[AZA 7]
C 285/01 Bh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 4 septembre 2002

dans la cause
Service de l'emploi, première instance cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Rue Marterey 5, 1014 Lausannne, recourant,

contre
N.________, intimée, représentée par M. Michel Rochat, Avenue Ste-Luce 4bis, 1001 Lausanne,

et
Tribunal adminstratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- Depuis le 1er décembre 1997, N.________ bénéficie de prestations de l'assurance-chômage. En raison de son accouchement, le 15 mars 1999, elle a été déclarée incapable de travailler jusqu'au 10 mai 1999. Ayant recouvré dès cette date une pleine capacité de travail, elle s'est vue proposer, le 28 avril 1999, un emploi de vendeuse en alimentation par l'Office régional de placement du canton de Vaud (ci-après : l'ORP). Faute d'avoir trouvé une solution pour garder son enfant, N.________ n'a pas été engagée, si bien que l'ORP a prononcé une suspension de son droit à l'indemnité de chômage de 31 jours (décision du 13 juillet 1999). Une seconde décision de suspension a été rendue par l'ORP le 14 octobre 1999 pour les mêmes motifs que la précédente.
Le 20 octobre 1999, l'ORP a déclaré l'assurée inapte au placement dès le 10 mai précédent, au motif qu'elle n'était pas en mesure d'établir que la garde de son enfant serait assurée par une tierce personne. Cette décision n'ayant pas été attaquée par N.________, la Caisse de chômage de la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie (ci-après : la caisse) a exigé de la prénommée la restitution d'un montant de 4213 fr. 30, représentant les indemnités de chômage qu'elle lui avait versées pour les mois mai et juin 1999 (décision du 10 février 2000).
L'assurée a recouru contre la décision de restitution devant le Service de l'emploi du canton de Vaud (ci-après :
le service de l'emploi), première instance cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, en contestant son inaptitude au placement et en faisant valoir que c'était en toute bonne foi qu'elle avait accepté les indemnités de chômage durant la période litigieuse.
Le service de l'emploi l'a déboutée par décision du 4 octobre 2000.

B.- N.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de Vaud, en reprenant ses arguments développés devant le service de l'emploi.
Par jugement du 31 août 2001, le tribunal a admis le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause au service de l'emploi pour statuer à nouveau au sens de considérants.

C.- Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 4 octobre 2000.
N.________ conclut au rejet du recours sous suite de dépens, tandis que la caisse conclut à son admission. De son côté, le Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- La juridiction cantonale a, dans un premier temps, estimé que la caisse ne pouvait se fonder sur la décision du 20 octobre 1999 de l'ORP pour exiger de N.________ la restitution de 4213 fr. 30. Selon elle, en effet, la décision de l'ORP est insuffisamment motivée et viole le droit d'être entendue de l'assurée dans la mesure où elle se borne à discuter la question de l'aptitude au placement de cette dernière sans expliquer la portée d'un tel examen, à savoir qu'en cas de négation de cette condition, il n'y a pas de droit au chômage et que les prestations perçues durant cette période sont susceptibles de faire l'objet d'une demande de rétrocession de la part de l'administration.
Déniant à cette décision un caractère définitif et exécutoire nonobstant l'absence d'un recours, le tribunal administratif a, dans un deuxième temps, jugé que le service de l'emploi "aurait dû (...) étendre sa cognition et considérer que le pourvoi de la recourante était dirigé non seulement contre la demande de restitution mais également contre le prononcé d'inaptitude qui en constituait le fondement. " (jugement attaqué p. 4 in fine); il a dès lors renvoyé la cause au service de l'emploi afin qu'il examine d'abord le bien-fondé de la décision de l'ORP du 20 octobre 1999 avant de se prononcer (le cas échéant) sur la décision de restitution de la caisse.

