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37. Arrêt du 25 mai 1972 dans la cause W. contre Caisse-maladie de la Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers et Cour de Justice du canton de Genève
Regeste (de):
- Art. 30 und 30bis KUVG.
- Gegenseitige Beziehungen zwischen den in diesen Bestimmungen erwähnten Rechtsmitteln.
- Art. 12, 67 und 98 KUVG.
- - Wagnis und aussergewöhnliche Gefahr: Der Ausschluss von der Versicherung unter einem dieser Titel setzt voraus, dass der Versicherte nicht voll urteilsunfähig war (Bestätigung der Rechtsprechung).
- - Die Verweigerung sämtlicher Leistungen als Sanktion für grobe Fahrlässigkeit ist nur zulässig, wenn sie den Grundsatz der Verhältnismässigkeit wahrt.
Regeste (fr):
- Art. 30
et 30bis
LAMA.
- Relations entre les moyens de droit prévus par ces normes.
- Art. 12
, 67
et 98
LAMA.
- - Entreprise téméraire et danger extraordinaire: L'exclusion de l'assurance à l'un ou l'autre de ces titres suppose que l'assuré n'a pas été totalement incapable de discernement (confirmation de la jurisprudence).
- - Le refus de toutes prestations à titre de sanction pour faute grave n'est licite que s'il respecte le principe de la proportionnalité.
Regesto (it):
- Art. 30 e 30bis LAMI.
- Relazioni fra i rimedi legali previsti da queste norme.
- Art. 12, 67 e 98 LAMI.
- - Atto temerario e pericolo straordinario: L'esclusione dall'assicurazione ad uno di questi due titoli presuppone che l'assicurato non sia totalmente incapace di discernimento (conferma della giurisprudenza).
- - Il rifiuto di ogni prestazione a titolo di sanzione per colpa grave è lecito soltanto se rispetta la massima della proporzionalità.
Sachverhalt ab Seite 144
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A.- W. a été soigné du 25 mai au 8 juin 1970 par le Dr M., psychiatre, pour une dépression réactionnelle. Le 19 août 1970, il subit une grave lésion de la colonne vertébrale, en tombant du 7e étage de l'immeuble dans lequel il avait son logement. Le prénommé était alors en instance de divorce, mais vivait cependant avec sa femme et ses deux fillettes. Comme il menaçait de tout fracasser dans l'appartement, l'épouse avait
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appelé la police. A l'arrivée des agents de la force publique, W., qui était assis sur le rebord de la fenêtre de sa chambre à coucher, avait passé à l'extérieur et s'était placé sur une corniche longeant la façade. Il n'avait pas voulu donner suite aux injonctions des gendarmes et des sapeurs-pompiers, venus sur les lieux entre-temps. Il était resté dans cette position pendant près d'une heure, lorsqu'une pièce du store à laquelle il se tenait avait soudainement cédé. Déséquilibré, il était tombé dans un fleurier tendu par les sauveteurs. Il avait tout de même été blessé. Durant son hospitalisation à la Clinique universitaire de chirurgie, l'intéressé fut soigné par les médecins de la Polyclinique universitaire de psychiatrie pour une "symptomatologie dépressive réactionnelle". Par décision du 30 octobre 1970, la Caisse nationale refusa ses prestations, estimant être en présence d'une entreprise téméraire, voire d'un cas de résistance aux organes chargés de faire respecter l'ordre, donc d'un risque exclu de l'assurance des accidents non professionnels.
B.- W. était aussi assuré auprès de la Caisse-maladie de la FOMH. L'agence de cette dernière l'informa en date du 7 mai 1971 qu'elle ne pourrait prendre le cas en charge, en application de ses statuts. Cette communication ne mentionnait pas les voies de droit. Le prénommé, qui n'était pas d'accord avec ce refus, s'adressa directement au Tribunal des assurances en invoquant l'art. 30bis

C.- W. a déféré ce jugement au Tribunal fédéral des assurances. Il allègue que le drame qu'il a vécu ne constituait qu'un épisode de ses troubles psychiques, lesquels limitaient considérablement sa faculté de jugement. Il conclut au versement des prestations légales et statutaires sans aucune réduction. La caisse-maladie conclut au rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à formuler une proposition précise.
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Erwägungen
Considérant en droit:
1. Comme le relève l'Office fédéral des assurances sociales dans son préavis, la lettre du 7 mai 1971 de l'agence de la caisse-maladie de la FOMH ne constituait pas une décision au sens de l'art. 30 al. 1er





2. Quant au fond, le premier problème à examiner est celui de savoir si le dommage résultant de l'événement du 19 août 1970 relève d'une maladie ou d'un accident. La distinction est importante. En effet, les statuts de l'intimée contiennent des règles différentes en matière d'exclusion de la garantie, selon qu'on est en présence d'une maladie ou, au contraire, d'un accident. a) Si la caisse assure les accidents, elle ne le fait que dans les limites prévues à l'art. 56


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de même que lorsque l'assuré est lui-même responsable de l'accident dans une forte mesure". Le Tribunal fédéral des assurances a récemment jugé que les caisses ne peuvent faire de la faute grave de l'assuré une cause générale d'exclusion des accidents, s'agissant donc de définir l'étendue du risque d'accident qu'elles assurent. Elles sont en revanche autorisées à refuser de couvrir des risques objectifs extraordinaires ou clairement définis (p.ex. la pratique d'activités sportives déterminées ou même les entreprises téméraires au sens de l'art. 67 al. 3


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3. En l'espèce, il est indéniable que l'assuré a été victime d'un accident. Car il n'est pas douteux que le recourant n'a pas voulu délibérément se jeter par la fenêtre et se blesser. S'il a fait une chute, c'est parce qu'une pièce du store à laquelle il se tenait a brusquement cédé. C'est bien l'art. 56 des statuts qu'il faut donc appliquer en l'occurrence. Il eût pu en aller autrement si, sans être incapable de discernement, l'assuré avait sauté par la fenêtre à l'arrivée des agents de la force publique dans l'intention de mettre fin à ses jours. Il est vrai que l'assuré allègue que son cas relève de l'assurance-maladie, parce que son attitude, et la chute qui s'en est suivie, constituaient un épisode de ses troubles psychiques. Le Tribunal fédéral des assurances a cependant déjà jugé que la nature de l'atteinte à la santé n'est pas en soi un critère pour mettre un sinistre à la charge de l'assurance-maladie plutôt qu'à celle de l'assurance-accidents. C'est la cause immédiate de cette atteinte et la façon dont elle est survenue qui sont déterminantes. Afin de délimiter les domaines respectifs des deux branches d'assurance sus-mentionnées, sans que cela conduise à des lacunes de l'assurance, il faut, a dit la Cour de céans, considérer comme maladie toute atteinte dommageable à la santé physique ou psychique qui n'est pas due à un accident ou à ses conséquences directes. Un événement répondant à la définition de l'accident ne saurait dès lors être indemnisé comme maladie; il doit l'être à titre d'accident (RO 97 V 1).
4. Dans ces conditions, il faut examiner si l'assuré a été blessé lors d'une entreprise téméraire ou d'une exposition à un danger extraordinaire exclues de l'assurance. a) Les statuts de la caisse-maladie renvoient en l'occurrence à la notion d'entreprise téméraire et de danger extraordinaire valable dans l'assurance-accidents obligatoire. Dans ce domaine, constituent des entreprises téméraires les actes par lesquels un assuré s'expose sciemment à un danger particulièrement grave, pouvant résulter soit de l'acte lui-même, soit de la manière dont il est accompli, soit des circonstances concomitantes, soit de la personnalité de l'assuré (Guide de l'assurance obligatoire contre les accidents, 18e édition, p. 22; RO 97 V 72). Si certaines entreprises tombent dès l'abord sous le coup de cette exclusion, d'autres en revanche doivent être considérées comme téméraires au regard des circonstances
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concrètes du cas, par exemple des qualités personnelles de l'assuré, de son équipement, de la façon dont l'acte est effectué (RO 97 V 72). Cependant, pour que le risque soit exclu de l'assurance, il faut que l'assuré ait eu pour intention de défier le danger, donc qu'il ait connu ou dû connaître le caractère téméraire de l'action projetée. La jurisprudence en a déduit qu'une personne totalement irresponsable ne peut pas se livrer à une entreprise téméraire, au sens de l'art. 67 al. 3


Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours est rejeté.