Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossier: RR.2015.55

Arrêt du 9 juillet 2015 Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler, président, Cornelia Cova et Patrick Robert-Nicoud, la greffière Julienne Borel

Parties

A. Corp., représentée par Me Laurent Moreillon,

recourante

Contre

Ministère public du canton de Genève,

partie adverse

Objet

Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France

Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP)

Faits:

A. Le Tribunal de Grande Instance de Paris a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire datée du 5 septembre 2014 (v. dossier du Ministère du canton de Genève [ci-après: MP-GE], demande d'entraide; in act. 1.2, p. 1). Cette demande s'inscrit dans le cadre d'une procédure menée en France relative à des fraudes à la TVA sur les droits d'émissions de gaz à effet de serre ou «droits carbone» échangés sur la plateforme parisienne Bluenext.

B. Par décision du 12 septembre 2014, le MP-GE est entré en matière sur ladite demande et a sollicité l'exécution des mesures requises par l'autorité étrangère par ordonnances de séquestre du 12 septembre et 1er octobre 2014 (v. dossier du MP-GE). Etait notamment concernée la documentation bancaire de la relation n° 1 détenue auprès de la banque J. B. à Genève par A. Corp. (in act. 1.2).

C. Le 9 janvier 2015, le MP-GE a rendu une décision de clôture, par laquelle il ordonne la transmission à l'autorité requérante de documents bancaires relatifs au compte susmentionné (act. 1.2).

D. A. Corp. a interjeté recours à l'encontre de la décision précitée le 11 février 2015, concluant à l'annulation de celle-ci et au rejet de l'entraide (act. 1). Invités à répondre, le MP-GE et l'Office fédéral de la justice concluent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité les respectivement 26 février et 11 mars 2015 (act. 6 et 7).

E. Par réplique du 24 mars 2015, la recourante persiste dans ses conclusions (act. 11).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1. L'entraide judiciaire entre la République française et la Confédération suisse est prioritairement régie par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur pour la Suisse le 20 mars 1967 et pour la France le 21 août 1967, ainsi que par l'Accord bilatéral complétant cette Convention (RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000. S'agissant d'une demande d'entraide présentée notamment pour la répression du blanchiment d'argent, entre également en considération la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl; RS 0.311.53), entrée en vigueur le 11 septembre 1993 pour la Suisse et le 1er février 1997 pour la France. Les art. 48 ss de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 (CAAS; n° CELEX 42000A0922[02]; Journal officiel de l'Union européenne L 239 du 22 septembre 2000, p. 19-62) s'appliquent également à l'entraide pénale entre la Suisse et la France (v. arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.98 du 18 décembre 2008, consid. 1.3). Dans les relations d'entraide avec la République française, les dispositions pertinentes de l'Accord de coopération entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers (ci-après: Accord anti-fraude; RS 0.351.926.81; v. également FF 2004 5807 à 5827 et 6127 ss) sont également applicables. En effet, bien qu’il ne soit pas encore en vigueur, en vertu de son art. 44 al. 3, l’Accord anti-fraude est applicable entre ces deux Etats à compter du 8 avril 2009.

1.1 Les dispositions de ces traités l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit en l'occurrence la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent toutefois applicables aux questions qui ne sont pas réglées, explicitement ou implicitement, par les dispositions conventionnelles (art. 1 al. 1 EIMP), ainsi que lorsqu'elles permettent l'octroi de l'entraide à des conditions plus favorables (ATF 137 IV 33 consid. 2.2.2; 130 II 337 consid. 1; 124 II 180 consid. 1a). Le respect des droits fondamentaux est réservé (ATF 135 IV 212 consid. 2.3; 123 II 595 consid. 7c p. 617).

1.2 La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des recours dirigés contre les décisions de clôture de la procédure d’entraide rendues par les autorités cantonales ou fédérales d’exécution et, conjointement, contre les décisions incidentes (art. 25 al. 1 et 80e al. 1 EIMP, mis en relation avec l'art. 37 al. 2 let. a ch. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]).

1.3 Formé dans les trente jours à compter de la notification de la décision attaquée, le recours a été déposé en temps utile (art. 80k EIMP).

1.4 Selon l'art. 80h let. b EIMP, la qualité pour recourir contre une mesure d'entraide judiciaire est reconnue à celui qui est personnellement et directement touché par la mesure d’entraide. La personne visée par la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21 al. 3 EIMP). Aux termes de l’art. 9a let. a OEIMP, est notamment réputé personnellement et directement touché au sens des art. 21 al. 3 et 80h EIMP, en cas d’informations sur un compte, le titulaire du compte dont les documents font l’objet de la décision de clôture.