2.- Ce raisonnement ne peut pas être suivi.
A défaut de recours, la décision de l'ORP est entrée en force, de sorte que les premiers juges n'étaient pas fondés à en examiner la validité formelle et matérielle - l'intimée n'a au demeurant soulevé aucun grief qui pourrait constituer un motif de nullité de cette décision. A cet égard, on relèvera tout de même que l'ORP est compétent pour examiner l'aptitude au placement d'un assuré (art. 24
SR 837.02 Ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI) - Ordonnance sur l'assurance-chômage
OACI Art. 24 Examen de l'aptitude au placement et de l'étendue de la perte de travail à prendre en considération - (art. 49 LPGA; art. 11 et 15 LACI)
1    Si l'office compétent considère que l'assuré n'est pas apte au placement ou que l'étendue de la perte de travail à prendre en considération s'est modifiée, il en informe la caisse de chômage.
2    L'office rend une décision à ce propos.
OACI en relation avec les art. 85 al. 1 let. d
SR 837.0 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Loi sur l'assurance-chômage, LACI) - Loi sur l'assurance-chômage
LACI Art. 85 Autorités cantonales - 1 Les autorités cantonales:
1    Les autorités cantonales:
a  conseillent les chômeurs et s'efforcent de les placer, le cas échéant avec la collaboration des institutions paritaires de placement, des institutions de placement gérées par les organisations fondatrices ou des services de placement privés; elles veillent à ce que les possibilités de réinsertion de chaque assuré soient clarifiées avec soin durant le premier mois de chômage contrôlé;
b  établissent le droit aux prestations dans la mesure où cette tâche leur incombe en vertu de la présente loi;
c  déterminent si les emplois proposés aux assurés sont convenables et, dans l'affirmative, les leur assignent et leur donnent des directives selon l'art. 17, al. 3;
d  vérifient l'aptitude des chômeurs à être placés;
e  statuent sur les cas qui leur sont soumis par les caisses en vertu des art. 81, al. 2, et 95, al. 3;
f  exécutent les prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral;
g  suspendent l'exercice du droit à l'indemnité dans les cas prévus à l'art. 30, al. 2 et 4, et restreignent le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail ou à l'indemnité en cas d'intempéries (art. 41, al. 5 et 50);
h  se prononcent sur les demandes de subvention concernant les mesures relatives au marché travail (art. 59c, al. 3) et veillent à ce que l'offre en la matière soit suffisante et en adéquation avec les besoins;
i  exercent les autres attributions que leur confère la loi, notamment les art. 36, al. 4, 45, al. 4, et 59c, al. 2;
j  font rapport périodiquement au fonds de compensation, à l'intention de la commission de surveillance, sur leurs décisions en matière de mesures relatives au marché travail;
k  présentent périodiquement à l'organe de compensation, conformément aux directives de celui-ci et à l'intention de la commission de surveillance, le compte des frais d'administration de l'autorité cantonale, des offices régionaux de placement et du service de logistique des mesures relatives au marché du travail.
2    ...328
et 85b al. 1
SR 837.0 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Loi sur l'assurance-chômage, LACI) - Loi sur l'assurance-chômage
LACI Art. 85b Offices régionaux de placement - 1 Les cantons instituent des offices régionaux de placement. Ils leur confient des tâches relevant de l'autorité cantonale. Ils peuvent leur confier la procédure d'inscription en vue du placement prévue à l'art. 17, al. 2.331
1    Les cantons instituent des offices régionaux de placement. Ils leur confient des tâches relevant de l'autorité cantonale. Ils peuvent leur confier la procédure d'inscription en vue du placement prévue à l'art. 17, al. 2.331
2    Les offices régionaux de placement peuvent remplir leurs tâches avec l'aide d'organismes privés.
3    Les cantons annoncent à l'organe de compensation les tâches et compétences attribuées à l'office régional de placement.
4    Le Conseil fédéral fixe les exigences professionnelles auxquelles doit répondre la personne responsable du service public de l'emploi.332
LACI) et qu'il a respecté les conditions formelles requises par l'art. 35
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 35 - 1 Même si l'autorité les notifie sous forme de lettre, les décisions écrites sont désignées comme telles, motivées, et indiquent les voies de droit.
1    Même si l'autorité les notifie sous forme de lettre, les décisions écrites sont désignées comme telles, motivées, et indiquent les voies de droit.
2    L'indication des voies de droit mentionne le moyen de droit ordinaire qui est ouvert, l'autorité à laquelle il doit être adressé et le délai pour l'utiliser.
3    L'autorité peut renoncer à motiver la décision et à indiquer les moyens de droit, si elle fait entièrement droit aux conclusions des parties et si aucune partie ne réclame une motivation.
PA pour rendre une décision (désignation, exposé des motifs, indication des voies de droit). On ne voit pas non plus que les principes déduits de la protection de la bonne foi puissent pallier l'absence de réaction de N.________ en relation avec la décision en question. En effet, on ne se trouve en présence ni d'un renseignement ou d'une décision erronés, ni d'assurances ou d'un comportement de l'administration susceptibles d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitimes (cf.
notamment ATF 127 I 36 consid. 2a). Enfin, on ajoutera qu'on peut raisonnablement attendre d'une assurée qui est inscrite au chômage depuis décembre 1997 et qui a, de surcroît, été suspendue par deux fois dans son droit à l'indemnité journalière, qu'elle saisisse la portée d'une décision d'inaptitude au placement, le cas échéant, qu'elle s'informe auprès de l'administration sur les conséquences qu'une telle décision pourrait avoir sur son droit aux prestations.
Le recours se révèle ainsi bien fondé.

3.- Dans la mesure où les premiers juges se sont écartés de l'objet de la contestation - qui est déterminé par la décision de restitution de la caisse -, il y a lieu de leur renvoyer la cause afin qu'ils statuent à nouveau sur le recours dont ils ont été saisi, en limitant leur examen aux conditions de l'art. 95
SR 837.0 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Loi sur l'assurance-chômage, LACI) - Loi sur l'assurance-chômage
LACI Art. 95 Restitution de prestations - 1 La demande de restitution est régie par l'art. 25 LPGA391, à l'exception des cas relevant des art. 55 et 59cbis, al. 4.392
1    La demande de restitution est régie par l'art. 25 LPGA391, à l'exception des cas relevant des art. 55 et 59cbis, al. 4.392
1bis    L'assuré qui a touché des indemnités de chômage et perçoit ensuite, pour la même période, une rente ou des indemnités journalières au titre de l'assurance-invalidité, de la prévoyance professionnelle, de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain393, de l'assurance militaire, de l'assurance-accidents obligatoire, de l'assurance-maladie ou des allocations familiales légales, est tenu de rembourser les indemnités journalières versées par l'assurance-chômage au cours de cette période.394 En dérogation à l'art. 25, al. 1, LPGA, la somme à restituer se limite à la somme des prestations versées pour la même période par ces institutions.395
1ter    Si une caisse a fourni des prestations financières pour des mesures de reconversion, de formation continue ou d'intégration qui auraient dû être versées par une autre assurance sociale, elle demande la restitution de ses prestations à cette assurance.396
2    La caisse exige de l'employeur la restitution de l'indemnité allouée en cas de réduction de l'horaire de travail ou d'intempéries quand cette indemnité a été versée à tort. Lorsque l'employeur est responsable de l'erreur, il ne peut exiger de ses travailleurs le remboursement de l'indemnité.
3    Le cas échéant, la caisse soumet sa demande de remise à l'autorité cantonale pour décision.
LACI (reconsidération ou révision procédurale des décisions par lesquelles les prestations en cause ont été allouées; ATF 126 V 46 consid. 2b et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

prononce :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal administratif du canton de Vaud du 31 août
2001 est annulé, la cause lui étant renvoyée pour
qu'il procède conformément aux motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Vaud, au Secrétariat d'Etat à l'économie, à l'Office régional de Placement

de Lausanne, ainsi qu'à la Caisse de chômage de la
Chambre Vaudoise du commerce et de l'industrie.
Lucerne, le 4 septembre 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :