Urteilskopf

84 II 384

51. Arrêt de la IIe Cour civile du 19 juin 1958 dans la cause dlle Bovet contre Chemin de fer fédéraux.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 385

BGE 84 II 384 S. 385

A.- Le 15 juillet 1955, dlle Marie Bovet, née le 12 juillet 1896, a pris le train omnibus no 1211 à la gare de Rosé. Ce train, qui se composait d'une locomotive, d'un fourgon, d'une voiture de IIe classe, de deux voitures de IIIe classe et de deux wagons de marchandises, devait suivant l'horaire quitter la station de Rosé à 9 h 31; il
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avait cependant cinq minutes de retard et ne partit qu'à 9 h 36. Il arriva avec le même retard à la halte de Villarssur-Glâne où il fit un arrêt très bref. Lorsqu'elle voulut descendre du train à cette station, dlle Bovet se trouva en face de dame Gilberte Corpataux, qui montait dans le wagon dont elle sortait. Pour l'éviter, elle traversa la passerelle qui reliait cette voiture à la suivante et voulut descendre par les escaliers de celle-ci au lieu d'emprunter le marchepied du wagon sur lequel elle se trouvait. Avant qu'elle ait pu atteindre le quai, le train repartit. Le contrôleur Thalmann, qui avait sauté sur le marchepied utilisé par dlle Bovet, lui dit de ne pas descendre. Elle persista cependant dans son intention. Finalement, Thalmann lui céda, descendit du marchepied et la saisit sous les bras pour l'empêcher de tomber. Comme dlle Bovet continuait à se tenir à la main courante, Thalmann lui dit de la lâcher, le train prenant toujours plus de vitesse; elle le fit et tomba entre le quai et le rail, tandis que le contrôleur roulait sur le quai. Elle eut les deux pieds coupés, l'un au-dessus de la cheville et l'autre vers la plante. Le conducteur Hans avait aperçu dlle Bovet au moment où elle était sur la dernière marche de l'escalier et vu Thalmann la saisir sous les bras; il tira les freins et stoppa le train. A la suite de cet accident, dlle Bovet a introduit action contre les Chemins de fer fédéraux (ci-après: les CFF), par demande du 21 février 1956, concluant à ce qu'ils fussent condamnés à lui verser: "1. - fr. 3443,65 à titre de remboursement des frais d'hospitalisation et de médecin et fr. 1484.-- à titre de remboursement des frais de prothèse; 2. - fr. 37 584.-- à titre d'indemnité pour incapacité totale et permanente de travail; 3. - fr. 10 000.-- à titre d'indemnité pour tort moral; toutes ces sommes portant intérêt à 5% dès le 15 juillet 1955." Les CFF ont conclu à libération.
Par jugement du 25 avril 1957, le Tribunal civil de la Sarine a admis partiellement la demande et condamné
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les CFF à payer à dlle Bovet 1973 fr. 50 avec intérêt à 5% dès le 31 octobre 1956, à titre de remboursement partiel des frais de médecin, d'hospitalisation, de guérison et de prothèse, et une indemnité de 12 552 fr. avec intérêt à 5% dès le 15 juillet 1955 pour incapacité totale et permanente de travail.
B.- Saisie d'un appel formé par les défendeurs et d'un recours joint interjeté par la demanderesse, la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rendu l'arrêt suivant, le 17 décembre 1957: "L'action de Marie Bovet est admise en principe et les CFF sont condamnés à lui payer: 1. un montant de fr. 6101,80 avec intérêt à 5% depuis le 31 octobre 1956; 2. une somme de fr. 14.385,- avec intérêt à 5% depuis le 17 décembre 1957; 3. un montant de fr. 2000,- avec intérêt à 5% depuis le 17 décembre 1957. Les frais et dépens, tant de première que de seconde instance, sont mis à la charge des CFF." La Cour d'appel a estimé que dlle Bovet avait commis une faute grave en voulant descendre du train bien qu'il se fût remis en marche. Elle a admis d'autre part à la charge des CFF des fautes d'une importance équivalente à celle dont la demanderesse répondait. En conséquence, elle a fait supporter aux CFF la moitié du dommage subi par dlle Bovet. Elle a en outre alloué à celle-ci une indemnité pour tort moral de 2000 fr. C. - Contre cet arrêt, les CFF ont recouru en réforme au Tribunal fédéral en reprenant leurs conclusions tendantes au rejet de l'action. Ils soutiennent que la faute commise par dlle Bovet est prépondérante et qu'ils sont dès lors libérés de leur responsabilité. Ils prétendent d'autre part qu'aucune faute ne peut être retenue contre eux. Enfin, ils contestent le dommage admis par la juridiction cantonale et font valoir que l'allocation d'une indemnité pour tort moral n'est pas justifiée. L'intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
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Erwägungen

