Urteilskopf

140 III 251

40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. SA contre Verein Schweizerisches Rotes Kreuz (recours en matière civile) 4A_41/2014 du 20 mai 2014

Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 252

BGE 140 III 251 S. 252

A. Le 30 mars 2000, A. SA a obtenu, de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), l'enregistrement de la marque suisse n° b, pour des soins médicaux et des services d'une permanence médico-chirurgicale (classe 42 selon l'Arrangement de Nice du 14 juillet 1967 concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques [RS 0.232.112.8]). Cette marque se présente de la manière suivante:
Le signe enregistré comporte, en haut à droite, la mention "a. sa". Il résulte de la marque déposée auprès de l'IPI que A. SA a effectué, dans sa demande d'enregistrement, une revendication partielle de couleur. Pour l'élément figuratif principal (au centre), ainsi que les deux signes plus petits situés à sa verticale (en haut et en bas), elle a revendiqué la couleur rouge vermillon. La couleur beige a été revendiquée pour le signe situé en bas à gauche, et la couleur noire pour celui situé à son opposé (...).
Depuis cette inscription, A. SA utilise l'élément figuratif " " et la marque dans le cadre de son activité commerciale, en particulier en tant que signe distinctif sur ses façades ayant pignon sur rue à
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Genève ainsi que sur ses documents commerciaux (notamment papier à en-tête et site internet). Au cours de l'année 2008, la Croix-Rouge suisse (Verein Schweizerisches Rotes Kreuzes) a été rendue attentive, par le CICR, à l'usage effectué par A. SA. A plusieurs reprises, elle a invité celle-ci à renoncer à l'utilisation sous toute forme de l'emblème de la Croix-Rouge dans son activité commerciale et à requérir la radiation de la marque n° b (...). Le 6 septembre 2010, A. SA a obtenu la prolongation de son enregistrement pour dix ans à partir du 30 mars 2010, soit jusqu'au 30 mars 2020.
B. Le 3 juillet 2012, la Croix-Rouge suisse, agissant par ses organes, a déposé un mémoire de demande auprès du Tribunal de commerce du canton de Berne à l'encontre de A. SA. Elle a pris les conclusions suivantes:
"1. Es sei der Beklagten zu verbieten, das nachfolgende rote Kreuz " " in Alleinstellung oder als Bestandteil einer Marke, einer Enseigne oder eines sonstigen Kennzeichens im Geschäftsverkehr - insbesondere als Hinweis auf ihre Geschäftslokalitäten, auf ihrer Homepage und auf eigenen Geschäftsdrucksachen - zu gebrauchen.
2. Es seien sämtliche sich im Besitze der Beklagten befindlichen Geschäftsunterlagen - insbesondere Geschäftsdrucksachen - sowie Hinweistafeln auf die Geschäftslokalitäten, die das nachfolgende rote Kreuz " " aufweisen, zu entfernen, einzuziehen und zu vernichten. 3. Das Verbot gemäss Ziffer 1 sei für den Fall der Wiederhandlung mit der Androhung der Bestrafung der Beklagten bzw. deren verantwortlichen Organen gemäss Art. 292 StGB zu verbinden. 4. Es sei festzustellen, dass die Schweizer Marke Nr. b (...) für alle registrierten Dienstleistungen nichtig ist. 5. Dem Institut für Geistiges Eigentum sei die Nichtigkeitserklärung der Schweizer Marke Nr. b (...) zwecks Löschung im Schweizer Markenregister mitzuteilen. 6. Unter Kosten- und Entschädigungsfolge zu Lasten der Beklagten." (...) Le Tribunal de commerce, dans son jugement du 17 octobre 2013, a rendu le dispositif suivant: "1. constate la nullité de la marque n° CH b (...) pour l'ensemble des services annoncés; 2. ordonne la communication du présent jugement à l'Institut de la Propriété Intellectuelle en vue d'effectuer la radiation de la marque n° CH b (...);
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3. fait interdiction à A. SA (...) d'utiliser après un délai de trois mois dès l'entrée en force du présent jugement l'élément figuratif suivant " " de manière isolée ou comme partie d'une marque, d'une enseigne, d'une autre désignation en matière commerciale, en particulier pour désigner ses locaux, sa page internet et ses papiers d'affaires; 4. condamne A. SA (...) à retirer et à détruire l'ensemble du matériel, en particulier les papiers d'affaires et les enseignes de ses locaux, qui contiennent l'élément figuratif suivant " " dans un délai de trois mois dès l'entrée en force du présent jugement; 5. précise qu'en cas de violation du point 3 de la présente décision par les organes de A. SA (...), ceux-ci s'exposent à une poursuite basée sur l'art. 292 du Code pénal (...)". La Cour cantonale a fixé les frais judiciaires à 20'000 fr. (18'000 fr. à charge de A. SA et 2'000 fr. à charge de la Croix-Rouge suisse) et les dépens à 32'000 fr. (à charge de A. SA).
