Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}

1B 70/2016

Arrêt du 24 juin 2016

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Chaix et Kneubühler.
Greffière : Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
A.________,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.

Objet
Détention provisoire; conditions de détention à la prison du Bois-Mermet,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 4 février 2016.

Faits :

A.
A.________ se trouve en détention provisoire depuis le 31 janvier 2015, dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre lui notamment pour escroquerie par métier, usure, contrainte, infractions à la loi sur l'assurance chômage (LACI), à la loi sur les armes (LArm) et à la loi sur les stupéfiants (LStup). Il est détenu au sein de la prison vaudoise du Bois-Mermet depuis le 17 février 2015.
Par demande du 11 septembre 2015 (complétée le 21 septembre 2015) transmise au Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud, A.________ a requis une indemnisation pour ses conditions de détention qu'il estimait illicites. Le 6 novembre 2015, la Direction de la prison du Bois-Mermet s'est déterminée et a produit un rapport. Il en ressort notamment que le prénommé a occupé différentes cellules de 8,8 m 2 avec un autre détenu.
Par ordonnance du 20 janvier 2016, le Tribunal des mesures de contrainte a constaté que les conditions dans lesquelles se déroulait la détention provisoire du prévenu à la prison du Bois-Mermet étaient conformes aux exigences conventionnelles, constitutionnelles et légales.
Par arrêt du 4 février 2016, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours interjeté par A.________ et a confirmé l'ordonnance du 20 janvier 2016. Elle a considéré en substance que les conditions de détention dénoncées ne violaient pas la dignité humaine.

B.
A.________ a déposé un recours contre l'arrêt du 4 février 2016 auprès du Tribunal fédéral. Il demande que l'arrêt attaqué soit annulé et que la cause soit renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision constatant que les conditions de sa détention provisoire ne sont pas conformes aux exigences conventionnelles, constitutionnelles et légales.
Invités à déposer des observations, le Ministère public et le Tribunal cantonal renoncent à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Selon l'art. 78
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 78 Principe - 1 Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale.
1    Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale.
2    Sont également sujettes au recours en matière pénale:
a  les décisions sur les prétentions civiles qui doivent être jugées en même temps que la cause pénale;
b  les décisions sur l'exécution de peines et de mesures.
LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives aux conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (arrêt 1B 369/2013 du 26 février 2014 consid. 1, non publié in ATF 140 I 125). La recevabilité du recours en matière pénale dépend notamment de l'existence d'un intérêt juridique actuel à l'annulation de la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. b
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 81 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque:
1    A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque:
a  a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et
b  a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier:
b1  l'accusé,
b2  le représentant légal de l'accusé,
b3  le ministère public, sauf pour les décisions relatives à la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à la prolongation de la détention ou à sa levée,
b4  ...
b5  la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles,
b6  le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte,
b7  le Ministère public de la Confédération et les autorités administratives participant à la poursuite et au jugement des affaires pénales administratives selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif56.
2    Une autorité fédérale a qualité pour recourir si le droit fédéral prévoit que la décision doit lui être communiquée.57
3    La qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 78, al. 2, let. b, appartient également à la Chancellerie fédérale, aux départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions.
LTF). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276). En tant qu'il a vu rejetées ses conclusions en constatation du caractère irrégulier de sa détention, le recourant a intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.

2.
Les 8 et 9 mars, 28 avril, 9 mai et 20 juin 2016, le recourant a produit différents compléments à son recours. Tardives, ces écritures doivent être déclarées irrecevables (art. 100 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
1    Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
2    Le délai de recours est de dix jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
b  les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale;
c  les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93.
d  les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95.
3    Le délai de recours est de cinq jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change;
b  les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales.
4    Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national.
5    En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
6    ...96
7    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.
LTF).

3.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que les conditions de sa détention au sein de la prison du Bois-Mermet étaient conformes à la dignité humaine (art. 3
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 3 Interdiction de la torture - Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
CEDH et 7 Cst.) ainsi qu'aux normes européennes et internationales en matière de détention.
Il se plaint en particulier du manque d'espace au sein de la cellule. Il fait grief au Tribunal cantonal d'avoir pris en compte le mobilier et les toilettes dans le calcul de l'espace individuel à sa disposition au sein de la cellule. Il souligne aussi que les installations sanitaires ne sont pas séparées du reste de la cellule par une cloison mais par un rideau.

