
ce qu'aurait été le contrat sans le dol. Bien que ces difficultés touchent
moins directement le Tribunal fédéral en tant que Cour de réforme, celui-ci
n'en doit pas moins veiller à ce que les tribunaux cantonaux soient en mesure
de dire le droit avec le

Seite: 149
maximum de certitude et de sécurité. Or, s'il est relativement aisé de juger
que, sans le dol, la partie lésée aurait quand même conclu le contrat avec
toutes ses clauses ou au contraire ne l'aurait pas conclu du tout ou ne
l'aurait pas conclu de cette manière (réponse par oui ou par non), il est
infiniment plus délicat de dire quel aurait été le contrat que la partie lésée
aurait conclu si elle n'avait pas été trompée. Cette reconstitution, qui
oblige à décomposer la volonté des parties, conduit à des subtilités
intolérables et sera la plupart du temps arbitraire et inexacte (cf. les
exemples même donnés par VON TUHR à l'appui de sa thèse dans l'article cité de
la Zeitschr. f. schw. Recht, notamment p. 21 note 1).
e) La pratique nouvelle n'offre enfin pas de graves inconvénients. Si le dol
porte sur une clause si accessoire du contrat qu'on puisse se demander s'il
est juste et équitable d'annuler le contrat tout entier, le juge aura toujours
la faculté d'examiner si ce dol peut être considéré comme déterminant, ou si
au contraire, vu son peu d'importance, le lésé n'aurait quand même pas
contracté dans les mêmes conditions s'il n'avait pas été trompé; le juge
pourra en outre, dans les cas tout à fait choquants, faire application de
l'art. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
1    Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.
2    L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.
du CC. Au demeurant, il n'est touché en rien au droit du lésé, s'il y
trouve son intérêt, de ratifier le contrat et de se borner à réclamer une
indemnité (art. 31 al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 31 - 1 Le contrat entaché d'erreur ou de dol, ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée, est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé.
1    Le contrat entaché d'erreur ou de dol, ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée, est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé.
2    Le délai court dès que l'erreur ou le dol a été découvert, ou dès que la crainte s'est dissipée.
3    La ratification d'un contrat entaché de dol ou conclu sous l'empire d'une crainte fondée n'implique pas nécessairement la renonciation au droit de demander des dommages-intérêts.
CO).
4.- (En l'espèce, le Tribunal fédéral conclut donc que, même si Roulier
n'avait été victime que d'un dol incident, ses conclusions auraient dû en
principe lui être allouées en totalité. Il relève en revanche que Schwarz
avait le droit, par voie de compensation, de retenir sur la somme versée le
montant du dommage qu'il avait effectivement subi, soit 1400 fr. selon les
premiers juges, et qu'il avait exercé ce droit en concluant à libération.)
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt
attaqué.