S. 499 / Nr. 84 Bundesrechtliche Abgaben (f)

BGE 74 I 499

84. Extrait de l'arrêt du 10 décembre 1948 dans la cause B. contre Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'impôt et de sacrifice pour la
défense nationale.

Regeste:
Art. 30 et 34 AIN: Détermination de la valeur imposable de titres bloqués aux
Etats-Unis en vertu de l'embargo décrété par ce pays sur les avoirs suisses.
Wehropfer: Bewertung in den Vereinigten Staaten blockierter Wertpapiere (Art.
30 und 34 WStB).
Art. 30 e 31 DIN: Determinazione del valore imponibile di titoli bloccati
negli Stati Uniti d'America.

A. ­ Dans sa déclaration en vue du nouveau sacrifice pour la défense
nationale, B. a indiqué une fortune nette de ... fr., comprenant un
portefeuille de titres dans lequel figuraient notamment des actions Nestlé
déposées à New-York. En vertu du décret du Président des Etats-Unis d'Amérique
mettant l'embargo sur les avoirs suisses aux USA avec effet à partir du 14
juin 1941, ces actions se trouvaient bloquées au 1er janvier 1945, date de
l'estimation des biens en vue du nouveau sacrifice. En raison de cette
circonstance, le contribuable a tenu compte d'un disagio de 40 % dans
l'évaluation de ses actions Nestlé. L'autorité de taxation n'a pas admis ce
disagio et a fixé la valeur imposable des titres au cours de la cote en bourse
suisse.
B. a présenté contre cette taxation une réclamation, faisant valoir que
l'application d'un disagio de 40 % au minimum était justifiée pour
l'estimation de ses titres. Dans sa décision sur réclamation, l'autorité de
taxation a refusé d'admettre un disagio sur les actions Nestlé.
B. a porté cette décision devant la Commission cantonale

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genevoise de recours en matière d'impôt et de sacrifice pour la défense
nationale (en abrégé: CCR) en demandant qu'un disagio de 50 % fût admis sur le
cours des actions Nestlé bloquées aux Etats-Unis. A l'appui de son recours, il
a invoqué le principe de l'art. 34 AIN selon lequel la valeur vénale des
titres régulièrement cotés est déterminée par le cours de la cote, tandis que
les créances et droits douteux sont évalués en tenant compte du degré de
probabilité de leur recouvrement; il a fait valoir que le cours des actions
Nestlé aux bourses suisses ne devrait s'appliquer qu'aux actions se trouvant
en Suisse et pouvant être remises à un acheteur éventuel conformément aux
dispositions des règlements de bourse; que les actions Nestlé bloquées ne
remplissaient pas ces conditions, puisqu'elles ne pouvaient pas être
transférées, et qu'elles valaient même moins que les titres bloqués libellés
en dollars, auxquels était appliqué un disagio de 40 %.
Statuant par décision du 25 février 1948, la CCR a rejeté le recours en
invoquant notamment l'argumentation suivante:
Aux termes de l'art. 34 AIN, le cours de la cote est considéré comme valeur
vénale pour les titres régulièrement cotés; cette disposition ne contenant ni
réserve, ni restriction, il est sans importance que les titres soient déposés
en Suisse ou à l'étranger, qu'ils soient bloqués ou non ou qu'enfin ils
appartiennent à un contribuable suisse ou étranger. C'est dès lors à tort que
le recourant prétend que le cours de la bourse ne s'applique qu'aux titres de
«bonne livraison», car B. a acquis les actions litigieuses sur la base de leur
cotation boursière, conformément à la règle qu'il invoque. Le recourant fait
vainement valoir que ses actions Nestlé seraient des valeurs douteuses dont
l'estimation dépendrait des probabilités de leur recouvrement (art. 34 al. 2
AIN); ces titres, malgré leur immobilisation momentanée, ont toujours permis à
leur possesseur de jouir de ses droits d'actionnaire, en sorte que leur valeur
réelle n'est pas atteinte.

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B. ­ B. a interjeté contre cette décision un recours de droit administratif
par lequel il a conclu que les actions Nestlé lui appartenant soient taxées en
leur appliquant un disagio de 50 % (éventuellement de 40 %), la cause étant
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. A l'appui de son
recours, il a repris en substance l'argumentation qu'il avait développée
devant la CCR.
C. ­ Dans sa réponse, l'AFC a conclu au rejet du recours
La CCR a également produit une détermination aux termes de laquelle elle a
conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1. ­ Selon le principe général énoncé à l'art. 30 AIN, auquel l'art. 8 ASN II
renvoie pour la détermination de la fortune assujettie au nouveau sacrifice
pour la défense nationale, la fortune est estimée d'après la valeur vénale des
biens au moment où l'assujettissement prend naissance. S'agissant plus
particulièrement des titres et autres droits et créances, l'art. 34 al 1 AIN
précise que, pour les titres régulièrement cotés, le cours de la cote est
considéré comme valeur vénale, la valeur des titres étant déterminée par le
cours moyen atteint pendant le dernier mois qui a précédé le début de
l'assujettissement.
La question litigieuse est de savoir si les titres du recourant frappés par
l'embargo des Etats-Unis sont «régulièrement cotés» au sens de l'art. 34 al 1
AIN, auquel cas ils doivent être estimés selon le cours de la cote en bourse
suisse pendant le mois de décembre 1944, ou si au contraire ils ne rentrent
pas dans les prévisions de l'art. 34 al. 1 et doivent alors être taxés à leur
valeur marchande' conformément à l'art. 30 AIN.
2. ­ En ce qui concerne les effets et l'étendue du blocage des avoirs suisses
aux Etats-Unis, il est constant que l'embargo était effectif au 1er janvier
1945, date de l'estimation des biens, et que ce n'est que dès la fin de 1946
que les Etats-Unis ont admis de libérer les avoirs pour lesquels un
gouvernement étranger se portait garant qu'aucune

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personne considérée par eux comme ennemi n'y était intéressée depuis le 14
juin 1941. Aussi longtemps qu'il était effectif, l'embargo rendait absolument
indisponibles les avoirs suisses aux Etats-Unis, les titres n'étant pas
réalisables et leurs revenus ne pouvant être perçus. Si certaines opérations
ont pu être néanmoins effectuées en dépit de l'embargo, elles ne l'ont été que
dans un cadre très limité (par exemple entre Suisses atteints par le blocage
ou bien au profit de Suisses ayant besoin de leurs avoirs pour subsister).
Dans ces conditions, il est vraisemblable que les titres soumis à l'embargo
étaient frappés d'une moins-value et qu'ils n'avaient pas la valeur vénale
qu'est censé exprimer le cours de la bourse pour les titres analogues
susceptibles d'un transfert régulier en Suisse. Toutefois, une moins-value ne
pourrait être prise en considération que si, juridiquement, le recourant est
fondé à invoquer une autre estimation que celle résultant du cours de la cote
en bourse suisse.
Le cours de la cote en bourse n'est pas une décision abstraite, arrêtant la
valeur de chaque titre inscrit; c'est au contraire le résultat concret d'un
certain nombre de marchés en bourse. Une fois le titre admis à la bourse, il
est coté ou non suivant qu'il a fait l'objet de transactions ou non. Ainsi,
les actions Nestlé cotées en Suisse sont celles qui circulent librement en
Suisse et qui y ont fait l'objet de transactions. Les titres Nestlé bloqués à
l'étranger ne sont donc pas des titres «régulièrement cotés» au sens de l'art.
34 al. 1 AIN.
On pourrait objecter à cette manière de voir que le cours en bourse indique la
valeur d'un titre, quel qu'en soit le propriétaire ou le détenteur. Toutefois,
cette objection n'est pas pertinente en raison des mesures prises par les
Etats étrangers pour atteindre la propriété ennemie et qui ont contraint la
bourse et même l'AFC à prendre en considération, pour l'estimation des valeurs
ou pour la cote en bourse, des éléments subjectifs 'qui tiennent à la personne
du propriétaire du titre. C'est ainsi qu'à la bourse,