1.5 Titulaire du compte concerné par la transmission de documents, la recourante dispose, en application des règles ci-dessus rappelées, de la qualité pour recourir.

1.6 Le recours est recevable, il y a lieu d'entrer en matière.

2. Dans un premier grief, la recourante se prévaut d'une violation des dispositions générales de l'EIMP quant au contenu de la demande d'entraide, plus spécifiquement de l'art. 28 al. 2 EIMP. Elle estime en effet que l'Etat requérant donne nombre d'informations et de détails sur les fraudes aux quotas CO2, évoque des transactions financières qui seraient liées à ladite fraude, mais ne décrit nullement le comportement délictuel reproché ou l'éventuelle participation de la recourante, ou de son représentant C. dans les activités frauduleuses sous enquête (act. 1, p. 4).

2.1 Aux termes de l’art. 14 CEEJ, en l'occurrence applicable, la demande d'entraide doit notamment indiquer l’autorité dont elle émane (ch. 1 let. a), son objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à l'autorité requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée est punissable selon le droit des parties requérante et requise (art. 5 ch. 1 let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal (art. 2 ch. 1 let. a CEEJ), et que le principe de la proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 5b et les arrêts cités). L'art. 28 al. 2 EIMP pose des exigences similaires. Selon la jurisprudence, l'on ne saurait exiger de l'Etat requérant un exposé complet et exempt de toute lacune, puisque la procédure d'entraide a précisément pour but d'apporter aux autorités de l'Etat requérant des renseignements au sujet des points demeurés obscurs (ATF 117 Ib 64 consid. 5c p. 88 et les arrêts cités). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa; 118 Ib 111 consid. 5b). L'exposé des faits ne doit pas être considéré comme un acte d'accusation, mais comme un état des soupçons que l'autorité requérante désire vérifier. Sauf contradictions ou impossibilités manifestes, ces soupçons n'ont pas à être vérifiés dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1A.297/2004 du 17 mars 2005, consid. 2.1).

2.2 De plus, l’octroi de l’entraide n’implique pas que la personne soumise à la mesure de contrainte dans l’Etat requis soit elle-même accusée dans l’Etat requérant. Il suffit que, dans ce dernier Etat, une procédure pénale soit ouverte à l’encontre d’une personne sur laquelle pèsent des charges donnant lieu à l’entraide et que des investigations en Suisse soient nécessaires pour les besoins de cette procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1A.218/2002 du 9 janvier 2003, consid. 3.2; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2009.64 du 27 août 2009, consid. 5.8; RR.2008.209 du 14 janvier 2009, consid. 2).

2.3 En l'espèce, la procédure française est dirigée à l'encontre notamment de C., ayant droit de la recourante au bénéfice d'une procuration générale (dossier du MPC, demande d'entraide, ch. 2.2.2, p. 7; act. 1.4). L'Etat requérant enquête sur des faits relevant de l'escroquerie de droit commun et du blanchiment d'argent, qui, transposés en droit suisse, peuvent être qualifiés entre autres d'abus de confiance, d'escroquerie, de faux dans les titres et de blanchiment d'argent (art. 138 , 146 , 251 et 305bis CP). Il expose dans sa demande d'entraide que D., société parisienne en liquidation, a pour but social le négoce en France et à l'étranger de matières premières, gaz, électricité, énergies renouvelables et tous produits non réglementés. Spécialisée dans la vente de droits carbone, elle intervient en qualité de courtier sur le marché Bluenext, agissant pour le compte de sociétés françaises. «Une bourse du carbone est un marché de négociation et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre (prévu par le protocole de Kyoto). Une firme A en dessous de son quota peut vendre son quota à une firme B qui dépasse son quota. […]. L'enquête a montré que D. avait été créée pour réaliser des escroqueries à l'échelle européenne en achetant et revendant des "droits carbone" sur le marché. Pour ces transactions, intervenaient de multiples sociétés écrans servant d'intermédiaires et créées dans le seul but d'escroquer le montant de la TVA. Les droits étaient achetés en amont sans TVA puis revendus en bout de chaîne TVA incluse. D. et les sociétés complices encaissaient l'intégralité de la TVA auprès des acheteurs, mais s'abstenaient de la reverser au Trésor Public. Aucune des sociétés intermédiaires en effet ne reversait la TVA facturée et encaissée auprès des acheteurs» (dossier du MPC, demande d'entraide, p. 3). L'autorité requérante relate dans sa demande le mécanisme de fraude aux droits carbone en détail. Elle expose notamment avec précision en quoi la société D. serait impliquée dans ladite fraude (dossier du MPC, demande d'entraide, p. 4).

