Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour I
A-7757/2006
{T 0/2}

Arrêt du 16 mai 2007
Composition :
Mme Florence Aubry Girardin (Présidente du collège), Mme Marianne Ryter Sauvant (juge) et M. Daniel Riedo (juge).
Greffier : M. Gilles Simon.

A._______,
recourante, représentée par Me Ridha Ajmi,

contre

Office fédéral des migrations (ODM),
autorité intimée,

concernant
protection des données : modification des données (décision du 7 février 2006).

Faits :
A. L'Office fédéral des migrations (l'ODM ou l'Office ci-après) a décidé, le 7 février 2006, de modifier les données personnelles de Madame A._______, née le __ _______ 1986, de nationalité somalienne.
Selon l'ODM, qui se fonde sur une lettre de dénonciation accompagnée de documents et suivie de recherches effectuées par les autorités suisses, l'identité réelle de cette personne serait B._______, née le __ _______1977, ressortissante de la République de Djibouti.
L'ODM dispose de la copie d'un passeport djiboutien au nom de B._______. Il se réfère également à la demande de visa que A._______ avait effectuée sous l'identité B._______ pour pouvoir se rendre en Suisse, demande dont il ressort que celle-ci a exercé - toujours sous le nom de B._______ - la profession de femme de ménage auprès du Détachement aérien de l'Armée française à Djibouti avant de venir en Suisse rejoindre sa soeur domiciliée à Z._______.
Or, c'est sous l'identité A._______ qu'elle a déposé une demande d'asile une fois en Suisse. N'ayant fourni aucun papier à ce moment-là, elle a été inscrite sous cette identité.
L'ODM disposant désormais de documents officiels au nom de B._______, il a donc décidé le 7 février 2006 de modifier l'identité de A._______ en B._______ dans sa base de données informatique AUPER2. Il a décidé au surplus de modifier en conséquence la décision d'admission provisoire du 23 juin 2003.
B. A._______ (ci-après la recourante) a recouru contre cette décision en date du 13 mars 2006 auprès de la Commission fédérale de la protection des données et de la transparence, en concluant à son annulation. Elle demande au surplus le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Elle maintient que sa réelle identité est A._______, née le __ _______ 1986, de nationalité somalienne. Elle appuie son argument sur plusieurs documents censés confirmer ces données : deux attestations de la Mission permanente de Somalie à Genève (attestations dont la valeur probante avait été niée par l'ODM dans sa décision), un acte de naissance émanant du gouvernement local de Mogadiscio, ainsi qu'une ancienne carte d'identité somalienne.
La recourante explique qu'elle a cherché à demander l'asile dans un pays sûr après l'éclatement de la guerre civile en Somalie, mais que - sans qu'elle explique pourquoi dans son recours - elle avait moins de chances d'y parvenir que d'autres somaliens qui étaient, eux, pris en charge par les oeuvres d'entraide internationales. C'est ainsi qu'elle s'est tournée vers des passeurs, et qu'elle a été mise en contact avec un certain R._______, qui habite en Suisse, à Z._______. Celui-ci aurait proposé à la recourante de la faire venir en Suisse pour la somme de 10'000.- dollars américains (USD). Les parties auraient finalement convenu que la recourante paierait USD 5'000.- avant le voyage, et USD 5'000.- une fois en Suisse. Les ambassades ne délivrant pas de visas aux ressortissants somaliens, R._______ se serait alors procuré au marché noir un passeport djiboutien avec la photo de la recourante, pièce d'identité au nom de B._______, née le __ _______ 1977. A._______ est ainsi arrivée en Suisse à la fin de l'année 2002. Elle précise cependant qu'elle n'a jamais séjourné chez sa soi-disant soeur qui devait l'accueillir en Suisse et qu'elle ne connaît même pas cette femme du nom de S._______. La recourante affirme avoir été contrainte de rester chez R._______ en tant que femme de ménage jusqu'au remboursement des USD 5'000.-, lequel n'a jamais eu lieu. R._______ aurait par ailleurs détruit le passeport somalien de la recourante en Somalie, avant le départ de cette dernière pour la Suisse. Au début de l'année 2003, la recourante aurait été placée chez une autre ressortissante somalienne de Z._______, Mme T._______. Cette dernière lui aurait alors suggéré de s'annoncer comme requérante d'asile, ce que la recourante a fait sous ce qu'elle affirme être sa véritable identité, A._______.