3.1. Au niveau conventionnel, l'art. 3
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 3 Interdiction de la torture - Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Sur le plan constitutionnel, l'art. 7
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 7 Dignité humaine - La dignité humaine doit être respectée et protégée.
Cst. prescrit de son côté que la dignité humaine doit être respectée et protégée. A teneur de l'art. 10 al. 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 10 Droit à la vie et liberté personnelle - 1 Tout être humain a droit à la vie. La peine de mort est interdite.
1    Tout être humain a droit à la vie. La peine de mort est interdite.
2    Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l'intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement.
3    La torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits.
Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits.
Au niveau législatif, l'art. 3 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 3 Respect de la dignité et procès équitable - 1 Les autorités pénales respectent la dignité des personnes impliquées dans la procédure, à tous les stades de celle-ci.
1    Les autorités pénales respectent la dignité des personnes impliquées dans la procédure, à tous les stades de celle-ci.
2    Elles se conforment notamment:
a  au principe de la bonne foi;
b  à l'interdiction de l'abus de droit;
c  à la maxime voulant qu'un traitement équitable et le droit d'être entendu soient garantis à toutes les personnes touchées par la procédure;
d  à l'interdiction d'appliquer des méthodes d'enquête qui sont attentatoires à la dignité humaine.
CPP rappelle le principe du respect de la dignité humaine. L'art. 235
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 235 Exécution de la détention - 1 La liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.
1    La liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.
2    Tout contact entre le prévenu en détention et des tiers est soumis à l'autorisation de la direction de la procédure. Les visites sont surveillées si nécessaire.
3    La direction de la procédure contrôle le courrier entrant et sortant, à l'exception de la correspondance échangée avec les autorités de surveillance et les autorités pénales. Pendant la détention pour des motifs de sûreté, elle peut confier cette tâche au ministère public.
4    Le prévenu en détention peut communiquer librement avec son défenseur et sans que le contenu de leurs échanges soit contrôlé. S'il existe un risque fondé d'abus, la direction de la procédure peut, avec l'accord du tribunal des mesures de contrainte, limiter temporairement les relations du prévenu avec son défenseur; elle les en informe préalablement.
5    Les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention, leurs droits de recours, les mesures disciplinaires ainsi que la surveillance des établissements de détention.
CPP régit l'exécution de la détention; il pose le principe général de proportionnalité (al. 1) et précise (al. 5) que les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention (sur l'exécution de la détention, voir Matthias Härri, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2010, ad art. 234
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 234 Établissement de détention - 1 En règle générale, la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté sont exécutées dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu'à l'exécution de courtes peines privatives de liberté.
1    En règle générale, la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté sont exécutées dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu'à l'exécution de courtes peines privatives de liberté.
2    L'autorité cantonale compétente peut placer le prévenu en détention dans un hôpital ou une clinique psychiatrique lorsque des raisons médicales l'exigent.
et 235
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 235 Exécution de la détention - 1 La liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.
1    La liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.
2    Tout contact entre le prévenu en détention et des tiers est soumis à l'autorisation de la direction de la procédure. Les visites sont surveillées si nécessaire.
3    La direction de la procédure contrôle le courrier entrant et sortant, à l'exception de la correspondance échangée avec les autorités de surveillance et les autorités pénales. Pendant la détention pour des motifs de sûreté, elle peut confier cette tâche au ministère public.
4    Le prévenu en détention peut communiquer librement avec son défenseur et sans que le contenu de leurs échanges soit contrôlé. S'il existe un risque fondé d'abus, la direction de la procédure peut, avec l'accord du tribunal des mesures de contrainte, limiter temporairement les relations du prévenu avec son défenseur; elle les en informe préalablement.
5    Les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention, leurs droits de recours, les mesures disciplinaires ainsi que la surveillance des établissements de détention.
CPP).
Dans le canton de Vaud, le règlement sur le statut des détenus avant jugement et des condamnés placés dans un établissement de détention avant jugement et les régimes de détention applicables (RSDAJ; RSV 340.02.5) ne contient aucune disposition précise concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci.

3.2. Pour le domaine spécifique de la détention, la Suisse a ratifié, le 7 octobre 1988, la Convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (RS 0.106). L'art. 1 de cette Convention institue un "Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants" (ci-après: CPT).
Le 15 décembre 2015, le CPT a édité une norme sur l'Espace vital par détenu dans les établissements pénitentiaires. Il en ressort que la norme minimale concernant l'espace vital devrait exclure les sanitaires qui se trouvent à l'intérieur d'une cellule. Ainsi, une cellule individuelle devrait mesurer 6 m² auxquels on ajouterait la superficie nécessaire à une annexe sanitaire (généralement d'1 à 2 m²). De même, l'espace occupé par l'annexe sanitaire devrait être exclu du calcul des 4 m² par personne dans les cellules collectives. De plus, l'annexe sanitaire de ces dernières devrait être entièrement cloisonnée.
Par ailleurs, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, en application de l'art. 15 (b) du Statut du Conseil de l'Europe (RS 0.192.030), a adopté le 11 janvier 2006 la Recommandation Rec (2006) 2 sur les Règles pénitentiaires européennes (ci-après; RPE), lesquelles s'inscrivent dans les précédentes recommandations établies dès 1989. Ces règles prennent notamment en compte le travail mené par le CPT ainsi que les normes qu'il a développées dans ses rapports généraux, et visent à garantir des conditions de détention qui ne portent pas atteinte à la dignité humaine. Les règles 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire: ainsi, les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques. La règle 19.3 prévoit en particulier que les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.

3.3. Se prononçant sur la situation de la prison genevoise de Champ-Dollon, le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de surpopulation carcérale, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus - chacun disposant d'un espace individuel de 4 m 2, restreint du mobilier, - est une condition de détention difficile; elle n'est cependant pas constitutive d'une violation de l'art. 3
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 3 Interdiction de la torture - Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
CEDH et ne représente pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus.
En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle inférieure à 3,83 m 2 - restreinte encore par le mobilier - peut constituer une violation de l'art. 3
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 3 Interdiction de la torture - Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
CEDH si elle s'étend sur une longue période et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention. Il faut dès lors considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cf. art. 227 al. 7
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 227 Demande de prolongation de la détention provisoire - 1 À l'expiration de la durée de la détention provisoire fixée par le tribunal des mesures de contrainte, le ministère public peut demander la prolongation de la détention. Si la durée de la détention n'est pas limitée, la demande doit être présentée dans les trois mois suivant le début de la détention.
1    À l'expiration de la durée de la détention provisoire fixée par le tribunal des mesures de contrainte, le ministère public peut demander la prolongation de la détention. Si la durée de la détention n'est pas limitée, la demande doit être présentée dans les trois mois suivant le début de la détention.
2    Le ministère public transmet au tribunal des mesures de contrainte la demande de prolongation écrite et motivée, au plus tard quatre jours avant la fin de la période de détention, et y joint les pièces essentielles du dossier.
3    Le tribunal des mesures de contrainte accorde au détenu et à son défenseur le droit de consulter le dossier en sa possession et leur impartit un délai de trois jours pour s'exprimer par écrit sur la demande de prolongation.
4    Il peut ordonner une prolongation de la détention provisoire jusqu'à ce qu'il ait statué.
5    Le tribunal des mesures de contrainte statue au plus tard dans les cinq jours qui suivent la réception de la réplique ou l'expiration du délai fixé à l'al. 3. Il peut astreindre le ministère public à procéder à certains actes de procédure ou ordonner une mesure de substitution.
6    En règle générale, la procédure se déroule par écrit; toutefois, le tribunal des mesures de contrainte peut ordonner une audience; celle-ci se déroule à huis clos.
7    La détention provisoire peut être prolongée plusieurs fois, chaque fois de trois mois au plus et, dans des cas exceptionnels, de six mois au plus.
CPP) apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger, cela ne vaut pas lorsque la durée de la détention provisoire est de l'ordre de trois mois. Ce délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de
toutes les conditions concrètes de détention. La durée très limitée des périodes que le recourant est autorisé à passer hors de la cellule aggrave encore la situation (une heure de promenade en plein air par jour) (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 s.).
Il sied de préciser que, dans cet arrêt, lors du calcul de la surface individuelle à disposition de chaque détenu, la surface des installations sanitaires avait été retranchée.

3.4. En l'espèce, le Tribunal cantonal a considéré que le recourant disposait d'une surface individuelle de 4,4 m 2 dans les différentes cellules qu'il a occupées. Il n'a cependant pas déduit la surface des sanitaires dans son calcul. Il s'est ainsi écarté à tort des règles posées par l'ATF 140 I 125 et par la norme du 15 décembre 2015 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur l'Espace vital par détenu dans les établissements pénitentiaires.
Comme il ne ressort pas du dossier quelle est la surface de l'espace occupé par les toilettes, il y a lieu de renvoyer la cause au Tribunal cantonal afin qu'il instruise ce point. Pour pouvoir évaluer précisément l'espace individuel à disposition du recourant, il appartiendra à l'instance précédente de se référer aux plans des différentes cellules que le prévenu a occupées.
Par ailleurs, s'agissant des autres conditions difficiles de détention, le Tribunal cantonal n'a pas non plus instruit précisément sur le temps que le recourant peut passer hors de sa cellule. S'il est établi que depuis le 1 er juillet 2015 l'intéressé travaille durant 3h30 par semaine, on ignore le temps hebdomadaire dont il peut bénéficier dans la salle de sport ainsi que la durée de la promenade quotidienne. Il peut aussi être pertinent de connaître le nombre approximatif d'heures durant lesquelles le recourant est seul dans sa cellule, son codétenu se trouvant au travail ou à la salle de sport.
Enfin, pour pouvoir évaluer si l'intimité des détenus est suffisamment assurée, la cour cantonale devra exposer plus en détail la manière dont les toilettes sont séparées du reste de la cellule, à l'aide par exemple de photographies.
Disposant de ces différents éléments, le Tribunal cantonal pourra alors évaluer si l'ensemble de ces conditions de détention s'analyse comme un traitement dégradant et inhumain au sens des art. 3
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 3 Interdiction de la torture - Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
CEDH, 7 et 10 al. 3 Cst.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être admis partiellement et l'arrêt attaqué annulé. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour complément d'instruction au sens des considérants et nouvelle décision.
Le recourant, qui a procédé sans l'aide d'un avocat, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1.
Le recours est admis partiellement, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour complément d'instruction et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Direction de la prison du Bois-Mermet, au Ministère public central du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 24 juin 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Fonjallaz

La Greffière : Tornay Schaller