Urteilskopf

121 V 302

46. Arrêt du 13 décembre 1995 dans la cause Chrétienne-Sociale Suisse Assurance contre T. et Tribunal des assurances du canton de Vaud
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 302

BGE 121 V 302 S. 302

A.- T., née en 1955, est affiliée à la caisse-maladie Chrétienne-Sociale Suisse, notamment pour l'assurance des soins médicaux et pharmaceutiques. Depuis 1981, elle vit maritalement avec C. Après trois ans de vie commune, le couple a décidé d'avoir des enfants. Il est apparu que T. souffrait de stérilité primaire d'origine multifactorielle. Entre les mois de février et juillet 1990, elle a subi, mais sans succès, plusieurs tentatives d'insémination artificielle homologue au Département de gynécologie et d'obstétrique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Par décision du 15 mars 1991, la Chrétienne-Sociale Suisse a refusé de prendre en charge diverses factures en relation avec ce traitement, pour un montant total de 2'915 fr. 05. Elle a considéré que l'insémination artificielle n'était pas une mesure thérapeutique au sens de la LAMA, car elle ne permettait pas de guérir les troubles de la fertilité.
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B.- T. a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, qui a admis son recours par jugement du 30 janvier 1992; il a annulé la décision attaquée "en ce sens que les traitements litigieux sont à la charge de la caisse" et il a renvoyé l'affaire à la Chrétienne-Sociale Suisse pour qu'elle fixe par une nouvelle décision le montant de ses prestations. Le tribunal a considéré, tout d'abord, que l'insémination artificielle était une mesure thérapeutique; il s'agit, en effet, d'un traitement qui se rapproche davantage d'une thérapeutique symptomatique (comme l'hémodialyse ou l'administration de plasma anti-hémophilique), qui vise à combattre les effets d'une maladie, que des traitements prophylactiques, esthétiques ou sociaux, qui ne visent pas à éliminer une atteinte corporelle ou psychique à la santé. En outre, l'insémination artificielle doit être considérée comme une mesure scientifiquement reconnue, eu égard à son taux de réussite, qui atteint 24 pour cent en moyenne et 43 pour cent en cas d'hostilité cervicale. Ces chiffres permettent d'admettre que la méthode de traitement en cause a dépassé le stade expérimental. Enfin, il n'apparaît pas que les frais occasionnés par le traitement soient disproportionnés par rapport au succès escompté; il n'est pas non plus établi qu'il existe un traitement plus économique pour ce type d'affection. Par conséquent, la condition du caractère économique de la mesure est également remplie.
C.- La Chrétienne-Sociale Suisse interjette un recours de droit administratif en concluant à l'annulation de ce jugement. T. conclut au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il propose de l'admettre.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. (Pouvoir d'examen)

2. A dire de médecin (rapport du docteur G. du 6 novembre 1990), l'intimée souffre d'une stérilité primaire d'origine multifactorielle (tubaire, cervicale, facteur cervical). Les inséminations ont été entreprises après dépistage du moment de l'ovulation, au vu du caractère cervical. Ces faits ne sont pas contestés et le litige porte sur la prise en charge par la recourante des frais en relation avec ces inséminations.
3. Les prestations obligatoires en vertu de l'art. 12 LAMA ne sont dues que si l'assuré souffre d'une maladie (art. 14 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie du 15 janvier 1965; RS 832.140). Savoir s'il existe une
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maladie au sens de la LAMA dépend des circonstances du cas concret. L'on ne saurait toutefois parler de maladie, dans un cas d'espèce, s'il n'existe aucun trouble dû à des phénomènes pathologiques (ATF 116 V 240 consid. 3a). En règle ordinaire, l'existence de tels troubles doit être reconnue en cas de stérilité. Par conséquent, selon la jurisprudence constante, la stérilité a valeur de maladie, pour laquelle les caisses peuvent être amenées à verser des prestations (ATF 119 V 28 consid. 2 et les références; voir aussi RJAM 1971 p. 40). Ce point n'est du reste pas remis en cause par la caisse recourante. Celle-ci conteste la valeur thérapeutique du traitement appliqué et invoque également des motifs d'ordre éthique s'agissant de l'insémination artificielle pratiquée sur des couples non mariés.