2.4 Au regard de la jurisprudence susmentionnée, l'autorité requérante expose à satisfaction ses soupçons. En l'espèce, la demande d'entraide judiciaire relate sur plusieurs pages et dans le détail, les différents éléments d'enquête dont disposait l'autorité requérante au moment où elle a formulé sa demande d'entraide. Cette dernière mentionne clairement, dans sa version caviardée présente au dossier, l'autorité dont émane la demande, l'identité d'un des prévenus, quels actes lui sont reprochés, ainsi que leur qualification juridique selon le droit français. Ainsi, contrairement à l'avis de la recourante, la présentation des faits par l'autorité requérante à l'appui de sa demande satisfait aux réquisits de l'art. 14 CEEJ et permet notamment à la Cour de vérifier le respect des principes de la double incrimination et de la proportionnalité (v. infra consid. 3). Le grief tiré du caractère incomplet de la demande d'entraide doit être rejeté.

3. Dans un second grief, la recourante se prévaut d'une violation du principe de l'utilité potentielle (act. 1, p. 5 ss).

La recourante invoque une violation de la jurisprudence en matière d'escroquerie fiscale. Elle estime que bien que conformément à l'art. 50 CAAS la Suisse accorde son entraide aux parties contractantes pour les infractions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'autorité requérante doit, selon ladite jurisprudence, faire état de soupçons suffisants qu'une escroquerie fiscale a été commise. À cet égard, la recourante allègue que les autorités françaises ne démontrent nullement en quoi C. ou elle-même seraient impliqués dans la fraude à la TVA sous enquête (act. 1, n° 16 ss, p. 6 ss). Il sied de traiter les arguments de la recourante respectivement sous l'angle de la double punissabilité et du principe de la proportionnalité.

3.1 Lorsqu'une demande est présentée pour la poursuite d'une escroquerie fiscale en matière d'impôt direct, la Suisse en tant qu'Etat requis déroge à la règle qui veut que l'autorité d'exécution n'a pas à se déterminer sur la réalité des faits (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.188 du 3 novembre 2008, consid. 3.1 et la jurisprudence citée). Sans avoir à apporter des preuves indiscutables de la culpabilité de la personne poursuivie, l'Etat requérant doit faire état de soupçons suffisants qu'une escroquerie fiscale a été commise (v. arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.52 du 26 août 2009, consid. 5.3 et la jurisprudence citée). Ces exigences particulières ont pour but d'écarter le risque que soient éludées les normes excluant l'entraide en matière économique et fiscale (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.208 du 8 octobre 2008, consid. 2.1 et les références citées). Néanmoins et contrairement à ce qu'affirme la recourante, la jurisprudence relative à l'escroquerie fiscale susmentionnée ne trouve pas ici application.

En effet, aux termes de l'art. 3 al. 3 EIMP, une demande d'entraide est irrecevable si la procédure étrangère vise un acte qui paraît tendre à diminuer les recettes fiscales. L'entraide peut en revanche être accordée pour la répression d'une escroquerie fiscale (let. a). Cette limitation n'est désormais valable qu'en matière d'impôts directs et non pour la TVA ou les taxes douanières (v. art. 50 CAAS et art. 2 ch. 1 let. a Accord anti-fraude; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2014.257-260 du 23 mars 2015, consid. 3.1). Les conditions supplémentaires de recevabilité des demandes d'entraide relatives à l'escroquerie fiscale ne s'appliquent ainsi pas dans le domaine de l'entraide en matière de fiscalité indirecte au sens de l'art. 50 CAAS (arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2014.324-326 du 24 avril 2015, consid. 5.4; RR.2010.85 du 14 février 2011, consid. 5.2).