C. A. SA exerce un recours en matière civile contre la décision cantonale du 17 octobre 2013. Elle conclut à son annulation et à ce que la Croix-Rouge suisse soit déboutée de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens (...). L'intimée conclut au rejet total du recours, sous suite de frais et dépens (...). Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3.

3.1 La loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge (RS 232.22; ci-après: la loi sur la Croix-Rouge) tend à prévenir et à réprimer l'emploi abusif par des tiers des emblèmes et des dénominations de la Croix-Rouge (cf. Message du 14 septembre 1953 concernant la révision de la loi pour la protection de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge, FF 1953 III 110, 112). Selon l'art. 1 al. 1 de la loi sur la Croix-Rouge, l'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots "croix rouge" ou "croix de Genève" ne pourront en principe être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour signaler le personnel et le matériel protégés par la Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (RS 0.518.12; ci-après: CG I) et la Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (RS 0.518.23).

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Selon l'art. 4 al. 1 de cette même loi, "la Croix-Rouge suisse pourra faire usage en tout temps de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge, pour ses activités conformes aux principes formulés par les conférences internationales de la Croix-Rouge et à la législation fédérale. En temps de guerre, les conditions de l'emploi de l'emblème devront être telles qu'il ne puisse être considéré comme visant à conférer la protection des conventions de Genève; l'emblème sera de dimensions relativement petites et il ne pourra être apposé sur des brassards ou des toitures". L'alinéa 2 de cette même disposition dispose que la Croix-Rouge suisse fixe dans un règlement les conditions de l'emploi, notamment prévu à l'al. 1, de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge, et que ce règlement est soumis à l'approbation du Conseil fédéral. Selon l'art. 7 al. 2 de la loi sur la Croix-Rouge, les marques et les designs "contraires à la présente loi" sont exclus du dépôt. A noter que le projet "Swissness", adopté par le Parlement le 21 juin 2013, prévoit de remplacer l'actuelle teneur de cette disposition par le texte suivant, qui ne conduirait à aucun changement d'ordre matériel: "Les signes dont l'emploi est interdit en vertu de la présente loi et les signes susceptibles d'être confondus avec eux ne peuvent être enregistrés comme marque, design, raison de commerce, nom d'association ou de fondation ni comme élément de ceux-ci" (Message du 18 novembre 2009 relatif à la modification de la loi sur la protection des marques et à la loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et autres signes publics, FF 2009 7711, 7821, 7875). Enfin, l'art. 8 al. 1 de la loi prévoit des sanctions pénales à l'encontre de "celui qui, intentionnellement et contrairement aux dispositions de la présente loi [...], aura fait usage de l'emblème de la croix rouge sur fond blanc ou des mots 'croix rouge' ou 'croix de Genève', ou de tout autre signe ou mot pouvant prêter à confusion". Les dispositions de la loi sur la Croix-Rouge, qui mettent en oeuvre les règles instaurées par les Conventions de Genève, doivent être interprétées conformément à celles-ci (ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 411). Les commentateurs de la CG I insistent sur la nécessité d'interpréter les textes nationaux de la façon la plus favorable à la Convention de Genève et à l'institution de la Croix-Rouge (JEAN S. PICTET, Le signe de la croix rouge et la répression des abus du signe de la croix rouge [commentaire du chap. VII de la CG I] [ci-après: Le signe de la croix rouge], 1951, p. 59; PAUL DES GOUTTES, Commentaire de la Convention de Genève du 27 juillet 1929, 1930, p. 200 s.).
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3.2 Il résulte de l'art. 44
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 44 - L'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots «croix rouge» ou «croix de Genève» ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. Il en sera de même en ce qui concerne les emblèmes visés à l'art. 38, deuxième alinéa, pour les pays qui les emploient. Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés visées à l'art. 26 n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa.
