Urteilskopf

104 III 95

22. Arrêt de la IIe Cour civile du 23 mai 1978 dans la cause H. et Cie contre G.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 95

BGE 104 III 95 S. 95

G. a introduit une poursuite pour effets de change contre H. et Cie, à Delémont, lui faisant notifier, le 13 janvier 1978, un commandement de payer la somme de 26565.- fr. en capital. La poursuivie a formé opposition motivée, en temps utile. Le 27 janvier 1978, le président du Tribunal civil de Delémont a repoussé l'opposition, pour la raison, notamment, que, soulevant des moyens fondés sur l'art. 1007
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 1007 - Les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur.
CO, l'opposante
BGE 104 III 95 S. 96

n'avait pas déposé le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs, comme l'exige l'art. 182 ch. 4
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP. Le 6 février 1978, H. et Cie a interjeté appel auprès de la Cour d'appel du canton de Berne, déposant le même jour la somme de 26565.- fr. au greffe du Tribunal de Delémont. Le 16 mars 1978, la Cour d'appel a déclaré l'opposition irrecevable, par le motif que le dépôt du montant de l'effet doit être effectué, au plus tard, au cours des débats de première instance, soit avant le prononcé du jugement. H. et Cie a formé un recours de droit public, pour violation de l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. Selon la jurisprudence, la décision qui déclare recevable l'opposition formée à une poursuite pour effets de change constitue une décision finale susceptible de faire l'objet d'un recours de droit public, lorsqu'elle émane de la juridiction cantonale de dernière instance (ATF 95 I 255 256 consid. 2 et 3). Il en va de même, par identité de motifs, de la décision qui repousse l'opposition. Le dépôt opéré en vertu de l'art. 182 ch. 4
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP est un paiement anticipé, soit un paiement conditionnel jusqu'à droit connu, qui libère le débiteur (ATF 90 II 116 117 consid. 5; ATF 42 III 364365; cf. JAEGER, n. 12 ad art. 182
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP; I. RIEMER, Die Wechselbetreibung nach schweizerischem Recht, thèse Zurich 1924, p. 99). Si le débiteur a payé une somme qu'il ne devait pas, notamment après opposition déclarée non recevable, l'art. 187
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 187 - Quiconque a payé une somme qu'il ne devait pas, ensuite de poursuites restées sans opposition, a le droit de la répéter conformément à l'art. 86. Il en est de même s'il a payé après opposition déclarée non recevable.
LP le renvoie à ouvrir action en répétition de l'indu (art. 86
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 86 - 1 Celui qui a payé une somme qu'il ne devait pas, ensuite de poursuites restées sans opposition ou d'un jugement prononçant la mainlevée, a le droit de la répéter dans l'année en intentant une action en justice.173
1    Celui qui a payé une somme qu'il ne devait pas, ensuite de poursuites restées sans opposition ou d'un jugement prononçant la mainlevée, a le droit de la répéter dans l'année en intentant une action en justice.173
2    L'action est introduite au for de la poursuite ou à celui du défendeur, selon le choix du demandeur.
3    En dérogation à l'art. 63 du code des obligations (CO)174, la preuve que la somme n'était pas due est la seule qui incombe au demandeur.175
LP): le procès à intenter ne se distingue pas d'un procès ayant pour objet l'existence de la créance, partant indépendant de la procédure d'exécution forcée. On est sur la voie d'un procès ordinaire, qui, pas plus que l'action du créancier en reconnaissance de la dette, ne saurait être considéré comme un moyen dans le sens des art. 86 , 87 OJ. Le présent recours est dès lors recevable.

2. a) Selon le texte français de l'art. 182 ch. 4
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP, l'opposant qui allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 1007 - Les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur.
CO "est tenu de déposer au préalable le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs". Le texte allemand et le texte italien posent des conditions moins strictes: le dépôt doit être fait simultanément ("gegen gleichzeitige Hinterlegung der Forderungssumme",
BGE 104 III 95 S. 97

"se è simultaneamente depositata... la somma per cui si procede"). Se conformant à la jurisprudence des tribunaux bernois, la Cour d'appel s'en est tenue à la lettre du texte français. b) La recourante voit là un formalisme excessif. La Cour d'appel du canton de Berne, dit-elle, a un pouvoir d'examen étendu, qui lui permet de revoir la cause dans son entier, en se substituant, jusque dans le moindre détail, au juge de première instance; elle a d'ailleurs accepté, à titre de moyen de preuve, l'exposé présenté par l'appelante: il serait incompréhensible qu'elle ait appliqué des mesures différentes selon qu'il s'est agi, en deuxième instance, du dépôt à faire par l'opposante ou de la présentation des moyens de preuve. Ce raisonnement repose sur une confusion. Découlant du droit fédéral, le dépôt de l'art. 182 ch. 4
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP est, on l'a vu, un paiement anticipé qui éteint la dette (ATF 42 III 364365). On ne se trouve donc pas dans le cadre d'une règle de procédure cantonale, simple prescription formelle, dont l'interprétation trop restrictive complique de manière insoutenable l'application du droit matériel (ATF 96 I 318, 523 consid. 4; ATF 95 I 4 consid. 2 et les arrêts cités). La décision de la Cour d'appel ne doit pas être examinée dans l'optique du formalisme excessif, équivalant à un défi de justice formel, mais sous l'angle de l'arbitraire: il s'agit de savoir si l'interprétation conforme à la lettre du texte français va manifestement à l'encontre du sens et du but qu'a la disposition légale (ATF 91 I 167), conduisant ainsi à des résultats que le législateur ne peut pas avoir voulus et qui heurtent le sens de la justice et le principe de l'égalité de traitement (ATF 103 Ia 229 c et les arrêts cités). c) La recourante parle d'une "rigueur que l'on rencontre rarement" et, relevant que, dans certains cantons, la jurisprudence admet le dépôt après le jugement, ou même en seconde instance, elle voit une inégalité de traitement choquante dans le fait que le droit fédéral n'est pas appliqué de manière uniforme dans tous les cantons. aa) Certes, dans sa tendance générale, la doctrine considère que l'expression "au préalable" ne doit pas être interprétée dans un sens strict, admettant que l'opposant consigne le montant de l'effet dans un court délai après le jugement, voire en seconde instance seulement (JAEGER, n. 13 ad art. 182
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP; RIEMER, op. cit., p. 102; FAVRE, Fiche juridique suisse 699 p. 4; FRITZSCHE, Schuldbetreibung und Konkurs, 2e éd., II p. 25).
BGE 104 III 95 S. 98

Mais il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution serait concevable, ou même préférable; il faut que la solution adoptée par l'autorité cantonale soit insoutenable (ATF 99 Ia 346 consid. 1; ATF 96 I 627 consid. 4). Tel n'est pas le cas en l'espèce. L'interprétation littérale des mots "au préalable", qui, ainsi entendus, signifient que le dépôt doit être effectué avant le jugement (ATF 90 I 205 consid. 2), n'est pas manifestement contraire à l'esprit de l'art. 182 ch. 4
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 182 - Le juge déclare l'opposition recevable:
1  lorsque le débiteur justifie par titre que le porteur de l'effet ou du chèque est payé, qu'il a consenti à la remise de la dette ou accordé un sursis;
2  lorsqu'il allègue la fausseté du titre et que son dire paraît vraisemblable;
3  lorsque le débiteur soulève une exception admissible en matière de lettre de change et qu'elle paraît fondée;
4  lorsqu'il allègue un autre moyen fondé sur l'art. 1007 CO356 et qu'il rend plausibles ses allégués; dans ce cas, l'opposant est tenu de déposer le montant de l'effet en espèces ou autres valeurs ou de fournir des sûretés équivalentes.
LP: on peut concevoir qu'on la juge plus conforme aux exigences de la poursuite pour effets de change et qu'on craigne de par trop diminuer la protection accordée par la loi au créancier contre d'éventuelles manoeuvres dilatoires du débiteur (cf. l'arrêt du Tribunal fédéral partiellement reproduit in RJB 59 (1923) 432/433). bb) On peut sans doute regretter qu'en une matière où l'application uniforme du droit fédéral est particulièrement souhaitable le débiteur ne soit pas traité de la même façon dans tous les cantons. Mais il n'y a pas là inégalité de traitement contraire à l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst.: ce n'est le cas que lorsque la même autorité soumet, sans motifs sérieux, deux situations semblables à des règles juridiques différentes (ATF 96 I 201 consid. 2 et les références). Or, en l'espèce, la cour cantonale s'en est tenue à sa jurisprudence constante (cf. RJB 96 (1960) 201 et les arrêts cités).

3. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas eu violation de l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst.: le recours doit dès lors être rejeté.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.