Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossier: BB.2017.227

Décision du 17 septembre 2019 Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Roy Garré, vice-président, Cornelia Cova et Patrick Robert-Nicoud, la greffière Claude-Fabienne Husson Albertoni

Parties

République de Tunisie, représentée par Me Pierluca Degni et Me Guillaume Tattevin, avocats, recourante

contre

1. Ministère public de la Confédération, 2. A., 3. B., 4. C., tous trois représentés par Me Nicholas Antenen, avocat, intimés

Objet

Classement de la procédure (art. 322 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 322 Approbation et moyens de recours - 1 La Confédération et les cantons peuvent disposer que les ordonnances de classement doivent être approuvées par un premier procureur ou par un procureur général.
1    La Confédération et les cantons peuvent disposer que les ordonnances de classement doivent être approuvées par un premier procureur ou par un procureur général.
2    Les parties peuvent attaquer l'ordonnance de classement dans les dix jours devant l'autorité de recours.
3    Il peut être formé opposition contre une décision de confiscation prononcée dans le cadre de l'ordonnance de classement. La procédure d'opposition est régie par les dispositions sur l'ordonnance pénale. Le tribunal statue sous la forme d'une décision ou d'une ordonnance.241
CPP); consultation des dossiers (art. 101 s
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 101 Consultation des dossiers dans le cadre d'une procédure pendante - 1 Les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public; l'art. 108 est réservé.
1    Les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public; l'art. 108 est réservé.
2    D'autres autorités peuvent consulter le dossier lorsqu'elles en ont besoin pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative pendante et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.
3    Des tiers peuvent consulter le dossier s'ils font valoir à cet effet un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.
. en lien avec l'art. 107 al. 1 let. a
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 107 Droit d'être entendu - 1 Une partie a le droit d'être entendue; à ce titre, elle peut notamment:
1    Une partie a le droit d'être entendue; à ce titre, elle peut notamment:
a  consulter le dossier;
b  participer à des actes de procédure;
c  se faire assister par un conseil juridique;
d  se prononcer au sujet de la cause et de la procédure;
e  déposer des propositions relatives aux moyens de preuves.
2    Les autorités pénales attirent l'attention des parties sur leurs droits lorsqu'elles ne sont pas versées dans la matière juridique.
CPP)

Faits:

A. Dans le contexte des évènements survenus en Tunisie en 2011, le Ministère public de la Confédération a ouvert trois procédures pénales: le 31 janvier 2011 contre D. pour blanchiment d’argent (art. 305bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
1    Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
2    Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.459
a  agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter);
b  agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent461;
c  réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent.
3    Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.462
CP), le 24 février 2011 contre E. pour blanchiment d’argent – laquelle a ensuite été étendue à l’infraction d’organisation criminelle (art. 260ter
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
1    Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
a  participe à une organisation qui poursuit le but de:
a1  commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou
a2  commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou
b  soutient une telle organisation dans son activité.
2    L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949367.
3    L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation.
4    Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation.
5    Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable.
CP) et corruption d’agents publics étrangers (art. 322septies
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 322septies - Quiconque offre, promet ou octroie un avantage indu à une personne agissant pour un État étranger ou une organisation internationale en tant que membre d'une autorité judiciaire ou autre, en tant que fonctionnaire, en tant qu'expert, traducteur ou interprète commis par une autorité, ou en tant qu'arbitre ou militaire, en faveur de cette personne ou d'un tiers, pour l'exécution ou l'omission d'un acte en relation avec son activité officielle et qui est contraire à ses devoirs ou dépend de son pouvoir d'appréciation,
CP) – et le 31 mai 2011 contre F. et G. pour blanchiment d’argent. Le 5 septembre 2011, le MPC a ordonné la jonction de ces procédures; il a décidé par la suite leur extension à plusieurs reprises pour viser notamment C., A. et B. des chefs de blanchiment d’argent et organisation criminelle considérant en bref que les valeurs patrimoniales qui étaient déposées sur les comptes de ces derniers en Suisse étaient susceptibles d’être d’origine criminelle.

Le 27 octobre 2011, le MPC a admis la République de Tunisie en qualité de partie plaignante et lui a octroyé un accès restreint au dossier, ce qui a été confirmé par la Cour de céans le 20 mars 2012 (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2011.130).

Par décision du 19 novembre 2014, cette Cour a annulé la levée des séquestres sur les comptes de A. et B. qui avait été décidée par le MPC en février 2014 (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2014.27).

B. C. est mentionné en annexe de l’Ordonnance du 25 mai 2016 du Conseil fédéral de blocage de valeurs patrimoniales dans le contexte de la Tunisie (RS 196.127.58). A. et B. y ont également figuré mais en ont été retirés le 4 février 2011.

C. Le 25 juin 2012, le MPC a adressé une demande d’entraide à la République de Tunisie notamment aux fins de connaître l’état d’éventuelles procédures tunisiennes dirigées contre les frères A., B. et C. ainsi que l’obtention de moyens de preuve. Sans réponse des autorités tunisiennes, le MPC a réitéré sa demande les 24 juin 2013, 15 juillet 2016 et 30 mars 2017. Le 10 avril 2017, les autorités tunisiennes ont transmis des informations selon lesquelles une enquête a été ouverte en janvier 2011 sous le no 1/19592 en particulier contre l’ancien président et ses proches et que cette enquête a été étendue pour comprendre 65 personnes. Les autorités requises précisaient que A. et B. n’en faisaient pas partie.

D. Le 24 juillet 2017, le MPC a adressé un avis de prochaine clôture et de levée des séquestres aux parties (act. 1.4). Le 15 août 2017, la République de Tunisie (ci-après: la Tunisie) a demandé notamment l’audition de C., A. et B. (ci-après: les frères A., B. et C.), ce à quoi le MPC a donné une suite positive le 17 octobre 2017 (act. 1.5). Ce dernier a cependant refusé le même jour l’envoi d’une nouvelle commission rogatoire en Tunisie, des auditions des gestionnaires des comptes bancaires suisses des frères A., B. et C. ainsi que des membres du conseil de la fondation dont les frères A., B. et C. sont les bénéficiaires (act. 1.5).

E. Par décision du 11 décembre 2017, le MPC a classé la procédure ouverte contre les frères A., B. et C. et a levé les séquestres sur leurs relations bancaires ainsi que radié la mention de restriction du droit d’aliéner l’immeuble inscrit au nom de la Fondation H. dont les frères A., B. et C. sont bénéficiaires (act. 1.2).

F. Par acte du 22 décembre 2017, la République de Tunisie recourt contre ce classement devant l’autorité de céans. Elle conclut préalablement à autoriser ses conseils à recevoir une copie du procès-verbal de l’audition de C. du 16 novembre 2017 et de tous documents fournis par le prévenu sur lesquels le MPC a fondé l’ordonnance de classement et, cela fait, l’autoriser à faire valoir dans un mémoire complémentaire tout nouveau motif pertinent. Elle conclut principalement à l’annulation de l’ordonnance entreprise et cela fait, à ce que les séquestres des avoirs sur les comptes concernés soient maintenus, sous suite de frais et dépens (act. 1).

G. Dans sa réponse du 22 janvier 2018, le MPC s’en rapporte à justice quant à la requête de la recourante de pouvoir avoir accès à certaines pièces du dossier et conclut pour le reste au rejet du recours (act. 8).

Par acte du 2 février 2018, E. conclut au rejet du recours sous suite de frais et dépens (act. 10). Le même jour, les frères A., B. et C. en font de même (act. 11).

H. Suite à la décision rendue le 29 janvier 2018 par le MPC faisant interdiction aux avocats qui représentaient alors la Tunisie de continuer à défendre les intérêts de cette dernière (act. 13.1), l’autorité de céans a rendu une ordonnance de suspension de la procédure de recours jusqu’à ce que le nouveau domicile de notification de la recourante en Suisse lui soit communiqué (act. 15). La procédure a été reprise le 18 juillet 2018 (act. 23).