Le 23 juin 2003, la recourante a été admise à titre provisoire en Suisse, sous l'identité de A._______.
Elle maintient qu'il s'agit de sa vraie identité, et qu'elle n'a même jamais été en possession du passeport djiboutien au nom de B._______, que R._______ a toujours gardé auprès de lui. Elle affirme par ailleurs que ce dernier n'a eu de cesse de lui réclamer les USD 5'000.- et qu'il l'a menacée de la dénoncer à l'ODM si elle ne le remboursait pas.
La recourante s'est mariée le __ _______ 2005 avec C._______ - avec lequel elle a eu une fille, D._______, née le __ _______ 2004 -, ressortissant somalien au bénéfice d'un permis d'établissement C et résidant à Z._______.
C. La recourante a été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire par décision rendue le 16 juin 2006 par la Commission fédérale de la protection des données et de la transparence.
Invité à prendre position sur le recours, l'ODM a procédé à de nouvelles mesures d'instruction (demandes de renseignements par le biais de l'ambassade de Suisse à Addis Abeba et analyse de documents fournis par la recourante) et a répondu par courrier du 20 novembre 2006. Il conclut au rejet du recours.
Le 4 décembre 2006, l'ODM, qui avait obtenu des informations complémentaires, a précisé sa réponse. Les pièces produites ont été fournies à la recourante.
D. La recourante a déposé une réplique en date du 10 janvier 2007 devant le Tribunal administratif fédéral, celui-ci ayant succédé dès le 1er janvier 2007 à la Commission fédérale de la protection des données et de la transparence, désormais dissoute. Elle a repris la position exprimée dans son recours.
Par duplique du 15 février 2007, l'ODM a confirmé qu'il proposait le rejet du recours.
E. Les autres faits seront repris, en tant que besoin, dans les considérants ci-après.

Le Tribunal administratif fédéral considère :
1.
1.1. La loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 (LTAF, RS 173.32) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Aux termes de l'art. 53 al. 2 LTAF, les recours qui sont pendants devant les commissions fédérales de recours ou d'arbitrage ou devant les services de recours des départements à l'entrée en vigueur de la loi sont traités par le Tribunal administratif fédéral dans la mesure où celui-ci est compétent. Ils sont jugés sur la base du nouveau droit de procédure.
Selon l'art. 33 let. d LTAF, le recours est recevable contre les décisions de la Chancellerie fédérale, des départements et des unités de l'administration fédérale qui leur sont subordonnées ou administrativement rattachées. La décision entreprise du 7 février 2006 a été rendue par l'ODM, unité de l'administration subordonnée au Département fédéral de justice et police. Le Tribunal administratif fédéral est donc compétent.
1.2. En vertu de l'Annexe au Règlement du Tribunal administratif fédéral (RS 173.320.1), la Ire Cour du Tribunal administratif fédéral (TAF) est compétente en matière de protection des données. Il s'agit des cas dans lesquels la protection des données constitue l'objet même du litige et non pas des situations dans lesquelles des questions de protection des données se posent de manière préjudicielle ou incidente dans le cadre d'une autre procédure (cf. par analogie ATF 127 V 219 consid. 1a/aa; 123 II 534 consid. 1f). L'art. 2 al. 2 let. c de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD, RS 235.1) prévoit du reste expressément que ladite loi ne s'applique pas aux procédures pendantes civiles, pénales, d'entraide judiciaire internationale ainsi que de droit public et de droit administratif, à l'exception des procédures administratives de première instance. En l'espèce, le litige porte sur la question de savoir si l'ODM est en droit, en regard de la LPD, de modifier le nom de la recourante en dehors de toute autre procédure. Il relève donc de la Ire Cour du TAF.
1.3. La décision du 7 février 2006 de l'ODM consiste à modifier l'identité de la recourante dans le système informatique AUPER2 ainsi que dans la décision d'admission provisoire du 23 juin 2003, et à condamner la recourante au paiement de frais administratifs d'un montant de Fr. 657.50.
