TPF 2016 52, p.52

10. Extrait de la décision de la Cour des plaintes dans la cause Association A. contre Ministère public de la Confédération du 25 février 2016 (BB.2015.96)

Obligation de garder le silence imposée au dénonciateur. Conditions légales. Exigence d'un risque concret.

Art. 73 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP

L'autorité pénale qui entend imposer au dénonciateur d'une infraction, participant à la procédure pénale, l'obligation de garder le silence sur cette dernière, doit se fonder sur un risque concret. De simples généralités n'indiquant pas en quoi le «but de la procédure», respectivement un «intérêt privé» exigerait véritablement d'imposer une interdiction de communiquer ne suffisent pas. La limitation dans le temps d'une telle mesure doit par ailleurs être exprimée avec précision (consid. 3.2).

Der anzeigenden Person auferlegte Geheimhaltungspflicht. Gesetzliche Voraussetzungen. Erfordernis einer konkreten Gefahr.
Art. 73 Abs. 2 StPO

Die Strafbehörde muss sich auf eine konkrete Gefahr stützen, wenn sie beabsichtigt, die eine Straftat anzeigende und am Strafverfahren beteiligte Person zu verpflichten, über dieses Verfahren Stillschweigen zu bewahren. Die Anführung bloss allgemeiner Gründe ohne Angabe, inwiefern der «Zweck des Verfahrens» bzw. ein «privates Interesse» die Auferlegung einer Geheimhaltungspflicht tatsächlich erfordern, genügt nicht. Ausserdem muss die zeitliche Befristung einer solchen Massnahme präzise angegeben werden (E. 3.2).

TPF 2016 52, p.53

Obbligo di serbare il segreto imposto al denunciante. Condizioni legali. Esigenza di un rischio concreto.

Art. 73 cpv. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP

L'autorità penale che intende imporre al denunciante, quale partecipante al procedimento, l'obbligo di serbare il segreto sullo stesso, deve basarsi su un rischio concreto. Motivazioni generiche, senza indicazione dei motivi concreti per cui lo «scopo del procedimento», rispettivamente un «interesse privato» esigerebbero un divieto di comunicazione, non sono sufficienti. La limitazione temporale di una simile misura deve inoltre essere espressa con precisione (consid. 3.2).

Résumé des faits:

Le Ministère public de la Confédération (MPC) diligente une procédure pénale à l'encontre du dénommé B. depuis le 19 décembre 2013. Ouverte sur la base d'une dénonciation émanant de l'association de droit suisse «A.», ladite procédure porte sur la commission de possibles crimes de guerre intervenus dans le pays Z. Par ordonnance du 11 septembre 2015, le juge rapporteur de la Cour des plaintes a fait droit à une requête de mesures provisionnelles formée par une partie plaignante, et invité le MPC à procéder sans délai à l'audition du prévenu B., mesure d'instruction que l'autorité de poursuite avait pour d'obscurs motifs refusé d'opérér préalablement. Le 14 septembre 2015, le MPC a communiqué aux représentants de l'association A. qu'il obligeait cette dernière, en sa qualité de dénonciateur, «à garder le silence sur la présente procédure et sur les personnes impliquées, en application de l'art. 73 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP, jusqu'au terme de la première audition de B., sous commination de la peine prévue à l'art. 292
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 292 - Quiconque ne se conforme pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents est puni d'une amende.
CP». L'association A. a recouru contre la décision d'interdiction de communiquer susmentionnée, et conclu principalement à son annulation, subsidiairement à ce que dite interdiction soit limitée «aux faits révélés par l'investigation, à l'exclusion notamment de l'information relative au dépôt de la dénonciation et à l'existence de l'instruction».
La Cour des plaintes a admis le recours et annulé la décision du MPC du 14 septembre 2015.

TPF 2016 52, p.54

Extrait des considérants:

3. La recourante estime que la décision entreprise violerait l'art. 73 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP, ce que conteste le MPC.

3.1 Selon cette disposition, la direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 292 - Quiconque ne se conforme pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents est puni d'une amende.
CP, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige, pareille obligation devant être limitée dans le temps.

La question de savoir si, comme le soutient la recourante en se fondant sur un avis isolé exprimé en doctrine (ANTENEN, Commentaire romand, Bâle 2011, no 8 ad art. 73
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP), l'interdiction prononcée sur la base de l'art. 73 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP n'empêcherait pas son destinataire de communiquer à propos de la seule ouverture de la procédure, peut demeurer indécise dès lors que la recourante obtient en tout état gain de cause, ainsi que cela ressort des considérants qui suivent.

3.2 En l'espèce, le MPC fonde la mesure ici entreprise sur les allégations suivantes:

«L'ouverture de la procédure a certes eu lieu en 2013, cependant, la procédure en est au stade initial. A ce jour, l'administration des preuves principales est en cours et n'est pas encore achevé[e]. Des actes d'instruction, plus particulièrement des auditions doivent être effectués. Il appartient également à la direction de la procédure de délimiter les composantes politiques passées ou actuelles de la présente procédure pénale. [...]
Partant, une médiatisation de la procédure pénale pourrait compromettre la capacité d'action de la procédure, empêcher une investigation efficace et sereine de l'état de fait, voire se manifester comme un danger réel pour la procédure en question. Tout dommage éventuel par une médiatisation inutile pourrait influencer de manière négative la procédure pénale, affecter l'investigation, et porter atteinte aux intérêts de la partie plaignante et finalement aux intérêts de la dénonciatrice.»
Une telle motivation ne permet pas de justifier la mesure imposée à la recourante. Elle consiste en effet en de simples généralités ne répondant aucunement in concreto à la question de savoir si le «but de la procédure», respectivement un «intérêt privé» exigerait véritablement d'imposer une interdiction de communiquer à la recourante. Or il est constant qu'un seul risque abstrait tel qu'en définitive allégué en l'espèce susceptible

TPF 2016 52, p.55

d'«empêcher une investigation efficace et sereine de l'état de fait» ou encore de «porter atteinte aux intérêts de la partie plaignante» ne suffit pas (SAXER/THURNHEER, Basler Kommentar, 2e éd., Bâle 2014, no 15 ad art. 73
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP).

A cela s'ajoute que le MPC n'a, contrairement à ce qu'exige expressément le texte légal, pas limité la durée de la mesure. Il s'est contenté, ici encore, d'une vague allusion à la «première audition de B.», dont on ignore tout de la date, alors que ladite mesure «ist [...] kalendarisch zu befristen» (SAXER/THURNHEER, op. cit., no 16 in fine ad art. 73
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
CPP). Au demeurant, et au vu du peu d'empressement du MPC à procéder à ladite mesure en septembre 2015 (v. supra résumé des faits) le «terme» fixé par le MPC n'en devient que plus flou.

3.3 En définitive, la mesure ordonnée par le MPC à l'encontre de la recourante ne l'a pas été dans le respect des règles applicables.

TPF 2016 52, p.56
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : TPF 2016 52
Date : 25 février 2016
Publié : 05 avril 2016
Source : Tribunal pénal fédéral
Statut : TPF 2016 52
Domaine : Art. 73 al. 2 CPP L'autorité pénale qui entend imposer au dénonciateur d'une infraction, participant à la procédure...
Objet : Obligation de garder le silence imposée au dénonciateur. Conditions légales. Exigence d'un risque concret.


Répertoire des lois
CP: 292
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 292 - Quiconque ne se conforme pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents est puni d'une amende.
CPP: 73
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 73 Obligation de garder le secret - 1 Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
1    Les membres des autorités pénales, leurs collaborateurs, ainsi que leurs experts commis d'office gardent le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle.
2    La direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d'autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP26, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps.
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procédure pénale • intérêt privé • cour des plaintes • ouverture de la procédure • participation à la procédure • efficac • directive • enquête pénale • bâle-ville • avis • condition • mesure d'instruction • mesure provisionnelle • vue • viol • doctrine • administration des preuves • droit suisse • diligence • crime de guerre
BstGer Leitentscheide
TPF 2016 52
Décisions TPF
BB.2015.96