4. a) Selon l'art. 12 al. 2 ch. 1 LAMA, les caisses-maladie doivent prendre en charge, dans l'assurance des soins médicaux et pharmaceutiques, en cas de traitement ambulatoire, au moins les soins donnés par un médecin (let. a) et les traitements scientifiquement reconnus auxquels procède le personnel paramédical sur prescription d'un médecin (let. b). Par soins donnés par un médecin obligatoirement à la charge des caisses conformément à la loi, il faut entendre toute mesure diagnostique ou thérapeutique, reconnue scientifiquement, qui est appliquée par un médecin; ces mesures doivent être appropriées à leur but et économiques (art. 21 al. 1 de l'ordonnance III sur l'assurance-maladie). Si le caractère scientifique, la valeur diagnostique ou thérapeutique ou le caractère économique d'une mesure est contesté, le Département fédéral de l'intérieur (DFI), sur préavis de la Commission de spécialistes prévue à l'art. 26 Ord. III, décide si la mesure doit être prise en charge obligatoirement par les caisses (art. 21 al. 2 Ord. III). b) Les décisions du DFI, en cas de contestation sur le caractère scientifique, la valeur diagnostique ou thérapeutique ou encore le caractère approprié ou économique d'une mesure sont publiées dans l'annexe à l'Ordonnance 9 de ce même département du 18 décembre 1990, concernant certaines mesures diagnostiques ou thérapeutiques à la charge des caisses-maladie reconnues (RS 832.141.13). Dans sa version modifiée par l'ordonnance du 23 décembre 1992, valable depuis le 1er janvier 1993 (RO 1993 I 351 ss), l'annexe comprend, sous chiffre 3 (gynécologie et obstétrique), une disposition selon laquelle l'insémination artificielle n'est pas une prestation obligatoire des caisses-maladie (disposition reprise sans changement dans l'annexe lors des
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modifications successives de l'ordonnance des 8 mars 1994 et 31 janvier 1995). Selon le symbole marginal placé à côté de la date de validité de cette décision négative, en corrélation avec le chiffre 5 des remarques préliminaires de l'annexe à l'ordonnance, ladite décision se fonde sur un préavis de la Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie (Commission des prestations) du 22 mars 1973, qui est valable, depuis lors, en tant que pratique administrative. L'avis de la commission est publié dans RJAM 1973 p. 136. Il en ressort que l'insémination artificielle n'est pas une mesure thérapeutique au sens de l'assurance-maladie, car elle ne permet pas de guérir les troubles comme tels, de sorte que les caisses ne sont pas tenues de prendre à leur charge les frais relatifs à cette mesure.
5. a) Les avis de la Commission des prestations ne lient pas le juge. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'apprécier des situations qui relèvent exclusivement de considérations d'ordre médical, le juge n'est généralement pas en mesure de se prononcer sur la pertinence des conclusions auxquelles sont arrivés les spécialistes en la matière. Aussi doit-il alors s'en remettre à l'opinion de ceux-ci, à moins qu'elle ne paraisse insoutenable (ATF 118 V 110 et les références). L'Ordonnance 9 du 18 décembre 1990, édictée par le DFI en application de l'art. 21 al. 2 et 3 de l'Ord. III sur l'assurance-maladie, est une réglementation qui repose sur une subdélégation et qui lie en principe le juge, pour autant qu'elle soit conforme à la loi. En ce domaine, un certain pouvoir d'appréciation doit être réservé au Département. Par conséquent, le juge ne déclarera contraire à la loi une décision du DFI et n'en censurera l'application que si elle repose sur une erreur d'appréciation évidente, en particulier en cas d'arbitraire dans l'appréciation du caractère scientifiquement reconnu de la mesure (ATF 105 V 184 consid. 2c). b) Il résulte du préavis de la Commission des prestations, qui est à la base de la réglementation correspondante de l'annexe à l'Ordonnance 9 du DFI (dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 1993; voir aussi l'annexe 1 à l'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins [OPAS] du 29 septembre 1995), que le refus d'une prise en charge par les caisses-maladie est motivé, exclusivement, par le fait qu'il ne s'agit pas d'une mesure thérapeutique au sens de la LAMA, parce qu'elle ne permet pas une guérison des troubles existants (c'est-à-dire la stérilité).
