BGE 79 I 77
14. Arrêt de la Ire Chambre civile du 27 janvier 1953 dans la cause Meilland
contre Bureau fédéral de la propriété Intellectuelle.
Regeste:
Brevetabilité des inventions dans le domaine de l'agriculture et de
l'horticulture. Art. 1er
SR 232.14 Loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention (Loi sur les brevets, LBI) - Loi sur les brevets LBI Art. 1 - 1 Les brevets d'invention sont délivrés pour les inventions nouvelles utilisables industriellement. |
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1 | Les brevets d'invention sont délivrés pour les inventions nouvelles utilisables industriellement. |
2 | Ce qui découle d'une manière évidente de l'état de la technique (art. 7, al. 2) ne constitue pas une invention brevetable.7 |
3 | Les brevets sont délivrés sans garantie de l'État.8 |
SR 232.14 Loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention (Loi sur les brevets, LBI) - Loi sur les brevets LBI Art. 26 - 1 Sur demande, le juge constate la nullité du brevet: |
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1 | Sur demande, le juge constate la nullité du brevet: |
a | lorsque l'objet du brevet n'est pas brevetable au sens des art. 1, 1a, 1b et 2; |
b | lorsque l'invention n'est pas exposée, dans le fascicule du brevet, de façon telle qu'un homme de métier puisse l'exécuter; |
c | lorsque l'objet du brevet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt; |
d | lorsque le titulaire du brevet n'est ni l'inventeur, ni son ayant cause et qu'il n'avait pas droit non plus, à un autre titre, à la délivrance du brevet.67 |
2 | Lorsqu'un brevet a été délivré avec reconnaissance d'une priorité et que la demande de brevet dont la priorité est revendiquée n'a pas abouti à un brevet, le juge pourra exiger du titulaire du brevet qu'il en indique les raisons avec preuves à l'appui; si le titulaire s'y refuse, le juge appréciera librement cette attitude.68 |
Il est nécessaire, dans ce domaine comme dans les autres, que l'invention
puisse être répétée par un homme du métier suivant le procédé exposé dans la
description.
Patentfähigkeit von Erfindungen auf dem Gebiete der Landwirtschaft und des
Gartenbaus; Art. 1 und 26 Abs. 2 PatG.
Auch auf diesem Gebiete muss, gleich wie auf den übrigen, die Erfindung nach
dem in der Patentbeschreibung dargelegten Verfahren durch einen Fachmann
wiederholt werden können.
Invenzioni nel campo dell'agricoltura e dell'orticoltura che sono suscettibili
di brevetto. Art. 1 e
SR 232.14 Loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention (Loi sur les brevets, LBI) - Loi sur les brevets LBI Art. 26 - 1 Sur demande, le juge constate la nullité du brevet: |
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1 | Sur demande, le juge constate la nullité du brevet: |
a | lorsque l'objet du brevet n'est pas brevetable au sens des art. 1, 1a, 1b et 2; |
b | lorsque l'invention n'est pas exposée, dans le fascicule du brevet, de façon telle qu'un homme de métier puisse l'exécuter; |
c | lorsque l'objet du brevet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt; |
d | lorsque le titulaire du brevet n'est ni l'inventeur, ni son ayant cause et qu'il n'avait pas droit non plus, à un autre titre, à la délivrance du brevet.67 |
2 | Lorsqu'un brevet a été délivré avec reconnaissance d'une priorité et que la demande de brevet dont la priorité est revendiquée n'a pas abouti à un brevet, le juge pourra exiger du titulaire du brevet qu'il en indique les raisons avec preuves à l'appui; si le titulaire s'y refuse, le juge appréciera librement cette attitude.68 |
Anche in questo campo, come negli altri, è necessario che l'invenzione possa
essere ripetuta da una persona del mestiere seguendo il procedimento esposto
nella descrizione.
