80 I 364
59. Arrêt du 26 novembre 1954 dans la cause Administration fédérale des contributions c. D. et Commission neuchâteloise de reeours.
Regeste (de):
- Art. 21, Abs. 1 lit. e WStB: Gewinne beim "Sport-Toto".
- Steuerbarkeit und Steuerberechnung.
Regeste (fr):
- Art. 21 al. 1 lit. e
AIN.
- Imposition des gains réalisés par les participants aux concours dits "Sport-Toto".
Regesto (it):
- Art. 21 cp. 1 lett. e DIN: Imponibilità dei guadagni realizzati allo "Sport-Toto".
Sachverhalt ab Seite 364
BGE 80 I 364 S. 364
A.- La Société de Sport-Toto organise chaque année, durant les championnats de football, des concours hebdomadaires dont les participants doivent prévoir le résultat de douze matches donnés. L'enjeu est de 50 centimes au moins et donne le droit de faire deux pronostics pour chaque match. Les enjeux et, par conséquent, le nombre des pronostics donnés pour chaque match peuvent être augmentés à volonté. La moitié des enjeux encaissés est affectée à la distribution de prix en espèces. Le total de la somme est divisé en trois parts, dont chacune est attribuée à une classe de gagnants - en général ceux qui ont émis des pronostics justes pour 12, 11 et 10 matches - et les gagnants de chacune de ces trois catégories reçoivent des prix égaux.
B.- En 1952, D. a constitué avec H. une société simple, dite Club-Toto, dont le but était de participer en commun aux concours du Sport-Toto. Cette année-là, ils ont dépensé, pour cette participation, 9084 fr. 50 et ont reçu 12 428 fr. 75 de prix. Lors de la taxation de D. en vue de la 7e période de l'impôt pour la défense nationale, l'autorité neuchâteloise a considéré que les gains réalisés au Sport-Toto étaient imposables au titre du revenu, mais elle en a déduit 80% de la part du contribuable au total des enjeux communs de l'année (6214 fr. - 3635 fr. = 2579 fr.). L'Administration fédérale des contributions (l'Administration) a recouru contre cette taxation, mais la Commission
BGE 80 I 364 S. 365
neuchâteloise de recours en matière fiscale l'a déboutée, le 9 juin 1954, en bref par les motifs suivants: La loi neuchâteloise sur l'impôt s'inspire très largement des règles applicables en matière d'impôt pour la défense nationale. Appliquant cette loi à la taxation des gains provenant de la participation au Sport-Toto, les autorités cantonales ont posé les principes suivants: En général, les frais ne peuvent être déduits des sommes gagnées dans une loterie ou au Sport-Toto. Une certaine défalcation peut être exceptionnellement admise lorsque la participation du contribuable constitue une activité régulière et importante. Pour le Sport-Toto, on admettra la déduction de 80% des dépenses prouvées si ces dépenses se montent au moins à 10% des autres revenus et au moins à 3600 fr. par an et si, en outre, il s'agit d'une activité régulière (de chaque semaine). De plus, l'imputation ne peut être faite que sur les gains du Sport-Toto exclusivement; elle ne peut eu aucun cas "influencer les autres revenus".
Ces principes, fondés sur la loi cantonale, sont aussi applicables en matière d'impôt pour la défense nationale. Les gains réalisés au Sport-Toto sont imposables au titre du revenu (art. 21 litt


BGE 80 I 364 S. 366
Sport-Toto pour qui cette activité devient une occupation régulière et lucrative serait contraire à la loi".
C.- Contre cette décision, l'Administration a formé, en temps utile, un recours de droit administratif. Elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral annuler la taxation et renvoyer la cause à la Commission cantonale de recours pour fixation du revenu imposable selon les principes résumés ci-après: Les gains réalisés par les participants au Sport-Toto rentrent dans le revenu imposable (art. 21 al. 1




D.- La Commission neuchâteloise de recours et le contribuable concluent tous deux au rejet du recours.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. L'art. 21 al. 1 litt

BGE 80 I 364 S. 367
la conclusion d'un contrat, de la chance de réaliser un avantage matériel consistant dans un lot, dont l'acquisition, l'importance ou la nature sont subordonnées, d'après un plan, au hasard d'un tirage de titres ou de numéros ou de procédés analogues (art. 1er de la loi du 8 juin 1923 sur les loteries et les paris professionnels). Il n'est pas contesté que les concours du Sport-Toto répondent à cette définition ou constituent tout au moins des opérations analogues aux loteries (art. 43 de l'ordonnance d'exécution du 27 mai 1924). Aussi bien ont-ils été assujettis à la loi du 8 juin 1923. Peu importe, à cet égard, que les participants puissent, par la connaissance des équipes affrontées et des divers autres facteurs qui déterminent l'issue de la partie, fonder leurs pronostics sur des éléments objectifs et raisonnables, les améliorer ainsi et influencer les résultats de leur participation. Il n'en reste pas moins que, dans une très large mesure, ces résultats dépendent du hasard. Il n'y a dès lors pas de doute que les gains réalisés au Sport-Toto sont imposables au titre du revenu, en tant que "gains faits dans les loteries", de par la litt. e de l'art. 21 al. 1


2. Touchant les déductions que le contribuable est en droit de faire sur le montant brut du lot qu'il touche, l'autorité cantonale voudrait appliquer l'art. 22 al. 1 litt

BGE 80 I 364 S. 368
et la mise, de sorte que celle-ci ne peut être rangée au nombre des frais généraux que vise l'art. 22 al. 1 litt

3. Mais la déduction, si elle ne peut se faire au titre des frais généraux, n'est pas exclue pour autant. La formule insérée à l'art. 21 al. 1 litt. e: "les gains faits par les loteries", ne vise que le montant net des lots; elle permet la déduction de la mise et des autres frais engagés et nécessaires. C'est là une défalcation spéciale qui, à la différence de celle qu'autorise l'art. 22 al. 1 litt

4. Pour établir les modalités de la déduction, il faut considérer tout d'abord qu'en augmentant sa mise et, partant, le nombre de ses pronostics dans tel concours, le joueur augmente aussi ses chances. Lors donc qu'il a réalisé un gain, il peut en déduire le total de sa mise et non pas seulement la part afférente aux colonnes gagnantes. De plus, si la mise et les frais de tel concours excèdent le gain ou n'ont rien rapporté, la déduction pourra néanmoins se faire sur le gain net provenant d'autres concours. En effet, deux particularités distinguent le Sport-Toto des loteries du type normal. Premièrement, les concours se répètent chaque semaine pendant une certaine période où se disputent les manifestations sportives, objets du jeu. Secondement - on l'a vu plus haut - le gain dépend non seulement du hasard, mais aussi des connaissances et du jugement des joueurs, qui peuvent notamment suivre les résultats successifs obtenus par les équipes engagées et en tirer certaines conclusions plus ou moins probables. Ces deux facteurs rapprochent tout au moins le jeu des "activités" que vise l'art. 21 al. 1 litt

BGE 80 I 364 S. 369
notamment et permettent de considérer comme un ensemble, du point de vue fiscal, tous les concours hebdomadaires qui constituent une période de jeu. La recourante n'en a pas suffisamment tenu compte lorsqu'elle affirme qu'il n'existe presque aucun lien entre les concours hebdomadaires. Pour calculer les gains imposables, il faudra donc faire la somme des gains bruts réalisés pendant la période de jeu et en soustraire la somme des mises et des frais déductibles afférents à la même période. Cependant, une période de jeu peut commencer au cours d'une année fiscale et ne prendre fin que l'année suivante. Dans ce cas, le calcul indiqué plus haut portera sur la ou les fractions de périodes de jeu qui sont comprises dans l'année fiscale. L'existence d'une période de taxation comprenant deux années fiscales successives ne change rien à ce mode de calcul.
5. Cette solution est contraire aux conclusions de la recourante, l'Administration fédérale des contributions, laquelle ne voulait admettre de déduction que pour chacun des concours hebdomadaires où le contribuable a réalisé un gain. Le recours doit donc être rejeté. Mais il ne s'ensuit pas que la décision attaquée subsiste. Car, en matière d'impôts, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les conclusions des parties (art. 109 al. 1


Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Rejette le recours, annule la décision attaquée et renvoie l'affaire à l'autorité cantonale pour que celle-ci se prononce à nouveau.