Urteilskopf

97 IV 73

19. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 5 mars 1971 dans la cause Mottier contre Ministère public du Canton de Vaud.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 73

BGE 97 IV 73 S. 73

A.- H. Stalder, hôtelier à Château-d'OEx, possédait deux chiens saint-Bernard pesant 80 et 90 kilos. Ils ont plus d'une fois attaqué des passants sans provocation. Le 2 avril 1970, ils réussirent à s'échapper dans la rue et s'en prirent à deux employés qui livraient du mazout chez Mottier. L'un d'eux se réfugia dans la cabine du camionciterne, tandis que l'autre, acculé contre une haie, fut mordu à l'avant-bras et au pied. Ayant finalement saisi une pelle à neige, il frappa les chiens et les mit en fuite. P. Morard, né en 1904, qui passait là, ne fut pas effrayé lorsqu'il les vit courir dans sa direction. L'un d'eux le saisit néanmoins à la cuisse et le renversa. L'épaisseur de ses vêtements et les outils qu'il portait sur lui le protégèrent d'une blessure. Assis par terre, il se défendit à coups de canne durant
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près d'une minute, mais les deux bêtes déchaînées revenaient sans cesse à la charge. Mottier, qui, de sa fenêtre, au premier étage, avait assisté aux deux attaques, jugea que la vie ou l'intégrité corporelle de Morard étaient menacées; il prit son mousqueton, le chargea d'une cartouche, revint à la fenêtre et épaula. Craignant d'atteindre Morard, il n'osa viser le chien qui le menaçait à 1 m 50; il tira sur le second, qui était plus éloigné et s'apprêtait à revenir à la charge; il le blessa mortellement.
B.- Poursuivi pour atteinte à la propriété, Mottier a été libéré, le 2 septembre 1970, par le Tribunal de police du district du Pays-d'Enhaut. Sur recours du plaignant Stadler, la Cour vaudoise de cassation pénale a annulé ce jugement et renvoyé la cause devant le Tribunal de police du district d'Oron pour nouvelle instruction et nouveau jugement. Elle estime que l'attaque émanant d'un animal ne saurait donner lieu à légitime défense; seul l'état de nécessité entre en considération; mais il suppose un danger "impossible à détourner autrement"; cette condition n'est pas remplie en l'espèce; le prévenu aurait eu largement le temps de descendre dans la rue et d'intervenir pour éloigner les bêtes, au besoin à coups de crosse; son acte est d'autant moins excusable qu'il a tiré sur le chien qui s'était déjà éloigné du tiers.
C.- Contre cet arrêt, Mottier se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à libération.
D.- Tandis que le Ministère public conclut à l'admission du pourvoi, Stalder propose de le rejeter, en tant qu'il est recevable.
Erwägungen

Considération en droit:

1. ...

2. Le droit ne régit que des actions humaines. Le comportement des animaux lui échappe, à moins qu'ils ne servent d'instruments. L'art. 33
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 33 - 1 L'ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n'a pas été prononcé.
1    L'ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n'a pas été prononcé.
2    Quiconque a retiré sa plainte ne peut la renouveler.
3    Le retrait de la plainte à l'égard d'un des prévenus profite à tous les autres.
4    Le retrait ne s'applique pas au prévenu qui s'y oppose.
CP supposant qu'une personne a été attaquée ou menacée sans droit, la menace ou l'attaque qui émane d'un animal ne saurait - sauf si ce dernier est l'instrument d'un homme - créer l'état de légitime défense. Telle est, en Suisse, l'opinion de la doctrine unanime (HAFTER, Lehrbuch des schweiz. Strafrechts, Allg. Teil, 2e éd., § 29 II, 2; THORMANN/OVERBECK, n. 4 ad art. 33; LOGOZ, n. 2 b ad art. 33; STRECKEISEN, Die Notwehr speziell nach thurgauischem Recht und schweizerischem Strafgesetz, p. 68; K. MÜLLER, Notwehr und Notwehrexzess,
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p. 23). SCHWANDER, que le recourant invoque à tort en faveur de l'opinion contraire, par le assurément de l'attaque par un chien, mais le contexte, "Tötung eines angereizten Hundes", montre qu'il vise le cas où cet animal est utilisé comme un instrument (p. 83 i.f.). En Allemagne, la doctrine dominante et le Reichsgericht se sont prononcés dans le même sens (SCHÖNKE-SCHRÖDER, 14e éd., n. 6 ad § 53 et les références).
3. Assailli par deux chiens particulièrement puissants, dont l'un l'avait renversé, et qui, selon des constatations souveraines, déchaînés revenaient sans cesse à la charge, Morard a été exposé à un péril imminent sinon dans sa vie, du moins dans son intégrité corporelle. La cour vaudoise a néanmoins refusé d'appliquer l'art. 34 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 34 - 1 Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
1    Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
2    En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus.23 Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit.24 Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.25
3    Les autorités fédérales, cantonales et communales fournissent au juge les informations dont il a besoin pour fixer le montant du jour-amende.
4    Le jugement indique le nombre et le montant des jours-amende.
CP, car le prévenu aurait pu détourner autrement le danger couru par la victime, notamment en mettant les chiens en fuite à coups de crosse. Cette appréciation est précédée de la remarque que Mottier, "qui a observé toute la scène et a vu les chiens s'en prendre successivement à plusieurs personnes, aurait eu largement le temps de descendre dans la rue et d'intervenir pour éloigner les bêtes". Selon la méthode préconisée par la cour cantonale, le recourant aurait dû affronter lui-même les deux chiens. Mais l'art. 34 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 34 - 1 Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
1    Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
2    En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus.23 Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit.24 Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.25
3    Les autorités fédérales, cantonales et communales fournissent au juge les informations dont il a besoin pour fixer le montant du jour-amende.
4    Le jugement indique le nombre et le montant des jours-amende.
CP n'oblige pas celui qui veut préserver un tiers d'un danger imminent à s'y exposer lui-même. Au regard de la loi, la vie et l'intégrité corporelle du tiers intervenant ne sont pas moins dignes de protection que celles de la personne qu'il veut secourir. De plus, Mottier n'aurait pas pu frapper les deux chiens en même temps. Pendant qu'il aurait levé la crosse de son mousqueton contre l'un d'eux, le second aurait pu sauter sur lui et le jeter à terre, où son arme ne lui aurait plus guère été utile. Enfin la cour vaudoise relève qu'il aurait eu largement le temps de descendre dans la rue; elle tient manifestement compte du fait qu'il a observé toute la scène et elle suppose qu'il avait décidé dès le début d'intervenir. Tel n'est pas le cas. Le jugement de première instance, dont les constatations ne sont pas infirmées par l'arrêt entrepris, précise que Mottier n'a sauté sur son mousqueton que lorsque, les deux bêtes revenant sans cesse à la charge, la vie ou l'intégrité corporelle de Morard lui ont paru menacées. La situation était critique. Morard risquait à tout instant d'être mordu grièvement. Pour être efficace, une intervention devait être immédiate. On ne saurait reprocher au
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recourant, qui était au premier étage, de n'avoir pas perdu le temps nécessaire pour descendre dans la rue. Le reproche d'avoir tiré sur le chien le moins proche de Morard n'est pas plus fondé. Sans doute l'autre, qui se trouvait à 1 m 50 de la victime, la menaçait-il davantage. Mais tirer sur lui eût comporté, pour Morard, des risques que le recourant n'a pas voulu assumer. Cette circonstance à elle seule n'eût assurément pas justifié un coup de feu sur le chien le plus éloigné s'il n'avait eu de son côté une attitude agressive. Or le jugement du 2 septembre 1970 constate, à ce sujet, qu'il s'apprêtait à revenir à la charge.
4. La mesure prise par le recourant n'est pas disproportionnée au danger couru par Morard: on ne pouvait raisonnable ment exiger de ce dernier le sacrifice de son intégrité corporelle. Il s'ensuit que les conditions de l'art. 34 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 34 - 1 Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
1    Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
2    En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus.23 Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit.24 Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.25
3    Les autorités fédérales, cantonales et communales fournissent au juge les informations dont il a besoin pour fixer le montant du jour-amende.
4    Le jugement indique le nombre et le montant des jours-amende.
CP étaient toutes réalisées en l'espèce.
Dispositiv

Par ces motifs, la cour de cassation pénale:
Admet le pourvoi; annule l'arrêt attaqué; renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 97 IV 73
Date : 05 mars 1971
Publié : 31 décembre 1971
Source : Tribunal fédéral
Statut : 97 IV 73
Domaine : ATF - Droit pénal et procédure penale
Objet : Légitime défense. Art. 33 CP. L'animal, par son attaque, ne saurait créer un état de légitime défense, sauf s'il est l'instrument


Répertoire des lois
CP: 33 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 33 - 1 L'ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n'a pas été prononcé.
1    L'ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n'a pas été prononcé.
2    Quiconque a retiré sa plainte ne peut la renouveler.
3    Le retrait de la plainte à l'égard d'un des prévenus profite à tous les autres.
4    Le retrait ne s'applique pas au prévenu qui s'y oppose.
34
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 34 - 1 Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
1    Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende.22 Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.
2    En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus.23 Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit.24 Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.25
3    Les autorités fédérales, cantonales et communales fournissent au juge les informations dont il a besoin pour fixer le montant du jour-amende.
4    Le jugement indique le nombre et le montant des jours-amende.
Répertoire ATF
97-IV-73
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
intégrité corporelle • légitime défense • cour de cassation pénale • doctrine • fuite • tribunal de police • décision • danger • membre d'une communauté religieuse • illicéité • excusabilité • intervention • assistance publique • avis • calcul • doute • autorité cantonale • montre • plaignant • agression
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