Urteilskopf

84 IV 155

45. Extrait de l'arrêt du 5 décembre 1958 dans la cause Ministère public du canton de Neuchâtel contre Allemann.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 155

BGE 84 IV 155 S. 155

A.- Colette Allemann, qui vit séparée de son mari, exploite un institut de beauté à Neuchâtel. Sur la réquisition de deux créanciers, l'Office des poursuites de Boudry a saisi, le 14 décembre 1957, 100 fr. par mois dès fin décembre 1957 à fin août 1958, puis 200 fr. par mois de septembre à novembre 1958, "sur le salaire que la débitrice aura à prélever sur ses ressources, commissions, pourboires, etc.". Le 6 mars 1958, Colette Allemann n'ayant rien versé, l'office a délivré à l'un des créanciers un "procès-verbal de
BGE 84 IV 155 S. 156

distraction de biens saisis en mains du débiteur". Il en ressort que la débitrice a disposé arbitrairement, au sens des art. 93
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 93 - 1 Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
1    Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
2    Ces revenus peuvent être saisis pour un an au plus à compter de l'exécution de la saisie. Si plusieurs créanciers participent à la saisie, le délai court à compter du jour de l'exécution de la première saisie effectuée à la requête d'un créancier de la série en cause (art. 110 et 111).
3    Si, durant ce délai, l'office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de la saisie aux nouvelles circonstances.
4    Sur demande du débiteur, l'office ordonne à l'employeur de ce dernier de verser en plus à l'office, pour la durée de la procédure de saisie des revenus, le montant nécessaire au paiement des créances en cours au titre des primes et des participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins, pour autant que ces primes et ces participations aux coûts fassent partie du minimum vital du débiteur. L'office utilise ce montant pour régler directement à l'assureur les créances de primes et de participations aux coûts en cours.208
et 96
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 96 - 1 Il est interdit au débiteur, sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP214), de disposer des biens saisis sans la permission du préposé. Le fonctionnaire qui procède à la saisie attire expressément son attention sur cette interdiction ainsi que sur les conséquences pénales de sa violation.215
1    Il est interdit au débiteur, sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP214), de disposer des biens saisis sans la permission du préposé. Le fonctionnaire qui procède à la saisie attire expressément son attention sur cette interdiction ainsi que sur les conséquences pénales de sa violation.215
2    Sous réserve des effets de la possession acquise par les tiers de bonne foi, les actes de disposition accomplis par le débiteur sont nuls dans la mesure où ils lèsent les droits que la saisie a conférés aux créanciers.216
LP, des mensualités échues pour les mois de décembre 1957 et janvier 1958, soit de 153 fr.
B.- Admettant que Colette Allemann aurait été en mesure de verser ce montant à l'office et, partant, que les éléments du délit réprimé par l'art. 169
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 169 - Quiconque, de manière à causer un dommage à ses créanciers, dispose arbitrairement d'une valeur patrimoniale
CP étaient tous réunis, le Tribunal de police du district de Boudry lui a infligé, le 23 juillet 1958, 5 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans. Sur recours de la condamnée, la Cour de cassation neuchâteloise l'a libérée, le 17 septembre 1958. Elle a estimé que les gains de la débitrice ne provenaient pas d'un emploi selon l'art. 93
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 93 - 1 Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
1    Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
2    Ces revenus peuvent être saisis pour un an au plus à compter de l'exécution de la saisie. Si plusieurs créanciers participent à la saisie, le délai court à compter du jour de l'exécution de la première saisie effectuée à la requête d'un créancier de la série en cause (art. 110 et 111).
3    Si, durant ce délai, l'office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de la saisie aux nouvelles circonstances.
4    Sur demande du débiteur, l'office ordonne à l'employeur de ce dernier de verser en plus à l'office, pour la durée de la procédure de saisie des revenus, le montant nécessaire au paiement des créances en cours au titre des primes et des participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins, pour autant que ces primes et ces participations aux coûts fassent partie du minimum vital du débiteur. L'office utilise ce montant pour régler directement à l'assureur les créances de primes et de participations aux coûts en cours.208