Considérant en droit:

1. Aux termes de l'art. 1er de la loi fédérale du 28 mars 1905 sur la responsabilité civile des entreprises de chemin de fer, de bateaux à vapeur et des postes (LRC) "toute entreprise de chemin de fer répond du dommage résultant du fait qu'une personne a été tuée ou blessée au cours de la construction, de l'exploitation ou des travaux accessoires impliquant des risques inhérents à celle-ci, à moins que l'entreprise ne prouve que l'accident est dû à la force majeure, à la faute de tiers ou à celle de la victime". Pour que la faute du lésé entraîne la libération de l'entreprise de chemin de fer, il faut qu'elle constitue sinon la cause exclusive du dommage, du moins sa cause prépondérante (RO 72 II 203, 75 II 73). Si elle concourt avec des fautes de l'entreprise de chemin de fer, la responsabilité de celle-ci reste engagée, mais il y a lieu à réduction de l'indemnité. Comme l'a admis avec raison la Cour cantonale, dlle Bovet a commis une faute grave en descendant du train qui s'était remis en marche. Selon l'art. 53 du règlement concernant les transports par chemins de fer et par bateaux, du 24 juin 1949 (ROLF 1949 p. 603), "lorsque le train est en marche, il est interdit aux voyageurs d'y monter ou d'en descendre". Cette disposition est claire et connue du public, qui est conscient du danger qu'il y a à l'enfreindre. Il est de jurisprudence (RO 74 II 60 et les arrêts cités) que le voyageur qui saute d'un train en marche ne contrevient pas seulement à des prescriptions formelles mais commet en outre une grave imprudence, qui, en vertu de l'art. 1er al. 1 LRC, exclut la responsabilité de l'entreprise, à moins que des circonstances imputables à cette dernière n'aient concouru à l'accident. Dans l'espèce, l'intimée ne conteste pas la faute qui lui est reprochée. La seule question litigieuse est celle de savoir si cette faute est prépondérante. Pour la trancher,
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il faut examiner si des fautes peuvent être retenues à la charge des CFF.
2. a) La Cour cantonale admet tout d'abord que l'arrêt du train à Villars-sur-Glâne n'a duré que 15 secondes environ, qu'il était ainsi trop court pour permettre aux voyageurs de descendre des wagons ou d'y monter même s'ils le faisaient sans perdre de temps, d'autant que les CFF transportent non seulement des gens alertes mais aussi des personnes âgées ou infirmes qui doivent pouvoir sortir des voitures et gagner le quai sans courir de danger, et que dès lors une faute existe à la charge des recourants. Ces derniers critiquent sur ce point la décision attaquée et contestent qu'il ait été établi en procédure que l'arrêt n'avait pas duré plus de 15 secondes; ils prétendent qu'il s'agit là d'une déduction de la juridiction cantonale qui n'est pas une constatation de fait liant le Tribunal fédéral, car elle se heurte à des faits aisément contrôlables mais que la Cour d'appel n'a pas contrôlés. Cette opinion est erronée. C'est en se basant sur les résultats de la procédure probatoire que l'autorité cantonale a estimé que l'arrêt n'avait duré que 15 secondes environ, en sorte qu'on est en présence d'une constatation de fait. Si les CFF entendaient l'attaquer, ils devaient le faire par la voie d'un recours de droit public fondé sur l'art. 4
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
Cst. et démontrer qu'elle est arbitraire. Les critiques qu'ils dirigent contre elle sont irrecevables dans le cadre d'un recours en réforme (art. 55 litt
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. c. et 63 al. 2
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OJ). Cela étant, on doit tenir pour constant que le train ne s'est arrêté à Villars-sur-Glâne que pendant 15 secondes approximativement. Une telle halte était incontestablement trop brève pour que les voyageurs pussent descendre du train et y monter normalement. Un court arrêt n'implique certes pas nécessairement une faute; il doit cependant être suffisant pour permettre aux voyageurs de sortir des voitures et d'y entrer sans danger; la sécurité des voyageurs prime l'intérêt de l'entreprise de chemin de fer au déroulement rapide du
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trafic et doit être assurée même s'il en résulte une inobservation de l'horaire (RO 23 II 1627, 60 II 146). Selon les constatations de fait de l'arrêt attaqué, dlle Bovet n'a pas tardé à sortir de la voiture où elle avait pris place. A l'arrivée en gare et avant l'arrêt du train, elle a saisi ses effets et s'est dirigée sans hésitation vers la porte du wagon dès que le convoi fut stoppé. S'étant trouvée face à dame Corpataux qui montait dans la voiture, elle a emprunté l'escalier du wagon suivant pour atteindre le quai, comme cela se fait couramment. Elle aurait dû pouvoir effectuer normalement cette manoeuvre qui prenait peu de temps avant que le train se remît en marche. C'est dès lors avec raison que la Cour cantonale a considéré que l'arrêt avait été trop court et qu'elle a admis une faute à la charge des CFF. En revanche, le fait que le train était composé de voitures d'un modèle ancien, avec une passerelle non couverte et un marchepied extérieur relativement élevé, n'a pas joué de rôle dans l'accident. Si l'arrêt avait été suffisant, l'intimée aurait pu descendre sans encombre du wagon, quelles que fussent les particularités techniques de celui-ci. b) La Cour cantonale estime en deuxième lieu que le contrôleur Thalmann a commis une faute en annonçant au contrôleur Hans que le train était prêt au départ, alors que l'intimée n'avait pas encore pu gagner le quai. A son avis, si Thalmann n'a pas vu dlle Bovet qui était sur le point de descendre du train, c'est parce qu'il s'est tenu trop près du dernier wagon d'où il ne pouvait pas apercevoir ce qui se passait entre les trois voitures; quand bien même l'intimée ne lui avait pas fait part de son intention de descendre à Villars-sur-Glâne, il aurait dû se placer à un point lui permettant d'embrasser les trois wagons d'un seul coup d'oeil. Les CFF critiquent cette argumentation en disant que, sur la largeur du quai, il n'existait aucun endroit d'où Thalmann aurait été en mesure de voir "les espaces entre les trois voitures en même temps que la plate-forme avant
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de la première et la plate-forme arrière de la dernière". Ils relèvent au surplus que les contrôleurs ont pour instructions de se tenir à la hauteur de la dernière voiture parce que, selon l'expérience, s'il n'y a qu'un seul agent, c'est là qu'il est le mieux placé pour observer le train. D'autre part, à leur avis, si l'on ne peut imputer à faute à dlle Bovet de n'avoir pas annoncé qu'elle voulait descendre à Villarssur-Glâne, il reste que Thalmann, qui n'avait pas été informé de cette intention, était en droit d'admettre que le service était terminé. Les recourants ajoutent que Thalmann devait également surveiller la queue du train et qu'il est possible qu'il se soit retourné au moment où dlle Bovet franchissait la passerelle. Ils contestent dès lors que le comportement de Thalmann constitue une faute et à tout le moins une faute causale. Les critiques des recourants sont fondées. La tâche d'un contrôleur qui passe en revue les wagons d'un train à l'arrêt avant d'annoncer que le convoi est prêt au départ se borne à une surveillance générale. Il ne peut pas voir en même temps tout ce qui se passe. S'il se conforme aux instructions qui lui prescrivent de se tenir à la hauteur du dernier wagon pour observer le train, il ne commet pas de faute, alors même que, de cet endroit, il ne serait pas en mesure de voir tous les mouvements des voyageurs. En revanche, il doit laisser s'écouler un temps suffisant pour permettre aux usagers de sortir des voitures et de gagner normalement le quai, avant