Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossiers: BB.2018.209 - 211 (Procédures secondaires: BP.2018.72 – 74)

Décision du 13 mars 2019 Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Giorgio Bomio-Giovanascini, président, Tito Ponti et Patrick Robert-Nicoud, la greffière Claude-Fabienne Husson Albertoni

Parties

A., représentée par Me Grégoire Mangeat, avocat, recourante

contre

Ministère public de la Confédération, intimé

Objet

Réalisation d'objets séquestrés (art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP)

Faits:

A. Le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert, le 5 juillet 2012, une instruction pénale à l’encontre de deux ressortissants ouzbèks. Il l’a étendue en 2013 à plusieurs autres citoyens ouzbeks, dont A. notamment pour gestion déloyale (art. 158
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 158 - 1. Quiconque, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu'ils soient lésés est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, porte atteinte à ces intérêts ou permet qu'ils soient lésés est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, abuse du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et porte ainsi atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
3    La gestion déloyale au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivie que sur plainte.
CP), faux dans les titres (art. 251
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 251 - 1. Quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite,
1    Quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite,
2    Abrogé
CP) et blanchiment d’argent (art. 305bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.457
1    Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.457
2    Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.461
a  agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter);
b  agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent463;
c  réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent.
3    Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.464
CP; act. 1.1).

B. Le 23 août 2013, le MPC a séquestré les clefs des véhicules MERCEDES SLR2DR, BENTLEY ARNAGE et RANGE ROVER SPORT V8 (ci-après: véhicules) parqués dans le garage de la villa de A. à Cologny (GE) (act. 1.4; 1.5).

C. Le MPC a prononcé, en date du 10 août 2018, le séquestre des véhicules en vue d’une éventuelle confiscation de ceux-ci (act. 1.6; 1.7; 1.8).

D. Le MPC a rendu trois décisions de réalisation anticipée de valeurs patrimoniales séquestrées portant sur les véhicules le 26 novembre 2018 (act. 1.1; 1.2; 1.3).

E. Par mémoire du 7 décembre 2018, A. interjette trois recours contre les décisions précitées et demande leur annulation. Elle conclut à ce que dites valeurs patrimoniales ne soient pas réalisées et à ce que l’Etat soit condamné à payer tous les frais et dépens, y compris une équitable indemnité en tant que participation aux honoraires de son avocat; elle sollicite par ailleurs l’octroi de l’effet suspensif du recours et que les causes soient jointes (act. 1).

F. Par ordonnance du 19 décembre 2018, la Cour de céans a joint les causes BP.2018.72 - 74 et accordé l’effet suspensif (act. 4).

G. Au cours de l’échange d’écritures ordonné par la Cour de céans, le MPC conclut au rejet des recours, tandis que la recourante maintient ses conclusions (act. 3; 5).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 En tant qu’autorité de recours, la Cour des plaintes examine avec plein pouvoir de cognition en fait et en droit les recours qui lui sont soumis (Message du 21 décembre 2005 relatif à l’unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1296 in fine; GUIDON, Commentaire bâlois, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 15 ad art. 393
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
CPP; KELLER, Donatsch/Hansjakob/Lieber [édit.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 2e éd. 2014, [ci-après: Kommentar StPO], n° 39 ad art. 393
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
CPP; SCHMID/JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd. 2017, n° 1512).

1.2 Les décisions du MPC peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour de céans (art. 393 al. 1 let. a
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]). Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours (art. 396 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 396 Forme et délai - 1 Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours.
CPP). Aux termes de l’art. 393 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable:
CPP, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), la constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) ou l’inopportunité (let. c).

1.3 Le recours est recevable à la condition que le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (art. 382 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 382 Qualité pour recourir des autres parties - 1 Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
CPP). Il n’est pas contesté que A. soit la propriétaire des véhicules concernés. Partant, la recourante peut se prévaloir d’un intérêt à obtenir l’annulation ou la modification de ces décisions, de sorte qu’elle possède la qualité pour recourir (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2017 du 8 janvier 2018 consid. 1.1).

1.4 Compte tenu de ce qui précède et dès lors que les recours ont été interjetés en temps utile, il y a lieu d’entrer en matière.

2. Si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales (art. 30
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 30 Exceptions - Si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales.
CPP). En l'occurrence, les trois recours sont strictement liés: ils traitent de la même problématique, ils sont présentés par le même avocat et ont un libellé quasiment identique de sorte que, par économie de procédure, il se justifie de joindre les causes BB.2018.209 - 211.

3. Les décisions entreprises portent sur la réalisation anticipée des véhicules séquestrés susmentionnés (v. supra let. B).