CG I que "l'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots 'croix rouge' ou 'croix de Genève' ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. (...) Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés [de secours autorisées par le gouvernement] n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa" (al. 1). "En outre, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge (...) pourront en temps de paix, conformément à la législation nationale, faire usage du nom et de l'emblème de la Croix-Rouge pour leurs autres activités conformes aux principes formulés par les Conférences internationales de la Croix-Rouge. Lorsque ces activités se poursuivront en temps de guerre, les conditions de l'emploi de l'emblème devront être telles qu'il ne puisse être considéré comme visant à conférer la protection de la Convention, l'emblème sera relativement de petites dimensions et il ne pourra être apposé sur un brassard ou une toiture" (al. 2). "A titre exceptionnel, conformément à la législation nationale, et avec l'autorisation expresse de l'une des Sociétés nationales de la Croix-Rouge (...), il pourra être fait usage de l'emblème de la Convention en temps de paix, pour signaler les véhicules utilisés comme ambulances et pour marquer l'emplacement des postes de secours exclusivement réservés aux soins gratuits à donner à des blessés ou à des malades" (al. 4). Selon l'art. 53 al. 1
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 53 - L'emploi par des particuliers, sociétés ou maisons de commerce tant publiques que privées, autres que ceux y ayant droit en vertu de la présente Convention, de l'emblème ou de la dénomination de «croix rouge» ou de «croix de Genève», de même que tout signe ou de toute dénomination en constituant une imitation, sera interdit en tout temps, quel que soit le but de cet emploi et quelle qu'ait pu en être la date antérieure d'adoption.
CG I, "l'emploi par des particuliers, sociétés ou maisons de commerce tant publiques que privées, autres que ceux y ayant droit en vertu de la présente Convention, de l'emblème ou de la dénomination de 'croix rouge' ou de 'croix de Genève', de même que tout signe ou de toute dénomination en constituant une imitation, sera interdit en tout temps, quel que soit le but de cet emploi et quelle qu'ait pu en être la date antérieure d'adoption".
3.3 Il ressort des réglementations qui viennent d'être évoquées qu'il faut distinguer deux emplois différents de l'emblème de la croix rouge sur fond blanc (cf. ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 412). Certains commentateurs laissent entendre qu'il aurait été plus approprié de créer, à l'origine, deux symboles différents, l'emblème visant deux objets qui divergent de façon profonde (PICTET, Le signe de la croix rouge, op. cit., p. 40).
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Dans le premier cas de figure (qui est à l'origine de l'emblème de la croix rouge et de l'institution du même nom), le signe est la manifestation visible de la protection accordée par la Convention de Genève à des personnes ou à des choses (art. 44 al. 1
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 44 - L'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots «croix rouge» ou «croix de Genève» ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. Il en sera de même en ce qui concerne les emblèmes visés à l'art. 38, deuxième alinéa, pour les pays qui les emploient. Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés visées à l'art. 26 n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa.
CG I, art. 1, 2 et 3 de la loi sur la Croix-Rouge). Il a une valeur de protection (cf. FF 1953 III 110, 113; sur le "signe de protection": PICTET, Le signe de la croix rouge, op. cit., p. 35 ss). La tâche originaire des Sociétés de la Croix-Rouge, alors auxiliaires du service de santé militaire dans de nombreux pays, s'est rapidement doublée d'une autre préoccupation, soit la mise en oeuvre d'actions secourables en temps de paix au profit de la population (cf. JEAN S. PICTET, Les principes de la Croix-Rouge, 1955, p. 116 s.; RICHARD PERRUCHOUD, Les résolutions des conférences internationales de la Croix-Rouge, 1979, p. 34 s.). L'emblème n'a alors été utilisé que pour indiquer qu'une personne ou une chose a un lien avec l'institution de la Croix-Rouge, mais sans qu'on puisse ni qu'on entende la placer sous la protection des Conventions de Genève (art. 44 al. 2
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 44 - L'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots «croix rouge» ou «croix de Genève» ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. Il en sera de même en ce qui concerne les emblèmes visés à l'art. 38, deuxième alinéa, pour les pays qui les emploient. Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés visées à l'art. 26 n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa.