LP, de sorte que la saisie du 14 décembre 1957 était nulle.
C.- Le Ministrère public neuchâtelois s'est pourvu au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il tient la saisie pour valable.
D.- L'intimée conclut au rejet du pourvoi.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. La Cour neuchâteloise estime, avec la Cour de cassation vaudoise (JdT 1956 IV 30), qu'on ne peut ordonner une retenue de salaire en main d'un artisan indépendant. Cette opinion est erronée. Par salaire au sens de l'art. 93
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 93 - 1 Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
1    Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
2    Ces revenus peuvent être saisis pour un an au plus à compter de l'exécution de la saisie. Si plusieurs créanciers participent à la saisie, le délai court à compter du jour de l'exécution de la première saisie effectuée à la requête d'un créancier de la série en cause (art. 110 et 111).
3    Si, durant ce délai, l'office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de la saisie aux nouvelles circonstances.
4    Sur demande du débiteur, l'office ordonne à l'employeur de ce dernier de verser en plus à l'office, pour la durée de la procédure de saisie des revenus, le montant nécessaire au paiement des créances en cours au titre des primes et des participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins, pour autant que ces primes et ces participations aux coûts fassent partie du minimum vital du débiteur. L'office utilise ce montant pour régler directement à l'assureur les créances de primes et de participations aux coûts en cours.208
LP, on entend toutes sommes représentant essentiellement la rétribution d'un travail personnel et notamment la rétribution d'une activité libérale (RO 48 III 153, 59 III 120, 71 III 176, 77 III 68). Si, dès lors, les honoraires d'un avocat sont saisissables (Ro 59 III 120), il ne saurait en aller autrement des gains d'un artisan indépendant. Le Tribunal fédéral en a d'ailleurs expressément jugé ainsi à propos d'un maître paveur (RO 71 III 176) et d'un mécanicien sur automobile (RO 77 III 68). Peu importe dès lors que les revenus de la recourante ne proviennent pas d'un emploi. Il est vrai que, selon les deux derniers arrêts cités, des "Werklohnguthaben" sont seulement
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saisissables si l'on peut compter avec la naissance de telles créances, soit que des travaux aient déjà été commandés à l'artisan, soit qu'il se trouve "mit dem Besteller in einer dauernden Geschäftsbeziehung, die fortlaufende künftige Bestellungen erwarten lässt". Dans l'affaire de l'avocat X cependant (RO 59 III 120), la saisie portait non sur des créances d'honoraires contre des clients déterminés, mais sur une somme de 300 fr. qu'il devait soustraire chaque mois de sa rémunération et verser à l'office. Certes, la mesure visait une part du montant fixe que l'avocat touchait mensuellement sur les recettes nettes de l'étude où il exercait sa profession avec un tiers; c'était néanmoins un revenu acquis par une activité lucrative indépendante; la saisie eût été valable si l'avocat avait exercé seul sa profession. Au surplus, s'il est possible de saisir des pourboires, c'est-à-dire une gratification qui, juridiquement, n'est pas due à la sommelière (RO 79 III 157, 82 IV 189), on ne voit pas pourquoi les revenus d'un artisan, qui est du moins le créancier de ses clients, échapperaient à cette mesure. La Cour cantonale objecte à tort que, la sommelière étant une employée, son revenu découle simplement du contrat de travail. Le montant du pourboire n'est pas fixé par convention et dû par l'employeur; il dépend surtout de la manière dont l'employée sert les clients; pourtant, la loi n'entend pas réserver à la sommelière - qui acquiert ainsi un revenu semblable à celui tiré d'une activité indépendante et peut le dépenser au für et à mesure de l'acquisition - un sort meilleur qu'à l'employé réduit au seul salaire versé par le patron au terme des périodes légales ou convenues. La solution adoptée par les Cours de cassation vaudoise et neuchâteloise aboutirait à cette conséquence que les artisans qui ne sont pas inscrits au registre du commerce et dont les prestations, comme celles des coiffeurs - en tout cas pour hommes - sont payées au comptant, de sorte qu'il n'y a pas de créances à saisir, pourraient disposer de tous leurs revenus au mépris des droits de leurs créanciers. Ce privilège ne serait pas
BGE 84 IV 155 S. 158

moins choquant que celui que la Chambre des poursuites et des faillites a supprimé par son arrêt concernant les pourrboires. Sans doute les recettes d'un artisan ne constituent-elles pas un gain net. Cela n'est toutefois pas une raison d'exclure la saisie. Il incombe à l'office de prendre en considération les frais de l'entreprise et les besoins du débiteur et de sa famille. Si le débiteur tient pour excessive la somme qu'il doit verser à l'office, il lui est loisible de se plaindre à l'autorité de surveillance. Il s'ensuit que l'Office des poursuites de Boudry était fondé à opérer une saisie sur les revenus de Colette Allemann.
2. ...

Dispositiv

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale
Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 84 IV 155
Date : 05 décembre 1958
Publié : 31 décembre 1959
Source : Tribunal fédéral
Statut : 84 IV 155
Domaine : ATF - Droit pénal et procédure penale
Objet : Art. 169 CP et 93 LP. Détournement d'objets mis sous main de justice. Saisie des ressources provenant de l'exploitation


Répertoire des lois
CP: 169
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 169 - Quiconque, de manière à causer un dommage à ses créanciers, dispose arbitrairement d'une valeur patrimoniale
LP: 93 
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 93 - 1 Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
1    Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
2    Ces revenus peuvent être saisis pour un an au plus à compter de l'exécution de la saisie. Si plusieurs créanciers participent à la saisie, le délai court à compter du jour de l'exécution de la première saisie effectuée à la requête d'un créancier de la série en cause (art. 110 et 111).
3    Si, durant ce délai, l'office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de la saisie aux nouvelles circonstances.
4    Sur demande du débiteur, l'office ordonne à l'employeur de ce dernier de verser en plus à l'office, pour la durée de la procédure de saisie des revenus, le montant nécessaire au paiement des créances en cours au titre des primes et des participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins, pour autant que ces primes et ces participations aux coûts fassent partie du minimum vital du débiteur. L'office utilise ce montant pour régler directement à l'assureur les créances de primes et de participations aux coûts en cours.208
96
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 96 - 1 Il est interdit au débiteur, sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP214), de disposer des biens saisis sans la permission du préposé. Le fonctionnaire qui procède à la saisie attire expressément son attention sur cette interdiction ainsi que sur les conséquences pénales de sa violation.215
1    Il est interdit au débiteur, sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP214), de disposer des biens saisis sans la permission du préposé. Le fonctionnaire qui procède à la saisie attire expressément son attention sur cette interdiction ainsi que sur les conséquences pénales de sa violation.215
2    Sous réserve des effets de la possession acquise par les tiers de bonne foi, les actes de disposition accomplis par le débiteur sont nuls dans la mesure où ils lèsent les droits que la saisie a conférés aux créanciers.216
Répertoire ATF
48-III-152 • 59-III-118 • 71-III-174 • 77-III-67 • 79-III-155 • 82-IV-187 • 84-IV-155
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
mois • pourboire • tribunal fédéral • office des poursuites • calcul • membre d'une communauté religieuse • bénéfice • neuchâtel • décision • honoraires • salaire • naissance • incombance • registre du commerce • activité lucrative indépendante • gratification • autorité de surveillance • doute • coiffeur • tribunal de police • contrat de travail • cour de cassation pénale • procès-verbal • emprisonnement • automobile
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JdT
1956 IV 30