I. Dans sa réplique du 31 août 2018, la Tunisie persiste intégralement dans ses conclusions (act. 37).

J. Invité à dupliquer, le MPC relève le 14 septembre 2018 que les pièces produites par la recourante n’apportent aucun élément nouveau. Il persiste dès lors dans ses conclusions (act. 40). Le même jour, E. conclut pour sa part à l’irrecevabilité de la réplique ainsi que des pièces produites et partant au rejet du recours (act. 41). Dans le délai prolongé au 5 octobre 2018, les frères A., B. et C. persistent dans leurs conclusions, sous suite de frais et dépens (act. 43).

Le 19 octobre 2018, la recourante fait valoir spontanément des éléments complémentaires relatifs aux procédures encore en cours en Tunisie contre C. (act. 45).

Dans un courrier du 31 octobre 2018, le MPC fait parvenir à la Cour de céans des documents émanant de la Tunisie attestant de l’état de la procédure contre C. dans ce pays (act. 47 à 47.4).

En réponse, le représentant des frères A., B. et C. fait valoir le 1er novembre 2018 qu’en dépit des documents produits par la recourante, aucune poursuite tunisienne ne serait en cours contre ses mandants et plus particulièrement contre C. (act. 48).

Le 29 janvier 2019, le mandataire des frères A., B. et C. communique à cette Cour le règlement d’exécution 2019/132 du Conseil de l’Union européenne aux termes duquel le nom de C. est radié de la liste des personnes à l’encontre desquelles des mesures restrictives ont été prises (act. 50).

Interpellés à ce sujet, le MPC persiste dans ses conclusions le 11 février 2019 (act. 53) et la recourante précise le même jour que cela n’a aucune incidence sur les poursuites en Tunisie de sorte qu’elle maintient elle aussi ses conclusions (act. 54).

Le 22 février 2019, les frères A., B. et C. font valoir que dite radiation a été motivée par le fait que C. n’est pas responsable des détournements effectués au préjudice de la recourante (act. 56).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 La Cour des plaintes, en tant qu'autorité de recours, examine avec plein pouvoir de cognition en fait et en droit les recours qui lui sont soumis (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 3 ad art. 393; Keller, Donatsch/Hansjakob/Lieber [édit.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [ci-après: Kommentar StPO], 2e éd. 2014, n° 39 ad art. 393; Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale [ci-après: Message CPP], FF 2006 1057, p. 1296 in fine). Aux termes de l'art. 393 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
1    Le recours est recevable:
a  contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions;
b  contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure;
c  contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte, pour autant que le présent code ne les qualifie pas de définitives.
2    Le recours peut être formé pour les motifs suivants:
a  violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié;
b  constatation incomplète ou erronée des faits;
c  inopportunité.
CPP, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), la constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) ou l'inopportunité (let. c).

1.2 Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours (art. 396 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 396 Forme et délai - 1 Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours.
1    Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours.
2    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai.
CPP). Déposé le 22 décembre 2017 contre une ordonnance de classement du 11 décembre 2017, le recours a été interjeté en temps utile.

1.3 Les frères A., B. et C. doutent de la qualité pour agir de la Tunisie: cette dernière ne serait pas directement touchée par les infractions poursuivies soit la participation à une organisation criminelle et le blanchiment d’argent (act. 11 p. 10; act. 43 p. 3).

1.3.1 Selon le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1B_489/2011 du 24 janvier 2012 consid 2.1), les ordonnances de classement peuvent faire l'objet d'un recours en vertu de l'art. 393 al. 1 let. a
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
1    Le recours est recevable:
a  contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions;
b  contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure;
c  contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte, pour autant que le présent code ne les qualifie pas de définitives.
2    Le recours peut être formé pour les motifs suivants:
a  violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié;
b  constatation incomplète ou erronée des faits;
c  inopportunité.
CPP de la part de « toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à [leur] annulation ou à [leur] modification » (art. 382 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 382 Qualité pour recourir des autres parties - 1 Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
1    Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
2    La partie plaignante ne peut pas interjeter recours sur la question de la peine ou de la mesure prononcée.
3    Si le prévenu, le condamné ou la partie plaignante décèdent, leurs proches au sens de l'art. 110, al. 1, CP268 peuvent, dans l'ordre de succession, interjeter recours ou poursuivre la procédure à condition que leurs intérêts juridiquement protégés aient été lésés.
CPP). La qualité pour recourir de la partie plaignante contre une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière est ainsi subordonnée à la condition qu'elle soit directement touchée par l'infraction et puisse faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision. En règle générale seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 129 IV 95 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (Message CPP, p. 1148). En revanche, lorsque l'infraction protège en première ligne l'intérêt collectif, les particuliers ne sont considérés comme lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par les actes en cause, de sorte que leur dommage apparaît comme la conséquence directe de l'acte dénoncé (ATF 129 IV 95 consid. 3.1 et les arrêts cités; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2015.68 du 7 juillet 2016 consid. 1.3).

1.3.2 N’en déplaise aux intimés, par décision BB.2011.130 du 20 mars 2012, la Cour de céans a confirmé la décision du MPC admettant la qualité de partie plaignante de la République de Tunisie dans l'enquête en cours. Elle considérait notamment que « [...] il est admis que les droits de la République de Tunisie peuvent avoir été lésés tant par l'infraction supposée de blanchiment d'argent (consid. 2.3.1) que par celle d’organisation criminelle (consid. 2.3.2) ». Par conséquent, dans la mesure où les relations bancaires encore bloquées aujourd’hui l'ont été à ces titres et que la République de Tunisie serait possiblement touchée par la restitution des sommes séquestrées à d'autres parties à la procédure, elle est légitimée à contester l'ordonnance rendue par le MPC.

1.4 Partant, le recours est recevable.

2. Dans ses conclusions du 22 décembre 2017, la recourante a demandé à pouvoir obtenir une copie du procès-verbal de l’audition de C. intervenue le 16 novembre 2017 et de tous documents fournis par le prévenu sur lesquels le MPC a fondé l’ordonnance de classement (act. 1 p. 2). Les intimés tiennent cette requête pour dilatoire dans la mesure où selon eux les représentants de la recourante auraient participé à dite audition.

A cet égard, il convient de rappeler d’abord que la recourante n’a encore aujourd’hui qu’un accès restreint au dossier qu’elle ne peut en effet que consulter sans pouvoir lever de copies (supra let. A; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2011.130 déjà citée). Or, le MPC a relevé à plusieurs reprises que la recourante a pu consulter le dossier selon les modalités susmentionnées. Force est donc de conclure que la recourante a eu accès aux pièces dont elle demande ici la production et ce en parfaite adéquation avec le cadre restreint de son accès au dossier. Par ailleurs, elle était dûment représentée lors de l’audition de C. en novembre 2017 (pièce MPC 13.101-0003). Elle ne saurait obtenir plus dans le cadre de la présente procédure de recours. Par conséquent, sa requête est rejetée.

3. A l’appui de sa réplique, la recourante a produit deux nouvelles pièces. Les intimés en contestent la validité pour cause de tardiveté.