CG I, art. 4 de la loi sur la Croix-Rouge). Le signe est alors purement indicatif (cf. FF 1953 III 110, 113 s.; PICTET, Le signe de la croix rouge, op. cit., p. 40 ss). Dans ce cas, l'emblème est désigné comme le drapeau des Sociétés nationales de la Croix-Rouge pour l'ensemble de leurs activités (PICTET, Le signe de la croix rouge, op. cit., p. 40) ou comme un signe qui appartient à la Société nationale concernée (DES GOUTTES, op. cit., p. 181). Les abus consistent à utiliser cet emblème - parfois de façon éhontée (pour écouler du matériel pseudo-sanitaire), parfois pour une activité louable (médecins et pharmaciens) - dans un but spéculatif de publicité, pour profiter du prestige de l'institution de la Croix-Rouge (DES GOUTTES, op. cit., p. 199 et 201; PICTET, Le signe de la croix rouge, op. cit., p. 59 s.).
4.

4.1 Dans un premier grief, la recourante soutient que la loi sur la Croix-Rouge ne prévoit pas que l'intimée puisse agir civilement; elle estime qu'il s'agit d'un silence qualifié qui n'a, à tort, pas été observé par l'autorité cantonale.
4.2 On parle de silence qualifié (par opposition à la lacune) lorsque le législateur a bien identifié un problème déterminé, mais qu'il a délibérément renoncé à le réglementer dans la loi concernée (pour la définition du silence qualifié: ATF 132 III 470 consid. 5.1 p. 478; ERNST A. KRAMER, Juristische Methodenlehre, 3e éd. 2010, p. 201). La validité de l'argument suppose la preuve de l'intention (négative) du

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législateur, qui pourra généralement être apportée par les travaux préparatoires (PAUL-HENRI STEINAUER, Le Titre préliminaire du Code civil, TDPS vol. II/1, 2e éd. 2009, n. 368 p. 126 s. et les auteurs cités).
4.3 D'emblée, il faut observer qu'en l'espèce aucun indice dans les travaux préparatoires relatifs à la loi sur la Croix-Rouge ne permet de penser que le législateur, bien que s'étant posé la question de l'opportunité de prévoir des mesures sur le plan civil en lien avec l'utilisation de la croix rouge, aurait finalement décidé d'écarter cette voie judiciaire. S'agissant en particulier du domaine des marques, on observe plutôt que si le législateur a repris dans la loi sur la Croix-Rouge (art. 7) la teneur de l'art. 14 al. 1 ch. 2
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 44 - L'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots «croix rouge» ou «croix de Genève» ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. Il en sera de même en ce qui concerne les emblèmes visés à l'art. 38, deuxième alinéa, pour les pays qui les emploient. Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés visées à l'art. 26 n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa.
de l'ancienne loi fédérale du 26 septembre 1890 concernant la protection des marques de fabrique et de commerce (LMF; RS 2 837, aujourd'hui remplacée par la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance [LPM; RS 232.11]) - qui vise l'interdiction de déposer une marque contraire aux dispositions de la législation fédérale -, ce n'est pas pour exclure toute application de la LMF, mais pour renseigner immédiatement le lecteur de la loi sur la Croix-Rouge quant à cette interdiction (FF 1953 III 110, 118). Le législateur entendait ainsi simplement éviter, sur ce point précis, de renvoyer le lecteur à une autre loi fédérale (la LMF) qui continuait d'être applicable malgré l'adoption de la loi sur la Croix-Rouge.
4.4 Toujours pour tenter de démontrer l'existence d'un silence qualifié, la recourante rappelle également le contenu du Règlement de la Croix-Rouge. Elle relève que le chiffre III de ce document charge le Comité central de la Croix-Rouge suisse de la mission de contrôler le respect de l'usage de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge et qu'il prévoit, le cas échéant et en cas d'abus, la possibilité pour ce comité de déposer plainte. Elle en infère que cette réglementation ne laisse aucune place à d'autres actions et à la compétence d'un autre organe pour agir en justice en relation avec l'usage abusif de la croix rouge. L'argumentation ne peut être suivie. Le Règlement en question vise l'emploi de l'emblème et du nom de la Croix-Rouge dans le cadre de l'organisation de la Croix-Rouge (FF 1953 III 110, 116). Dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas d'une question liée à l'usage à l'intérieur de l'organisation, mais de l'utilisation par une tierce personne (la recourante) d'un signe qui pourrait, de l'avis de l'intimée, être confondu avec la croix rouge (sur cette question cf. infra consid. 5.3.3).
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L'argument avancé par la recourante ne permet pas de conclure que la loi sur la Croix-Rouge exclurait toute autre action que celle qui est dévolue, dans le Règlement, au Comité central. A noter encore qu'il n'est pas contesté que la Croix-Rouge suisse, en tant qu'association au sens de l'art. 60
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 60 - 1 Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
1    Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
2    Les statuts sont rédigés par écrit et contiennent les dispositions nécessaires sur le but, les ressources et l'organisation de l'association.
CC, possède la personnalité juridique et qu'elle a la capacité d'ester en justice. Le moyen tiré de la violation de la loi sur la Croix-Rouge est infondé.
5. La loi sur la Croix-Rouge n'empêchant pas l'intimée d'intervenir judiciairement contre l'utilisation abusive de son emblème sur la base d'autres lois fédérales protégeant les signes distinctifs, il s'agit maintenant de déterminer si elle est légitimée à agir in casu en se prévalant de l'art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM.
5.1 L'action en constatation de droit peut être intentée par toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation (art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM). Cette action, qui a pour objet de résoudre de manière définitive une situation juridique contestée (ATF 120 II 20 spéc. p. 21 s.), ne peut être exercée que si le demandeur établit un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Un tel intérêt existe lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu'une constatation judiciaire touchant l'existence et l'objet du rapport de droit pourrait l'éliminer et que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d'en devenir insupportable pour lui (arrêt 4A_589/2011 du 5 avril 2012 consid. 4.1, non publié in ATF 138 III 304; KILLIAS/DE SELLIERS, in Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, n° 56 ad art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM et les arrêts cités).
La notion d'intérêt juridique doit être comprise dans une acception large. Malgré la terminologie employée à l'art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM, il n'est pas exclu de prendre en considération un intérêt de fait (ATF 61 II 377 consid. 4, cité par KILLIAS/DE SELLIERS, op. cit., n° 58 ad art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM). L'action en nullité de la marque est un cas particulier d'action en constatation, qui entraîne la radiation totale ou partielle de l'enregistrement (cf. art. 35 let. c
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 35 - L'IPI radie en tout ou en partie l'enregistrement de la marque dans les cas suivants:30
a  le titulaire demande la radiation;
b  l'enregistrement n'est pas prolongé;
c  l'enregistrement est déclaré nul par un jugement entré en force;
d  l'appellation d'origine protégée ou l'indication géographique protégée sur laquelle se fonde une marque géographique est radiée;
e  une demande de radiation est acceptée.
LPM).
5.2 En raison de la double signification de l'emblème de la croix rouge, la question de savoir qui en est le "véritable" propriétaire est délicate. Il serait toutefois erroné d'entreprendre l'examen sous cet angle général. Cela reviendrait à ignorer la particularité de cet
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emblème qui vise deux objets qui divergent de façon profonde et qu'il convient de différencier (cf. supra consid. 3.3). En l'espèce, lorsque l'intimée reproche à la recourante d'utiliser un signe qui établit un lien avec l'institution de la Croix-Rouge, elle fait référence à l'abus de la croix rouge considérée comme un signe indicatif (cf. supra consid. 3.3). Dans cette perspective, force est de constater que la Croix-Rouge suisse, en tant que société nationale, peut utiliser le signe de façon exclusive (cf. art. 44 al. 2
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 44 - L'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots «croix rouge» ou «croix de Genève» ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. Il en sera de même en ce qui concerne les emblèmes visés à l'art. 38, deuxième alinéa, pour les pays qui les emploient. Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés visées à l'art. 26 n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa.
CG I et art. 4 de la loi sur la Croix-Rouge) et qu'elle est seule légitimée à en autoriser l'usage par un tiers, moyennant le respect de règles strictes (art. 44 al. 4
IR 0.518.12 Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) (avec annexes)
CG-I Art. 44 - L'emblème de la croix rouge sur fond blanc et les mots «croix rouge» ou «croix de Genève» ne pourront, à l'exception des cas visés dans les alinéas suivants du présent article, être employés, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, que pour désigner ou protéger les formations et les établissements sanitaires, le personnel et le matériel protégés par la présente Convention et par les autres Conventions internationales réglant semblable matière. Il en sera de même en ce qui concerne les emblèmes visés à l'art. 38, deuxième alinéa, pour les pays qui les emploient. Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et les autres sociétés visées à l'art. 26 n'auront droit à l'usage du signe distinctif conférant la protection de la Convention que dans le cadre des dispositions de cet alinéa.
CG I). Les commentateurs de la CG I affirment d'ailleurs que l'emblème doit être considéré comme le drapeau des Sociétés nationales, celui-là appartenant à celles-ci (cf. supra consid. 3.3). Cela étant, l'intimée dispose d'un intérêt digne de protection évident à intenter une action en nullité de la marque contre la recourante. Certes, à l'instar de la recourante, on peut observer qu'elle ne peut disposer librement de son emblème, celui-ci étant réglementé par la loi sur Croix-Rouge. En d'autres termes, l'intimée ne peut exercer, en lien avec l'emblème, les mêmes droits que ceux conférés par une marque, notamment celui de céder le signe à un tiers. L'action en constatation prévue à l'art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM ne sous-entend toutefois pas l'existence d'un signe comprenant un faisceau de droits aussi étendu. Affirmer le contraire reviendrait à méconnaître la logique de cette disposition ancrée dans la LPM qui octroie, par exemple, aux personnes qui sont en droit d'utiliser une indication de provenance la qualité pour agir en nullité de la marque d'un tiers qui transgresserait les art. 47 ss
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 47 Principe - 1 Par indication de provenance, on entend toute référence directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services, y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la provenance.
1    Par indication de provenance, on entend toute référence directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services, y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la provenance.
2    Ne sont pas des indications de provenance au sens de l'al. 1 les noms ou signes géographiques qui ne sont pas considérés par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services.
3    Est interdit l'usage:
a  d'indications de provenance inexactes;
b  de désignations susceptibles d'être confondues avec une indication de provenance inexacte;
c  d'un nom, d'une raison de commerce, d'une adresse ou d'une marque en rapport avec des produits ou des services d'une autre provenance lorsqu'il crée un risque de tromperie.
3bis    Les indications de provenance accompagnées d'expressions telles que «genre», «type», «style» ou «imitation» doivent également satisfaire aux conditions requises pour les indications de provenance utilisées sans ces expressions.58
3ter    Les indications relatives à la recherche, au design ou à d'autres activités spécifiques en rapport avec le produit peuvent être utilisées à condition que l'intégralité de l'activité en question se déroule au lieu indiqué.59
4    Les indications de provenance régionales ou locales s'appliquant à des services sont considérées comme exactes si ces services remplissent les critères de provenance propres à l'ensemble du pays.
LPM (cf. IVAN CHERPILLOD, Le droit suisse des marques, 2007, p. 215 s.). Or, il est de jurisprudence que l'indication de provenance, si elle est directe, appartient au domaine public et que les personnes légitimées à l'utiliser ne peuvent pas non plus, contrairement à une marque, en disposer librement (cf. ATF 128 III 454 consid. 2.1 p. 458).
Le grief tiré de la violation de l'art. 52
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 52 Action en constatation - A qualité pour intenter une action en constatation d'un droit ou d'un rapport juridique prévu par la présente loi toute personne qui établit qu'elle a un intérêt juridique à une telle constatation.
LPM doit être déclaré mal fondé.
5.3 Il s'agit désormais d'examiner si la marque de la recourante est valable à la lumière de l'art. 7 al. 2
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LPM Art. 7 Priorité au sens de la Convention de Paris - 1 Lorsqu'une marque a été légalement déposée pour la première fois dans un autre État membre de la Convention de Paris5 ou que le dépôt a effet dans l'un de ces États, le déposant ou son ayant cause peut revendiquer la date du premier dépôt pour déposer la même marque en Suisse, à condition que le dépôt en Suisse ait lieu dans les six mois qui suivent le premier dépôt.
1    Lorsqu'une marque a été légalement déposée pour la première fois dans un autre État membre de la Convention de Paris5 ou que le dépôt a effet dans l'un de ces États, le déposant ou son ayant cause peut revendiquer la date du premier dépôt pour déposer la même marque en Suisse, à condition que le dépôt en Suisse ait lieu dans les six mois qui suivent le premier dépôt.
2    Le premier dépôt dans un État accordant la réciprocité à la Suisse déploie les mêmes effets que le premier dépôt dans un État membre de la Convention de Paris.
de la loi sur la Croix-Rouge, qui reflète le contenu de l'art. 2 let. d
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LPM Art. 2 Motifs absolus d'exclusion - Sont exclus de la protection:
a  les signes appartenant au domaine public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés;
b  les formes qui constituent la nature même du produit et les formes du produit ou de l'emballage qui sont techniquement nécessaires;
c  les signes propres à induire en erreur;
d  les signes contraires à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou au droit en vigueur.
LPM, en lien avec les art. 1 et 4 de cette même loi.
5.3.1 Il est de jurisprudence que toute utilisation non autorisée de l'emblème de la croix rouge ou de tout autre signe pouvant prêter à
BGE 140 III 251 S. 261

confusion est exclue, quels que soient les circonstances et le but de l'utilisation (cf. ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 411).
La loi sur la Croix-Rouge interdit ainsi en particulier l'utilisation de l'emblème de la croix rouge comme élément d'une marque, sans égard à sa signification en lien avec les autres éléments de la marque ou aux produits et/ou services auxquels la marque est destinée. Peu importe en particulier que l'utilisation concrète de la marque conduise ou non à un risque de confusion, par exemple que les produits et/ou services marqués puissent être pris pour des produits et/ou services protégés par les Conventions de Genève ou qu'ils puissent être mis en relation avec le Mouvement de la Croix-Rouge (ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 411 s.).
Il s'agit uniquement d'examiner si l'emblème protégé - de manière absolue - par la loi sur la Croix-Rouge (ou tout autre signe susceptible d'être confondu avec lui) est perçu comme un élément du signe déposé. L'élément en question doit ainsi être considéré pour lui-même, sans égard aux autres éléments - par exemple figuratifs ou verbaux - du signe déposé, de sorte que l'impression d'ensemble qui se dégage de ce signe n'entre pas en ligne de compte. Est sans importance le but dans lequel le signe déposé est utilisé, en particulier les produits et/ou services pour lesquels la protection est revendiquée. Il n'importe également que le signe soit utilisé comme "signe de protection" ou comme "signe indicatif" (ATF 134 III 406 consid. 5.2 p. 412). C'est de manière intentionnelle que la loi sur la Croix-Rouge ne donne pas de définition précise ni de la forme des emblèmes protégés, ni de leur nuance de rouge, ni de leur fond blanc. Selon la jurisprudence, la loi sur la Croix-Rouge interdit l'utilisation de toute croix rouge de forme et de nuance quelconques sur un fond blanc quelconque (ATF 134 III 406 consid. 3 p. 409 s. et 5.2 p. 412).
5.3.2 La recourante reproche à la Cour cantonale de s'être contentée d'un risque de confusion abstrait entre sa marque et l'emblème de la croix rouge, soutenant que l'intimée n'a avancé aucune circonstance qui permette de retenir que celle-ci aurait été concrètement entravée ou qu'elle serait menacée de l'être par l'existence de sa marque. En ce sens, elle ajoute que la Cour cantonale aurait dû tenir compte de l'absence de toute confusion concrète en 13 ans (soit depuis la date d'enregistrement de la marque).
A la lumière de la jurisprudence évoquée ci-dessus, il faut d'emblée observer que la critique de la recourante, présentée sous l'angle de l'utilisation concrète de la marque, tombe à faux.
BGE 140 III 251 S. 262

Quant au rapport de concurrence qui, selon la recourante, devrait exister entre les parties, cette critique se révèle, pour les mêmes raisons, sans consistance. C'est également en vain que la recourante sous-entend que, sa marque ayant été inscrite au registre suisse tenu par l'IPI, il est exclu de considérer qu'il existerait un risque de confusion entre cette marque et l'emblème de la Croix-Rouge. La décision de l'IPI ne lie en effet pas le juge civil qui peut (et doit) statuer, sur la base des conclusions prises, sur la validité de la marque litigieuse (ATF 128 III 447 consid. 1.4 p. 450; arrêt 4A_36/2012 du 26 juin 2012 consid. 2.3, in sic! 10/2012 p. 627; EUGEN MARBACH, Markenrecht, SIWR vol. III/1, 2e éd. 2009, n. 196 p. 60).

5.3.3 La recourante, qui n'exclut pas que le public puisse faire une association d'idées avec l'institution de la Croix-Rouge, reproche à la Cour cantonale de s'être contentée d'une hypothétique possibilité d'attribution à cet organisme alors qu'elle aurait dû examiner une probabilité de confusion entre l'élément figuratif litigieux de la marque et la Croix-Rouge. La recourante tente ici de mettre en évidence un extrait, certes un peu imprécis, de la motivation cantonale pour en tirer une conclusion allant dans le sens de sa thèse. On ne saurait la suivre dans sa démarche. Il résulte en effet de l'ensemble du raisonnement de l'autorité précédente qu'elle s'est bien fondée sur le critère juridique adéquat. La Cour cantonale souligne que "l'impression générale laissée par cet élément figuratif (...) crée une confusion claire avec l'emblème protégé", ce qui montre qu'elle a retenu un risque de confusion patent, cette impression, souligne-t-elle, étant "du reste renforcée par la disposition de l'élément figuratif, sa couleur et le domaine médical dans lequel la [recourante] est active". Contrairement à ce que laisse entendre la recourante, il ne s'agit d'ailleurs pas de savoir s'il existe un risque de confusion entre le signe litigieux (la "croix démembrée" dont l'une des branches est séparée du reste) et l'institution de la Croix-Rouge, mais bien entre le signe litigieux et une croix rouge sur fond blanc (en tant que motif) (cf. supra consid. 5.3.1). A cet égard, il n'est pas contesté que le léger écart entre la branche droite de l'élément figuratif litigieux et le reste de cet élément (parties gauche et centrale) est la seule différence existant entre ce signe et la croix rouge. En raison de la proximité de l'élément en forme de
BGE 140 III 251 S. 263

carré rouge (branche droite) avec l'autre élément, ce léger écart ne suffit pas à reléguer au second plan l'image d'une croix rouge sur fond blanc. Le signe, bien que stylisé, apparaît toujours comme une croix rouge. Un autre élément, pris en compte par la Cour cantonale, corrobore cette conclusion. Si l'emblème de la croix rouge est protégé indépendamment du contexte dans lequel il est utilisé, le fait qu'en l'espèce la marque enregistrée soit destinée à des soins médicaux et services d'une permanence médico-chirurgicale ne fait que renforcer le risque que son élément litigieux soit perçu comme l'emblème de la croix rouge. L'existence d'un risque de confusion doit être retenu et le moyen tiré de la transgression de l'art. 2 let. d
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LPM Art. 2 Motifs absolus d'exclusion - Sont exclus de la protection:
a  les signes appartenant au domaine public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés;
b  les formes qui constituent la nature même du produit et les formes du produit ou de l'emballage qui sont techniquement nécessaires;
c  les signes propres à induire en erreur;
d  les signes contraires à l'ordre public, aux bonnes moeurs ou au droit en vigueur.
LPM est, déjà pour ce motif, infondé. On peut au demeurant relever que si la recourante nie l'existence d'un risque de confusion avec la croix rouge, elle ne conteste pas que le public peut faire une "association d'idées" avec l'institution de la Croix-Rouge. Elle concède ainsi avoir choisi une marque qui permet au public de faire un rapprochement entre le signe litigieux et la Croix-Rouge; on ne voit pas pour quelle raison, sauf à vouloir profiter de la réputation de cet organisme, intrinsèquement liée à celle de son emblème (cf. supra consid. 3.3), la recourante ne pouvait pas remplacer sa propre marque par un signe nettement différent (sur la détermination de l'intention de l'usager de l'emblème de la croix rouge cf. PICTET, Le signe de la croix rouge, op. cit., p. 59). L'emblème de la Croix-Rouge bénéficiant d'une reconnaissance très large dans le public et jouissant d'un crédit important, on peut se demander, en partant de l'observation qui vient d'être faite, si l'intimée, pour faire constater la nullité de la marque litigieuse et faire cesser son utilisation, ne pourrait pas également invoquer une protection de même niveau que celle résultant de l'art. 15
SR 232.11 Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (Loi sur la protection des marques, LPM) - Loi sur la protection des marques
LPM Art. 15 Marque de haute renommée - 1 Le titulaire d'une marque de haute renommée peut interdire à des tiers l'usage de cette marque pour tous les produits ou les services pour autant qu'un tel usage menace le caractère distinctif de la marque, exploite sa réputation ou lui porte atteinte.
1    Le titulaire d'une marque de haute renommée peut interdire à des tiers l'usage de cette marque pour tous les produits ou les services pour autant qu'un tel usage menace le caractère distinctif de la marque, exploite sa réputation ou lui porte atteinte.
2    Les droits acquis avant que la marque ne gagne sa haute renommée sont réservés.
LPM (marque de haute renommée). On peut toutefois renoncer à entreprendre une analyse approfondie sous cet angle, la question de la nullité de la marque étant tranchée et l'utilisation du signe litigieux par la recourante devant quoi qu'il en soit être interdite sur la base des art. 28 s
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 28 - 1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe.
1    Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe.
2    Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi.
. CC (cf. consid. 6 non publié).