Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}

1B 187/2013

Arrêt du 4 juillet 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger, Merkli, Karlen et Chaix.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me François Canonica, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.

Objet
révocation de la nomination d'avocat d'office,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 11 avril 2013.

Faits:

A.
Une procédure pénale est en cours à l'encontre de B.________, prévenu de tentative de meurtre, agression, rixe, menaces et séjour illégal. Le 26 juin 2012, le Ministère public du canton de Genève a désigné Me A.________ comme avocat d'office du prévenu.
Par décision du 8 mars 2013 (faisant suite à une même décision du 5 mars précédent, annulée afin de respecter le droit d'être entendu de l'intéressé), le Ministère public a révoqué la nomination d'office. L'avocat était fréquemment absent et dans l'impossibilité de se faire remplacer, certaines absences étant par ailleurs sujettes à caution. Il avait déposé de nombreuses demandes de mise en liberté, persistant à contester les charges pourtant reconnues par les diverses instances saisies. Cette tactique de défense paraissait contraire aux intérêts du prévenu, car elle monopolisait l'énergie des autorités compétentes et ralentissait la procédure.

B.
Par arrêt du 11 avril 2013, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté les recours déposés par le prévenu et par son avocat. Ce dernier avait déposé sept demandes de mise en liberté et recouru à cinq reprises au niveau cantonal ainsi qu'une fois au Tribunal fédéral (arrêt 1B 576/2012 du 19 octobre 2012), toujours en vain. Par deux fois, un délai d'un mois avait été imposé avant le dépôt d'une nouvelle demande; certaines demandes étaient entachées de vices de procédure ou insuffisamment motivées. Le nombre et l'inefficacité des démarches entreprises illustraient le manque de distance de l'avocat par rapport à la cause; elles provoquaient - tout comme les absences du défenseur, dont l'une était apparemment fictive - une surcharge des autorités pénales et un allongement de la procédure.

C.
Par acte du 14 mai 2013, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande l'annulation de l'arrêt cantonal.
Le Ministère public et la cour cantonale concluent au rejet du recours, cette dernière précisant que Me A.________ a également recouru contre le refus du Ministère public d'admettre ce défenseur en tant qu'avocat de choix.

Considérant en droit:

1.
La contestation portant sur une décision relative à la défense d'office en matière pénale, le recours au Tribunal fédéral est régi par les art. 78 ss
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 78 Principe - 1 Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale.
1    Le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale.
2    Sont également sujettes au recours en matière pénale:
a  les décisions sur les prétentions civiles qui doivent être jugées en même temps que la cause pénale;
b  les décisions sur l'exécution de peines et de mesures.
LTF. Le recourant a agi en temps utile (art. 100 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
1    Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
2    Le délai de recours est de dix jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
b  les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale;
c  les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93.
d  les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95.
3    Le délai de recours est de cinq jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change;
b  les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales.
4    Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national.
5    En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
6    ...96
7    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.
LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 80 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par la Cour des plaintes et la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.49
1    Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par la Cour des plaintes et la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.49
2    Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours. Sont exceptés les cas dans lesquels le code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP)50 prévoit un tribunal des mesures de contrainte ou un autre tribunal comme instance cantonale unique.51
LTF).

1.1. La décision par laquelle le juge refuse un changement de défenseur d'office constitue, pour le prévenu, une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure; le recours n'est alors recevable qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 93 Autres décisions préjudicielles et incidentes - 1 Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours:
1    Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours:
a  si elles peuvent causer un préjudice irréparable, ou
b  si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
2    En matière d'entraide pénale internationale et en matière d'asile, les décisions préjudicielles et incidentes ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.88 Le recours contre les décisions relatives à la détention extraditionnelle ou à la saisie d'objets et de valeurs est réservé si les conditions de l'al. 1 sont remplies.
3    Si le recours n'est pas recevable en vertu des al. 1 et 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées par un recours contre la décision finale dans la mesure où elles influent sur le contenu de celle-ci.
LTF (ATF 126 I 207 consid. 1a p. 209; 111 Ia 276 consid. 2b p. 278 s.). Pour l'avocat dont le mandat a été révoqué, la décision peut en revanche être considérée comme finale au sens de l'art. 90
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 90 Décisions finales - Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure.
LTF, ou comme une décision incidente causant un préjudice irréparable (cf. ATF 133 IV 335 consid. 5 p. 339).

