93 I 221
28. Arrêt du 25 janvier 1967 dans la cause Moren contre Conseil d'Etat du canton du Valais.
Regeste (de):
- Handels- und Gewerbefreiheit. Wirtschaftspatente.
- Verweigerung der Erteilung eines Patents für eine alkoholfreie Wirtschaft an die Ehefrau des Inhabers einer Alkoholwirtschaft; willkürliche Anwendung von Art. 16 Abs. 5 des Walliser Wirtschaftsgesetzes, wonach der gleichen Person nicht mehr als eine Bewilligung erteilt werden darf.
Regeste (fr):
- Liberté du commerce et de l'industrie. Patentes d'auberge.
- Refus d'accorder une patente pour un établissement sans alcool à l'épouse du tenancier d'un établissement avec alcool: application arbitraire de l'art. 16 al. 5 de la loi valaisanne sur les auberges, selon lequel il ne peut être accordé plus d'une concession à la même personne.
Regesto (it):
- Libertà di commercio e d'industria. Patenti d'osteria.
- Rifiuto di rilasciare una patente per un esercizio pubblico sensa alcool alla moglie del gerente di un esercizio pubblico con alcool: applicazione arbitraria dell'art. 16 cpv. 5 della legge vallesana sulle osterie, secondo cui non può essere accordato più di un permesso alla stessa persona.
Sachverhalt ab Seite 222
BGE 93 I 221 S. 222
A.- La loi valaisanne du 24 novembre 1916 "sur les hôtels, auberges, débits de boissons et autres établissements similaires, ainsi que le commerce en détail des boissons alcooliques" dispose en son article 16, au chapitre des concessions accordées par le Conseil communal: "Le nombre des débits de boissons alcooliques est déterminé par l'autorité communale par voie de règlement soumis à l'homologation du Conseil d'Etat. Dans la règle ce nombre ne peut excéder la proportion d'un débit pour 200 habitants, calculée sur la base de la population de résidence du dernier recensement. Des concessions peuvent être accordées en dérogation à la règle fixée au deuxième alinéa, lorsque des circonstances spéciales, telles que la multiplicité et l'éloignement respectif des villages d'une même commune, une station importante d'étrangers, ou un grand mouvement de voyageurs, le voisinage d'établissements industriels occupant de nombreux ouvriers, l'extension des localités et la création de nouveaux quartiers en démontrent le besoin. Ces concessions, accordées à titre exceptionnel, doivent être approuvées par le Conseil d'Etat. Il ne peut être accordé plus d'une concession à la même personne, sauf celles dont il est parlé à l'art. 14."
B.- Les époux Pierre et Erika Moren sont tous deux titulaires d'un certificat de capacité de tenancier d'établissement public. Depuis plusieurs années, le mari exploite à Sion la Pinte Contheysanne, en étant au bénéfice d'une concession communale. Avant son mariage, l'épouse avait également obtenu une concession communale pour le bar Mocambo, à Sion. Une fois mariée, elle continua de tenir cet établissement au nom de son fils mineur, Jean-Claude Volet, à qui la concession fut transférée. Après avoir remis le bar Mocambo, dame Moren requit de la Municipalité de Sion, le 25 mars 1966, une concession pour exploiter un tea-room-bar à café dans les locaux aménagés par l'Union de Banques Suisses dans un bâtiment de cette ville. A l'appui de sa demande, elle faisait valoir qu'une concession pour le même établissement avait déjà été délivrée en principe à l'Union de Banques Suisses, la personne du futur tenancier ayant cependant été réservée. Le 10 juin 1966, la Municipalité refusa la concession.
C.- Dame Moren recourut contre cette décision auprès du Conseil d'Etat, qui rejeta le recours le 11 octobre 1966, par les motifs suivants:
BGE 93 I 221 S. 223
Selon l'article 16 alinéa 5 de la loi du 24 novembre 1916, il ne peut être accordé plus d'une concession à la même personne, sauf celles dont il est parlé à l'art. 14, cette dernière disposition visant les hôtels et auberges (pour lesquels la patente est accordée par le Conseil d'Etat) qui exploitent également un café ou un débit de boissons ouverts au public de la localité. Selon une interprétation qui a fait jurisprudence, l'art. 16 al. 5 s'applique à tous les débits de boissons, avec ou sans alcool, et l'expression "même personne" doit s'entendre non seulement des individus isolés, mais aussi des couples d'époux, qui forment économiquement une unité. Cette disposition fait ainsi obstacle à la concession requise par dame Moren, dont le mari est déjà titulaire d'une concession pour la Pinte Contheysanne. La recourante s'était d'ailleurs ralliée à cette interprétation en admettant en 1958, après son mariage avec sieur Moren, le transfert à son fils mineur de la concession qu'elle avait obtenue pour l'exploitation du bar Mocambo.
D.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
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1 | Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
2 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. |
3 | Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. |
4 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
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1 | Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
2 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. |
3 | Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. |
4 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. |
Si, après son mariage avec Pierre Moren, la recourante a consenti au transfert de la concession accordée pour le bar Mocambo, il n'est pas moins vrai qu'elle a conservé la gérance de cet établissement. Il s'est donc agi d'un transfert fictif. Loin
BGE 93 I 221 S. 224
d'impliquer que la recourante ait attribué à l'art. 16 al. 5 le sens que lui prête le Conseil d'Etat, il signifie bien plutôt que les autorités cantonales ont accepté naguère un compromis pour éviter un recours au Tribunal fédéral.
E.- Le Conseil d'Etat propose le rejet du recours. Tout en développant les considérants de la décision attaquée, il ajoute que, s'il est question en l'espèce d'une concession pour un établissement sans alcool, le propriétaire du local envisage de le transformer, sans doute avec l'accord de la recourante, en un débit de boissons alcooliques. La Municipalité de Sion s'oppose également au recours.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. L'exploitation des cafés, restaurants et autres établissements publics du même genre bénéficie, en tant qu'activité économique, de la garantie de la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
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1 | Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
2 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. |
3 | Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. |
4 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. |
BGE 93 I 221 S. 225
2. Le Conseil d'Etat s'est fondé, pour justifier sa décision, sur l'art. 16 al. 5 de la loi, selon lequel il ne peut être accordé plus d'une concession à la même personne. En elle-même, cette disposition constitue une mesure de police qui se tient dans les limites du pouvoir reconnu aux cantons: si la Constitution fédérale permet en effet de subordonner l'exploitation d'un établissement public à un certificat de capacité professionnelle et à des qualités personnelles, c'est bien pour qu'une personne capable soit à la tête d'un tel établissement, afin de pouvoir y assurer l'ordre et la tranquillité commandés par l'intérêt public. Aussi bien la législation valaisanne exige-t-elle un certificat non seulement de celui qui exploite pour son compte, mais également de celui qui exploite pour le compte d'autrui (art. 1er du Règlement du 19 avril 1963 relatif aux examens de capacité professionnelle pour tenanciers d'établissements publics). Alors même que l'alinéa 5 précité, figurant dans un article consacré tout entier (comme on le verra plus loin) aux établissements avec alcool, ne vise en principe que ces derniers établissements, les raisons invoquées ci-dessus justifient qu'on l'applique aussi par analogie aux établissements sans alcool. Ainsi la disposition de l'art. 16 al. 5, même appliquée à l'ensemble des concessions, ne viole pas en elle-même la garantie constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie.
3. En revanche, l'interprétation extensive donnée à cette disposition par le Conseil d'Etat ne peut se justifier dans le cas d'espèce. Le Conseil d'Etat a refusé la patente à dame Moren parce qu'il estime que deux conjoints doivent être considérés comme "une même personne" au sens de l'art. 16 al. 5 de la loi, et qu'on ne peut donc accorder au conjoint d'une personne qui bénéficie déjà d'une patente pour un établissement déterminé, la patente pour un autre établissement, quelle que soit la nature de ce dernier. Sans doute les époux apparaissent-ils comme "une même personne" au regard de certaines dispositions légales. Ainsi en matière fiscale, plusieurs législations cantonales, de même que l'AIN (art. 13), imposent le mari sur l'ensemble des revenus conjugaux, également dans le cas où l'épouse exerce une activité lucrative en dehors d'une entreprise familiale. En matière d'exploitation d'auberges, les mêmes exigences de moralité peuvent être requises du conjoint de la personne qui demande une
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patente (cf. RO 47 I 155; ZBl vol. 67 année 1966 p. 511). Mais l'assimilation d'un couple à "une même personne" ne peut être admise dans toutes les circonstances: il faut examiner dans chaque cas particulier si une telle conception s'adapte à la règle à appliquer. On observera tout d'abord qu'une patente peut être accordée aussi bien à une femme qu'à un homme, à une personne seule qu'à une personne mariée, et que s'il s'agit d'une personne mariée, la loi n'oblige nullement les époux à exploiter ensemble l'établissement pour lequel l'un d'eux a obtenu une patente. L'autre conjoint peut donc exercer une autre profession, dans n'importe quelle branche économique, sans s'occuper de l'exploitation de l'auberge. En particulier, l'épouse d'un aubergiste peut, moyennant l'accomplissement des conditions prévues à l'art. 167
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 167 - Dans le choix de sa profession ou de son entreprise et dans l'exercice de ces activités, chaque époux a égard à la personne de son conjoint et aux intérêts de l'union conjugale. |
BGE 93 I 221 S. 227
par analogie à l'ensemble des patentes, aussi bien à celles des établissements sans alcool qu'à celles des débits de boissons alcooliques; une telle application se tient dans les limites du pouvoir de police reconnu aux cantons en cette matière, elle reste une mesure proportionnée au but visé: assurer le bon ordre d'un établissement (cf. art. 42 et suivants de la loi). En revanche, l'interprétation extensive qu'en donne le Conseil d'Etat, en assimilant un couple à "une même personne", ne s'appuie sur aucune raison valable, dans la mesure tout au moins où elle vise un établissement sans alcool. Dans sa réponse, le Conseil d'Etat n'invoque à l'appui de la décision attaquée aucun des motifs qui l'autorise à limiter la liberté de l'activité économique; il ne suffit pas qu'une interprétation ait "toujours été admise" et qu'elle n'ait "jamais donné lieu à contestation" pour qu'elle puisse échapper au reproche d'arbitraire ou de violation d'un principe constitutionnel. Le fait qu'après son mariage avec Pierre Moren, la recourante se soit déclarée d'accord avec le transfert de la concession qui lui avait été accordée précédemment, n'y change rien. Allant au-delà de ce qui est nécessaire pour sauvegarder l'intérêt public en jeu, la restriction imposée par l'interprétation litigieuse est disproportionnée au but visé et doit dès lors être considérée comme contraire à la liberté du commerce et de l'industrie. Il est indifférent, pour la solution du présent litige, que le propriétaire des locaux ou que la recourante elle-même envisage la transformation de l'établissement sans alcool en un débit de boissons alcooliques. Si la demande de concession ne précisait pas qu'elle visait un établissement sans alcool, c'est néanmoins d'une telle concession qu'il s'agissait, ainsi que cela ressort de la décision attaquée et de la réponse au recours ("il ne s'agit pour le moment que d'une concession de tea-room-bar à café sans alcool"). C'est donc sur la base de l'état de choses actuel, et non pas d'une situation hypothétique future que le litige devait être tranché par le Conseil d'Etat et qu'il doit l'être par la Cour de céans.
Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours et annule la décision attaquée.