Cette décision est fondée sur l'art. 11 al. 2 de l'ordonnance 3 sur l'asile relative au traitement de données personnelles (Ordonnance 3 sur l'asile, OA 3, RS 142.314). Cet article a été abrogé par l'entrée en vigueur, le 29 mai 2006, de l'ordonnance du 12 avril 2006 sur le système d'information central sur la migration (Ordonnance SYMIC, RS 142.513). L'Ordonnance SYMIC prévoit également la mise hors fonction du système d'information AUPER au plus tard pour le 30 novembre 2006 (art. 25 al. 2 Ordonnance SYMIC).
Malgré ces modifications structurelles, les principes régissant l'activité de l'ODM sont cependant restés similaires. Ainsi, tant l'art. 11 de l'Ordonnance sur le système d'enregistrement automatisé des personnes AUPER (Ordonnance AUPER, RS 142.315) que désormais l'art. 19 de l'Ordonnance SYMIC prévoient-ils tous deux que les droits des personnes concernées à rectifier des données sont régis par la LPD et la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021).
En tant que la décision incriminée tend à modifier l'identité de la recourante, elle remplit les conditions de l'art. 5 PA et le recours, déposé en temps utile et dans les formes requises, est de ce chef recevable (art. 31 LTAF).
2. Par sa décision du 7 février 2006, l'ODM a décidé de rectifier l'identité de la recourante dans son système informatique et de changer en ce sens la décision d'admission provisoire du 23 juin 2003 de la recourante.
La définition de "données personnelles" est très large, puisqu'elle comprend toute information se rapportant à une personne identifiée, mais également à une personne qui ne serait qu'identifiable (cf. art. 3 let. a LPD; Mario M. Pedrazzini, Les grandes options du législateur, in: La nouvelle loi fédérale sur la protection des données, publication CEDIDAC n° 28, Lausanne, 1994, p. 25). Les noms, prénoms, date de naissance et nationalité constituant les informations fondamentales qui permettent l'identification d'une personne, il n'y a donc pas de doute quant à leur caractère de données personnelles au sens de l'art. 3 let. a LPD (cf. notamment JAAC 65.51). Leur modification représente ainsi un traitement de données au sens de l'art. 3 let. e LPD (cf. Urs Belser, in: Basler Kommentar Datenschutzgesetz, 2e édition, Bâle 2006, art. 3 n. 26) : dans ce cadre-là, il appartient à l'ODM de s'assurer que les données qu'il traite sont correctes (art. 5 al. 1 LPD) et, en tant que maître de fichier, d'en prouver l'exactitude lorsque celles-ci sont contestées (JAAC 67.73 consid. 4c.). Toute personne concernée peut de son côté requérir la rectification des données inexactes (art. 5 al. 2 LPD), et quiconque y a un intérêt légitime peut exiger de l'organe fédéral responsable qu'il s'abstienne de procéder à un traitement illicite, qu'il supprime les effets d'un traitement illicite ou qu'il constate le caractère illicite du traitement (art. 25 al. 1 LPD). Le point de savoir si une donnée est exacte ou non ne peut être tranché de façon abstraite, mais en fonction des circonstances concrètes du cas d'espèce (Urs Maurer-Lambrou, in Basler Kommentar, op. cit., art. 5 LPD n. 5).
En l'occurrence, l'ODM estime que les données communiquées par la recourante lors de son arrivée en Suisse sont fausses et que l'identité de cette dernière n'est pas A._______ de Somalie, mais B._______ de Djibouti. Sur la base de ce constat et de l'obligation lui incombant en vertu de l'art. 5 al. 1 LPD, il a modifié les données de la recourante dans son fichier. Cette dernière s'étant opposée à cette modification car la considérant comme illicite, il appartient désormais au Tribunal administratif fédéral de déterminer si l'ODM est fondé ou non à procéder à cette modification. Le fait que le fichier AUPER - auquel l'ODM fait référence dans sa décision - soit encore d'actualité ou ait été remplacé par le fichier SYMIC (cf. supra consid. 1.3) n'a pas d'influence sur la question de fond, laquelle consiste à déterminer si l'identité de la recourante modifiée par l'ODM est exacte, et ce quel que soit le fichier dans lequel celle-ci est mentionnée.