1.2. Selon l'art. 81 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 81 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque:
1    A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque:
a  a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et
b  a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier:
b1  l'accusé,
b2  le représentant légal de l'accusé,
b3  le ministère public, sauf pour les décisions relatives à la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à la prolongation de la détention ou à sa levée,
b4  ...
b5  la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles,
b6  le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte,
b7  le Ministère public de la Confédération et les autorités administratives participant à la poursuite et au jugement des affaires pénales administratives selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif56.
2    Une autorité fédérale a qualité pour recourir si le droit fédéral prévoit que la décision doit lui être communiquée.57
3    La qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 78, al. 2, let. b, appartient également à la Chancellerie fédérale, aux départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions.
LTF, a qualité pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant l'instance précédente - ce qui est le cas du recourant - et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. La liste exemplative de l'art. 81 al. 1 let. b
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 81 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque:
1    A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque:
a  a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et
b  a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier:
b1  l'accusé,
b2  le représentant légal de l'accusé,
b3  le ministère public, sauf pour les décisions relatives à la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à la prolongation de la détention ou à sa levée,
b4  ...
b5  la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles,
b6  le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte,
b7  le Ministère public de la Confédération et les autorités administratives participant à la poursuite et au jugement des affaires pénales administratives selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif56.
2    Une autorité fédérale a qualité pour recourir si le droit fédéral prévoit que la décision doit lui être communiquée.57
3    La qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 78, al. 2, let. b, appartient également à la Chancellerie fédérale, aux départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions.
LTF mentionne l'accusé et son représentant légal (ch. 1 et 2), mais non son avocat.
Le bénéficiaire du droit à l'assistance judiciaire (art. 29 al. 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
1    Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
2    Les parties ont le droit d'être entendues.
3    Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.
Cst. et 132 ss CPP) est exclusivement la partie au procès, soit en l'occurrence le prévenu. L'avocat, ne peut pas déposer en son propre nom une demande d'assistance judiciaire; il peut certes disposer d'un intérêt de fait à une nomination comme avocat d'office, mais non d'un intérêt juridique, et ne peut donc pas recourir contre un refus de désignation (arrêt 1B 705/2011 du 9 mai 2012, consid. 2.2 et les arrêts cités). Il en va différemment lorsque l'avocat a été désigné défenseur d'office, puisqu'il bénéficie alors des prérogatives attachées à cette nomination (droit de représentation et droit à une indemnisation notamment). Il dispose dès lors d'un intérêt juridique à l'annulation de la décision de révocation (ATF 133 IV 335 consid. 5 p. 340; cf. toutefois Thommen BSK/BGG n° 75 ad art. 81; Schmid, Handbuch des schweizerischen Strafprozessordnung, Zurich/St. Gall 2009, n° 1652 note 515).

2.
Le recourant invoque les art. 128
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 128 Statut - Le défenseur n'est obligé, dans les limites de la loi et des règles de sa profession, que par les intérêts du prévenu.
CPP et 12 de la loi fédérale sur les avocats (LLCA, RS 935.61). Il estime que le choix de la stratégie de défense ne pourrait être un juste motif de révocation; au contraire du cas où l'avocat néglige sa mission, la multiplication des actes de procédure ne saurait être sanctionnée de la sorte. Le prévenu soutenant avoir agi en état de légitime défense, il estime se trouver détenu à tort et on ne saurait lui reprocher ses nombreuses demandes de mise en liberté.

