Urteilskopf

108 II 115

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 juin 1982 dans la cause X. c. Y. (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 115

BGE 108 II 115 S. 115

Par contrat de travail du 23 août 1976, X. a été engagé au service de la Société Y. à Lausanne pour une période allant du 1er septembre 1976 au 31 août 1977 avec, ensuite, tacite reconduction du contrat, susceptible d'être résilié deux mois à l'avance pour la fin d'un mois.
BGE 108 II 115 S. 116

En mai 1978, les parties sont convenues que X. irait travailler pour le compte de la Société à Conakry (Guinée) en qualité de délégué. Un contrat du 2 mai 1978 et une lettre d'accompagnement fixèrent le statut des parties à ce sujet. Le contrat liait les parties pour une période de deux ans dès l'arrivée de X. en Guinée (fin mai 1978), avec possibilité de reconduction tacite. Toutefois, l'art. I al. 3 du contrat prévoyait: "La Société se réserve expressément la faculté:
a) de rappeler le délégué en tout temps à Lausanne;
b) de déplacer le délégué ailleurs, les conditions de ce contrat devant alors être adaptées.
Dans ces deux éventualités a) et b), les parties auront la possibilité de dénoncer prématurément le contrat moyennant un préavis de trois mois." Arrivé à Conakry à fin mai 1978, X. fut rappelé à Lausanne, par lettre de la Société du 8 mars 1979 avec effet au 28 mars 1979. Se prétendant victime d'une résiliation immédiate injustifiée, X. demanda à son employeur le paiement d'une indemnité correspondant au salaire qu'il aurait touché pendant deux ans comme délégué en Guinée. La Société s'y opposa. Le 12 novembre 1979, celle-ci déclara résilier le contrat de travail pour le 31 janvier 1980. Se prévalant du contrat du 2 mai 1978, le travailleur soutint que la résiliation ne pouvait être donnée que pour fin mai 1980 et il offrit vainement ses services jusque-là. Par jugement du 29 avril 1981, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a, sur ce point, admis la demande du travailleur. Les deux parties ont recouru en réforme.
Erwägungen

Extrait des considérants:

4. a) Selon la disposition impérative (art. 361
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 361 - 1 Il ne peut être dérogé aux dispositions ci-après par accord, contrat-type de travail ou convention collective, ni au détriment de l'employeur ni au détriment du travailleur:
1    Il ne peut être dérogé aux dispositions ci-après par accord, contrat-type de travail ou convention collective, ni au détriment de l'employeur ni au détriment du travailleur:
2    Les accords et les dispositions de contrats-types de travail et de conventions collectives qui dérogent aux dispositions susdites au détriment de l'employeur ou du travailleur, sont nuls.
CO) de l'art. 336 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 336 - 1 Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
1    Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
a  pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
b  en raison de l'exercice par l'autre partie d'un droit constitutionnel, à moins que l'exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
c  seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie, résultant du contrat de travail;
d  parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail;
e  parce que l'autre partie accomplit un service obligatoire, militaire ou dans la protection civile, ou un service civil, en vertu de la législation fédérale, ou parce qu'elle accomplit une obligation légale lui incombant sans qu'elle ait demandé de l'assumer.
2    Est également abusif le congé donné par l'employeur:
a  en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale;
b  pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d'une commission d'entreprise ou d'une institution liée à l'entreprise et que l'employeur ne peut prouver qu'il avait un motif justifié de résiliation.
c  sans respecter la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs (art. 335f).
3    Dans les cas prévus à l'al. 2, let. b, la protection du représentant des travailleurs dont le mandat a pris fin en raison d'un transfert des rapports de travail (art. 333) est maintenue jusqu'au moment où ce mandat aurait expiré si le transfert n'avait pas eu lieu.197
CO, les délais de congé ne peuvent pas être différents pour les deux parties; si un accord prévoit le contraire, le délai le plus long est applicable aux deux parties. La Société, se plaçant dans la situation postérieure à l'exercice du droit de rappel par l'employeur, considère qu'à ce moment-là les délais de résiliation - fondés sur l'art. I in fine du contrat du 2 mai 1978 ou sur le contrat du 23 août 1976 - étaient les mêmes pour les deux parties et qu'en conséquence la cour cantonale aurait violé l'art. 336 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 336 - 1 Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
1    Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
a  pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
b  en raison de l'exercice par l'autre partie d'un droit constitutionnel, à moins que l'exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
c  seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie, résultant du contrat de travail;
d  parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail;
e  parce que l'autre partie accomplit un service obligatoire, militaire ou dans la protection civile, ou un service civil, en vertu de la législation fédérale, ou parce qu'elle accomplit une obligation légale lui incombant sans qu'elle ait demandé de l'assumer.
2    Est également abusif le congé donné par l'employeur:
a  en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale;
b  pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d'une commission d'entreprise ou d'une institution liée à l'entreprise et que l'employeur ne peut prouver qu'il avait un motif justifié de résiliation.
c  sans respecter la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs (art. 335f).
3    Dans les cas prévus à l'al. 2, let. b, la protection du représentant des travailleurs dont le mandat a pris fin en raison d'un transfert des rapports de travail (art. 333) est maintenue jusqu'au moment où ce mandat aurait expiré si le transfert n'avait pas eu lieu.197
CO en fixant le terme de résiliation à fin mai 1980. Elle concède que cette disposition aurait pu s'appliquer si elle avait exercé son droit de rappel en vue d'user ensuite de son droit de résiliation, ce qui l'aurait mise dans une position préférable à celle du
BGE 108 II 115 S. 117

travailleur qui aurait dû attendre jusqu'à fin mai 1980 l'expiration du délai de deux ans; elle conteste cependant que cela ait été le cas en l'occurrence, car elle ne se serait décidée que par la suite à résilier, au vu de l'attitude du travailleur après son retour en Suisse. Il est exact que, si l'on se place exclusivement après l'exercice du droit de rappel, les deux parties ont la faculté de résilier selon les mêmes délais et le travailleur pourrait, lui aussi, profiter de son rappel pour exercer le droit de résiliation avec délai de trois mois (deuxième contrat) ou deux mois (premier contrat). En revanche, si l'on se place avant l'exercice du droit de rappel, la possibilité accordée à l'employeur d'exercer successivement - et de façon unilatérale - son droit de rappel et de résiliation lui permettrait d'obtenir en définitive une résiliation pour une date antérieure à l'expiration du délai de deux ans, liant le travailleur; en cela, le contrat lui accorde des conditions de résiliation plus favorables que celles qui sont imposées au travailleur, ce qui est contraire au but de l'art. 336 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 336 - 1 Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
1    Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
a  pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
b  en raison de l'exercice par l'autre partie d'un droit constitutionnel, à moins que l'exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
c  seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie, résultant du contrat de travail;
d  parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail;
e  parce que l'autre partie accomplit un service obligatoire, militaire ou dans la protection civile, ou un service civil, en vertu de la législation fédérale, ou parce qu'elle accomplit une obligation légale lui incombant sans qu'elle ait demandé de l'assumer.
2    Est également abusif le congé donné par l'employeur:
a  en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale;
b  pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d'une commission d'entreprise ou d'une institution liée à l'entreprise et que l'employeur ne peut prouver qu'il avait un motif justifié de résiliation.
c  sans respecter la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs (art. 335f).
3    Dans les cas prévus à l'al. 2, let. b, la protection du représentant des travailleurs dont le mandat a pris fin en raison d'un transfert des rapports de travail (art. 333) est maintenue jusqu'au moment où ce mandat aurait expiré si le transfert n'avait pas eu lieu.197
CO; peu importe qu'en rappelant son travailleur, l'employeur ait ou non l'intention de résilier; il suffit que le droit de rappel permette cet effet. Si l'on considère les dispositions sur la résiliation en appréciant le contrat dans son ensemble, force est de reconnaître qu'économiquement, si l'on se plaçait exclusivement après l'exercice du droit de rappel, le travailleur serait plus exposé que l'employeur à une résiliation dommageable; en effet, si l'employeur estime devoir rappeler le travailleur, la cause en résidera généralement en ce que son travail n'a point donné satisfaction ou que sa rémunération a été tenue pour une charge trop élevée, deux hypothèses dans lesquelles le travailleur apparaît particulièrement exposé à une résiliation de son contrat de travail; en revanche, le travailleur resterait lié par le délai fixe de deux ans prévu dans le contrat. Compte tenu du but de la loi qui entend accorder aux deux parties une protection équivalente (cf. ATF 96 II 52), il apparaît donc indiqué d'apprécier la conformité du contrat à l'art. 336 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 336 - 1 Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
1    Le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie:
a  pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
b  en raison de l'exercice par l'autre partie d'un droit constitutionnel, à moins que l'exercice de ce droit ne viole une obligation résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise;
c  seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie, résultant du contrat de travail;
d  parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail;
e  parce que l'autre partie accomplit un service obligatoire, militaire ou dans la protection civile, ou un service civil, en vertu de la législation fédérale, ou parce qu'elle accomplit une obligation légale lui incombant sans qu'elle ait demandé de l'assumer.
2    Est également abusif le congé donné par l'employeur:
a  en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale;
b  pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d'une commission d'entreprise ou d'une institution liée à l'entreprise et que l'employeur ne peut prouver qu'il avait un motif justifié de résiliation.
c  sans respecter la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs (art. 335f).
3    Dans les cas prévus à l'al. 2, let. b, la protection du représentant des travailleurs dont le mandat a pris fin en raison d'un transfert des rapports de travail (art. 333) est maintenue jusqu'au moment où ce mandat aurait expiré si le transfert n'avait pas eu lieu.197
CO en tenant compte globalement de l'effet du droit de rappel et de résiliation. Les circonstances du cas particulier montrent du reste la justesse de cette solution, puisque la résiliation - même si elle n'a pas été décidée d'emblée par l'employeur - apparaît néanmoins comme la conséquence des difficultés nées du séjour à Conakry. C'est ainsi à juste titre que la cour cantonale a jugé que la résiliation ne pouvait être donnée que pour fin mai 1980. Le montant qu'elle a alloué de ce fait au demandeur n'est pas contesté.