S. 464 / Nr. 68 Uhrenindustrie (f)

BGE 78 I 464

68. Arrêt du 5 décembre 1952 dans la cause Thiébaud contre le Département
fédéral de l'économie publique.


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Regeste:
Conditions requises pour l'ouverture d'une nouvelle entreprise de l'industrie
horlogère.
1. Recevabilité du recours de droit administratif (consid. 1).
2. Rapports entre les a!. 1 et 2 de l'art. 4 de l'arrêté fédéral du 22 juin
1951 (consid. 2).
3. Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (art. 104 et 105 OJ) en ce qui
concerne l'application de ces dispositions légales (consid. 2)
4. Refus de l'autorisation d'ouvrir une fabrique d'horlogerie (établissage);
connaissances techniques exigées du requérant (consid. 3).
5. Peut-on, dans le cadre de l'art. 4 al. 2, suppléer un défaut de
connaissances techniques en s'adjoignant un tiers? (consid. 3 i. f.).
Voraussetzungen für Betriebsbewilligungen.
1. Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde (Erw. 1).
2. Verhältnis zwischen Absatz 1 und Absatz 2 des Art. 4 des
Bundesratsbeschlusses vom 22. Juni 1951 (UB) (Erw. 2).
3. Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts (Art. 104 und 105 OG) bei Anwendung
dieser Gesetzesvorschriften (Erw. 2).
4. Verweigerung einer Betriebsbewilligung mangels der erforderlichen
technischen Kenntnisse (Erw. 3).
5. Kann, im Rahmen von Art. 4, Abs. 2 UB., ein Mangel technischer Kenntnisse
durch die Anstellung eines Dritten, der sie besitzt, ergänzt werden? (Erw. 3
a. E.).
Condizioni richieste per l'apertura di una nuova azienea dell'industria degli
orologi.
1. Ricevibilità del ricorso di diritto amministrativo (consid. 1).
2. Rapporti tra i cp. 1 e 2 dell'art. 4 del decreto federale 22 giugno 1951
(consid. 2).
3. Sindacato del Tribunale federale (art. 104 e 105 OG) per quanto riguarda
l'applicazione di questi disposti legali (consid. 2).
4. Rifiuto dell'autorizzazione di aprire una fabbrica di orologi; conoscenze
tecniche richieste dall'istante (consid. 3).
5. Si può supplire, nel quadro dell'art. 4 cp. 2, alla mancanza di conoscenze
tecniche assumendo al servizio dell'azienda un terzo che le possiede? (consid.
3 i. f.).

A. - Paul Thiébaud, né en 1901, a fréquenté tout d'abord l'école primaire,
puis l'école primaire supérieure,

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à La Chaux-de-Fonds. Du 1er mars 1916 au mois de janvier 1920, il a travaillé
pour la maison Paul Ditisheim S. A., tout d'abord comme apprenti, puis comme
employé du bureau de fabrication, où, selon le certificat produit, «il s'est
mis au courant des différents départements de sortie et rentrée du travail,
calculs de prix de revient, comptes de salaires ouvriers, commandes de boîtes
et de fournitures, comptabilité, correspondance, soins des commandes et tous
travaux de bureaux». Puis il est entré au service de la fabrique d'horlogerie
Schild et Co., à La Chaux-de-Fonds, où il a travaillé une année. Du 30 mars
1921 au 30 juin 1923, il a été employé comme correspondant et traducteur
technique chez Adolf Bleichert et Co., à Leipzig. De retour en Suisse, il a
été engagé comme comptable par Fernand Prêtre, expert-comptable à La
Chaux-de-Fonds, où il est resté pendant trois ans, après quoi il a passé une
année chez MM. Frey et Co. S. A., à Bienne, comme employé de fabrication et
voyageur pour l'Europe. Enfin, il a été pendant 23 ans chef-comptable de la
fabrique d'horlogerie Era Watch Co. Ltd., C. Ruefli-Flury et Co. à Bienne.
Actuellement, il est directeur du bureau de vente, à Bienne, de la fabrique
d'horlogerie Dubois frères S. A., à La Chaux-de-Fonds.
Le 24 septembre 1951, Thiébaud a demandé au Département fédéral de l'économie
publique (le Département) l'autorisation d'ouvrir une fabrique d'horlogerie
pour montres à ancre avec un effectif de cinq à dix ouvriers. Au cours de la
procédure, Thiébaud a exposé notamment qu'il estime avoir les capacités
nécessaires pour se créer une situation indépendante comme fabricant de
montres à ancre, qu'il a renoncé à reprendre une entreprise existante, qu'en
effet une telle opération est exagérément coûteuse, même s'il s'agit d'une
entreprise dont la situation n'est pas saine, qu'il connaît des clients
sérieux dans les cinq continents et enfin qu'il veut engager un horloger
complet pour assurer la surveillance technique de l'entreprise qu'il envisage
de créer.

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Le 11 juin 1952, le Département a rejeté la requête de Thiébaud, en bref par
les motifs suivants:
Le requérant n'a pu prouver avoir exercé dans la fabrication de la montre une
activité technique suffisante. L'autorisation ne peut donc lui être accordée
en vertu de l'art. 4 al. 1 litt. a de l'arrêté fédéral du 22 juin 1951 sur les
mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse
(AIH). L'autorisation ne peut pas non plus être accordée en vertu de l'al. 2
du même article, faute également de connaissances techniques suffisantes, car
le point est capital pour la direction d'une fabrique de montres. On peut se
demander aussi si l'ouverture d'une fabrique d'horlogerie léserait en ce
moment «des intérêts prépondérants de l'industrie horlogère considérée dans
son ensemble «(al. 2 précité). Vu le grand nombre de requêtes dont le
Département est saisi et l'incertitude où l'on est sur la durée de la
prospérité où se trouve actuellement l'industrie horlogère, il convient de ne
délivrer des autorisations qu'avec prudence si l'on ne veut pas développer à
l'excès l'appareil de production horloger.
B. - Contre cette décision, Thiébaud a formé, en temps utile, un recours de
droit administratif. Son argumentation se résume comme il suit:
Le recourant compensera le défaut de connaissances techniques qu'a retenu le
Département en engageant un horloger complet qualifié «qui assurera de façon
compétente la surveillance de l'entreprise». L'importance attribuée à la
question technique par l'autorité administrative est exagérée. Il est facile à
un commerçant de s'assurer l'appoint de connaissances nécessaires en engageant
un horloger, surtout lorsqu'il ne s'agit que d'«établissage», tandis que
l'inverse ne peut se faire que très difficilement. Etant donné que n'importe
quelle personne, sans aucunes connaissances commerciales et techniques, peut
reprendre une entreprise existante, qui se trouvera souvent dans une situation
défavorable et risquera de constituer un élément malsain pour l'industrie
horlogère, il n'est pas équitable de refuser l'autorisation à un requérant qui
travaille

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depuis 35 ans dans la branche et possède toutes les aptitudes nécessaires
(formation commerciale complète, connaissance des langues étrangères, des
usages de l'industrie horlogère, des prescriptions internationales concernant
la réglementation des paiements, ainsi que des connaissances en matière de
fabrication de montres par établissage, connaissance d'une clientèle
internationale et possession du capital suffisant).
C. - Le Département conclut au rejet du recours, en bref par les motifs
suivants:
Il ne ressort pas du certificat de la maison Era Watch Co. Ltd. que, même dans
le domaine commercial, le recourant ait exercé une activité dirigeante. Dans
le domaine technique en tout cas, il n'a eu aucune activité quelconque. Il
n'est pas juste de dire qu'un établisseur puisse s'en passer. C'est lui qui
met la montre sur le marché et en gara mit la qualité en y apposant sa marque.
Il ne peut le faire que s'il est capable de décider le calibre de l'ébauche,
de choisir les pièces détachées les mieux adaptées, d'apprécier les livraisons
qui lui sont faites et surtout de surveiller et vérifier le travail de ses
termineurs. S'il n'est pas capable de le faire, la marque qu'il appose ne peut
constituer une garantie. Le recourant n'en est pas capable et ne peut donc
invoquer l'art. 4 al. 1 litt. a AIH. Le permis ne pourrait éventuellement lui
être accordé qu'en vertu de l'al. 2 du même article. Mais le Département n'a
pas cru devoir appliquer cette disposition légale. En effet, une personne qui
ne peut s'assurer de la qualité des montres qu'elle produit ne doit pas être
admise à en fabriquer. Enfin, le législateur a voulu, il est vrai, que
l'acquisition d'une exploitation horlogère existante avec l'actif et le passif
ne soit pas soumise au permis. Ce n'est toutefois pas un motif pour ne pas
appliquer les règles de l'art. 4 AIH.
Considérant en droit:
1.- Celui qui veut ouvrir une nouvelle entreprise de l'industrie horlogère et
notamment une fabrique

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d'horlogerie pour montres à ancre est tenu de se munir d'un permis (art. 3 al.
1 et art. 1er al. 1 litt. a AIH). En cette matière, les décisions du
Département peuvent être déférées au Tribunal fédéral par la voie du recours
de droit administratif (art. 11 al. 1 AIH). Le présent recours est donc
recevable, car il remplit par ailleurs les conditions de forme que pose la
loi.
2.- L'art. 4 al. 1 AIH subordonne l'ouverture d'une nouvelle entreprise de la
branche horlogère tout d'abord à la condition générale que l'ouverture
projetée «ne lèse pas d'importants intérêts de l'industrie horlogère dans son
ensemble e. Aux termes de l'art. 4 al. 2, l'autorisation d'ouvrir une
entreprise peut même être accordée - si des circonstances spéciales le
justifient sous la condition moins stricte que des intérêts prépondérants de
l'industrie horlogère considérée dans son ensemble ne soient pas lésés. Si
l'administration refuse une autorisation en raison de l'industrie horlogère,
elle doit établir le bien-fondé de ce motif.
En second lieu, l'art. 4 al. 1 AIH subordonne l'ouverture d'une nouvelle
entreprise à la condition que le requérant prouve qu'il a déjà exercé dans la
branche dont il s'agit une activité technique et commerciale suffisante e et
qu'il justifie des connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise qu'il
se propose d'ouvrir «. En ce qui concerne la réalisation de cette condition,
la preuve incombe au requérant.
Ainsi, celui qui a exercé dans la branche une activité technique et
commerciale suffisante et pour qui l'ouverture d'une entreprise à son propre
compte constitue 1113 avancement normal et mérité a le droit (l'obtenir une
autorisation lorsque, grâce à l'expérience acquise au cours de son activité et
grâce éventuellement à d'autres facteurs, tels que les études spéciales qu'il
a faites, il possède les connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise
projetée. Il est clair que la nature et l'intensité des connaissances exigées
du requérant varieront suivant la branche, le genre et l'importance de
l'entreprise.

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Les termes employés par le législateur à l'art. 4 al. 1 pour fixer les
conditions que doit remplir le requérant ne correspondent pas à des notions
précises: «activité technique et commerciale suffisante» «connaissances
nécessaires pour exploiter l'entreprise» Il incombera à la pratique et à la
jurisprudence d'en déterminer exactement la portée. Cette détermination,
cependant, qui repose sur l'interprétation du texte légal, est une question de
droit, que le Tribunal fédéral peut en principe revoir librement. Mais
l'application de la loi, sur ce point, pose des problèmes techniques. Il y a
lieu d'estimer quelles sont, pour chaque espèce d'entreprise, les
connaissances nécessaires et de juger si le requérant les possède grâce à
l'activité qu'il a exercée ou aux études qu'il a faites. Pour trancher ces
questions, le Département a été institué comme autorité compétente, apte à
juger des problèmes techniques. Sur ce point particulier, les décisions du
Département ont, pour le Tribunal fédéral, la même portée que l'avis d'un
expert: elles ne le lient pas, mais il ne s'en écartera pas sans nécessité.
En vertu de l'art. 4 al. 2, l'autorisation d'ouvrir une entreprise peut encore
être accordée dans d'autres cas que ceux qui sont fixés par l'al. 1. Ces
autres cas ne sont pas définis par le législateur. Il appartient à la pratique
et à la jurisprudence de les déterminer. Cependant, il faut toujours que la
bonne marche de l'entreprise projetée soit assurée. Ainsi, le requérant qui
fait preuve de connaissances techniques ou commerciales suffisantes ou d'une
expérience suffisante peut recevoir l'autorisation même s'il ne satisfait pas
intégralement aux conditions fixées par l'art. 4 al. 1. L'autorisation sera
accordée si des circonstances spéciales le justifient; sinon elle sera
refusée. C'est à la pratique et à la jurisprudence de définir ces
circonstances spéciales. On peut se demander si cette définition est une
question de droit ou si l'autorité compétente pour accorder les autorisations
dispose à cet égard d'une certaine liberté d'appréciation. Ce point peut ne
pas être tranché actuellement. Si la décision de l'autorité

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compétente est fondée uniquement par des motifs de droit, le Tribunal fédéral
la revoit librement. Si, au contraire, l'autorité compétente dispose, pour
décider, d'un certain pouvoir d'appréciation, son pouvoir demeure cependant
régi, dans une certaine mesure, par des règles de droit dont le Tribunal
fédéral peut revoir l'application: notamment le choix des facteurs
déterminants pour fixer l'appréciation de l'administration doit se fonder sur
le but de l'arrêté du 22 juin 1951 et sur son système.
3.- Dans la présente espèce, il est constant - et le recourant admet lui-même
- qu'il n'a exercé aucune activité technique dans la branche horlogère en
question.
C'est dès lors à juste titre que le Département a retenu que Thiébaud ne
possède pas les connaissances techniques nécessaires pour exploiter
l'entreprise qu'il se propose d'ouvrir.
Le recourant allègue en vain qu'il n'y aurait pas lieu d'exiger du titulaire
d'une fabrique d'horlogerie (établissage) des connaissances techniques dans la
branche. Le Département estime au contraire que de telles connaissances sont
indispensables, qu'en effet l'établisseur doit pouvoir non seulement choisir
les pièces détachées qui se prêtent le mieux à la fabrication des différentes
montres qu'il veut produire, mais encore et surtout juger du travail des
termineurs auxquels il s'est adressé. Car il ne saurait, autrement, garantir
la qualité des montres qu'il livre sous sa propre marque de fabrique. Le
Tribunal fédéral n'a aucune raison de s'écarter de cet avis. L'art. 4 al. 1
lit. a AIH exige du reste clairement que celui qui veut ouvrir une entreprise
horlogère possède» dans la branche dont il s'agit «des connaissances aussi
bien techniques que commerciales. L'autorisation demandée ne peut donc être
accordée à Thiébaud en vertu de cette disposition légale.
Il était légitime que, par les mêmes motifs, le Département refuse
l'autorisation sur la base de l'art. 4 al. 2 AIH.

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En effet, si les connaissances techniques de celui qui désire ouvrir une
fabrique d'horlogerie font défaut, la bonne marche de l'entreprise n'est pas
assurée. Il n'y a pas, en l'espèce, de circonstances spéciales qui
justifieraient une solution différente.
Le recourant, il est vrai, déclare qu'il se propose d'engager un horloger
complet qualifié, qui assumerait la surveillance technique de l'entreprise.
Mais, outre que ce collaborateur n'est pas nommé et qu'on ne peut, par
conséquent, se prononcer sur ses aptitudes, on ne saurait, du point de vue de
l'art. 4 al. 2 AIH, admettre qu'il soit possible de suppléer un défaut de
connaissances techniques ou commerciales en 5 assurant les services d'un tiers
par un contrat de travail qui n'offre pas les garanties suffisantes du point
de vue de la durée.
4.- Enfin, le recourant estime qu'il serait injuste de refuser l'autorisation
d'ouvrir une entreprise à une personne qui, comme lui, travaille depuis 35 ans
dans la branche, alors que le premier venu peut, sans justifier d'aucunes
connaissances spéciales, reprendre une entreprise existante avec l'actif et le
passif. Cependant, s'il y a là une différence, elle a été voulue par le
législateur lui-même et inscrite à l'art. 3 al. 1 AIH. Le Tribunal fédéral est
lié par cette disposition légale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Rejette le recours.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 78 I 464
Date : 01. Januar 1952
Publié : 05. Dezember 1952
Source : Bundesgericht
Statut : 78 I 464
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : Conditions requises pour l'ouverture d'une nouvelle entreprise de l'industrie horlogère.1...


Répertoire des lois
OJ: 4  104  105
Répertoire ATF
78-I-464
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
montre • industrie horlogère • tribunal fédéral • recours de droit administratif • directeur • vue • pouvoir d'appréciation • question de droit • incombance • arrêté fédéral • département fédéral • décision • calcul • titre • autorisation ou approbation • membre d'une communauté religieuse • salaire • stipulant • autorité administrative • bilan
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