En l'occurrence, il ressort de la commission rogatoire que la société D., agissant en qualité de courtier sur le marché Bluenext, s'approvisionnait de droits carbone auprès de E. Corporation, droits achetés hors taxe, qu'elle revendait auprès de Bluenext toutes taxes comprises. Les taxes auraient été détournées par D., qui les encaissait auprès des acheteurs mais ne les reversait pas au Trésor. L'enquête française aurait mis à jour l'intervention dans ces circuits d'autres sociétés écrans, également créées en France par les organisateurs de la fraude, vraisemblablement dans le but de masquer le mécanisme frauduleux (demande d'entraide, p. 4 in fine). L'Etat requérant cherche à identifier les bénéficiaires de la fraude et de déterminer la destination finale des fonds détournés.

Les faits et soupçons que présentent l'autorité requérante, qu'elle ne doit par ailleurs ni prouver, ni même rendre vraisemblables (ATF 132 II 81 consid. 2.1 et les arrêts cités; 112 Ib 215 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 1A.54/2004 du 30 avril 2004, consid. 2.2; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2007.118 du 30 octobre 2007, consid. 4 et RR.2007.57 du 31 mai 2007, consid. 7.2), réalisent la condition de la double incrimination. Lorsque, comme dans le cas d'espèce, l'Etat requérant demande qu'il soit procédé à des perquisitions ou saisies, l'art. 51 CAAS permet à l'Etat requis de subordonner l'exécution de ces mesures de contrainte notamment à la condition de la double punissabilité. L'art. 51 let. a CAAS prévoit dès lors que l'état de fait exposé dans la demande d'entraide doit être punissable selon le droit des deux Parties Contractantes d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté restreignant la liberté de six mois au moins, ou punissable dans l'un des deux Etats d'une sanction équivalente à celle précitée et dans l'autre Etat comme une infraction aux règlements poursuivie par des autorités administratives dont la décision peut donner lieu à un recours devant une juridiction compétente en matière pénale (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2014.324-326 du 24 avril 2015, consid. 6.2; Zimmermann, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 4e éd., Berne 2014, n° 40, p. 35 s). Les méthodes décrites par les autorités françaises (demande d'entraide, p. 4), soit l'achat hors taxes de droits carbone auprès d'une société non assujettie à la TVA, la circulation desdits droits entre différents comptes carbone de négociants sans réelles transactions commerciales, la revente de ces droits sur le marché spot (Bluenext) ou de gré à gré à un opérateur assujetti à la TVA sans reversement au Trésor et le transfert quasi-immédiat de la vente à l'étranger correspondent en droit suisse, prima facie, notamment aux infractions d'abus de confiance, d'escroquerie, de blanchiment d'argent, de soustraction de l'impôt et d'escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 138 , 146 , 305bis CP, art. 96 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée [LTVA; RS 641.20] et art. 14 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif [DPA; RS 313.0]). Les art. 305bis
ch. 1 CP et 97 al. 2 LTVA notamment prévoient respectivement des peines privatives de liberté de trois ans au plus et de deux ans au plus. Il s'ensuit que les conditions de la double punissabilité et de l'infraction passible d'une peine privative de liberté pouvant atteindre au moins six mois sont remplies en l'espèce.

3.2 Les griefs de la recourante relatifs à la violation du principe de la proportionnalité s'articulent en deux arguments (act. 1, p. 6 s).

3.2.1 Tout d'abord, la recourante allègue qu'elle n'a jamais participé à la moindre opération portant sur des quotas de CO2. Son activité se situant dans un domaine sans lien de connexité avec les droits d'émission à effet de serre. En outre, aucun lien ne pourrait être fait entre son compte et la bourse de Paris ou Bluenext (act. 1, n° 18, p. 6).

Comme vu précédemment, la société D. est suspectée d'être au cœur de la «fraude carrousel» sous enquête. Il ressort de la commission rogatoire que les recherches des autorités françaises ont notamment mis en lumière les éléments qui suivent. La société D. a versé depuis sa relation bancaire n° 2, ouvert dans les livres de F., EUR 26.5 mio et EUR 12.6 mio sur respectivement le compte n°3 au nom de G. Ltd et le compte n°4 de H. Ltd, sociétés toutes deux enregistrées aux Îles Vierges britanniques et dont les compte ont été ouverts auprès de la banque I. La société J. a reçu par la suite sur son compte n°5 ouvert auprès de la banque I. EUR 112.9 mio de H. Ltd et EUR 39.5 mio de G. Ltd. J. a en outre encaissé sur son compte EUR 10.9 mio provenant de la société K. dont le gérant de fait serait C., J. a ensuite versé EUR 3 mio sur le compte n°6 ouvert dans les livres de la banque L. au nom de M. Ltd. La relation bancaire de cette dernière a été débitée au profit de la société N. Ltd (dont C. serait ayant droit) sur son compte n°7 auprès de banque L. sous couvert d'achat d'œuvres d'art (il semblerait que des faux documents aient été présentés à la banque L. pour justifier des mouvements financiers affectant les comptes ouverts au nom de M. Ltd et N. Ltd). Les fonds versés sur le compte de N. Ltd ont alors été transférés sur un compte letton lui appartenant aussi, ouvert dans les livres de la banque lettonne O. La recourante et la société P. Ltd (dont C. serait aussi l'ayant droit de cette dernière) ont reçu par la suite des versements sur leurs comptes respectifs, ouverts tous deux à la banque O., en provenance du compte letton de N. Ltd, P. Ltd a également versé des fonds sur le compte de la recourante. Les avoirs transférés sur le compte letton de la recourante ont ensuite été en partie versé au bureau Q. et sur le compte de la société R. Inc. à Singapour. Le solde encore présent sur le compte letton de la recourante a finalement été crédité sur le compte suisse de la recourante n°1 ouvert auprès de la banque B. (demande d'entraide, p. 5 s).

3.2.2 Selon la jurisprudence relative au principe de la proportionnalité, lequel découle de l'art. 63 al. 1 EIMP, la question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l’appréciation des autorités de poursuite de l’Etat requérant. L’Etat requis ne disposant généralement pas des moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l’opportunité de l’administration des preuves acquises au cours de l’instruction étrangère, il ne saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle des magistrats chargés de l’instruction. La coopération ne peut dès lors être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport avec l’infraction poursuivie et impropres à faire progresser l’enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.33 du 25 juin 2009, consid. 3.1).

3.2.3 De surcroît, il sied de préciser que l’entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.287 du 9 avril 2009, consid. 2.2.4 et la jurisprudence citée).

3.2.4 Il est de jurisprudence constante que, dans le domaine de l'entraide judiciaire, les mesures de contrainte peuvent viser toutes les personnes qui détiendraient des informations, des pièces, des objets ou des valeurs, réclamés par l'Etat requérant et pas seulement celles poursuivies dans la procédure étrangère. Il appartient au juge du fond, et non pas à celui de l'entraide, de déterminer le rôle exact joué par la recourante dans l'état de fait sur lequel se fonde la demande d'entraide (arrêt du Tribunal fédéral 1A.70/2002 du 3 mai 2002, consid. 4.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2014.32 du 3 juillet 2014, consid. 4.1).

3.2.5 En l'espèce, il apparaît à la lecture de la demande d'entraide que l'Etat requérant connaît le nom de la société qui ne s'est pas acquittée de la TVA au Trésor public français, soit D., pour un montant de plus de EUR 1'360'712.-- en 2008 et EUR 40'182'201.-- en 2009 (demande d'entraide, p. 4 in fine). Sur la base de cette information, des demandes d'entraide ont été adressées à différents Etats, notamment la Lettonie et le Liechtenstein, ce qui a permis d'identifier les mouvements financiers en lien avec le compte de D. Dès lors, les transferts ayant eu lieu entre la relation bancaire de cette dernière et les comptes des sociétés dont C. est l'ayant droit, dont entre autres celui de la recourante, sans justification commerciale apparente, suffit à démontrer le lien factuel entre l'enquête étrangère et le compte visé par la décision entreprise. L'utilité potentielle de la documentation bancaire relative au compte n° 1 ne saurait ainsi être niée. La demande d'entraide fondée sur des transactions précises provenant de sociétés apparentées au prévenu C. ne peut être définie comme constituant une recherche indifférenciée de preuves (fishing expedition).

3.3 Enfin, la recourante soulève que selon la demande d'entraide, D. a été active dans la vente de métriques de CO2 du 28 mai 2008 au 18 mai 2009. Toutefois, elle relève que les opérations sur lesquelles se basent l'Etat requérant pour justifier le lien entre la fraude aux droits d'émission et le représentant de la recourante, C., n'interviennent pas avant 2011. Ces opérations, selon elle, ne permettent dès lors pas de fonder des soupçons suffisants quant à la culpabilité de C., tant les liens sont lâches et lointains (act. 1, p. 6).

3.3.1 Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d’origine délictueuse, il convient en principe d’informer l’Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des entités (personnes physiques ou morales) et par le biais des comptes impliqués dans l’affaire, même sur une période relativement étendue (ATF 121 II 241 consid. 3c). S’agissant de comptes susceptibles, comme en l’espèce, d’avoir servi à la commission d’infractions pénales, l’autorité requérante a intérêt à pouvoir prendre connaissance de l'ensemble de la gestion des comptes visés, afin de vérifier tant l'origine que la destination de l'intégralité des fonds, ce qui justifie la production de toute la documentation bancaire, même sur une période relativement étendue (v. arrêt du Tribunal fédéral 1A.277/2006 du 13 mars 2007, consid. 3.3). L'Etat requérant dispose ainsi d’un intérêt à être informé de toute transaction susceptible de s’inscrire dans le mécanisme frauduleux mis en place par les personnes et sociétés sous enquête en France.

3.3.2 Certes, il se peut également que le compte litigieux n’ait pas servi à commettre des infractions pénales, ni à opérer des virements illicites ou à blanchir des fonds. L’autorité requérante n’en dispose pas moins d’un intérêt à pouvoir le vérifier elle-même, sur le vu d’une documentation complète, étant rappelé que l’entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (ATF 118 Ib 547 consid. 3a p. 552; arrêt du Tribunal fédéral 1A.88/2006 du 22 juin 2006, consid. 5.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2007.29 du 30 mai 2007, consid 4.2; v. supra consid. 3.2.3). Selon la jurisprudence, le principe de l’utilité potentielle joue un rôle crucial dans l’application du principe de la proportionnalité en matière d’entraide pénale internationale. C’est le propre de l’entraide de favoriser la découverte de faits, d’informations et de moyens de preuve, y compris ceux dont l’autorité de poursuite étrangère ne soupçonne pas l’existence. Il ne s’agit pas seulement d’aider l’Etat requérant à prouver des faits révélés par l’enquête qu’il conduit, mais d’en dévoiler d’autres, s’ils existent. Il en découle, pour l’autorité d’exécution, un devoir d’exhaustivité, qui justifie de communiquer tous les éléments qu’elle a réunis, propres à servir l’enquête étrangère, afin d’éclairer dans tous ses aspects les rouages du mécanisme délictueux poursuivi dans l’Etat requérant (arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2010.173 du 13 octobre 2010, consid. 4.2.4/a et RR.2009.320 du 2 février 2010, consid. 4.1; Zimmermann, op. cit., n° 723).

3.3.3 L'argent en lien avec D. aurait notamment abouti, voire transité, sur le compte suisse de la recourante. Dès lors, la transmission de la documentation relative à la relation bancaire de cette dernière expressément désignée par l'autorité française constitue une mesure propre à faire avancer son enquête, en particulier à identifier les bénéficiaires économiques finaux des paiements soupçonnés être en relation avec les infractions incriminées en France.

3.3.4 Au vu de ce qui précède, force est de constater que l'autorité d'exécution n'a pas violé le principe de proportionnalité en autorisant la remise aux autorités françaises des informations bancaires relatives au compte de la recourante. Ainsi, le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité n'est pas fondé et doit être rejeté.

4. Les développements qui précèdent mènent au rejet du recours.

5. En règle générale, les frais de procédure comprenant l'émolument d'arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 de loi fédérale sur la procédure administrative [PA; RS 172.021], applicable par renvoi de l'art. 39 al. 2 let. b LOAP). Le montant de l'émolument est calculé en fonction de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et des frais de chancellerie (art. 73 al. 2 LOAP). La recourante qui succombe supportera les frais du présent arrêt fixés à CHF 5'000.--, réputés couverts par l'avance de frais acquittée (art. 73 al. 2 LOAP et art. 8 al. 3 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale [RFPPF; RS 173.713.162] et art. 63 al. 5 PA).

Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Le recours est rejeté.

2. Un émolument de CHF 5'000.--, couvert par l'avance de frais acquittée, est mis à la charge de la recourante.

Bellinzone, le 10 juillet 2015

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: La greffière:

Distribution

- Me Laurent Moreillon

- Ministère public du canton de Genève

- Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire

Indication des voies de recours

Le recours contre une décision en matière d’entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1 et 2 let. b LTF).

Le recours n’est recevable contre une décision rendue en matière d’entraide pénale internationale que s’il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d’objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s’il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu’il y a des raisons de supposer que la procédure à l’étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d’autres vices graves (art. 84 al. 2 LTF).