2.1. Le droit à l'assistance judiciaire (art. 6
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 6 Droit à un procès équitable - 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
1    Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2    Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3    Tout accusé a droit notamment à:
a  être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;
b  disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;
c  se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent;
d  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;
e  se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience.
par. 3 let. c CEDH et 29 al. 3 Cst.) doit permettre à l'accusé de bénéficier d'une défense complète, assidue et efficace. Un changement d'avocat d'office doit ainsi être ordonné lorsque le défenseur néglige gravement ses devoirs et que, pour des motifs objectifs, la défense des intérêts du prévenu n'est plus assurée (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164). Selon l'art. 134 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 134 Révocation et remplacement du défenseur d'office - 1 Si le motif à l'origine de la défense d'office disparaît, la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné.
1    Si le motif à l'origine de la défense d'office disparaît, la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné.
2    Si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne.
CPP, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne si la relation entre le prévenu et son défenseur est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons. Cette disposition permet de tenir compte d'une détérioration objective du rapport de confiance entre le prévenu et son défenseur (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 165 s.).

2.2. Il appartient à la direction de la procédure de s'assurer que le droit à une défense efficace est matériellement garanti ( SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, n° 762). C'est donc à elle d'intervenir lorsqu'il apparaît que le défenseur néglige gravement les devoirs que lui imposent sa profession et sa fonction, au détriment du prévenu (ATF 126 I 194 consid. 3d p. 198). Le choix de la stratégie de défense appartient certes au défenseur, d'entente avec le prévenu. Toutefois, lorsque l'avocat présente des carences manifestes, l'autorité pénale doit - en principe à titre d'ultima ratio et après avoir rappelé l'intéressé à ses obligations - procéder à un changement d'avocat d'office ( LIEBER, Kommentar zur StPO, n° 15 ad art. 134). Tel est le cas lorsque le défenseur ne fournit pas de prestation propre et se contente de se faire le porte-parole du prévenu, sans esprit critique (ATF 126 I 194 consid. 3d p. 199), ou lorsqu'au contraire il déclare qu'il ne croit pas à l'innocence de son client lors même que celui-ci n'a pas avoué. Les absences du défenseur aux débats (art. 336 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 336 Prévenu, défense d'office et défense obligatoire - 1 Le prévenu doit participer en personne aux débats dans les cas suivants:
1    Le prévenu doit participer en personne aux débats dans les cas suivants:
a  il est soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit;
b  la direction de la procédure ordonne sa comparution personnelle.
2    En cas de défense d'office ou de défense obligatoire, le défenseur est tenu de participer personnellement aux débats.
3    La direction de la procédure peut dispenser le prévenu, à sa demande, de comparaître en personne lorsqu'il fait valoir des motifs importants et que sa présence n'est pas indispensable.
4    Si le prévenu ne comparaît pas sans excuse, les dispositions régissant la procédure par défaut sont applicables.
5    Si, en cas de défense d'office ou de défense obligatoire, le défenseur ne comparaît pas, les débats sont ajournés.
CPP) ou lors des auditions de témoins importantes, peuvent également constituer des négligences propres à justifier un changement
d'avocat d'office. Il en va de même des attitudes qui empêcheraient un déroulement de la procédure conforme aux principes essentiels tels que le respect de la dignité, le droit à un traitement équitable et l'interdiction de l'abus de droit (art. 3
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 3 Respect de la dignité et procès équitable - 1 Les autorités pénales respectent la dignité des personnes impliquées dans la procédure, à tous les stades de celle-ci.
1    Les autorités pénales respectent la dignité des personnes impliquées dans la procédure, à tous les stades de celle-ci.
2    Elles se conforment notamment:
a  au principe de la bonne foi;
b  à l'interdiction de l'abus de droit;
c  à la maxime voulant qu'un traitement équitable et le droit d'être entendu soient garantis à toutes les personnes touchées par la procédure;
d  à l'interdiction d'appliquer des méthodes d'enquête qui sont attentatoires à la dignité humaine.
CPP), ou encore le principe de célérité, en particulier lorsque le prévenu se trouve en détention (art. 5 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 5 Célérité - 1 Les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié.
1    Les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié.
2    Lorsqu'un prévenu est placé en détention, la procédure doit être conduite en priorité.
CPP).