d'aviser le conducteur que le train peut repartir. Mais cela concerne la question de la durée de l'arrêt, qui a été examinée à la lettre a ci-dessus. c) Selon la Cour cantonale, Thalmann a commis encore une autre faute en laissant l'intimée descendre du train, bien que celui-ci se fût remis en marche. C'est à tort que les recourants critiquent à cet égard l'arrêt entrepris. L'art. 55 du règlement de service des agents de train prescrit que "dès que le train est en marche, il faut veiller qu'aucun voyageur ne monte ni ne descende". Il est évident que Thalmann a violé cette disposition. Il avait
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l'obligation de s'opposer à l'obstination de dlle Bovet et de l'empêcher de descendre du train qui prenait peu à peu de la vitesse. Il devait d'autant plus le faire que l'intimée se trouvait dans cette situation dangereuse, parce que l'arrêt avait été trop court. En outre, comme il se trouvait sur le même marchepied que dlle Bovet, il était en mesure de lui barrer facilement le passage et d'éviter qu'elle sautât du train en marche.
3. C'est avec raison que la Cour cantonale a estimé que les fautes commises par dlle Bovet et par les CFF étaient d'une gravité équivalente. Certes, l'intimée a été très imprudente en descendant d'un train en marche. Il reste cependant que la faute initiale a été le fait des recourants. A l'origine de l'accident il y a l'insuffisance de l'arrêt: si celui-ci n'avait pas été trop court, dlle Bovet aurait eu le temps de descendre normalement du wagon et n'aurait pas cherché à atteindre le quai alors que le train s'était remis en marche. D'autre part, le contrôleur Thalmann aurait dû, par tous les moyens adéquats, empêcher l'intimée de sauter du train au lieu de l'aider finalement à tenter cette manoeuvre; il lui était possible d'intervenir dans ce sens puisqu'il se trouvait au bas du marchepied emprunté par dlle Bovet. Quant au risque spécifique inhérent à l'entreprise ferroviaire, il n'a guère joué un rôle déterminant dans l'accident qui est dû aux fautes concurrentes de la victime et des CFF.
4. La Cour cantonale a calculé le dommage résultant de l'incapacité de travail de l'intimée en partant d'un gain mensuel de 250 fr. Les critiques que les recourants dirigent sur ce point contre l'arrêt attaqué ne sont pas recevables, car la détermination du gain du lésé relève du fait et échappe à la censure du Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme.
5. Le recours est en revanche fondé en tant qu'il conteste que les conditions prévues pour l'allocation d'une indemnité à titre de réparation du tort moral soient remplies
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en l'espèce (art. 8 LRC). Les CFF ont certes commis des fautes. Toutefois, une imprudence grave est également retenue à la charge de dlle Bovet. Eu égard aux circonstances dans lesquelles l'accident s'est produit et au fait que les fautes de l'intimée et des CFF sont d'une gravité équivalente, une indemnité pour tort moral ne se justifie pas.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est partiellement admis et l'arrêt de la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, du 17 décembre 1957, est réformé en ce sens que l'indemnité de 2000 fr. allouée à l'intimée à titre de réparation du tort moral est supprimée. Pour le surplus, l'arrêt attaqué est confirmé.
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 84 II 384
Datum : 19. Juli 1958
Publiziert : 31. Dezember 1959
Quelle : Bundesgericht
Status : 84 II 384
Sachgebiet : BGE - Zivilrecht
Gegenstand : Haftpflicht der Eisenbahnunternehmungen (Art. 1 und 8 EHG). 1. Verschulden des Getöteten oder Verletzten, der aussteigt,


Gesetzesregister
BV: 4
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
OG: 55  63
BGE Register
60-II-145 • 72-II-198 • 74-II-59 • 75-II-68 • 84-II-384
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