Toutefois, comme le relèvent avec raison les juges cantonaux, cette motivation n'apparaît pas fondée. Sans doute est-il vrai que le but du
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traitement médical, en tant que prestation obligatoire selon l'art. 12 al. 2 LAMA, est d'éliminer de la manière la plus complète que possible les atteintes physiques ou psychiques à la santé (ATF 113 V 45 consid. 4c). Cependant, le traitement médical ne comprend pas uniquement les mesures médicales qui servent à la guérison de la maladie, mais il englobe aussi les thérapies seulement symptomatiques, de même que les mesures qui servent à l'élimination d'atteintes secondaires dues à la maladie (ATF 111 V 232 consid. 1c, ATF 104 V 96, ATF 102 V 71 sv.; RAMA 1985 no K 638 p. 199 consid. 1b). Par conséquent, on ne saurait interpréter la notion de "mesure thérapeutique" au sens de l'art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie d'une manière si restrictive que seules entreraient dans cette notion les mesures médicales destinées à la guérison d'une atteinte à la santé. Dès lors, l'exclusion de l'insémination artificielle du domaine des prestations obligatoires, pour les motifs retenus par la Commission des prestations dans son préavis du 22 mars 1973 et par le DFI sous ch. 3 de l'annexe à l'Ordonnance 9, se fonde sur des réflexions, non pas d'ordre médical, mais de caractère juridique, qui ne se concilient pas avec la loi et avec l'ordonnance. Face à une telle situation, le juge examine librement si le traitement en cause remplit ou non les conditions requises pour être pris en charge par les caisses-maladie.
6. a) Le but de la mesure médicale, en cas de stérilité, n'est pas tant de remédier à la stérilité comme telle que de rendre possible une grossesse et donc de permettre à un couple d'avoir une progéniture. Le fait que le traitement a pour but, non de combattre la stérilité, mais de satisfaire le désir d'enfant des parents, ne suffit pas, à lui seul, pour lui dénier le caractère de mesure thérapeutique. Du point de vue de son but, l'insémination artificielle ne se distingue pas des autres méthodes destinées à remédier à la stérilité - en particulier le traitement opératoire ou médicamenteux - et qui sont, quant à eux, obligatoirement à la charge des caisses-maladie. L'insémination artificielle vise, comme les autres méthodes citées, à provoquer dans le corps de la femme une fécondation naturelle qui n'a pu avoir lieu, pour des raisons médicales, par la voie de la conception naturelle. Il n'y a pas, dans ce cas, de fécondation artificielle; la fécondation intervient par voie naturelle, le seul procédé qui soit artificiel étant l'introduction du sperme dans l'appareil génital de la femme (FRANK, Die künstliche Fortpflanzung beim Menschen im geltenden und im künftigen Recht, Zurich 1989, p. 26;
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BUCHLI-SCHNEIDER, Künstliche Fortpflanzung aus zivilrechtlicher Sicht, thèse Berne 1987, p. 30 ss). A cet égard, l'insémination artificielle se distingue d'autres méthodes de procréation assistée, telle que la fécondation in vitro et transfert d'embryon (FIVETE). Le point de savoir si la FIVETE représente une mesure thérapeutique a jusqu'à présent été laissé indécis par la jurisprudence (ATF 119 V 35 consid. 6, ATF 113 V 47 consid. 4d/dd) et n'a pas à être tranché dans la présente procédure. b) Comme on l'a vu, les mesures thérapeutiques au sens de la LAMA ne se limitent pas aux mesures médicales destinées à la guérison d'une atteinte à la santé. Il n'y a pas lieu, sur ce point, de se montrer plus restrictif en ce qui concerne les traitements de la stérilité: cela conduirait à des inégalités choquantes, car une guérison n'est possible que dans des cas tout à fait particuliers, par exemple là où un traitement opératoire permet d'éliminer des anomalies anatomiques ou organiques. En revanche, les traitements hormonaux, notamment, ne sont pas aptes, en principe, à guérir les troubles de la fertilité, car ils ne modifient que provisoirement l'état de stérilité. Or, la recourante ne conteste pas le caractère thérapeutique de ces traitements. Il est vrai, d'autre part, que l'insémination artificielle, par rapport à d'autres formes de traitement de la stérilité, en particulier les traitements hormonaux, ne s'attaque pas directement aux causes de l'infertilité. L'on cherche plutôt à atteindre le but désiré, à savoir une fécondation et, par là même, une grossesse, d'une manière indirecte: c'est l'introduction du sperme, par voie instrumentale, dans l'appareil génital de la femme qui permet de surmonter les difficultés organiques ou immunologiques. Cependant, le point de savoir si une mesure médicale revêt un caractère thérapeutique au sens des dispositions de l'ordonnance ne dépend pas de la méthode de traitement utilisée, mais de son but (RJAM 1973 no 161 p. 32). Une mesure peut aussi revêtir un caractère thérapeutique au sens de l'art. 21 Ord. III sur l'assurance-maladie si elle remplace une thérapie dite "causale" ou si elle la complète; il en est ainsi, par exemple, de l'implantation d'un stimulateur en vue de régulariser le rythme cardiaque. Certes, l'insémination artificielle présente la particularité, par rapport à de semblables mesures, qu'elle n'a pas de répercussions sur l'affection de base comme telle. Mais cette singularité n'est pas un critère de distinction pour délimiter les mesures thérapeutiques si l'on sait qu'il existe des thérapies de pure substitution (par exemple l'administration d'insuline en cas de diabète sucré de type I) qui sont
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également obligatoirement à la charge des caisses-maladie. La condition n'est pas nécessairement que ces thérapies permettent de maintenir le patient en vie ou, à tout le moins, d'éviter la survenance d'une grave atteinte à la santé. Le traitement hormonal de la stérilité en est justement une illustration. c) On pourrait encore objecter qu'aucune nécessité médicale n'impose un traitement en cas de troubles de la fertilité. Mais, indépendamment du fait que cette circonstance conduirait, pratiquement, à nier l'obligation des caisses-maladie d'allouer des prestations pour tous les traitements de la stérilité, la nécessité médicale n'est pas non plus un critère de distinction adéquat en matière de remboursement de soins médicaux. Ce ne saurait être l'affaire des caisses-maladie ou du juge de décider ce qui, du point de vue médical, est ou non indispensable dans un cas concret. A cet égard et pour autant que les autres conditions de l'art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie soient remplies, il suffit, pour qu'une mesure soit obligatoirement à la charge des caisses-maladie, qu'elle apparaisse médicalement indiquée (cf. RAMA 1986 no K 679 p. 226). En l'occurrence, il existait assurément une indication médicale. Entendu en procédure cantonale, le docteur G. a précisé que l'intimée présentait une hostilité cervicale (difficulté pour les spermatozoïdes de passer le col de l'utérus), ainsi qu'une affection tubaire (risque de grossesse extra-utérine), qui justifiaient le recours à l'insémination artificielle. Selon ce médecin toujours, pour ce type de stérilité, l'insémination artificielle est spécialement indiquée par rapport aux autres méthodes de procréation assistée, car elle permet d'aboutir à des résultats qualifiés d'excellents. Auparavant, l'intimée avait subi, mais en vain, un traitement de stimulation ovarienne. On notera que la mesure répond aussi aux conditions fixées dans l'avant-projet relatif à une loi fédérale concernant la procréation médicalement assistée et instituant une Commission nationale d'éthique (loi sur la médecine humaine). En effet, selon l'art. 5 al. 1 let. a de l'avant-projet, il existe une indication médicale pour la procréation médicalement assistée lorsqu'il y a lieu de remédier à la stérilité d'un couple et que les autres traitements ont échoué ou paraissent vains.
d) Force est donc de constater, au terme de cet examen, que l'insémination artificielle constitue en l'occurrence une mesure thérapeutique au sens de la LAMA et de ses dispositions d'exécution.
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7. Il faut encore examiner si l'insémination artificielle homologue pratiquée sur l'intimée est une mesure scientifiquement reconnue, appropriée à son but et économique (art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie). a) Selon la jurisprudence, une méthode de traitement est considérée comme éprouvée par la science médicale, c'est-à-dire réputée scientifiquement reconnue, si elle est largement admise par les chercheurs et les praticiens. L'élément décisif à cet égard réside dans le résultat des expériences et dans le succès d'une thérapie déterminée (ATF 120 V 122 consid. 1a, 211 consid. 7a). L'insémination artificielle est pratiquée en Suisse depuis des décennies et elle est, depuis longtemps déjà, médicalement éprouvée. Contrairement à d'autres méthodes de procréation assistée (voir à ce sujet ATF 119 V 29 consid. 3b), elle n'en est plus au stade expérimental et ne comporte pas de risques particuliers. Selon le rapport explicatif de l'avant-projet de loi sur la médecine humaine, il est largement recouru à l'insémination artificielle homologue (plusieurs milliers de cas par année), tandis que le nombre des inséminations artificielles hétérologues est en régression (p. 27 ch. 151.2). Le caractère scientifiquement reconnu de l'insémination artificielle doit aussi être admis au regard du critère - déterminant selon la jurisprudence - de son taux de réussite. Le rapport de la Commission d'experts pour la génétique humaine et la médecine de la reproduction du 19 août 1988 indique que le taux de grossesse en cas d'insémination artificielle homologue, qui est fonction des causes de la stérilité, oscille entre 3 et 10 pour cent par tentative; il se situe entre 10 et 15 pour cent par tentative en cas d'insémination hétérologue. La proportion de succès du traitement dans son ensemble est plus élevée; elle est de 50 à 90 pour cent pour l'insémination hétérologue (FF 1989 III 997 sv.). Le rapport explicatif de l'avant-projet de loi sur la médecine humaine, qui se fonde manifestement sur des données plus récentes, mentionne un taux de succès qui varie entre 3 et 15 pour cent par tentative pour l'insémination homologue. On remarque donc que le taux de réussite de l'insémination artificielle a plutôt augmenté ces derniers temps; aujourd'hui, il peut sans conteste être qualifié d'appréciable. A la différence de la FIVETE, pour laquelle le Tribunal fédéral des assurances a jugé qu'un taux de réussite de 25 pour cent n'était pas suffisant (ATF 119 V 30 consid. 3d), il faut considérer, pour ce qui est de l'insémination artificielle, que la fécondation, ainsi qu'on l'a rappelé, intervient par la voie naturelle, ce qui aboutit à un plus faible taux de grossesse. En conséquence, on doit admettre que
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l'insémination artificielle remplit la condition du caractère scientifiquement reconnu. b) S'agissant du caractère approprié de la mesure, il y a lieu de constater, sans développements particuliers, que cette exigence est également réalisée, dès lors qu'une indication médicale est clairement établie en l'espèce. c) Comme cela ressort du rapport explicatif de l'avant-projet de loi sur la médecine humaine, déjà cité, le coût de l'insémination homologue est d'environ 200 francs; il est de 200 à 300 francs en cas d'insémination hétérologue (p. 27 sv., ch. 151.2). Sur cette base, il y a lieu d'admettre, de manière générale, qu'il s'agit d'un traitement économique, surtout si l'on considère que le coût des traitements hormonaux est en règle ordinaire sensiblement plus élevé. Quant à savoir quel est le nombre maximum de tentatives d'insémination artificielle qui serait admissible au regard de l'exigence du caractère économique du traitement, dans un cas donné, c'est une question à laquelle il n'y a pas lieu de répondre ici. Selon les indications du docteur G., les factures litigieuses se rapportent à des consultations en vue d'établir un diagnostic précis et à un premier cycle d'insémination comprenant cinq tentatives, ce qui ne peut pas être considéré, dans l'ensemble, comme un traitement non économique. Peu importe, à cet égard, que les tentatives en question soient demeurées vaines.

8. La recourante invoque des arguments d'ordre éthique. Elle fait valoir que l'intimée n'est pas mariée et qu'il importe de ne pas augmenter le nombre des enfants qui n'ont pas de père légal. Le traitement par insémination artificielle aurait en l'occurrence été pratiqué en passant outre à des "règles de déontologie claires et largement admises." Il est cependant généralement admis, contrairement à ce qu'affirme la recourante, qu'aucun motif d'ordre éthique ne s'oppose à l'insémination artificielle, en tout cas homologue, lorsque son accès est réservé aux couples mariés et aux couples stables non mariés. Les recommandations et directives d'éthique médicale de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) en matière de procréation assistée, de 1981 et de 1985 (Bulletin des médecins suisses 1982 p. 623, 1985 p. 1127; également publiées par Frank, op.cit., annexe no 1 et 2) ne contenaient aucune indication au sujet de l'insémination artificielle homologue, ce qui donne à penser que cette mesure ne soulevait aucun problème particulier d'ordre éthique (voir également le rapport de la Commission d'experts pour la génétique humaine
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et la médecine de la reproduction, FF 1989 III 1053, 1060, ainsi que BUCHLI-SCHNEIDER, op.cit., p. 63). Quant aux directives médico-éthiques pour la procréation médicalement assistée de l'ASSM du 31 décembre 1990, qui remplacent les deux textes précédents, elles précisent, relativement aux futurs parents, que les méthodes en cause ne doivent être pratiquées que sur des couples mariés ou sur des couples non mariés vivant dans des conditions analogues à celles de la vie conjugale et décidés à assumer eux-mêmes leurs obligations de parents envers l'enfant (Bulletin des médecins suisses 1991 p. 377). Enfin, l'avant-projet de loi sur la médecine humaine (soit le projet de législation d'exécution de l'art. 24novies Cst.) prévoit que seul un couple marié peut recourir à un don de sperme (art. 4 al. 3), tandis qu'il laisse la porte ouverte à l'insémination homologue pratiquée sur des couples non mariés. Une limitation existe seulement en ce qui concerne l'interdiction d'utiliser les gamètes du compagnon après sa mort (art. 4 al. 5).
9. En conclusion, l'insémination artificielle pratiquée sur l'intimée constitue une prestation obligatoire des caisses-maladie au sens de l'art. 12 al. 2 ch. 1 let. a LAMA et 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné la recourante à verser à l'intimée des prestations à ce titre.
10. (Frais de justice)