2.3. En l'occurrence, le recourant paraît avoir conservé l'entière confiance du prévenu; celui-ci l'a confirmé en instance cantonale à l'occasion de son recours contre l'ordonnance de révocation. Il est vrai que l'avocat a déposé de très nombreuses demandes de mise en liberté, formées pour des motifs variables et parfois entachées d'irrégularités formelles. Ce droit de recourir est toutefois garanti à l'art. 228 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 228 Demande de libération de la détention provisoire - 1 Le prévenu peut présenter en tout temps, par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal, une demande de mise en liberté au ministère public, sous réserve de l'al. 5. La demande doit être brièvement motivée.
1    Le prévenu peut présenter en tout temps, par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal, une demande de mise en liberté au ministère public, sous réserve de l'al. 5. La demande doit être brièvement motivée.
2    Si le ministère public répond favorablement à la demande du prévenu, il ordonne sa libération immédiate. S'il n'entend pas donner une suite favorable à la demande, il la transmet au tribunal des mesures de contrainte au plus tard dans les trois jours à compter de sa réception, en y joignant une prise de position motivée.
3    Le tribunal des mesures de contrainte notifie la prise de position du ministère public au prévenu et à son défenseur et leur impartit un délai de trois jours pour présenter une réplique.
4    Il statue à huis clos, au plus tard dans les cinq jours qui suivent la réception de la réplique ou l'expiration du délai fixé à l'al. 3. Si le prévenu renonce expressément à une audience, la décision peut être rendue en procédure écrite. Au surplus, l'art. 226, al. 2 à 5, est applicable par analogie.
5    Dans sa décision, le tribunal des mesures de contrainte peut fixer un délai d'un mois au plus durant lequel le prévenu ne peut pas déposer de demande de libération.
CPP. L'autorité peut limiter ce droit en fixant un délai d'un mois durant lequel la libération ne peut plus être requise (art. 228 al. 5
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 228 Demande de libération de la détention provisoire - 1 Le prévenu peut présenter en tout temps, par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal, une demande de mise en liberté au ministère public, sous réserve de l'al. 5. La demande doit être brièvement motivée.
1    Le prévenu peut présenter en tout temps, par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal, une demande de mise en liberté au ministère public, sous réserve de l'al. 5. La demande doit être brièvement motivée.
2    Si le ministère public répond favorablement à la demande du prévenu, il ordonne sa libération immédiate. S'il n'entend pas donner une suite favorable à la demande, il la transmet au tribunal des mesures de contrainte au plus tard dans les trois jours à compter de sa réception, en y joignant une prise de position motivée.
3    Le tribunal des mesures de contrainte notifie la prise de position du ministère public au prévenu et à son défenseur et leur impartit un délai de trois jours pour présenter une réplique.
4    Il statue à huis clos, au plus tard dans les cinq jours qui suivent la réception de la réplique ou l'expiration du délai fixé à l'al. 3. Si le prévenu renonce expressément à une audience, la décision peut être rendue en procédure écrite. Au surplus, l'art. 226, al. 2 à 5, est applicable par analogie.
5    Dans sa décision, le tribunal des mesures de contrainte peut fixer un délai d'un mois au plus durant lequel le prévenu ne peut pas déposer de demande de libération.
CPP); le Tmc a d'ailleurs fait usage à deux reprises de cette faculté dans la présente procédure. L'autorité ne saurait non plus reprocher au prévenu et à son défenseur de nier les charges retenues, même, le cas échéant, contre l'évidence: il s'agit là d'un droit fondamental reconnu à toute personne prévenue (cf. art. 113
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 113 Statut - 1 Le prévenu n'a pas l'obligation de déposer contre lui-même. Il a notamment le droit de refuser de déposer et de refuser de collaborer à la procédure. Il est toutefois tenu de se soumettre aux mesures de contrainte prévues par la loi.
1    Le prévenu n'a pas l'obligation de déposer contre lui-même. Il a notamment le droit de refuser de déposer et de refuser de collaborer à la procédure. Il est toutefois tenu de se soumettre aux mesures de contrainte prévues par la loi.
2    La procédure est poursuivie même si le prévenu refuse de collaborer.
CPP).
Les diverses absences du défenseur ont certes conduit à l'annulation de certaines audiences, mais l'arrêt attaqué ne fait état que de deux cas précis. La cour cantonale reproche à l'avocat d'avoir déposé personnellement un acte le 22 février 2013 alors qu'il avait, pour justifier le report d'une audience du 20 février 2012, déclaré être absent du 19 au 22 février. Rien ne permet néanmoins d'affirmer que l'avocat aurait pu être présent au jour de l'audience prévue et que la demande de report serait, par conséquent, abusive. On ne saurait, en l'état, parler d'obstruction systématique constitutive d'un manquement grave.
Il est également reproché à l'avocat de manquer de distance et d'esprit critique à l'égard de son client. Dans des observations datées du 7 mars 2013 au Ministère public, le prévenu avait certes affirmé qu'il était lui-même à l'origine des nombreuses demandes de mise en liberté. Cela ne signifie pas que l'avocat aurait donné suite aveuglément aux directives de son client: dans la mesure où ce dernier se prétend innocent, et donc détenu à tort, la présentation de nombreuses requêtes de mise en liberté procède d'une certaine cohérence au regard de la ligne de défense choisie, même si de telles demandes répétées, sans présentation de faits nouveaux, ne présentent guère de chances de succès.
Le prévenu affirmait également dans ses propres observations que certains éléments retenus par le Ministère public seraient "partiels et partiaux, sinon simplement mensongers". Comme le relève l'arrêt attaqué, l'avocat n'a toutefois pas repris ces dernières affirmations dans ses propres observations, de sorte que l'on ne saurait lui reprocher de reprendre systématiquement et sans esprit critique les assertions de son client. Quoiqu'il en soit, de tels manquements, qui pourraient relever du droit disciplinaire, ne constituent pas non plus des motifs de révocation fondés sur le manque d'efficacité de la défense.