3.1 La recourante dénonce en substance une violation des art. 26
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 26 Garantie de la propriété - 1 La propriété est garantie.
et 36
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 36 Restriction des droits fondamentaux - 1 Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
Cst., respectivement des art. 10
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 10 Présomption d'innocence et appréciation des preuves - 1 Toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force.
et 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP. Elle fait valoir que la réalisation des véhicules ne répond à aucun intérêt public, ni à aucun intérêt privé, étant donné que la valeur des véhicules n’est plus sujette à une dépréciation rapide, qu’ils ne sont pas exposés à des coûts d’entretien importants et que le MPC n’a pas démontré l’origine illicite des avoirs ayant financé l’acquisition des véhicules concernés. Son accord serait dès lors nécessaire (act. 1).

3.2 En principe, le sort des avoirs séquestrés est tranché lors du jugement final (art. 267 al. 3
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 267 Décision concernant les objets et valeurs patrimoniales séquestrés - 1 Si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit.
CPP). Par conséquent, durant la procédure pénale, les actifs gelés sont conservés tels quels. Toutefois, le législateur a expressément prévu une exception à ce principe en permettant à l'autorité pénale de procéder à la liquidation anticipée des valeurs patrimoniales séquestrées (art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP). Le produit de la vente est frappé de séquestre ex lege (art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
in fine CPP; REMUND/WYSS, La gestion d'actifs bancaires séquestrés dans la procédure pénale, RPS 133/2015, p. 1 ss, p. 17). Le séquestre pénal est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. L'autorité qui procède au séquestre a donc pour obligation première de veiller à la conservation des biens saisis jusqu'à droit connu sur leur sort définitif, sous réserve d'une levée de séquestre (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2017 précité consid. 2.1).

3.3 Selon l’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP, les objets sujets à une dépréciation rapide ou à un entretien dispendieux ainsi que les papiers-valeurs et autres valeurs cotées en bourse ou sur le marché peuvent être réalisés immédiatement selon les dispositions de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP; RS 281.1). Le produit est frappé de séquestre.

3.4 La réalisation anticipée des valeurs séquestrées au sens de l'art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP est subordonnée à deux conditions cumulatives. Premièrement, il faut que les actifs en cause constituent soit des «objets sujets à une dépréciation rapide ou à un entretien dispendieux», soit des «valeurs cotées en bourse ou sur le marché». Deuxièmement, l'aliénation anticipée doit respecter la garantie de la propriété selon l'art. 26
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 26 Garantie de la propriété - 1 La propriété est garantie.
Cst. – soit en substance les conditions de l'art. 36
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 36 Restriction des droits fondamentaux - 1 Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
Cst. permettant une restriction au droit de la propriété (REMUND/WYSS, op. cit., p. 18). Vu la gravité de l’atteinte, la Cour de céans examine librement si les conditions de l’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP sont réalisées. Pour être conforme à l’art. 26
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 26 Garantie de la propriété - 1 La propriété est garantie.
Cst., la vente anticipée, qui repose en l’espèce sur une base légale claire – l’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP – doit en outre se justifier par un intérêt public suffisant et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 36 Restriction des droits fondamentaux - 1 Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
à 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 36 Restriction des droits fondamentaux - 1 Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
Cst.; ATF 129 I 337 consid. 4.1 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2017 précité consid. 2.1).

3.5 Pour savoir si on se trouve en présence d’un objet sujet à dépréciation rapide, on se réfère notamment aux art. 124 al. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 124 - 1 À la demande du débiteur, la réalisation peut avoir lieu même avant que le créancier ne soit en droit de la requérir.
1    À la demande du débiteur, la réalisation peut avoir lieu même avant que le créancier ne soit en droit de la requérir.
2    Le préposé peut procéder en tout temps à la réalisation des objets d'une dépréciation rapide, dispendieux à conserver ou dont le dépôt occasionne des frais disproportionnés.258
LP et 204 al. 3 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO; RS 220) (HEIMGARTNER, in Donatsch/Hansjakob/Lieber [édit.], Kommentar StPO, 2e éd. 2014, n° 9 ad art. 266
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP). On parle d’objets sujets d’une dépréciation rapide lorsque ceux-ci sont susceptibles de perdre de la valeur pendant la durée de la réalisation forcée (Bettschart, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 13 ad art. 124 et les références citées). Les objets sujets à un entretien dispendieux sont ceux dont les frais de conservation pendant la durée de la réalisation forcée sont disproportionnés par rapport à la valeur du bien saisi. Par contre, les objets dont les frais de conservation peuvent être couverts au moins en grande partie par la gestion ou le rendement du bien saisi sortent du champ d’application de dite disposition (Bettschart, op. cit., n° 13 ad art. 124
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 124 Compétence et procédure - 1 Le tribunal saisi de la cause pénale juge les conclusions civiles indépendamment de leur valeur litigieuse.
). L’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP doit cependant être appliqué restrictivement, vu l’atteinte grave à la garantie de la propriété que représente la réalisation anticipée d’un bien séquestré (arrêts du Tribunal fédéral 1B_461/2017 précité consid. 2.1; 1B_95/2011 du 9 juin 2011 consid. 3.1). Il faut en particulier tenir compte de la volonté du propriétaire qui peut avoir un intérêt particulier et qui est disposé à supporter les frais d’entretien (HEIMGARTNER, in Donatsch/Hansjakob/Lieber [édit.], Kommentar StPO, 2e éd. 2014, n° 9 ad art. 266
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP). Toutefois, si les conditions de l’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP sont remplies, l’autorité compétente est tenue de réaliser de manière anticipée le bien en question (décisions du Tribunal pénal fédéral BB.2018.51 du 16 mai 2018 consid. 4.1, BB.2017.199 du 3 avril 2018 consid. 3.3, BB.2015.28 du 28 juillet 2015 consid. 3.3).

3.6 La réalisation anticipée de valeurs et d’objets présentant un risque de déprédation tend, dans l’intérêt du prévenu comme dans celui de l’autorité, à obtenir une valeur de remplacement qui, le moment venu, pourra être restituée ou confisquée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2017 précité consid. 2.1 et les références citées). Le but est de préserver au mieux les intérêts du propriétaire en réalisant le meilleur profit possible, objectif qui est plutôt rempli par une vente de gré à gré que par une vente aux enchères (arrêt du Tribunal fédéral 1B_461/2017 précité consid 2.1). La réalisation anticipée répond donc à l’intérêt du MPC à stabiliser la valeur de l’objet séquestré. La décision de réaliser un objet doit être prise après comparaison de la valeur des biens séquestrés et des frais d’entretien engendrés, compte tenu de la durée probable du séquestre (ATF 111 IV 41 consid. 3b; Lembo/Berthod, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 11 ad art. 266
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP).

En l’occurrence, les objets séquestrés sont trois véhicules automobiles, soit une Mercedes Benz SLR2DR d’une valeur actuelle estimée à un montant de CHF 346'352.44 et mise en première circulation le 5 septembre 2006 (act. 1.6), une Bentley Arnage mise en première circulation le 29 octobre 2008 et acquise pour un montant de CHF 559'560.-- (act. 1.7) et une Range Rover Sport V8 mise en première circulation en janvier 2005 dont la valeur à neuf est de CHF 123'360.-- (act. 1.8).

La recourante se plaint que le séquestre des véhicules concernés a eu lieu, de fait, le 27 août 2013, lorsque le MPC a confisqué les clefs de ceux-ci (act. 1.4 et 1.5), et non le 10 août 2018, date des ordonnances de séquestre desdits véhicules rendues par le MPC (act. 1.6, 1.7 et 1.8). Ce dernier allègue, pour sa part, que les véhicules n’étaient pas sous sa maîtrise effective et qu’ils se trouvaient dans la propriété de A., à laquelle elle a le libre accès (act. 3). Dès lors que la recourante, dépossédée des clés des automobiles, ne pouvait aucunement en disposer, faute d’y avoir accès – bien que ceux-ci fussent sur sa propriété – il faut considérer que, de facto, la saisie est en place depuis le mois d’août 2013.

Ainsi que le relève à juste titre la recourante, le MPC ne s’est pas préoccupé du sort des véhicules durant les cinq années qui ont précédé le prononcé formel des ordonnances prononçant leur séquestre. Le dossier n’indique pas, et le MPC ne le prétend d’ailleurs pas, que pendant cette période des frais d’entretien auraient été assumés par l’autorité ou par la recourante.

Cela étant, force est de relever que le séquestre des véhicules ne saurait, à lui seul, remplir les conditions de l’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP. De par son atteinte grave au droit de propriété, la réalisation anticipée doit respecter les conditions de l’art. 36
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 36 Restriction des droits fondamentaux - 1 Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
Cst., à savoir une base légale, un intérêt public ou la protection d’un droit fondamental ainsi que la proportionnalité de la mesure par rapport au but visé (Remund/Wyss, op.cit., p. 23). Dans le cas d’espèce, le MPC n’a pas démontré que les véhicules étaient sujets à une rapide dépréciation ou qu’un entretien dispendieux et disproportionné était nécessaire. On ne voit dès lors pas pourquoi il serait aujourd’hui, après cinq ans d’immobilisation des véhicules, indispensable de les réaliser de manière anticipée, cela d’autant moins qu’en l’espèce la saisie en main du détenteur desdits véhicules n’engendre pas de frais de dépôt. La réalisation anticipée étant une exception au principe général selon lequel le sort des objets saisis est tranché dans la décision finale (art. 267 al. 3
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 267 Décision concernant les objets et valeurs patrimoniales séquestrés - 1 Si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit.
CPP), elle ne peut intervenir que dans les conditions de l’art. 266 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 266 Exécution - 1 L'autorité pénale atteste dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés.
CPP. Les quelques éléments apportés par le MPC ne sont pas suffisants pour permettre à l’autorité de recours d’évaluer la dépréciation rapide ou l’entretien dispendieux. On cherche en vain dans le dossier une quelconque évaluation ou estimation d’une telle dépréciation. Le MPC ne démontre pas non plus que les frais engendrés par l’immobilisation et l’entretien des véhicules sont disproportionnés par rapport à la valeur du bien saisi; étant rappelé que les véhicules sont immobilisés dans la propriété de A., ce qui n’engendre aucuns frais de gardiennage. Partant, il s’avère difficile de justifier un tel coût.

Au vu de ce qui précède, force est de conclure que la réalisation anticipée des véhicules ne peut être admise.

4. Pour ces motifs, le recours doit être admis sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres griefs soulevés par la recourante.

5. La partie qui obtient gain de cause a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 436 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 436 Indemnité et réparation du tort moral dans la procédure de recours - 1 Les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434.
en lien avec l’art. 429 al. 1 let. a
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 429 Prétentions - 1 Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à:
CPP). Selon l’art. 12
SR 173.713.162 Règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF)
RFPPF Art. 12 Honoraires - 1 Les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Le tarif horaire est de 200 francs au minimum et de 300 francs au maximum.
1    Les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée. Le tarif horaire est de 200 francs au minimum et de 300 francs au maximum.
2    Lorsque l'avocat ne fait pas parvenir le décompte de ses prestations avant la clôture des débats ou dans le délai fixé par la direction de la procédure, ou encore, dans la procédure devant la Cour des plaintes, avec son unique ou sa dernière écriture, le montant des honoraires est fixé selon l'appréciation de la cour.
du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010 (RFPPF; RS 173.713.162), les honoraires sont fixés en fonction du temps effectivement consacré à la cause et nécessaire à la défense de la partie représentée.

En l’occurrence, le conseil du recourant a produit une note d’honoraires pour les procédures de recours s’élevant à CHF 3’938.05 (TVA incluse) soit honoraires CHF 3'550.-- (sans TVA), débours CHF 106.50 (sans TVA) et TVA CHF 281.55 (act. 1.11). Il applique un tarif horaire de CHF 200.-- respectivement de CHF 300.--. Or, de pratique constante, l’autorité de céans prend en considération un montant horaire de CHF 230.-- (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2012.8 du 2 mars 2012 consid. 4.2). Rien ne justifie de s’écarter ici de cette pratique, de sorte que la note d’honoraires devra être adaptée en conséquence.

Le conseil de la recourante invoque un temps de travail global (rédaction, finalisation, relecture) de 17 heures 30 (act. 1.11), ce qui apparaît trop élevé. En particulier, le conseil de la recourante a été nommé d’office le 19 mai 2014 déjà (act. 1.0). Il faut dès lors considérer que la procédure lui est connue de longue date. Il sied en outre de relever que les trois recours sont en tout point identiques. Il en découle que le total des heures mentionné pour leur rédaction sera donc adapté en conséquence. Compte tenu de ces éléments, de la difficulté et de l’ampleur de la cause, il y a lieu de reconnaître pour l’étude des dossiers et la rédaction des recours 10 heures de travail au tarif horaire de CHF 230.--, ce qui équivaut à une indemnité totale de CHF 2’300.-- (TVA incluse), mise à la charge du MPC.

Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Les causes BB.2018.209 - 211 sont jointes.

2. Le recours est admis.

3. Il n’est pas perçu de frais.

4. Une indemnité de CHF 2'300.-- est allouée à la recourante et mise à la charge du Ministère public de la Confédération.

Bellinzone, le 13 mars 2019

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: La greffière:

Distribution

- Me Grégoire Mangeat, avocat

- Ministère public de la Confédération

Indication des voies de recours

Il n'existe pas de voie de recours ordinaire contre la présente décision.