3. Pour déterminer si l'ODM était en droit de modifier l'identité de la recourante sans qu'il en résulte un traitement illicite de données contraire à la LPD, il convient de se pencher sur les documents produits par les parties.
3.1. Tout d'abord, la photocopie d'un passeport djiboutien n° _______ au nom de B._______, née le __ _______ 1977, avait été annexée à la lettre anonyme du 28 septembre 2005 adressée à l'ODM. L'Office, par suite d'une demande de renseignements à l'ambassade de Suisse à Addis Abeba, s'est vu transmettre la photocopie du même document, lequel avait été remis à l'ambassade avec la demande de visa de la recourante du 5 mars 2002.
Selon la recourante, ce passeport serait issu du marché noir où le passeur R._______ se le serait procuré pour une somme d'environ USD 50.-. La recourante n'aurait été en possession de ce passeport que brièvement pendant la durée du voyage vers la Suisse, puis R._______ l'aurait repris et gardé.
Il ressort des éléments supplémentaires fournis par l'ODM qu'une personne de contact à l'ambassade de Djibouti à Addis Abeba a confirmé qu'il est relativement facile d'obtenir un passeport djiboutien au marché noir, mais que le coût est bien plus élevé que ce qu'affirme la recourante, puisqu'il peut s'élever à USD 3'000.-. Mais surtout, la photo du passeport n° _______ est la même que celle figurant sur la carte d'assurée sociale remise par le Détachement 188 de l'armée de l'air française à Djibouti (Détachement 188 ci-après) auprès duquel, selon une attestation de travail du 16 juillet 2002 (étudiée ci-après, cf. consid. 3.2), la recourante a travaillé sous le nom de B._______ comme femme de ménage depuis septembre 2001.
Finalement, l'ODM a reçu, par l'intermédiaire de l'ambassade de Suisse à Addis Abeba qui l'avait lui-même reçu de l'ambassade de Djibouti également à Addis Abeba, la confirmation de l'authenticité de ce passeport. Cette confirmation consiste en un document du fichier central de la police nationale djiboutienne qui contient les informations suivantes : "Après vérification il ressort que Mme B._______ est connue au fichier de la police depuis 1998, suite d'une demande de laissez-passer portant N° _______ établie le 11/06/1998 puis elle a obtenu un passeport national _______ délivré à Djibouti le 03/01/2002 dont la photo apposée sur la demande de passeport classé dans nos archives est bien celle du fax émanant de notre ambassade. Elle est titulaire de la délivrance de la Carte Nationale d'identité N° _______ établie à Djibouti le 24/11/1997" (sic).
Ces informations apportent un premier éclairage déterminant sur cette affaire. Ainsi, même si l'on suivait la thèse de la recourante selon laquelle certains documents auraient pu être obtenus de façon illégale ou par corruption de fonctionnaires afin de pouvoir obtenir un visa pour la Suisse courant 2002, les renseignements contenus dans le fichier central de la police nationale djiboutienne ne laissent guère planer de doute : en tant que la recourante est titulaire d'une carte d'identité djiboutienne établie le 24 novembre 1997 sous l'identité B._______, née le __ _______ 1977, et qu'elle a également bénéficié d'un laisser-passer en 1998 sous cette identité, tout indique qu'il s'agit bel et bien de son identité réelle.
3.2. Une attestation de travail du 16 juillet 2002 avait également été annexée à la lettre anonyme de dénonciation du 25 septembre 2005. La recourante affirme que cette attestation de travail du 16 juillet 2002, délivrée par le responsable des ressources humaines du Détachement 188, se baserait sur un contrat "virtuel, mais établi et existant". En d'autres termes, un employé du détachement aurait, contre rémunération, établi un faux contrat de travail de femme de ménage pour la recourante et aurait ensuite induit en erreur le responsable des ressources humaines qui a préparé le certificat de travail.