2.4. L'attitude et les démarches de l'avocat procèdent d'une stratégie de défense dont l'opportunité est certes discutable, mais qui est manifestement voulue et assumée par le prévenu dont la capacité de discernement n'est pas remise en cause. Or, le choix de la conduite de la défense appartient, comme on l'a vu, pour l'essentiel au prévenu et à son avocat (ATF 126 I 194 consid. 3d p. 199), et la partie concernée doit en assumer toutes les conséquences.

2.5. En définitive, les reproches adressés au défenseur d'office ne sauraient justifier une révocation du mandat. Dans la mesure où le prévenu est, comme cela paraît être le cas, conscient des conséquences liées à sa stratégie de défense (en particulier: allongement de la procédure, irrecevabilité ou rejet des démarches procédurières, défaut d'indemnisation de l'avocat d'office pour les démarches inutiles), l'on ne saurait considérer que l'attitude du défenseur est assimilable à une carence manifeste, ni qu'une défense effective n'est plus assurée. Il s'agit cependant d'une situation qui est à la limite du tolérable, vu en particulier les diverses absences du défenseur d'office et le retard que cela entraîne pour la procédure. Sous l'angle de l'art. 134 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 134 Révocation et remplacement du défenseur d'office - 1 Si le motif à l'origine de la défense d'office disparaît, la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné.
1    Si le motif à l'origine de la défense d'office disparaît, la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné.
2    Si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne.
CPP, l'appréciation pourrait à l'avenir être différente si les indisponibilités du recourant persistaient ou si tout autre fait établi permettait de mettre en doute concrètement l'efficacité de la défense du prévenu.

3.
Le recours doit par conséquent être admis. La décision attaquée est annulée, de même que l'ordonnance du Ministère public du 8 mars 2013. Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens, à la charge du canton de Genève. Conformément à l'art. 66 al. 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. La cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours pour nouvelle décision sur les frais et indemnités de la procédure cantonale.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé, de même que l'ordonnance du Ministère public genevois du 8 mars 2013. La cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et indemnités de la procédure cantonale.

2.
Une indemnité de dépens de 1'500 fr. est allouée au recourant, à la charge du canton de Genève.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 4 juillet 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz