87 II 184
26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 mai 1961 dans la cause Walo Bertschinger et Cie SA et consort contre Marguerite Rey et consorts.
Regeste (de):
- Art. 55 ZGB, 339 OR und 129 KUVG.
- Haftung des Arbeitgebers, der dem KUVG unterstellt ist.
- Begriff des schweren Verschuldens i.S. des Art. 129 Abs. 2 KUVG.
- Begriff des Organs i.S. des Art. 55 ZGB.
Regeste (fr):
- Art. 55
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes.
1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. 2 Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. 3 Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. - Responsabilité de l'employeur soumis à la loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents.
- Notion de la faute grave selon l'art. 129 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes.
1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. 2 Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. 3 Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. - Notion de l'organe au sens de l'art. 55
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes.
1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. 2 Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. 3 Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs.
Regesto (it):
- Art. 55
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes.
1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. 2 Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. 3 Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. - Responsabilità del datore di lavoro sottoposto alla legge federale sull'assicurazione contro le malattie e gli infortuni.
- Nozione di colpa grave secondo l'art. 129 cpv. 2 LAMI.
- Nozione di organo nel senso dell'art. 55
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes.
1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. 2 Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. 3 Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs.
Sachverhalt ab Seite 184
BGE 87 II 184 S. 184
A.- Les entreprises Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey ont formé un consortium pour assumer différents travaux en rapport avec l'usine électrique de la Lienne (Valais). La direction technique appartenait à la
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première de ces entreprises. Elles ont construit notamment un puits vertical de 165 m de profondeur, pour relier l'usine souterraine de Croix sur Ayent à la station électrique de Giète-Délé. Vers le haut, le puits débouchait dans un bâtiment et son orifice était entouré d'un mur de protection d'environ 60 cm de hauteur. La montée et la descente s'opéraient au moyen d'un treuil suspendu à une poutre de fer, qui passait au-dessus de l'axe du puits. Le câble du treuil, terminé par un crochet, soutenait soit un pont mobile, qui, pendant les travaux à l'intérieur du puits, était suspendu à des crochets ancrés dans les parois, soit une benne de 170 kg, qui servait aux transports intermédiaires de personnes et de matériaux. Quand elle n'était pas en service, la benne était déposée sur le sol, hors du bâtiment, grâce à la poutre de fer sur laquelle le treuil coulissait au moyen d'un chariot. Le gros oeuvre fut terminé vers la fin de mai 1956. L'ingénieur R., qui dirigeait les chantiers de la Lienne pour le consortium, prit ses vacances dès le 28 mai 1956. Avant de partir, il déclara à son remplaçant, l'ingénieurstagiaire Z., que les travaux du chantier de Giète-Délé touchaient à leur fin, qu'il n'était plus guère nécessaire qu'il s'y rendît et que le contremaître Cordonnier s'occupait des finitions. Les travaux furent interrompus du 31 mai au 3 juin. Pendant ce temps, le chantier fut occupé par les artisans que le maître de l'ouvrage avait chargés de peindre le bâtiment où débouchait le puits. Ils établirent à cet effet des échafaudages. Lorsque les ouvriers du consortium reprirent le travail, le 4 juin 1956, ils constatèrent qu'une perche dressée par les peintres contre la poutre du treuil réduisait la course du chariot et empêchait de déposer la benne sur le sol. Le contremaître Cordonnier flt alors construire une petite plate-forme de planches, dont l'extrémité affieurait l'orifice du puits et qui était inclinée d'au moins sept pour cent en direction de celui-ci. C'est sur cette plate-forme que la benne fut déposée. Jusqu'au 11 juin, aucun ingénieur
BGE 87 II 184 S. 186
ne vint visiter le chantier et ne put constater la présence de cette nouvelle construction. Le 11 juin 1956, cinq ouvriers travaillaient à l'intérieur du puits, sur un pont mobile fixé à environ 80 m de profondeur. Le machiniste qui desservait le treuil dut faire remonter le câble pour leur envoyer du matériel. Par suite du balancement, l'extrémité du câble accrocha le bord de la benne, la souleva et la fit basculer dans le puits. Trois des crochets qui soutenaient le pont mobile ayant cédé sous l'effet du choc, quatre ouvriers furent précipités dans le vide et tués. Parmi les victimes se trouvait Jean Rey. Il laissait une femme et deux enfants. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents a alloué à la veuve de Rey une rente annuelle de 2336 fr. 70 et à chacun des deux enfants une rente de 1168 fr. 35 par année.
B.- Dame Rey et ses enfants ont assigné Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey devant le Tribunal cantonal du Valais. Ils concluaient à ce que les défendeurs fussent condamnés solidairement à réparer leur tort moral et leur dommage non couvert par la Caisse nationale. Par jugement du 13 décembre 1960, le Tribunal cantonal du Valais a admis l'action en principe.
C.- Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey recourent en réforme au Tribunal fédéral en concluant principalement au rejet de l'action. Les intimés proposent le rejet du recours.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. Jean Rey était au service de Walo Bertschinger et Cie SA et Jules Rey, qui formaient entre eux une société simple. Ils ont donc qualité pour défendre et, si les conditions légales de leur responsabilité sont remplies, ils sont tenus solidairement des suites de l'accident (art. 544 al. 3

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 544 - 1 Les choses, créances et droits réels transférés ou acquis à la société appartiennent en commun aux associés dans les termes du contrat de société. |
|
1 | Les choses, créances et droits réels transférés ou acquis à la société appartiennent en commun aux associés dans les termes du contrat de société. |
2 | Les créanciers d'un associé ne peuvent exercer leurs droits que sur sa part de liquidation, à moins que le contrat de la société n'en dispose autrement. |
3 | Les associés sont solidairement responsables des engagements qu'ils ont assumés envers les tiers, en agissant conjointement ou par l'entremise d'un représentant; toutes conventions contraires sont réservées. |
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2. La victime était assurée auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et il est constant que ses employeurs ont payé les primes auxquelles ils étaient astreints. En vertu de l'art. 129 al. 2

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
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1 | La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
2 | Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. |
3 | Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
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1 | La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
2 | Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. |
3 | Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 339 - 1 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles. |
|
1 | À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles. |
2 | Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l'exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l'exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus; l'exigibilité ne peut pas être différée de plus d'une année s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s'il s'agit de contrats d'assurance ou d'affaires dont l'exécution s'étend sur plus d'une demi-année. |
3 | Le droit à une participation au résultat de l'exploitation est exigible conformément à l'art. 323, al. 3. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
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1 | La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
2 | Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. |
3 | Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 339 - 1 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles. |
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1 | À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles. |
2 | Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l'exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l'exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus; l'exigibilité ne peut pas être différée de plus d'une année s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s'il s'agit de contrats d'assurance ou d'affaires dont l'exécution s'étend sur plus d'une demi-année. |
3 | Le droit à une participation au résultat de l'exploitation est exigible conformément à l'art. 323, al. 3. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 698 - 1 L'assemblée générale des actionnaires est le pouvoir suprême de la société. |
|
1 | L'assemblée générale des actionnaires est le pouvoir suprême de la société. |
2 | Elle a le droit intransmissible:529 |
1 | d'adopter et de modifier les statuts; |
2 | de nommer les membres du conseil d'administration et de l'organe de révision; |
3 | d'approuver le rapport annuel et les comptes consolidés; |
4 | d'approuver les comptes annuels et de déterminer l'emploi du bénéfice résultant du bilan, en particulier de fixer le dividende et les tantièmes; |
5 | de fixer le dividende intermédiaire et d'approuver les comptes intermédiaires nécessaires à cet effet; |
6 | de décider du remboursement de la réserve légale issue du capital; |
7 | de donner décharge aux membres du conseil d'administration; |
8 | de procéder à la décotation des titres de participation de la société; |
9 | de prendre toutes les décisions qui lui sont réservées par la loi ou les statuts.536 |
3 | Lorsque les actions de la société sont cotées en bourse, l'assemblée générale a en outre le droit intransmissible: |
1 | d'élire le président du conseil d'administration; |
2 | d'élire les membres du comité de rémunération; |
3 | d'élire le représentant indépendant; |
4 | de voter les rémunérations du conseil d'administration, de la direction et du conseil consultatif.537 |
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En revanche, les ingénieurs qui dirigeaient et surveillaient les travaux, notamment l'ingénieur R., étaient des organes au sens de l'art. 55

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 55 - 1 L'employeur est responsable du dommage causé par ses travailleurs ou ses autres auxiliaires dans l'accomplissement de leur travail, s'il ne prouve qu'il a pris tous les soins commandés par les circonstances pour détourner un dommage de ce genre ou que sa diligence n'eût pas empêché le dommage de se produire.30 |
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1 | L'employeur est responsable du dommage causé par ses travailleurs ou ses autres auxiliaires dans l'accomplissement de leur travail, s'il ne prouve qu'il a pris tous les soins commandés par les circonstances pour détourner un dommage de ce genre ou que sa diligence n'eût pas empêché le dommage de se produire.30 |
2 | L'employeur a son recours contre la personne qui a causé le préjudice, en tant qu'elle est responsable du dommage. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 339 - 1 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles. |
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1 | À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles. |
2 | Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l'exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l'exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus; l'exigibilité ne peut pas être différée de plus d'une année s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s'il s'agit de contrats d'assurance ou d'affaires dont l'exécution s'étend sur plus d'une demi-année. |
3 | Le droit à une participation au résultat de l'exploitation est exigible conformément à l'art. 323, al. 3. |
3. Les travaux effectués dans un puits sont toujours dangereux. Ils le sont particulièrement lorsque l'ouvrage est aussi profond que celui de Giète-Délé. Il suffit alors qu'un objet relativement petit, tel qu'une pierre, un burin ou un marteau, tombe dans le puits pour qu'un ouvrier risque d'être tué. De tels travaux exigent donc des mesures de sécurité toutes spéciales. Les recourants avaient pris de telles précautions en protégeant l'orifice par un muret, de façon à éviter que des objets déposés à terre ne puissent choir dans le puits. Affieurant le sommet du mur, la plateforme construite sur l'ordre de Cordonnier a privé cette mesure d'une grande partie de son efficacité. Elle a créé un risque d'autant plus grand qu'elle était inclinée vers l'ouvrage et qu'elle devait recevoir une lourde benne, dont la chute dans le puits pendant les travaux ne pouvait provoquer qu'un très grave accident. Sans doute ressort-il du jugement cantonal que les ingénieurs ont ignoré l'existence de cette nouvelle construction, qui n'a pas été mentionnée dans les rapports de Cordonnier. Mais ils n'en ont pas moins commis une faute en s'abstenant de contrôler le chantier pendant plus d'une semaine. A cet égard, les recourants relèvent en vain que le gros oeuvre du puits était terminé, qu'il ne restait plus de problèmes techniques à résoudre et que la finition pouvait être dirigée par un contremaître. En effet,
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si la construction du puits exigeait le contrôle d'un ingénieur, ce n'était pas uniquement à cause des problèmes techniques qu'elle soulevait, mais aussi parce qu'il s'agissait d'un ouvrage extrêmement dangereux. Or les risques subsistaient même pendant les travaux de finition. D'autre part, les recourants prétendent à tort que, pour les mesures de sécurité, on pouvait s'en remettre à un contremaître aussi consciencieux et expérimenté que Cordonnier. Il est notoire que, si l'on vit constamment dans des situations dangereuses, la perception du risque s'émousse et même des ouvriers sérieux et prévoyants relâchent leur attention et leur prudence. Il appartient dès lors aux organes de l'entreprise de s'assurer que les mesures de sécurité adéquates sont observées. On doit considérer comme une insouciance caractérisée la négligence des ingénieurs de Walo Bertschinger et Cie SA, spécialement celle de R., qui, à fin mai 1956, a déclaré à son jeune remplaçant qu'il n'était plus nécessaire de se rendre sur le chantier de Giète-Délé. Sans doute, le but de l'art. 129 al. 2

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 55 - 1 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
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1 | La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. |
2 | Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. |
3 | Les fautes commises engagent, au surplus, la responsabilité personnelle de leurs auteurs. |
BGE 87 II 184 S. 190
immédiatement frappé et qu'il aurait fait supprimer ou modifier cette construction. Ainsi, la mort de Jean Rey a été provoquée par la faute grave d'organes des recourants. Ceux- ci répondent donc des suites de cet accident.