Des vérifications ont été effectuées auprès du Détachement 188. Il en ressort que l'authenticité de l'attestation a été confirmée. De surcroît, plusieurs documents - tous au nom de B._______ - démontrent que la recourante a bel et bien travaillé pour ce détachement. Ainsi, on trouve au dossier la copie d'une carte nationale d'identité djiboutienne établie le 24 novembre 1997 sur laquelle figure non seulement une photographie, mais également une empreinte digitale - qui, après analyse menée par les services helvétiques, s'est avérée être celle du pouce droit de la recourante -, une carte d'assuré social, un certificat de travail du 23 novembre 2002 (qui est signé par le même chef des ressources humaines que le certificat du 16 juillet 2002 qui avait été produit dans la demande de visa), une fiche individuelle de contrôle, une lettre de démission du 21 novembre 2002 signée de la recourante et par laquelle B._______ annonce son départ définitif pour rejoindre son époux à l'étranger, ainsi qu'une photo d'identité grand format.
Ici également, les arguments de la recourante ne sauraient convaincre. Ainsi, celle-ci affirme-t-elle, dans sa réplique, que tous les documents djiboutien au nom de B._______ ont été faits - ou plutôt contrefaits - en même temps avec quatre photographies identiques qu'elle avait remises au passeur. Or, tel n'est pas le cas : la photographie figurant sur la carte d'identité djiboutienne n'est pas la même que sur les autres documents. Quant à ces derniers, en tant qu'ils ont tous été émis entre la fin 2001 et le début de l'année 2002, le fait qu'ils comportent la même photographie n'a rien de surprenant et ne saurait prouver qu'ils ont été établis simultanément. Enfin, la présence des deux derniers documents dans l'ordre chronologique, à savoir la lettre de démission et le certificat de travail respectivement des 21 et 23 novembre 2002, confirme l'authenticité de l'ensemble de ces pièces. En effet, la recourante affirme que tous les documents djiboutiens étaient des contrefaçons destinées à obtenir un visa pour la Suisse. Or, ces deux pièces n'auraient pas lieu d'être si l'on suivait la théorie de la recourante. Tout d'abord, elles étaient inutiles pour une demande de visa, donc on ne comprend pas pourquoi elles auraient été établies. Ensuite, elles sont postérieures non seulement à la demande de visa du 5 mars 2002, mais également à son obtention (visa _______, valable du 15 au 29 novembre 2002, avec durée maximale du séjour de 30 jours). Enfin, au-delà de leur inutilité et de leur anachronisme, ces documents auraient été pour le moins dangereux pour la recourante, puisque la lettre de démission mentionne comme cause de l'arrêt de travail "un départ définitive (sic) pour rejoindre mon époux à l'étranger". Or, il va de soi qu'un "départ définitif" était clairement inconciliable avec une durée de séjour maximale de 30 jours telle qu'indiquée dans le visa, et que la recourante aurait été bien mal inspirée de présenter un tel document aux autorités suisses.
3.3. Pour sa part, la recourante a produit plusieurs documents, afin de démontrer qu'elle est bien A._______, née le __ _______ 1986, de nationalité somalienne. Ces documents consistent en une carte d'identité somalienne établie le 12 août 2000, en une attestation de naissance établie le 26 février 2006 à Mogadiscio, ainsi qu'en deux attestations émises les 18 juin et 9 août 2004 par la Mission Permanente de la République démocratique de Somalie à Genève.
L'ODM a fait procéder à l'analyse de ces documents par la police judiciaire fédérale. Il en ressort ce qui suit.
3.4.
3.4.1. Quant à la carte d'identité somalienne établie le 12 août 2000 et l'attestation de naissance établie le 26 février 2006 à Mogadiscio, l'analyse apporte les éléments suivants. Les deux documents comportent exactement les mêmes timbres humides (tampons) et exactement les mêmes caractères de machines à écrire. Ces similitudes peuvent se comprendre par le fait que ces documents ont été émis par la même autorité, mais elles surprennent néanmoins puisque ces documents présentent des dates d'émission espacées de cinq ans et demi. Pour le surplus, l'expert relève également que les timbres verts officiels apposés sur les documents sont des reproductions et qu'ils diffèrent des timbres rouges dans leur procédé d'impression. L'expert affirme qu'il existe un doute considérable ("ein erheblicher Zweifel") quant à l'authenticité des documents analysés. En l'absence de documents officiels pour procéder à une comparaison, il ne peut cependant se prononcer de façon définitive. Mais il relève au surplus que de tels documents, dépourvus de sécurités de fabrication, sont aisément reproductibles.
Selon la recourante, cette analyse révèle tout au plus le contexte administratif somalien dans lequel l'absence de structures et la vétusté du matériel amènent la société civile à se débrouiller avec les moyens du bord pour maintenir le service public. Les reproductions de timbres sur papier vert en sont un exemple, tout comme le fait que les mêmes machines à écrire soient toujours en fonction à cinq ans et demi d'intervalle.
La position de la recourante n'est pas propre à lever les doutes émis par l'expert. On peut du reste, à l'instar de l'ODM, s'étonner du fait que la recourante ait été en mesure de produire si rapidement ces documents, compte tenu précisément des difficultés de l'organisation administrative somalienne dont elle se prévaut par ailleurs. On peut également se demander, si l'on suit la logique de la recourante, pourquoi elle n'a dès lors pas remis ces documents lors de sa demande d'asile en Suisse. Sa justification consistant à affirmer que c'était "simplement pour éviter d'être refoulée et pour conserver ses chances de rester en Suisse" ne convainc guère plus que ce qui précède.
Le "doute considérable" de l'expert quant à l'authenticité de la carte d'identité somalienne établie le 12 août 2000 et de l'attestation de naissance établie le 26 février 2006 est en revanche suffisamment convaincant. Certes, sans avoir à analyser ici de façon approfondie le contexte somalien actuel, on peut admettre avec la recourante qu'en l'absence de matériel de comparaison, des documents manifestement produits avec les derniers outils informatiques et technologiques les plus perfectionnés auraient peut-être également pu éveiller une certaine circonspection quant à leur authenticité. Pour autant, cette simple réflexion a contrario ne saurait suffire pour remettre en cause une expertise dont ni le processus ni les résultats techniques ne sont contestables. Il convient donc de privilégier cette expertise aux arguments de la recourante. Ce d'autant qu'un autre élément tend à mettre en doute l'authenticité de ces deux documents : en effet, il ressort du dossier de l'ODM, plus particulièrement du procès-verbal d'audition du 29 avril 2003 dans le cadre de la demande d'asile de la recourante, que cette dernière avait alors déclaré avoir quitté la Somalie avec son père en 1989 pour se rendre en Ethiopie et y avoir par la suite vécu illégalement jusqu'à son départ pour la Suisse en 2002. Dans ces circonstances, la date de délivrance de la carte d'identité somalienne (2000) paraît pour le moins curieuse, et tend à confirmer les doutes sur son authenticité.
3.4.2. Les deux attestations émises les 18 juin et 9 août 2004 par la Mission Permanente de la République démocratique de Somalie à Genève, quant à elles, portent sur la capacité de la recourante de contracter mariage au vu du droit somalien. Ces attestations relèvent que A._______ est née le __ _______ 1986 et qu'elle est de nationalité somalienne.
L'ODM n'accorde pas de valeur probante à ces attestations, en tant qu'elles sont émises sans vérification de l'identité des personnes qui les sollicitent, sur la seule base de témoignages de tiers. Cette situation serait notamment due à l'absence d'autorité centrale en Somalie. L'office relève au surplus que la Suisse, à l'instar d'autres pays de l'Union européenne, ne reconnaît pas ce type documents.
La recourante rappelle que les services publics somaliens - parmi lesquels l'état civil - sont paralysés depuis des années en raison de la guerre civile. Dans ce contexte, les informations sur l'origine et l'appartenance ethnique et tribale des personnes sont basées essentiellement sur la mémoire. D'où l'utilisation de témoins en lieu et place de registres. De surcroît, la représentation somalienne à Genève est la seule à pouvoir être consultée pour des questions de ce type par des ressortissants somaliens.
Au vu de ce qui précède cependant, les attestations délivrées par la Mission permanente de la République de Somalie à Genève ne sont pas d'un grand poids. En effet, sans devoir se pencher sur la question de la reconnaissance en Suisse des actes délivrés par cette représentation, il est évident que la simple déclaration de deux "témoins" effectuée à Genève ne saurait contrebalancer l'ensemble des éléments décrits ci-dessus, ce d'autant que - comme l'a relevé l'ODM - les attestations en question sont délivrées sans vérification d'identité des personnes qui les sollicitent. Dans ces conditions, où ni l'identité de la personne requérante ni les déclarations des témoins ne sont vérifiées - ni même vérifiables, selon la recourante -, on ne peut décemment conférer aucun crédit à ces pièces.
3.4.3. La recourante a au surplus déposé un document signé par cinq ressortissants somaliens, par lequel ceux-ci certifient avoir connu la recourante en Somalie et que son identité est bien A._______.
Les développements concernant les attestations peuvent être repris en ce qui concerne ce "certificat". De plus, ce document ne revêt le caractère ni d'un témoignage, ni d'une pièce que l'on pourrait qualifier de renseignement écrit (art. 49 de la loi fédérale de procédure civile fédérale [RS 273], par renvoi de l'art. 19 PA).
3.5. L'appréciation de l'ensemble des éléments de preuve ci-dessus laisse ainsi apparaître que l'identité réelle de la recourante est bien B._______, née le __ _______ 1977, ressortissante de la République de Djibouti.
4. Dans sa conclusion I.4, la recourante requiert l'audition de trois personnes: Mme T._______, Mme S._______ et M. R._______.
Selon le Tribunal fédéral, l'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 130 II 425 consid. 2.1 et les arrêts cités)
De surcroît, l'audition de témoins est subsidiaire par rapport aux autres moyens de preuve. Ainsi, l'art. 14 al. 1 let. c PA précise-t-il que le Tribunal administratif fédéral peut ordonner l'audition de témoins "si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d'une autre façon".
Il y a lieu de considérer que les faits sont ici suffisamment élucidés sur la base des pièces et documents écrits. Partant, le Tribunal administratif fédéral, par appréciation anticipée des preuves et dès lors que son degré de conviction est suffisant à la lumière des pièces du dossier, renonce à l'audition des trois témoins proposés par la recourante.
5. Dans ces circonstances, l'autorité intimée était en droit, sans violer la loi fédérale sur la protection des données, de procéder à la modification de l'identité de la recourante dans ses bases de données. La recourante ne peut donc, sur la base de l'art. 25 LPD, s'opposer à la modification de ses données personnelles par l'ODM.
6. Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, et la décision entreprise confirmée. La recourante étant au bénéfice de l'assistance judiciaire, elle est dispensée des frais de procédure (art. 65 al. 1 PA). Les dépens alloués à la recourante seront supportés par la caisse du Tribunal administratif fédéral, sous réserve de remboursement ultérieur (art. 65 al. 4 PA). Ils seront fixés conformément au Règlement concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS173.320.2), en particulier ses art. 12 , 10 et 14 (cf. art. 65 al. 5 PA et art. 16 al. 1 LTAF). En l'occurrence, une indemnité de Fr. 2'500.- à titre de dépens sera versée à l'avocat de la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1. Le recours du 13 mars 2006 est rejeté.
2. La décision du 7 février 2006 de l'Office fédéral des migrations est confirmée.
3. Il n'est pas perçu de frais.
4. La Caisse du Tribunal administratif fédéral versera à Me Ridha Ajmi une indemnité de Fr. 2'500.- à titre d'honoraires d'avocat d'office.
5. Le présent arrêt est communiqué :
- à la recourante (acte judiciaire)
- à l'autorité intimée (n° de réf. N 445 759 Gln / N° de pers. 13 212 235) (acte judiciaire)
- au Département fédéral de justice et police, par son Secrétariat général (acte judiciaire)

La Présidente du collège Le Greffier

Florence Aubry Girardin Gilles Simon

Voies de droit :
Pour autant que les conditions des art. 82ss de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF, RS 173) soient remplies, la présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les 30 jours qui suivent la notification. Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (voir art. 42 LTF)
Date d'expédition :