A. - Francis Meilland a déposé le 6 octobre 1949 auprès du Bureau fédéral de
la propriété intellectuelle une demande de brevet ayant pour titre «Variété de
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rosier à fleur rouge», nommé «Rouge Meilland-Happiness» accompagnée d'une
description dans laquelle il exposait les raisons qui l'avaient conduit à
entreprendre des recherches» afin de créer, par synthèse, une plante
réunissant tous les caractères heureux des variétés actuelles tout en évitant
certains de leurs défauts. Un long et patient travail de fécondation
artificielle, de sélection et de greffage l'avait amené, disait-il, à
l'obtention de la variété, objet du brevet - Les procédés employés peuvent se
résumer de la manière suivante:
a) Il commença par croiser deux roses déterminées A et B à des milliers
d'exemplaires. L'été suivant, grâce à cette fécondation dirigée, il obtint
2400 petites plantes d'aspect différent. b) De ces plantes il n'en retint que
118 «en raison de ce qu'elles montraient dans leur développement végétatif
certains caractères favorables, susceptibles de s'affirmer davantage par la
suite». Par greffage, il fixa sur un système radiculaire un oeil prélevé sur
chacun des rameaux des 118 plantes en question. Quelques mois plus tard il en
résulta 118 rosiers. Un an après, à la suite de nouvelles éliminations, 24
plantes sur les 118 furent particulièrement remarquées. Ces 24 plantes furent
alors multipliées de la même façon. L'été suivant, soit le huitième depuis les
premiers croisements, il remarqua pour la première fois la vigueur, la beauté
de forme et de couleur d'un sujet issu de l'une de ces 24 plantes. Il procéda
alors à l'écussonnage de cette plante et put constater que ses caractères ne
se modifiaient plus. Il convenait, disait-il, de s'assurer du caractère
industriel et commercial de la variété ainsi obtenue. Toute une série d'essais
eut lieu afin d'apprécier la productivité, la réaction de la plante sous
divers climats, en diverses saisons, la tenue de la fleur à l'emballage, chez
le fleuriste et en appartement. Les résultats de ces essais ont souligné
l'importance de la découverte pour l'industrie de la fleur coupée. Il constata
alors que ses caractères ne sont fidèlement transmissibles que par voie agame
ou asexuée. Il faut obligatoirement
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prélever un oeil ou des tissus végétatifs de la variété pour en obtenir la
reproduction rigoureuse. Cette opération ne peut donc se faire que par
bouturage ou greffage, et de préférence sur certaines variétés connues.
Dans la dernière description déposée par le recourant (portant le no 3),
Meilland avait formulé une revendication no I portant sur le rosier et une
revendication no Il portant sur le procédé de reproduction du rosier.
B. - Se fondant sur la troisième description et reprenant d'ailleurs
l'essentiel des objections déjà formulées dans deux notifications antérieures,
le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle a rejeté la demande par
décision du 3 janvier 1951.
Cette décision est motivée en résumé de la manière suivante: Pour qu'une
revendication portant sur une plante soit acceptable, il faut que le demandeur
soit en mesure d'indiquer un procédé permettant d'obtenir cette plante avec
quelque sûreté. Cette condition n'est pas réalisée en l'espèce. Un
horticulteur qui voudrait par le procédé décrit obtenir le rosier faisant
l'objet de la revendication no I devrait d'abord obtenir, par croisement des
roses A et B, la «plante scientifique» donnant finalement le rosier
revendiqué. Or le demandeur lui-même fait observer que «pour obtenir une
plante présentant exactement ces caractères mentionnés, il faudrait pratiquer
l'opération sur un nombre suffisant de fleurs pour permettre l'obtention
simultanée d'un minimum de 269 millions de plantes». Une telle opération est
donc pratiquement irréalisable. Si l'on ne peut obtenir la plante scientifique
désirée, on ne peut non plus obtenir le rosier revendiqué. Le procédé ne peut
être répété. Le demandeur convient que la phase a) qu'il appelle invention
scientifique n'est pas brevetable. En revanche, il est d'avis que la phase b)
est brevetable, pour la raison entre autres que «pour l'oeil de Rouge
Meilland-Happiness on est assuré de le trouver aussi longtemps que la
collectivité portera un intérêt à l'invention revendiquée». Il oublie -
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poursuit le Bureau fédéral - que lorsqu'il s'agit de refaire synthétiquement
le rosier, il s'agit précisément de refaire d'abord cet oeil de «Rouge
Meilland-Happiness» et l'on ne saurait donc admettre qu'il soit de prime abord
à la disposition du tiers qui voudrait refaire le rosier. La distinction que
fait le demandeur entre une phase a) non brevetable et une phase b) brevetable
est arbitraire et n'emporte pas la conviction. En conclusion, le Bureau
fédéral a rejeté la revendication no I parce que le rosier ne peut être
reproduit avec quelque chance de succès par le procédé décrit. Quant à la
revendication no II portant sur le procédé de reproduction, il l'a jugé
inacceptable pour la raison que si le procédé ne part pas, il est vrai, des
deux rosiers A et B mais de l'oeil de «Rouge Meilland-Happiness», il n'en
reste pas moins qu'il s'agit de refaire cet oeil, ce qui est pratiquement
impossible. La description n'exposant pas l'invention de façon que les hommes
du métier puissent l'exécuter (art. 26 al. 2 de la loi sur les brevets
d'invention), la demande doit être rejetée en vertu de l'art. 27 al. 2 de
cette même loi.
C. - Meilland a interjeté contre cette décision un recours de droit
administratif aux termes duquel il conclut à ce qu'il plaise au Tribunal
fédéral prononcer:
«I. Le recours est admis et la décision attaquée du Bureau fédéral de la
propriété intellectuelle annulée.
II. Le Bureau fédéral est invité à délivrer à Francis Meilland le brevet qu'il
a demandé, étant entendu que la revendication Il, concernant le procédé de
production du Rosier hybride de Thé à fleur rouge sang de boeuf, est supprimée
-
III. Subsidiairement à la conclusion Il ci-dessus, renvoyer l'affaire au
Bureau fédéral pour nouvelle décision, la brevetabilité du Rosier hybride de
Thé à fleur rouge sang de boeuf, en tant que produit étant en principe
admise.»
D. - Le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle a conclu au rejet du
recours.
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E. - Le recourant a produit une réplique aux termes de laquelle il maintient
ses conclusions.
Il ressort des pièces produites par le recourant que ce dernier a obtenu des
brevets couvrant le rosier litigieux aux Etats-Unis d'Amérique, en Belgique,
en Hollande, en France et en Italie.
Considérant en droit:
Le recourant a déclaré dans son recours renoncer à revendiquer la protection
légale pour un procédé de reproduction du rosier hybride de thé à fleur rouge
Meilland-Happiness. Sa revendication ne porte dès lors plus que sur le rosier
lui-même. Sa thèse se ramène à soutenir que le rosier qu'il a créé et dont il
a indiqué les caractéristiques dans sa troisième description est un produit
nouveau et qu'il est en droit de le faire breveter, bien que les procédés
grâce auxquels il peut être actuellement obtenu (prélèvement d'un oeil,
bouturage, marcottage) soient connus. A l'objection du Bureau fédéral de la
propriété intellectuelle consistant à dire que pour» refaire synthétiquement
le rosier, il s'agit précisément de refaire d'abord cet oeil, et qu'on ne
saurait admettre qu'il soit de prime abord à la disposition du tiers qui
voudrait refaire ce rosier», il répond en affirmant que l'oeil de son nouveau
rosier sera toujours à la disposition des hommes du métier. Pour le cas où le
Tribunal aurait le moindre doute à ce sujet, il lui demande d'ordonner une
expertise.
La question de savoir si l'oeil du rosier hybride de thé à fleur rouge
Meilland-Happiness sera ou non toujours à la disposition des horticulteurs qui
voudront reproduire cette variété de rosier ne présenterait en réalité
d'intérêt en l'espèce que si l'invention dont se prévaut le recourant avait
consisté simplement à obtenir la reproduction de ce rosier par le moyen du
greffage d'un oeil de ce rosier sur certaines variétés de plantes connues ou
par bouturage dudit. Or c'est ce qu'on ne saurait admettre. L'invention doit
être en effet recherchée plus haut, autrement dit
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dans la création de la première des plantes à laquelle le recourant a reconnu
des caractères spécifiques la distinguant des variétés jusqu'alors connues et,
de plus, immuables. C'est en effet à l'occasion de la création de cette
première plante qu'on petit dire qu'il a déployé l'activité créatrice qui est
un des éléments nécessaires de toute invention brevetable. Le litige se ramène
ainsi à la question de savoir si la création de la nouvelle plante, dite
scientifique, grâce à laquelle il est actuellement possible de reproduire par
des procédés connus le rosier hybride rouge Meilland-Happiness, constitue une
invention nouvelle.
La loi suisse n'exclut pas, il est vrai, la brevetabilité des inventions dans
le domaine de l'agriculture ou de l'horticulture. Comme le dit le Message du
Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la révision de la loi sur
les brevets d'invention (FF 1950 p. 955), une invention qui permet d'obtenir
dans ce domaine un résultat déterminé en influençant les phénomènes
physiologiques peut être considérée comme une invention technique et
utilisable industriellement et à ce titre bénéficier de la protection légale.
Mais encore faut-il, suivant une jurisprudence constante, qu'il s'agisse d'une
invention susceptible d'être exploitée industriellement, c'est-à-dire qu'un
homme du métier soit en mesure de la répéter suivant le procédé exposé dans la
description annexée à la demande. Or cette condition n'est évidemment pas
réalisée en l'espèce, puisque le recourant convient lui-même que le procédé
exposé dans sa description ne peut faire l'objet d'applications industrielless
renouvelées avec sûreté et d'une façon indéfinie.
Il est exact, ainsi que le fait observer le recourant, qu'en Allemagne, où la
loi sur les brevets d'invention contient des dispositions analogues à celles
des art. 1 al. 1 et 26 al. 2 de la loi suisse, certains jurisconsultes, tenant
compte des conditions spéciales qui président à la création et à la
reproduction des végétaux, proposent d'apporter une atténuation à la rigueur
du principe selon
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lequel l'invention, pour être brevetable, doit pouvoir être répétée par un
homme du métier selon le procédé exposé par l'inventeur, en ce sens qu'il
suffirait en ce domaine que le procédé soit décrit de façon à être
théoriquement susceptible de répétition (Cf. SCHADE, Gewerblicher Rechtsschutz
und Urheberrecht, GRUR, année 1950 p. 317) et que d'autres se prononcent même
d'une façon générale dans le sens de la brevetabilité des cultures de végétaux
(Cf. PINZGER, GRUR, 1938 p. 733 et suiv., KIRCHNER, GRUR, 1951 p. 572 et
suiv.). Mais, d'une part, cette opinion est combattue par d'autres auteurs
(Cf. LINDENMAIER, GRUR, 1942 p. 483 et suiv.; GRUR, 1952 p. 168), et, d'autre
part, l'adopter équivaudrait, en droit suisse en tout cas, à déroger à un
principe fondamental de la loi. Telle est du reste aussi l'opinion qu'exprime
le Conseil fédéral dans le message déjà cité (FF 1950 p. 957). Or il n'est pas
au pouvoir du juge de s'écarter à ce point des prescriptions de la loi. Si
l'on peut, il est vrai, avancer de bonnes raisons pour justifier un traitement
de faveur pour les inventions relevant du domaine de l'agriculture ou de
l'horticulture dont la répétition ne peut être garantie par la seule
application du procédé décrit par l'inventeur, c'est au législateur seul
toutefois qu'il appartient de décider si ces raisons sont suffisantes pour
apporter une modification à la réglementation actuelle. En l'état de la
législation, la demande de brevet présentée par le recourant ne pouvait
qu'être rejetée.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté.