BGE 76 I 211
37. Arrêt du 23 juin 1950 dans la cause X. contre Commission Genevoise de
recours en manière d'impôt pour la défense nationale.
Regeste:
Imposition du débirentier. Art. 22 al. 1 lit. d et 27 AIN.
Le débirentier, personne physique non astreinte à tenir des livres, déduit,
dans le calcul de son revenu imposable, la totalité des arrérages payés par
lui, mais il n'est pas autorisé, en revanche, à faire aucune autre déduction,
au titre de l'art. 27 AIN, dans le calcul de sa fortune imposable.
Système applicable lorsque le débirentier est un assureur.
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Besteuerung des Schuldners von Leibrenten (Art. 22, Abs. I, lit. d und Art. 27
WStB)
Der Schuldner einer Leibrente kann den vollen Betrag der von ihm in der
Berechnungsperiode ausgerichteten Renten bei Ermittlung des steuerbaren
Einkommens abziehen anderseits wird die Rentenlast bei Ermittlung des
Vermögens (Art. 27 WStB) nicht als Passivum behandelt.
Sonderfall der Versicherungsunternehmungen.
Imposizione del debitore di una rendita vitalizia (art. 22 cp. 1 lett. d e
art. 27 DIN).
Il debitore di una rendita, persona fisica non obbligata a tenere una
contabilità, può dedurre nel computo del reddito imponibile l'ammontare totale
delle prestazioni fatte durante il periodo di computo egli non può invece
considerare l'onere di corrispondere la rendita come un passivo ai fini di
determinare la sostanza imponibile.
Sistema da applicarsi quando il debitore è un assicuratore.
A. - X. a acheté, en 1945, un immeuble pour le prix de 160000 fr. Il a payé
80000 fr. par la reprise de dettes hypothécaires et 80000 fr. par la
constitution d'une rente viagère mensuelle de 400 fr., courant dès le 1 er
octobre 1945 au profit des venderesses.
Pour sa taxation au titre de l'impôt pour la défense nationale, X. prétend
déduire, dans le calcul du revenu imposable, la totalité des arrérages payés
(art. 22 al. 1 lit. d AIN) et en outre, dans le calcul (le sa fortune
imposable, la valeur capitalisée de la rente.
Débouté de sa réclamation, il déféra l'affaire à la Commission cantonale de
recours en matière d'impôts, mais cette autorité le débouta, elle aussi, en
bref par les motifs suivants
Aussi longtemps que le débirentier s'acquitte régulièrement des arrérages, il
n'y a pas de «dette établie «au sens de l'art. 27 AIN. Les deux arrêtés
instituant le premier puis le second sacrifice pour la défense nationale
partaient d'un point de vue différent: La rente viagère était considérée comme
un capital imposable chez le crédirentier et déductible chez le débirentier.
Mais l'arrêté instituant l'impôt pour la défense nationale ne prévoit d'impôt
sur la fortune qu'à titre complémentaire, l'impôt principal étant assis sur le
revenu; c'est pourquoi il
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traite la rente viagère comme une obligation portant sur le service
d'arrérages et non capitalisable chez le débiteur, pas plus du reste que chez
le créancier. S'il est exact que les compagnies d'assurances peuvent compter
leur capital de couverture ou réserve mathématique comme un élément du passif,
on ne saurait conclure de même dans le cas où il s'agit non pas d'une
assurance-vie, mais d'une rente viagère, non pas d'une réserve couvrant les
risques d'un grand nombre de polices, mais d'une couverture pour un seul cas.
B. - Contre cette décision, X. a formé un recours de droit administratif
devant le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée
et à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral l'autoriser à déduire, dans le calcul
de sa fortune imposable, «la dette en capital que représente la rente viagère
qu'il s'est engagé à verser». D'argumentation du recourant se résume comme
suit:
Il peut y avoir doute au sujet du montant qu'il faut admettre à titre de
capitalisation de la rente viagère. Le recourant, en définitive, incline à
admettre qu'il faut compter, à ce titre, le montant de la réserve mathématique
qu'une compagnie d'assurances serait autorisée a constituer. Pour le reste, il
allègue exclusivement que le principe posé par le Tribunal fédéral dans son
arrêt La Suisse, du 9 novembre 1928 (RO 54 I 388 ss.), doit s'appliquer dans
la présente espèce. S'il est exact, dit-il, que, pour une compagnie
d'assurances, le capital de couverture représente une dette déductible, il
doit en aller de même lorsque le débiteur de la rente viagère est un
particulier. Le débirentier, en effet, doit non seulement les prestations
échues mais encore les prestations futures. L'engagement pris par X. pour la
durée de la vie des crédirentières diminue sa fortune. Selon les
renseignements fournis par la société d'assurances Patria, la réserve
mathématique de la rente viagère serait de 90 576 fr. 80.
C. - La Commission cantonale de recours se réfère à sa décision.
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L'Administration fédérale des contributions conclut ait rejet du recours. Elle
allègue en résumé:
Les arrérages d'une rente viagère comprennent deux éléments: d'abord
l'intérêts du capital de base reçu par le débirentier, ensuite tin
remboursement partiel et successif de ce capital ces deux éléments sont
calculés de sorte que, théoriquement, à la mort du bénéficiaire de la rente,
le capital versé soit entièrement remboursé. L'AIN aurait pu prévoir que, dans
le cadre de l'art. 22, seule est déduite la part de la rente viagère qui
correspond normalement aux intérêts, et que du côté du crédirentier, seule
cette part est imposable dans le cadre de l'art. 21 qu'en revanche, pour le
surplus, le débirentier peut déduire un certain capital de sa fortune, tandis
que le crédirentier paye l'impôt sur le capital correspondant. Mais le
législateur a renoncé à cette distinction et il a prescrit, aussi bien pour la
déduction chez le débirentier que pour l'imposition chez le crèdirentier, que
le montant total de la rente versée serait pris en considération (voir art. 21
lit. c et art. 22 lit. d). Dans ces conditions, il n'était pas possible
d'autoriser en outre la déduction du capital de couverture dans le calcul de
la fort une imposable.
Le recourant ne petit pas tirer argument du système d'imposition applicable
aux sociétés d'assurances, qui sont en droit de déduire de leur fortune les
réserves mathématiques. Si la jurisprudence, notamment l'arrêt La Suisse
contre Lucerne (précité) et l'arrêt Turegum (RO 74 I 302), a admis au passif
les réserves mathématiques, c'est pour trois motifs
a) On a voulu par là octroyer pour des raisons d'«équité» un privilège aux
entreprises d'assurances en contre-partie du rôle social qu'elles jouent sous
la surveillance de la Confédération et pour éviter une imposition
particulièrement lourde de leurs capitaux accumulés.
b) La jurisprudence en question ne vaut que pour les personnes morales, non
pour les personnes physiques.
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c) Le chapitre Il AIN tranche la question pour ce qui concerne les personnes
physiques. Par la déduction autorisée à l'art. 22 lit. d, le législateur tient
déjà compte complètement de l'élément passif de la rente viagère.
D. - Dans sa réplique, le recourant allègue que l'argumentation de
l'Administration fédérale des contributions, qui se justifie du point de vue
théorique et de lege ferenda est incompatible avec les prescriptions des art.
22 al. 1 lit. d et 27 al. 1 AIN. L'art. 27 al. 1 s'applique aux personnes
morales aussi bien qu'aux personnes physiques. Il ne saurait être interprété
d'une façon différente, selon qu'il s'applique à celles-ci ou à celles-là.
E. - Dans sa duplique, la Commission cantonale de recours allègue que le
débirentier, dès lors qu'il paye régulièrement les arrérages, ne peut invoquer
l'existence d'une dette envers le crédirentier; que si les compagnies
d'assurances jouissent exceptionnellement d'un autre traitement, c'est
qu'elles sont tenues, de par la loi, de constituer des réserves mathématiques.
Sur ce dernier point, l'Administration fédérale des contributions allègue,
dans sa duplique, que l'argumentation du recourant ne tient pas compte des
relations qui existent nécessairement dans le système de l'impôt pour la
défense nationale entre l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice net et
l'impôt complémentaire sur la fortune ou sur le capital, qui forment un tout
inséparable.
De ce point de vue, on ne saurait traiter de même une entreprise imposée sur
le fondement de sa comptabilité et une personne physique non astreinte à tenir
des livres.
F. - Le Tribunal fédéral a demandé à l'Administration fédérale des
contributions si elle estimait que le capital de couverture de la rente
viagère pouvait être considéré comme une réserve et si X. s'était engagé à
verser la rente viagère, origine du litige dans le cadre d'une activité
commerciale. L'Administration a répondu en résumé La réserve mathématique des
compagnies d'assurances doit, du point de vue fiscal, être traitée comme une
réserve d'amortissement. Dans la mesure où le versement des arrérages
constitue un remboursement du capital couvert par la réserve, il se traduit
par une déduction sur ce dernier article, déduction qui n'est pas portée au
compte de pertes et profits. Dans cette mesure par conséquent, le versement
des arrérages ne saurait être déduit du bénéfice. Le même traitement
s'applique à tout contribuable astreint à tenir des livres, mais non pas à
celui qui n'y est pas astreint, car il n'a «aucune possibilité de faire
valoir, comme réserve
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d'amortissement, une provision destinée à couvrir l'obligation de servir la
rente». Enfin, X. lui-même a confirmé qu'il avait acheté l'immeuble et
constitué la rente à titre personnel.
Considérant en droit
1.- X. s'est engagé à verser une rente viagère non pas en qualité d'assureur,
mais occasionnellement et agissant comme personne physique non astreinte à
tenir des livres. C'est à ce titre qu'il doit être imposé.
Il prétend déduire, dans le calcul de son revenu imposable, le montant total
des arrérages de la rente qu'il s'est obligé à servir et, en outre, dans le
calcul de sa fortune imposable, une somme correspondant à la dette globale qui
découlerait de cette même rente. Il n'y a pas lieu, cependant, de rechercher,
dans la présente espèce, si l'engagement souscrit par X. constitue en principe
une dette grevant la fortune au sens de l'art. 28 MN. En effet, supposé même
que cette question appelle l'affirmative, le débirentier, s'il s'agit comme
dans la présente espèce d'une personne physique non astreinte à tenir des
livres, ne saurait en aucun cas être autorisé à déduire à la fois, dans le
calcul de son revenu imposable, la totalité des arrérages payés (art. 22 al. 1
lit. d AIN) et, dans le calcul de sa fortune imposable, une somme représentant
la charge en capital dont sa fortune pourrait être grevée. Car, dans cette
hypothèse, l'argumentation suivante s'imposerait:
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Les arrérages de la rente viagère constituée à titre onéreux excéderont
normalement les intérêts du capital versé, surtout lorsque, comme en l'espèce,
le capital lui-même est abandonné par le crédirentier. On peut donc admettre,
du point de vue économique, que les arrérages comprennent deux parts:
premièrement les intérêts du capital versé et secondement une certaine somme
payée à titre de remboursement partiel du capital. Les arrérages étant fixes,
la part afférente aux intérêts ira diminuant, tandis que la part afférente aux
remboursement croîtra dans la même mesure.
Dans l'imposition du débirentier selon le système de l'impôt pour la défense
nationale, il fallait tenir compte à la fois de la charge que représente le
service des intérêts et des remboursements successifs et partiels du capital.
Le législateur aurait pu, pour ce faire, accorder la défalcation de la part
afférente aux intérêts à titre de charge grevant le revenu et tenir compte de
la part afférente au remboursement du capital dans le calcul de la fortune
imposable. Mais ce système aurait présenté le défaut de la complication. Il
aurait en outre été peu pratique s'agissant de contrats auxquels les
probabilités statistiques et mathématiques ne s'appliquent que par une
assimilation peu satisfaisante. Il faut admettre, du reste, que le législateur
n'a pas voulu l'adopter.
En effet, la déduction de la totalité des arrérages, expressément autorisée
par l'art. 22 al. 1 lit. d AIN, déroge au principe selon lequel les sommes
affectées au remboursement de dettes ne peuvent être déduites dans le calcul
du revenu imposable (art. 23 AIN). Elle y déroge dans la mesure où, comme on
l'a vu plus haut, les arrérages représentent, pour une part, le remboursement
du capital versé par le crédirentier pour la constitution de la rente.
En autorisant néanmoins cette défalcation, le législateur a donc tenu compte,
dans le calcul du revenu imposable, non seulement des intérêts payés sous
forme d'arrérages, mais encore de la dette globale qui pourrait grever la
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fortune du débirentier. C'est pourquoi, même si l'existence d'une telle dette
devait être admise du point de vue fiscal, sa défalcation dans le calcul de la
fortune imposable conférerait au débirentier un privilège injustifiable dans
le principe. Rien ne permet de croire que le législateur ait voulu établir un
tel privilège. Il faut admettre bien plutôt que, par l'art. 22 al. 1 lit. d
AIN, il a entendu accorder au débirentier le droit de faire une défalcation
unique sur le revenu pour tenir compte de l'ensemble de la dette par un
système simple et pratique, qui exclut toute défalcation sur la fortune. Il
pouvait le faire d'autant mieux que l'impôt sur le revenu et l'impôt
complémentaire sur la fortune forment un tout dans le système de la loi. Si
l'on considère l'ensemble des années fiscales, il n'apparaît pas, du reste,
que la défalcation unique sur le revenu, autorisée par l'art. 22 al. 1 lit. b
AIN soit sensiblement moins favorable au débirentier qu'une défalcation
double, mais partielle, portant à la fois sur la fortune et sur le revenu.
2.- Le recourant ne saurait objecter à cette argumentation le principe posé
par le Tribunal fédéral dans son arrêt La Suisse (RO 54 I 395, consid. 4) et
selon lequel les réserves mathématiques des compagnies d'assurances sur la vie
humaine doivent nécessairement, du point de vue fiscal, être considérées comme
un passif, pourvu qu'elles n'excèdent pas les sommes fixées conformément aux
probabilités mathématiques:
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral semble avoir visé surtout les types
d'assurances sur la vie où la réalisation de l'événement assuré est certaine
et qui, dès lors, donnent essentiellement naissance à des obligations à terme,
dont le caractère de dettes ne saurait être contesté du point de vue fiscal.
Mais il n'est pas douteux que les principes posés ne s'appliquent également
dans le cas où, l'assurance portant uniquement sur une rente viagère sans
restitution du capital versé, la réalisation de l'événement assuré est
incertaine (JAEGER-ROELLI, commentaire ad art. 90
SR 221.229.1 Bundesgesetz vom 2. April 1908 über den Versicherungsvertrag (Versicherungsvertragsgesetz, VVG) - Versicherungsvertragsgesetz VVG Art. 90 - 1 Hat die Versicherung einen Umwandlungswert, so kann der Versicherungsnehmer verlangen, dass sie ganz oder teilweise in eine prämienfreie Versicherung umgewandelt wird. Der Vertrag kann dafür einen Mindestwert vorsehen. |
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1 | Hat die Versicherung einen Umwandlungswert, so kann der Versicherungsnehmer verlangen, dass sie ganz oder teilweise in eine prämienfreie Versicherung umgewandelt wird. Der Vertrag kann dafür einen Mindestwert vorsehen. |
2 | Unterschreitet der Umwandlungswert den vorgesehenen Mindestwert, so richtet das Versicherungsunternehmen dem Versicherungsnehmer den Rückkaufswert aus. |
3 | Ist bei einer Versicherung der Eintritt des befürchteten Ereignisses gewiss und hat die Versicherung bei ganzer oder teilweiser Beendigung des Vertrags einen Rückkaufswert, so kann der Versicherungsnehmer dessen Auszahlung verlangen. |
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note 43). Dans ce cas aussi, en effet, bien que chacune des polices ne mette à
la charge de l'assureur que des obligations conditionnelles à caractère
aléatoire, l'ensemble des réserves mathématiques, de par l'application de la
loi des grands nombres, apparaît comme une dette de l'assureur, du point de
vue économique et aussi du point de vue fiscal.
Il s'ensuit à la vérité qu'en matière d'impôt pour la défense nationale, la
compagnie d'assurances, qui porte ait compte de pertes et profits la totalité
des arrérages payés au cours de l'exercice, déduira en outre la totalité des
réserves mathématiques afférentes aux mêmes rentes pour le calcul du capital
soumis à l'impôt complémentaire. Mais, contrairement à ce qui se produirait
dans le cas de la personne physique non astreinte à tenir des livres (v.
consid. 1), la compagnie d'assurances ne bénéficiera pas, du même coup, de
défalcations excessives. En effet, l'assureur doit, pour chaque exercice,
porter au compte de pertes et profits la diminution de la réserve mathématique
correspondant à la réduction du risque. Cela compense l'avantage obtenu
d'autre part par la défalcation de la totalité des arrérages payés.
3.- Ces principes, applicables à la compagnie d'assurances, personne morale,
s'appliqueraient du reste également à toute personne physique qui, pratiquant
professionnellement l'assurance - ce qui permet d'utiliser le système des
prévisions mathématiques - serait en même temps astreinte à tenir des livres.
L'ensemble de ses réserves mathématiques serait déductible à titre de dette
dans le calcul de la fortune imposable, l'ensemble des arrérages payés serait
également déductible, de par l'art. 22 al. 1 lit. d AIN, dans le calcul du
revenu imposable. Mais l'avantage anormal résultant de cette dernière
déduction serait Compensé du fait que les diminutions successives de la
réserve mathématique afférente à chaque police devraient être ajoutées au
revenu net de par l'art. 21 al. 1 lit. d à titre de bénéfice en capital.
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Le même système, en revanche, n'est pas praticable dans le cas d'une personne
physique qui, comme le recourant, n'est pas astreinte à tenir des livres,
parce qu'à la différence de la personne morale et de la personne physique
astreinte à tenir des livres, les bénéfices en capital qu'elle réalise ne
s'ajoutent pas à son revenu imposable.
Par ces motifs le Tribunal fédéral Rejette le recours.