3.1 Les dispositions générales sur les voies de recours (art. 379
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 379 Dispositions applicables - Sauf disposition spéciale, les dispositions générales du présent code s'appliquent par analogie à la procédure de recours.
-392
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 392 Extension du champ d'application de décisions sur recours - 1 Lorsque, dans une même procédure, un recours a été interjeté par certains des prévenus ou des condamnés seulement et qu'il a été admis, la décision attaquée est annulée ou modifiée également en faveur de ceux qui n'ont pas interjeté recours aux conditions suivantes:
1    Lorsque, dans une même procédure, un recours a été interjeté par certains des prévenus ou des condamnés seulement et qu'il a été admis, la décision attaquée est annulée ou modifiée également en faveur de ceux qui n'ont pas interjeté recours aux conditions suivantes:
a  l'autorité de recours juge différemment les faits;
b  les considérants valent aussi pour les autres personnes impliquées.
2    Avant de rendre sa décision, l'autorité de recours entend s'il y a lieu les prévenus ou les condamnés qui n'ont pas interjeté recours, le ministère public et la partie plaignante.
CPP) ne prévoient aucune réglementation restrictive concernant le sort des faits et moyens de preuve nouveaux. Ainsi, l'art. 385 al. 1 let. c
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 385 Motivation et forme - 1 Si le présent code exige que le recours soit motivé, la personne ou l'autorité qui recourt indique précisément:
1    Si le présent code exige que le recours soit motivé, la personne ou l'autorité qui recourt indique précisément:
a  les points de la décision qu'elle attaque;
b  les motifs qui commandent une autre décision;
c  les moyens de preuves qu'elle invoque.
2    Si le mémoire ne satisfait pas à ces exigences, l'autorité de recours le renvoie au recourant pour qu'il le complète dans un bref délai. Si, après l'expiration de ce délai supplémentaire, le mémoire ne satisfait toujours pas à ces exigences, l'autorité de recours n'entre pas en matière.
3    La désignation inexacte d'une voie de recours est sans effet sur sa validité.
CPP prescrit uniquement au recourant d'indiquer, précisément mais sans autre restriction, les moyens de preuve qu'il invoque. Pour sa part, l'autorité se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (art. 389 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 389 Compléments de preuves - 1 La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
1    La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
2    L'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée que si:
a  les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes;
b  l'administration des preuves était incomplète;
c  les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables.
3    L'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours.
CPP). L'administration des preuves peut être répétée aux conditions de l'art. 389 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 389 Compléments de preuves - 1 La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
1    La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
2    L'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée que si:
a  les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes;
b  l'administration des preuves était incomplète;
c  les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables.
3    L'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours.
CPP et l'autorité peut administrer d'office ou sur requête les preuves nécessaires au traitement du recours (al. 3). Les dispositions relatives au recours au sens strict (art. 393
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
1    Le recours est recevable:
a  contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions;
b  contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure;
c  contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte, pour autant que le présent code ne les qualifie pas de définitives.
2    Le recours peut être formé pour les motifs suivants:
a  violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié;
b  constatation incomplète ou erronée des faits;
c  inopportunité.
-397
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 397 Procédure et décision - 1 Le recours fait l'objet d'une procédure écrite.
1    Le recours fait l'objet d'une procédure écrite.
2    Si l'autorité admet le recours, elle rend une nouvelle décision ou annule la décision attaquée et la renvoie à l'autorité inférieure qui statue.
3    Si elle admet un recours contre une ordonnance de classement, elle peut donner des instructions au ministère public ou à l'autorité pénale compétente en matière de contraventions quant à la suite de la procédure.
4    Si elle constate un déni de justice ou un retard injustifié, elle peut donner des instructions à l'autorité concernée en lui impartissant des délais pour s'exécuter.
5    L'autorité de recours statue dans les six mois.272
CPP) ne posent pas non plus de prescriptions particulières en matière de faits et de moyens de preuve nouveaux. Ainsi, le Code de procédure pénale a instauré de manière générale des voies de recours permettant à l'autorité cantonale de deuxième instance de disposer d'un plein pouvoir d'examen. Le législateur a renoncé à introduire un régime restrictif en matière d'allégations et de preuves nouvelles, sauf dans le cas très particulier de l'art. 398 al. 4
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 398 Recevabilité et motifs d'appel - 1 L'appel est recevable contre les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure, contre les décisions judiciaires ultérieures indépendantes et contre les décisions de confiscation indépendantes.273
1    L'appel est recevable contre les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure, contre les décisions judiciaires ultérieures indépendantes et contre les décisions de confiscation indépendantes.273
2    La juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement.
3    L'appel peut être formé pour:
a  violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié;
b  constatation incomplète ou erronée des faits;
c  inopportunité.
4    Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite.
5    Si un appel ne porte que sur les conclusions civiles, la juridiction d'appel n'examine le jugement de première instance que dans la mesure où le droit de procédure civile applicable au for autoriserait l'appel.
CPP. Par conséquent, le Tribunal fédéral a déjà retenu qu’il faut admettre que le recourant peut produire devant l'instance de recours des faits et des moyens de preuve nouveaux dont il ne pouvait se prévaloir auparavant (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3; 1B_768/2012 du 13 janvier 2013 consid. 2.1 rendu en matière de détention provisoire et la doctrine citée; 1B_332/2013 du 20 décembre 2013 consid. 6.2; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2012.52 du 6 novembre 2012 consid. 4.2).

3.2 En l’occurrence, les pièces nouvellement produite par la recourante sont d’abord un rapport du 26 mars 2016 établi dans le cadre de la procédure ouverte en France dans le même complexe de faits (act. 37.1). Compte tenu du fait que celui-ci date de 2016, soit d’avant le dépôt du recours, cette pièce ne peut être prise en considération. La seconde (act. 37.2) consiste en une liste des biens confisqués à « I. et ses fils » établie par la Commission de confiscation tunisienne le 29 août 2018 qui, au vu des développements qui précèdent, n’a pas lieu d’être écartée du dossier.

4. Aux termes de l’art. 319 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 319 Motifs de classement - 1 Le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure:
1    Le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure:
a  lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi;
b  lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis;
c  lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu;
d  lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus;
e  lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales.
2    À titre exceptionnel, le ministère public peut également classer la procédure aux conditions suivantes:
a  l'intérêt d'une victime qui était âgée de moins de 18 ans à la date de commission de l'infraction l'exige impérieusement et le classement l'emporte manifestement sur l'intérêt de l'État à la poursuite pénale;
b  la victime ou, si elle n'est pas capable de discernement, son représentant légal a consenti au classement.
CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (let. b).

4.1 Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime « in dubio pro duriore » qui s’impose tant à l’autorité de poursuite qu’à l’autorité de recours durant l’instruction (ATF 138 IV 186 consid. 4.2.1); à l’inverse, le principe « in dubio pro reo » n’est pas applicable à ce stade (Message CPP, p. 1255). Cette maxime exige qu’en cas de doute quant aux faits pertinents ou au droit applicable, l’intimé soit mis en accusation. En effet, en cas de doute, il n’appartient pas à l’autorité d’instruction ou d’accusation de se prononcer, mais au juge du fond. Pratiquement, une mise en accusation s’impose lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 et les références citées; 138 IV 86 consid. 4.1.1). Lorsque les probabilités d’un acquittement et d’une condamnation apparaissent équivalentes et pour autant qu’une ordonnance pénale n’entre pas en considération (art. 352 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 352 Conditions - 1 Le ministère public rend une ordonnance pénale si, durant la procédure préliminaire, le prévenu a admis les faits ou que ceux-ci sont établis et que, incluant une éventuelle révocation d'un sursis ou d'une libération conditionnelle, il estime suffisante l'une des peines suivantes:
1    Le ministère public rend une ordonnance pénale si, durant la procédure préliminaire, le prévenu a admis les faits ou que ceux-ci sont établis et que, incluant une éventuelle révocation d'un sursis ou d'une libération conditionnelle, il estime suffisante l'une des peines suivantes:
a  une amende;
b  une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus;
c  ...
d  une peine privative de liberté de six mois au plus.
2    Chacune de ces peines peut être ordonnée conjointement à une mesure au sens des art. 66 et 67e à 73 CP249.250
3    Les peines prévues à l'al. 1, let. b à d, peuvent être ordonnées conjointement si la totalité de la peine prononcée n'excède pas une peine privative de liberté de six mois. Une amende peut être infligée en sus.
CPP), le ministère public est également tenu de mettre l’intimé en accusation en application de l’art. 324
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 324 Principes - 1 Le ministère public engage l'accusation devant le tribunal compétent lorsqu'il considère que les soupçons établis sur la base de l'instruction sont suffisants et qu'une ordonnance pénale ne peut être rendue.
1    Le ministère public engage l'accusation devant le tribunal compétent lorsqu'il considère que les soupçons établis sur la base de l'instruction sont suffisants et qu'une ordonnance pénale ne peut être rendue.
2    L'acte d'accusation n'est pas sujet à recours.
CPP, ce d’autant plus lorsque les infractions sont graves (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2). L’autorité de recours ne saurait ainsi confirmer un classement au seul motif qu’une condamnation n’apparaît pas plus probable qu’un acquittement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1; 6B_1177/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1; 6B_1356/2016 du 5 janvier 2018 consid. 3.3.3, non publié in ATF 144 I 37).

4.2 Dans les procédures où l’accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s’opposent celles du prévenu, et lorsqu’il n’est pas possible d’estimer que certaines dispositions sont plus crédibles que d’autres, le principe « in dubio pro duriore » impose en règle générale que l’intimé soit mis en accusation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2). Cela vaut en particulier lorsqu’il s’agit de délits commis typiquement « entre quatre yeux » pour lesquels il n’existe souvent aucune preuve objective (arrêts du Tribunal fédéral 6B_874/2017 précité consid. 5.1; 6B_698/2016 du 10 avril 2017 consid. 2.4.2). Il peut toutefois exceptionnellement être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, lorsqu’une condamnation apparaît au vu de l’ensemble des circonstances a priori improbable pour d’autres motifs (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 et les références citées) ou encore lorsqu’il n’est pas possible de se prononcer sur la crédibilité des différentes déclarations et qu’il y a lieu de penser qu’une administration des preuves complémentaire ne donnera aucun résultat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1356/2016 précité consid. 3.3.3; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2017.100 du 5 octobre 2017 consid. 3.1).

5. Le litige porte sur la question de savoir si c’est à bon droit que le MPC a classé la procédure ouverte contre les intimés pour organisation criminelle (art. 260ter
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
1    Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
a  participe à une organisation qui poursuit le but de:
a1  commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou
a2  commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou
b  soutient une telle organisation dans son activité.
2    L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949367.
3    L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation.
4    Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation.
5    Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable.
CP) et blanchiment d’argent (art. 305bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
1    Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
2    Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.459
a  agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter);
b  agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent461;
c  réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent.
3    Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.462
CP).

5.1

5.1.1 A teneur de l’art. 260ter
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
1    Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
a  participe à une organisation qui poursuit le but de:
a1  commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou
a2  commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou
b  soutient une telle organisation dans son activité.
2    L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949367.
3    L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation.
4    Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation.
5    Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable.
CP, celui qui aura participé à une organisation qui tient sa structure et son effectif secrets et qui poursuit le but de commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels (al. 1), celui qui aura soutenu une telle organisation dans son activité criminelle (al. 2) sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

5.1.2 La notion d’organisation criminelle implique d’abord l’existence d’un groupe structuré de trois personnes au minimum, généralement plus, conçu pour durer indépendamment d’une modification de la composition de ses effectifs et se caractérisant notamment par la soumission à des règles, une répartition des tâches, l’absence de transparence ainsi que par le professionnalisme qui prévaut aux différents stades de son activité criminelle (ATF 132 IV 132 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_422/2013 du 6 mai 2014 consid. 8.2.1). Il faut de plus que cette organisation tienne sa structure et son effectif secret. Il doit s’agir d’une dissimulation qualifiée et systématique qui ne porte pas nécessairement sur l’existence de l’organisation elle-même mais sur sa structure interne et le cercle de ses membres auxiliaires (ATF 132 IV 132 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_422/2013 ibidem). En outre, l’organisation doit poursuivre le but de commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels. L’enrichissement par des moyens criminels suppose que l’organisation s’efforce de se procurer des avantages patrimoniaux illégaux en commettant des crimes, notamment contre le patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 6B_422/2013 du 6 mai 2013 ibidem).

Selon la jurisprudence, une participation occasionnelle à une opération déterminée ne suffit pas; participe comme membre de l’organisation celui qui s’y intègre et y déploie une activité concourant à la poursuite du but criminel de l’organisation. Il faut une coopération avec l’organisation qui indique l’appartenance à celle-ci (ATF 132 IV 132 consid. 4.1.3; 129 IV 271 consid. 2.4). Contrairement au participant, la personne qui soutient n’est pas intégrée à la structure de l’organisation criminelle. De son côté, le soutien au sens de l’art. 260ter ch. 1 al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
1    Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque:
a  participe à une organisation qui poursuit le but de:
a1  commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou
a2  commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou
b  soutient une telle organisation dans son activité.
2    L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949367.
3    L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation.
4    Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation.
5    Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable.
CP vise les personnes qui ne sont pas intégrées dans la structure de l’organisation mais qui contribuent consciemment à la réalisation des activités de celles-ci (ATF 132 IV 132 consid 4.1.4).

5.2 L’art. 305bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
1    Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
2    Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.459
a  agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter);
b  agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent461;
c  réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent.
3    Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.462
CP prévoit pour sa part que celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. En se référant aux principes dégagés en matière de confiscation des valeurs patrimoniales au sens de l’art. 70 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 70 - 1 Le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.
1    Le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.
2    La confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive.
3    Le droit d'ordonner la confiscation de valeurs se prescrit par sept ans, à moins que la poursuite de l'infraction en cause ne soit soumise à une prescription d'une durée plus longue; celle-ci est alors applicable.
4    La décision de confiscation fait l'objet d'un avis officiel. Les prétentions de lésés ou de tiers s'éteignent cinq ans après cet avis.
5    Si le montant des valeurs soumises à la confiscation ne peut être déterminé avec précision ou si cette détermination requiert des moyens disproportionnés, le juge peut procéder à une estimation.
CP, la jurisprudence a déduite qu’en matière de blanchiment d’argent (art. 305bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
1    Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455
2    Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.459
a  agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter);
b  agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent461;
c  réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent.
3    Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.462
CP), il doit exister entre le crime et l’obtention des valeurs patrimoniales un rapport de causalité tel que la seconde apparaît comme la conséquence directe et immédiate du premier (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.3.2; 137 IV 79 consid. 3.2). En ce qui concerne le blanchiment des valeurs patrimoniales d’une organisation criminelle, la preuve de l’existence d’un crime préalable suffit, sans toutefois que la connaissance précise de celui-ci ou de son auteur soit nécessaire (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.3.2 p. 8). Dans le contexte particulier du blanchiment des valeurs patrimoniales d’une organisation criminelle, il faut se demander si les valeurs patrimoniales auraient pu être obtenues sans les crimes commis par l’organisation (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.3.3).

5.3 En l’espèce, le MPC a retenu dans son ordonnance de classement que A. et B., respectivement leurs activités respectives au sein des différentes sociétés fondées par feu leur père (ci-après: le Groupe) n’ont soulevé aucun soupçon et n’ont jamais fait l’objet de poursuites pénales en Tunisie. Par ailleurs, si la privatisation d’une des sociétés du Groupe – J. – a fait l’objet d’une instruction, C. a, dans ce contexte, bénéficié de la prescription. En outre, malgré la chute de l’ex-président Ben Ali, le Groupe a continué de prospérer. Le MPC a relevé également que la Fondation H. a été créée en 1955 et que les comptes suisses de cette dernière ont été alimentés par les loyers de l’immeuble qu’elle détient à Zurich. L’analyse des transactions effectuées sur les comptes bancaires des intimés n’aurait pas permis de mettre en évidence des éléments étayant l’appartenance, respectivement un soutien de la part des intimés à une organisation criminelle. Le mariage de C. avec la fille de l’ex-président tunisien ne saurait constituer un lien suffisant à cet égard. Le MPC précise encore qu’aucun élément concret ne permet de lier les fonds versés sur les comptes des intimés avec une quelconque activité criminelle opérée en Tunisie. En particulier, les versements effectués sur leurs comptes en Suisse proviendraient essentiellement de partenaires d’affaires internationaux et sociétés commerciales liées aux activités du Groupe qui n’ont pas fait l’objet de soupçon en Tunisie ou pour lesquels la procédure est close. La Tunisie n’aurait amené aucun élément permettant de contredire ces conclusions. La recourante conteste cette interprétation qui selon elle s’écarte des conclusions figurant dans les différents rapports commandés par le MPC lui-même. Elle fait valoir en outre que des procédures sont encore en cours contre C. et que les déclarations contraires que ce dernier aurait pu tenir à ce propos sont fausses. Quant aux frères A., B. et C., ils retiennent qu’aucun élément concret justifiant une mise en accusation n’est établi. Selon eux, le MPC n’a pas constaté que les activités du Groupe auraient prospéré grâce au système mis en place pendant le régime Ben Ali., le seul mariage de C. avec la fille de l’ex-président ne constituant pas un lien suffisant. Dès lors, les soupçons à leur encontre ne se sont pas
renforcés de sorte que les conditions du maintien des séquestres ne sont pas réalisées; les mesures de contrainte doivent donc être levées car devenues disproportionnées.

5.4

5.4.1 Il ressort des éléments au dossier que l’ancien président Ben Ali, respectivement ses proches se sont enrichis via un réseau d’entreprises et investissaient principalement dans les secteurs économiques procurant des gains comme le secteur des banques et des assurances, la finance, les télécommunications ou la grande distribution. L’ancien président et son épouse ont fait en sorte d’éviter qu’une ou plusieurs personnes, respectivement familles, n’aient une position de monopole dans l’un des secteurs de l’économie tunisienne. Ce mode de fonctionnement était fait pour durer.

5.4.2 Les intimés sont pour leur part les héritiers de feu K. décédé en 1999. Ce dernier a fondé dans les années 1950 un conglomérat dénommé « groupe A., B. et C. » (ci-après: le Groupe) actif principalement dans les domaines agro-alimentaires (biscuits, chocolat et fromage), la distribution (grande distribution et automobile) et les services. Avant 1995, seule trois entreprises faisaient partie du Groupe. Au décès de K., les secteurs du Groupe ont été diversifiés s’y ajoutant la banque assurance, le tourisme et le transport aérien. Le Groupe réalise la majorité de ses profits au travers de ses activités d’importations et de production dans les trois domaines principaux précités ainsi qu’avec des commissions liées à la distribution de véhicules à l’extérieur de la Tunisie. Dans ce secteur, le Groupe fait office d’intermédiaire pour les groupes L. et M., activités qui rapportent entre USD 6 à 10 mios par années (pièce MPC 11-00-118). Il s’occupe également d’importation de voitures de tourisme et de fabrication sous licence de bus L. et M. pour environ USD 100 mios par an (pièce MPC 11-00-0121). Entre 1995 et 2000, le Groupe a enregistré une hausse de son chiffre d’affaire passant de CHF 32 mios à CHF 854 mios. Les frères A., B. et C. travaillent en commun, se répartissent les responsabilités et le fruit de leur activité. Le Groupe est l’un des acteurs économiques les plus importants en Tunisie et emploie environ 12'000 personnes. Il travaille notamment avec l’Allemagne, la France, l’Italie et la Suisse. En […], C. a épousé N., fille de Ben Ali Ce mariage est aujourd’hui dissout.

5.4.3 Dans le cadre de la procédure suisse, un rapport du CCEF du 1er mai 2013 a analysé 20 relations bancaires liées aux intimés composées de 42 comptes et de 15 dépôts. A l’époque, les fonds faisant l’objet d’un blocage se montaient à environ CHF 9,6 mios. Les conclusions dudit rapport étaient qu’il ne pouvait se prononcer sur d’éventuels avantages ou protections gouvernementaux qui auraient permis au Groupe de se développer de manière importante depuis le mariage de C. avec la fille de l’ex-président Ben Ali, le Groupe étant par ailleurs très actif dans le domaine bancaire. Il précisait en outre que les comptes personnels des intimés ont enregistré plusieurs dizaines de mios de francs de virements en provenance directe ou indirecte de partenaires d’affaire, pour la plupart des grands groupes internationaux. Ces virements y étaient décrits comme des commissions, des commissions occultes, des droits d’exclusivité, des montants payés suite à des contrats de non concurrence, des commissions liées à des surfacturations et des commissions d’exportations/importations. Une fois versées sur les comptes suisses, ces commissions étaient équitablement réparties entre les trois frères (pièces MPC 11-00-0179 à 0181).

5.4.4 En Tunisie, après les évènements de 2011, des enquêtes ont été ouvertes dans lesquelles C. a été impliqué. Le 25 février 2015, la Cour d’appel de Tunis a ordonné que la cause instruite contre ce dernier soit disjointe de la procédure principale no 1/19592 ouverte notamment contre Ben Ali. La nouvelle procédure a été référencée sous le numéro 593/1 (act. 47.1). Cette procédure était ouverte en raison du fait que le prévenu usait du lien de parenté ou d’alliance avec l’ancien président tunisien afin de conclure des contrats fictifs et des marchés publics contrairement aux dispositions légales dans les domaines des marchés publics concernant les grands travaux de l’Etat, les terres, domaines de ce dernier, et l’import-export en relation avec les douanes (act. 47.1). Dans ce contexte, l’intimé a été entendu le 27 septembre 2016 (act. 1.8) puis le 13 septembre 2018 par le Juge d’instruction (act. 47.1). Les investigations ne semblent pas particulièrement soutenues et on ignore aujourd’hui où elles en sont. Certes, la recourante produit à ce sujet un procès-verbal (act. 45.2), mais il est libellé en arabe; elle n’en a pas fourni de traduction exhaustive (act. 45.3) dans une langue officielle suisse de sorte qu’il n’est pas utilisable (art. 3
SR 173.71 Loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (Loi sur l'organisation des autorités pénales, LOAP) - Loi sur l'organisation des autorités pénales
LOAP Art. 3 Langue de la procédure - 1 La langue de la procédure est le français, l'italien ou l'allemand.
1    La langue de la procédure est le français, l'italien ou l'allemand.
2    Le Ministère public de la Confédération détermine la langue de la procédure à l'ouverture de l'instruction. Il prend notamment en compte:
a  les connaissances linguistiques des participants à la procédure;
b  la langue dans laquelle les pièces essentielles du dossier sont établies;
c  la langue en usage au lieu où les premiers actes d'instruction ont été accomplis.
3    Une fois déterminée, la langue de la procédure est utilisée jusqu'à la clôture de la procédure par une décision entrée en force.
4    À titre exceptionnel, il est possible de changer de langue de la procédure pour de justes motifs, notamment en cas de jonction ou de disjonction de procédures.
5    La direction de la procédure peut ordonner que certains actes de procédure soient accomplis dans une des autres langues visées à l'al. 1.
6    La langue de la procédure devant le tribunal des mesures de contrainte est déterminée par le droit cantonal.
de la loi fédérale sur l’organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP]; RS 173.71). On ignore donc les faits sur lesquels il porte; aussi ne saurait il avoir la force probante que la recourante souhaiterait lui donner. Celle-ci a produit également une autre attestation du 13 septembre 2018 faisant référence à une procédure no 396/39 dans laquelle l’intimé est également impliqué du chef de complicité d’abus de qualité par un fonctionnaire public et de ce fait se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l’administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l’avantage ou de préjudice précité (act. 47.3). Même si l’attestation y relative, fait mention de faits commis avant le 14 janvier 2011, on ne peut distinguer à quoi se réfère cette nouvelle procédure. Or, une procédure a bien été ouverte contre C. et l’ex-président Ben Ali pour la même infraction relative à l’abus de sa fonction par un fonctionnaire public, mais le Tribunal criminel de Tunis a déclaré
en ce qui concerne C. que l’action était prescrite et a prononcé l’acquittement de Ben Ali. La Cour d’appel de Tunis a confirmé ce jugement le 12 février 2014. La Cour de cassation de Tunis a rejeté les pourvois du ministère public et du chef du contentieux de l’Etat contre ce jugement le 5 novembre 2015 (act. 11 p. 7 et 17). Dans le contexte de ces enquêtes, il est vrai que les biens de l’intimé ont été saisis en application du Décret-loi tunisien du 14 mars 2011 portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles (act. 1.9). Il apparaît toutefois que dans son audition du 16 novembre 2017, C. a précisé que désormais tous ses biens sont à sa libre disposition et toutes les interdictions de voyager qui avaient été prononcées à son encontre ont été levées (pièces MPC 13.101-0005 et 0006; voir également act. 43.1 et 43.2). La recourante ne le conteste d’ailleurs pas. En outre, en janvier 2019, le nom de C. a été radié du règlement d’exécution du Conseil de l’Union européenne concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes au regard de la situation en Tunisie (act. 52.1). Il découle de ce qui précède que s’il semble que des procédures sont encore ouvertes en Tunisie contre le précité, on peine cependant à discerner d’abord quelles en sont les raisons et sur quels faits elles portent exactement. Par ailleurs, les informations fournies ne permettent pas de savoir à quel stade exact en sont ces investigations ni ce qu’elles ont pu apporter comme élément démontrant une favorisation de C. et du Groupe grâce à leur contact avec la famille de l’ex-président Ben Ali ni de leur éventuel soutien à l’égard de cette dernière.

5.4.5 S’agissant des poursuites ouvertes en Tunisie contre A. et B., il ressort des éléments au dossier et notamment des renseignements fournis aux autorités suisses par la recourante elle-même que les intimés n’avaient, en février 2014, jamais été entendus dans le cadre des procédures alors ouvertes dans ce pays. En outre, en avril 2017 ce dernier a précisé que les précités ne figuraient pas non plus parmi les personnes à l’encontre desquelles l’enquête ouverte en janvier 2011 sous le no 1/19592 contre l’ancien président et ses proches a été étendue. Les deux intimés n’ont par ailleurs pas été visés par le Décret-loi tunisien du 14 mars 2011 portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles qui visaient pourtant 114 personnes dont leur frère C. (act. 1.9 p. 340). Les intimés ne figurent du reste pas sur la liste fournie par la recourante faisant inventaire des biens confisqués en lien avec la famille de A., B. et C. (act. 37.2). Il faut donc admettre qu’il n’y a pas de poursuites dirigées contre A. et B. en Tunisie.

5.4.6 La recourante fait valoir que ces différents éléments ne suffisent pas pour exonérer les intimés de toute charge. Il convient cependant de relever qu’elle n’a pas fourni d’indications plus récentes à leurs propos qui permettraient de contredire ces informations. Elle invoque certes que pour pouvoir aller de l’avant, elle dépend des informations que la Suisse pourrait lui livrer (act. 1 no 17). Cet argument ne peut être qu’écarté. En effet, depuis 2011, elle aurait eu la possibilité de réunir des informations nécessaires pour pouvoir procéder contre les intimés. Par ailleurs, l’absence d’information de la part des autorités helvétiques qu’elle allègue ne l’a pas empêchée d’ouvrir une procédure contre C.. Ainsi, force est de constater que s’agissant de A. et B., respectivement de leurs activités au sein du Groupe, ils n’ont pas soulevé de soupçon ni fait l’objet d’instructions pénales en Tunisie. Les soupçons d’une appartenance ou d’un soutien à une organisation criminelle de leur part ne sont donc pas avérés.

5.5 L’ordonnance entreprise a ordonné la levée des séquestres sur différents comptes au nom des intimés, déblocages que la recourante conteste.

5.5.1 Le séquestre prévu aux art. 263 ss
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 263 Principe - 1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
1    Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
a  qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves;
b  qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités;
c  qu'ils devront être restitués au lésé;
d  qu'ils devront être confisqués;
e  qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'État selon l'art. 71 CP149.
2    Le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d'urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l'ordre doit être confirmé par écrit.
3    Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l'intention du ministère public ou du tribunal.
CPP est une mesure conservatoire provisoire. Conformément à l'art. 263 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 263 Principe - 1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
1    Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
a  qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves;
b  qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités;
c  qu'ils devront être restitués au lésé;
d  qu'ils devront être confisqués;
e  qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'État selon l'art. 71 CP149.
2    Le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d'urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l'ordre doit être confirmé par écrit.
3    Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l'intention du ministère public ou du tribunal.
CPP, les objets et valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (let. a), pour garantir le paiement des frais de procédure, peines pécuniaires, amendes et indemnités (let. b), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c), respectivement qu'ils pourraient faire l'objet d'une confiscation en application du droit pénal fédéral (let. d). Dès lors qu'il s'agit d'une mesure de contrainte au sens des art. 196 ss
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 196 Définition - Les mesures de contrainte sont des actes de procédure des autorités pénales qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes intéressées; elles servent à:
a  mettre les preuves en sûreté;
b  assurer la présence de certaines personnes durant la procédure;
c  garantir l'exécution de la décision finale.
CPP, pour pouvoir être mise en œuvre, il faut que des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (art. 197 al. 1 let. b
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 197 Principes - 1 Les mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'aux conditions suivantes:
1    Les mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'aux conditions suivantes:
a  elles sont prévues par la loi;
b  des soupçons suffisants laissent présumer une infraction;
c  les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères;
d  elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction.
2    Les mesures de contrainte qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui n'ont pas le statut de prévenu sont appliquées avec une retenue particulière.
CPP) et permettent de suspecter que les valeurs patrimoniales en cause ont servi à commettre celle-ci ou en sont le produit, indépendamment du fait que les infractions aient été commises par leur détenteur ou par un tiers (arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2005.42 du 14 septembre 2005 consid. 2.1; Heimgartner, Strafprozessuale Beschlagnahme, 2011, p. 125 ss).

5.5.2 Pour que le maintien du séquestre pendant une période prolongée se justifie, il importe que ces présomptions se renforcent en cours d'enquête et que l'existence d'un lien de causalité adéquat entre les valeurs saisies et les actes délictueux puisse être considéré comme hautement vraisemblable (ATF 122 IV 91 consid. 4; TPF 2010 22 consid. 2.1; Schmid/Jositsch, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd. 2017, n° 5 ad art. 263
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 263 Principe - 1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
1    Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
a  qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves;
b  qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités;
c  qu'ils devront être restitués au lésé;
d  qu'ils devront être confisqués;
e  qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'État selon l'art. 71 CP149.
2    Le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d'urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l'ordre doit être confirmé par écrit.
3    Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l'intention du ministère public ou du tribunal.
CPP; Lembo/Julen Berthod, Kuhn/Jeanneret [édit.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 26 ad art. 263
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 263 Principe - 1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
1    Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable:
a  qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves;
b  qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités;
c  qu'ils devront être restitués au lésé;
d  qu'ils devront être confisqués;
e  qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'État selon l'art. 71 CP149.
2    Le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d'urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l'ordre doit être confirmé par écrit.
3    Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l'intention du ministère public ou du tribunal.
CPP). Tant que subsiste un doute sur la part des fonds qui pourrait provenir d'une activité criminelle, l'intérêt public commande que ceux-ci demeurent à la disposition de la justice (TPF 2010 22 consid. 2.1; arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2008.98 du 8 avril 2009 consid. 3; Moreillon/Dupuis/Mazou, La pratique judiciaire du Tribunal pénal fédéral, JdT 2012 IV 5 n° 43). En revanche, selon la jurisprudence, un séquestre peut apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit se poursuit sans motif suffisant (ATF 132 I 229 consid. 11.6).

5.6 Ainsi que précisé supra (consid. 5.4.2), les comptes personnels des frères A., B. et C. ont enregistré de la fin des années 1990 à 2010 plusieurs dizaines de mios de francs de virements en provenance de partenaires d’affaire du Groupe. Des crédits d’un montant total d’environ EUR 33,4 mios, CHF 2,4 mios, USD 3,7 mios ont été transférés à ce titre pour la plupart en faveur de quatre relations principales. Il ressort de la documentation bancaire figurant au dossier que c’est uniquement le mariage entre la fille de l’ex-président Ben Ali et C. en […] qui a eu pour conséquence que ce dernier ainsi que ses frères ont été considérés comme suspects et a ultérieurement entraîné les blocages sur les comptes suivants:

5.6.1 la relation bancaire no 1. ouverte en novembre 2002 au nom de A. auprès de la banque P. SA. Son frère B. a eu une procuration sur ce compte jusqu’en février 2011. Il s’agissait d’un compte privé sur lequel pourtant ont été créditées des commissions de la part d’entreprises commerciales en raison de l’activité déployée par le Groupe avec ses partenaires étrangers. Une redistribution aux autres frères A., B. et C. était prévue d’emblée (pièce MPC 11-01-01-0310). L’intimé a précisé lors d’une rencontre en 2004 avec le représentant de la banque, que certaines des entrées de fonds attendues constituaient des commissions occultes sur des contrats de vente en lien avec les activités du Groupe (pièce MPC 11-01-01-0311). Sur la base des éléments au dossier, le compte en question a encaissé divers versements d’entreprises internationales telles Q., R. (pièce MPC 11-00-0041), S. (pièce MPC 11-00-0045), entreprises en lien avec le secteur agroalimentaire qui est une des principales branches d’activités du Groupe. Par ailleurs, différents transferts en faveur de comptes des autres frères sont intervenus peu de temps après réception desdits virements (pièce MPC 11-00-0047) et ce, pour un tiers chacun. Or, à ce propos, C. a rappelé lors de son audition que, hormis pour les deux sociétés du Groupe cotées en bourse, ils sont, ses frères et lui, les actionnaires de toutes leurs sociétés (pièce MPC 13.101-0016);

5.6.2 la relation no 2. ouverte auprès de la Banque T. par le père des intimés en 1983. Après son décès, les frères A., B. et C. en sont devenus les ayants droit économiques (pièce MPC 11-00-0056). Le compte a enregistré entre 2003 et 2010 des entrées de fonds équivalentes à EUR 9'493’719.-- pour des sorties à hauteur de EUR 9'259'183.--. Les entrées externes proviennent essentiellement de partenaires commerciaux tels AA., spécialisée dans la production d'huiles végétales servant à la production de chocolat ou encore BB., entreprise active dans le négoce de différentes matières premières (graines, cacao, sucre, café etc; pièce MPC 12-01-0010). Les raisons indiquées en étaient principalement des commissions en lien notamment avec des transactions d’exportation de marchandises de la Tunisie (pièces MPC 11-00-0062), soit essentiellement des activités en lien avec celles du Groupe. Les autres virements internes proviennent de transferts de la part de comptes dont l’un ou l’autre intimé est titulaire. Quant aux sorties de fonds, elles servaient principalement à couvrir des dépenses personnelles du titulaire, notamment l’achat d’un appartement à Paris (pièce MPC 11-00-0066);

5.6.3 le compte no 3. ouvert auprès de la Banque privée CC. SA dont l’ayant droit économique est C. Le compte en question a enregistré des entrées entre 2003 et 2010 de EUR 8’5010’260.-- pour des sorties de EUR 8'403'091.-- (pièce MPC 11-00-0120). Certaines entrées proviennent de M. et sont des commissions liées aux ventes de véhicules en Afrique du nord. Plusieurs autres versements sont identifiés par la mention de commissions (pièce MPC 11-00-0122) ce qui est en adéquation avec les activités du Groupe. Quant aux sorties d’argent, elles concernent soit des dépenses personnelles de l’ayant droit économique (pièce MPC 11-00-0124), soit des virements entre les comptes des intimés. Certains mouvements n’ont par contre pas permis d’identifier leurs causes ou leurs bénéficiaires;

5.6.4 la relation no 4. auprès de DD. dont B. était le titulaire. Cette relation bancaire a été clôturée le 21 juillet 2011. Deux entrées de fonds ont eu lieu en 2010 pour un total de EUR 619'867.-- de la part de EE. Les sorties se montent quant à elles à EUR 618'227.--. L’arrière-plan économique des transactions n’a pu être expliqué;

5.6.5 le compte no 5. auprès de FF. Il a été ouvert le 6 novembre 2008 par A., seul ayant droit économique. Durant la période sous examen, les entrées se montent à un total de CHF 1'219'948.-- dont une partie provient de la vente d’un tableau. Quant aux sorties, elles affèrent à CHF 696’795.-- notamment pour payer des dépenses courantes et liées à des cartes de crédit de A. S’agissant du compte en Euro, les entrées totalisent EUR 1'594'775.--. Certains versements – en espèce – ne permettent pas d’identifier qui les a effectués. Certains autres semblent l’avoir été par GG. qui siégeait au conseil d’administration de HH. avec A. (pièces MPC 11-00-0037). Différents versements ont par ailleurs été faits par l’intimé lui-même. Pour divers virements, les avocats de l’intimé ont en outre fourni des indications à la banque aux termes desquelles les versements encaissés ont pour origine un contrat du 16 février 2009 (pièce MPC 11-00-0153) passé entre A., agissant en nom propre ou à celui du Groupe, et une Holding constituant la base pour un projet lancé par l’intimé dans l'optique du développement d'un réseau de supermarchés et d'hypermarchés en Libye. Dans ce contrat figurent les honoraires pour l’intimé et leur échéance. Cela concorde avec les versements constatés sur le compte sous examen (pièce MPC 11-00-0154). Quant au compte en USD, il a enregistré des entrées pour un total de USD 205'155.-- à raison de deux versements effectués par l’intimé lui-même;

5.6.6 le compte no 6. ouvert au nom de C. le 10 juin 2003 auprès de la banque CC. SA. Sur ce compte différentes rentrées ont été réalisées pour un total de respectivement d'EUR 1’701'000.--, de USD 994'000.-- et de CHF 100'000.--; les sorties quant à elles atteignent EUR 1'755'208.-- et CHF 78'131.--, le tout entre 2003 et 2005 (pièces MPC 11-00-0129 à 11-00-0133). Pour certains des montants reçus, il n’a pas été possible d’identifier le donneur d’ordre; d’autres proviennent du titulaire du compte lui-même. Quant aux sorties, elles ont été faites notamment en faveur d’autres comptes de l’intimé lui-même et d’un cabinet d’avocat pour des paiements d’honoraires. L’achat de mobilier est également l’une des raisons de ces transferts;

5.6.7 la relation no 7. ouverte elle aussi au nom de C. auprès de la banque CC. SA le 22 mai 2003. Elle ne vise qu’à effectuer des paiements en lien avec une carte de crédit de l’intimé. Les fonds encaissés entre 2003 et 2004 se montent à EUR 1'077'391.--. Des virements proviennent des comptes 3. et 6. de l’intimé lui-même dans la mesure où les factures de sa carte de crédit American Express devaient être payées via le compte 7. mais couvertes par le compte 3. Les sorties à hauteur de EUR 1'014'587.-- ont servi essentiellement à payer des frais de dite carte de crédit (pièce MPC 11-00-0134-11-00-0136);

5.6.8 le compte no 8. ouvert au nom de B. auprès de la banque T. SA, clôturé le 21 juillet 2011. Entre 1999 et 2002, des montants atteignant EUR 6'953'124.-- ont été virés sur ce compte, trois d’entre eux étant de donneurs d’ordre inconnus alors que deux d’entre eux étaient des transferts provenant des comptes des frères A., B. et C. (pièce MPC 11-00-0070). Les sorties d’argent se sont montées pour ce même laps de temps à EUR 4'440'006.--. Une d’entre elles était destinée à des notaires en France relativement à une vente immobilière, les autres constituant deux transferts placés dans le dépôt en placement fiduciaire du compte (pièce MPC 11-00-0073);

5.6.9 les deux comptes liés à la Fondation H. dont les intimés sont les bénéficiaires (la relation 9. auprès de la banque T. et la relation 10. auprès de la Banque FF.; act. 11 p. 5). Ladite Fondation, fondée en 1955 par le père des intimés (act. MPC 11-00-0107) est une société de domicile visant à administrer sa fortune se présentant sous la forme d’un immeuble à Zurich. Or, ces comptes sont utilisés pour les dépenses courantes relatives à l’immeuble à Zurich qui est occupé par des locataires. Ces comptes sont alimentés exclusivement par les paiements des loyers versés par ces derniers (act. 11 p. 5; act. MPC 11-00-0109; 11-00-0111; 11-00-0115).

5.7 Sur la base de ces éléments, il est difficile de distinguer des mouvements qui pourraient paraître particulièrement suspects ou qui établiraient un quelconque lien des frères A., B. et C. avec le « clan Ben Ali » ou encore des avantages spécifiques obtenus par les intimés en fonction des liens existant avec l’ancien président tunisien. Les virements provenant de sources externes découlent la plupart d’entre eux des relations commerciales du Groupe avec ses partenaires internationaux aux Emirats Arabes Unis, en France (Q. et II.), à Hong Kong (JJ.), en Suisse (KK.) ou encore d’entreprises pour lesquelles A. et C. étaient des représentants officiels (L. et LL.; pièce MPC 11-00-0016). Plusieurs d’entre eux portent comme intitulés « commissions » et les éléments au dossier ne permettent pas de remettre en cause ce constat. Les nombreux transferts entre les différents comptes des intimés peuvent pour beaucoup s’expliquer par les opérations de netting qu’ils opèrent entre eux visant à répartir équitablement les montants qu’ils ont encaissés (pièce MPC 11-00-0046-00047; 11-00-0180). Le fait que les paiements reçus ont ensuite été virés non pour des investissements en faveur des sociétés du Groupe, mais sur des comptes privés pour des dépenses personnelles des intimés, met clairement en exergue qu’un éventuel dommage aurait été subi de ce fait par le Groupe – ce qui n’est nullement démontré –, mais pas par la recourante elle-même. Cette dernière n’a au demeurant apporté aucun élément permettant de démontrer le contraire. Elle n’a pas non plus fourni de précisions quant à des avantages particuliers dont auraient bénéficié les intimés en Tunisie. Deux d’entre eux n’ont d’ailleurs jamais fait l’objet de poursuites de sa part. Quant à C. s’il semble faire l’objet d’investigations en Tunisie, les pièces que cette dernière a fournies ne permettent pas de déterminer à quel propos exactement, à quel stade se trouvent ces enquêtes et surtout si cela a un lien – et concrètement lequel – avec le clan Ben Ali. Une des sociétés du Groupe, J., a certes fait l’objet d’une privatisation à propos de laquelle une procédure tunisienne a été ouverte. Toutefois dans ce contexte, C. a bénéficié de la prescription et l’ex-président a été acquitté, ce qui a été confirmé le 6 novembre 2015 par la Cour d’appel de Tunis (pièces MPC 16-03-0240 à 16-03-0266).

S’agissant de la Fondation H., il n’y’a pas lieu de considérer que les fonds figurant sur ses deux comptes provenant du paiement des loyers de son immeuble pourraient avoir une origine criminelle. Sur ce point la décision entreprise ne peut être que confirmée. Il en est de ce fait de même de la radiation de la mention de restriction du droit d’aliéner sur l’immeuble sis à U., propriété de dite Fondation.

5.8 Il découle de ce qui précède que malgré le temps écoulé et les mesures d’investigation effectuées depuis l’ouverture de la procédure en 2011, les soupçons à l’égard des intimés ne se sont pas renforcés, au contraire. Aussi, une condamnation paraît tout à fait improbable. C’est dès lors à bon droit que le MPC a considéré que le classement s’imposait. C’est par conséquent également à raison qu’il a estimé qu’il n’avait pas lieu d’instruire du chef de gestion déloyale.

6. Partant, le recours est rejeté.

7. Selon l’art. 428 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 428 Frais dans la procédure de recours - 1 Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé.
1    Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé.
2    Lorsqu'une partie qui interjette un recours obtient une décision qui lui est plus favorable, les frais de la procédure peuvent être mis à sa charge dans les cas suivants:
a  les conditions qui lui ont permis d'obtenir gain de cause n'ont été réalisées que dans la procédure de recours;
b  la modification de la décision est de peu d'importance.
3    Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.
4    S'ils annulent une décision et renvoient la cause pour une nouvelle décision à l'autorité inférieure, la Confédération ou le canton supportent les frais de la procédure de recours et, selon l'appréciation de l'autorité de recours, les frais de la procédure devant l'autorité inférieure.
5    Lorsqu'une demande de révision est admise, l'autorité pénale appelée à connaître ensuite de l'affaire fixe les frais de la première procédure selon son pouvoir d'appréciation.
CPP, les frais de la procédure sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La recourante succombe en l’espèce et s’acquittera d’un émolument qui, en application de l’art. 8
SR 173.713.162 Règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF)
RFPPF Art. 8 Émoluments perçus devant la Cour des plaintes - (art. 73, al. 3, let. c, LOAP, art. 63, al. 4bis et 5, PA, art. 25, al. 4, DPA)
1    Pour la procédure de recours selon les art. 393 ss CPP12 et selon le DPA, des émoluments de 200 à 50 000 francs peuvent être perçus.
2    Les émoluments pour les autres procédures menées selon le CPP s'échelonnent de 200 à 20 000 francs.
3    Les émoluments perçus pour les procédures selon la PA:
a  pour les causes où aucun intérêt financier n'entre en ligne de compte: de 100 à 5000 francs;
b  pour les autres causes: de 100 à 50 000 francs.
du règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF; RS 173.713.162), sera fixé à CHF 5'000.--.

8. La partie qui obtient gain de cause a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 433 al. 1 let. a
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 433 Partie plaignante - 1 Dans les cas suivants, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure:
1    Dans les cas suivants, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure:
a  elle obtient gain de cause;
b  le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426, al. 2.
2    La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.
CPP, applicable par renvoi de l’art. 436
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 436 Indemnité et réparation du tort moral dans la procédure de recours - 1 Les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434.
1    Les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434.
2    Si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses.
3    Si l'autorité de recours annule une décision conformément à l'art. 409, les parties ont droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours et par la partie annulée de la procédure de première instance.
4    Le prévenu qui, après révision, est acquitté ou condamné à une peine moins sévère a droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de révision. S'il a subi une peine ou une mesure privative de liberté, il a également droit à une réparation du tort moral et à une indemnité dans la mesure où la privation de liberté ne peut être imputée sur des sanctions prononcées à raison d'autres infractions.
CPP; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2014.63 du 20 juin 2014). L’art. 12 al. 1
SR 173.713.162 Règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF)
RFPPF Art. 12 Honoraires - 1 Les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Le tarif horaire est de 200 francs au minimum et de 300 francs au maximum.
1    Les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Le tarif horaire est de 200 francs au minimum et de 300 francs au maximum.
2    Lorsque l'avocat ne fait pas parvenir le décompte de ses prestations avant la clôture des débats ou dans le délai fixé par la direction de la procédure, ou encore, dans la procédure devant la Cour des plaintes, avec son unique ou sa dernière écriture, le montant des honoraires est fixé selon l'appréciation de la cour.
RFPPF prévoit que les honoraires des avocats sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Selon l'art. 12 al. 2
SR 173.713.162 Règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF)
RFPPF Art. 12 Honoraires - 1 Les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Le tarif horaire est de 200 francs au minimum et de 300 francs au maximum.
1    Les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Le tarif horaire est de 200 francs au minimum et de 300 francs au maximum.
2    Lorsque l'avocat ne fait pas parvenir le décompte de ses prestations avant la clôture des débats ou dans le délai fixé par la direction de la procédure, ou encore, dans la procédure devant la Cour des plaintes, avec son unique ou sa dernière écriture, le montant des honoraires est fixé selon l'appréciation de la cour.
RFPPF, lorsque, comme en l'occurrence, le conseil ne fait pas parvenir le décompte de ses prestations avant la clôture des débats ou dans le délai fixé par la direction de la procédure, ou encore, dans la procédure devant la Cour des plaintes, avec son unique ou sa dernière écriture, le montant des honoraires est fixé selon l'appréciation de la Cour.

En l'espèce, une indemnité de CHF 3’000.-- en faveur des intimés et de E. (TVA incluse) paraît équitable et sera mise à la charge de la recourante.

Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Le recours est rejeté.

2. Les frais de justice à hauteur de CHF 5'000.-- sont mis à la charge de la recourante.

3. Une indemnité de dépens de CHF 3’000.-- est allouée aux intimés et de

CHF 3’000.-- à E. à charge de la recourante.

Bellinzone, le 17 septembre 2019

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le vice-président: La greffière:

Distribution

- Mes Pierluca Degni et Guillaume Tattevin, avocats

- Ministère public de la Confédération

- Me Nicholas Antenen, avocat

- Me Jean-Marc Carnicé, avocat

- Me Alexandre Montavon, avocat

Indication des voies de recours

Il n’existe pas de voie de droit ordinaire contre la présente décision.