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un titre identique peut être coté différemment selon qu'il est propriété de
telle ou telle catégorie de personnes; c'est ce qu'indiquent clairement les
cours donnés pour un titre avec ou sans affidavit. Quant à l'AFC, elle admet,
elle aussi, ces différences de cours notées par la bourse en raison de la
personne du propriétaire. Même elle ne se contente pas d'enregistrer et
d'approuver les différences de cours accusées par la bourse, mais elle prend
en considération le fait que de nombreuses autres valeurs, par leur volume de
transaction restreint, n'ont pas pu être cotées à la bourse avec des mentions
différentes suivant qu'elles sont munies ou non d'affidavits; c'est ce qui
résulte de ses «Instructions pour le calcul de la valeur imposable» figurant
dans la «Liste des cours 1945», publiée par elle (p. 37 à 40; cf. également la
liste 1948 p. 50 à 52). En déclarant, sous ch. I de ces Instructions, que les
cours en bourse «s'entendent pour des titres de propriété suisse
régulière»,l'AFC admet bien que le cours de la bourse est conditionné par un
élément subjectif touchant à la personne du propriétaire. D'autre part, en
autorisant certains disagios pour des titres cotés à la bourse suisse, mais
frappés par les mesures de guerre d'Etats étrangers (cf. I 2 et 3 des
Instructions), elle reconnaît que le cours de la bourse suisse n'exprime pas
suffisamment la moins-value résultant desdites mesures, cela précisément dans
les cas où, faute de transactions suffisantes, il n'y a pas un cours de bourse
différencié.
3. ­ D'autre part, le texte de l'art. 34 al. 1 AIN doit être compris en ce
sens que le cours de la cote ne peut être considéré que comme l'expression de
la valeur vénale du titre. En effet, en disposant que «le cours de la cote est
considéré comme valeur vénale», l'art. 34 al. 1 diffère des art. 31, 32, 33 et
35, dont la formule (par exemple: le bétail, les marchandises, les assurances
sur la vie sont estimés d'après ...) marque une dérogation au principe de la
valeur vénale énoncé à l'art. 30. A contrario, il y a lieu d'admettre qu'à
l'art. 34 al. 1, il ne s'agit pas d'une

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dérogation à la valeur vénale, mais bien d' un procédé pour déterminer cette
dernière; le cours de la cote n'a donc de sens qu'en tant qu'il exprime la
valeur vénale. D'ailleurs, la condition posée d'un titre «régulièrement coté»
marque bien l'intention du législateur de se référer aux seules espèces de
titres faisant l'objet de transactions régulières en bourse. Comme les titres
bloqués aux Etats-Unis ne faisaient pas l'objet de transactions régulières en
bourse, il convient d'en revenir à l'évaluation de la valeur vénale,
conformément au principe général de l'art. 30 AIN (cf. BLUMENSTEIN, System, p.
121; Instructions de l'AFC sur la manière d'estimer les titres non cotés, p. 1
litt. A 1).
6. ­ En conséquence, il y a lieu de renvoyer la cause à la CCR en vue d'une
nouvelle décision. Il appartiendra à l'autorité cantonale de déterminer, en
appréciant l'ensemble des circonstances qui peuvent avoir influé sur la valeur
des titres et en recourant éventuellement à une expertise, si, par rapport au
cours de la cote en bourse suisse pendant le mois de décembre 1944, les
actions Nestlé appartenant au recourant ont subi une moins-value en raison des
mesures de blocage temporaire dont elles faisaient l'objet aux Etats-Unis le
1er janvier 1945, date de leur estimation et quelle est l'importance de cette
moins-value.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis, la cause étant renvoyée à la Commission cantonale de
recours pour nouvelle décision.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 74 I 499
Date : 01 janvier 1948
Publié : 10 décembre 1948
Source : Tribunal fédéral
Statut : 74 I 499
Domaine : ATF - Droit administratif et droit international public
Objet : Art. 30 et 34 AIN: Détermination de la valeur imposable de titres bloqués aux Etats-Unis en vertu...


Répertoire des lois
AIN: 30  34
Répertoire ATF
74-I-499
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
valeur vénale • moins-value • vue • mois • cotation en bourse • autorité cantonale • recouvrement • ennemi • marchandise • bénéfice • calcul • jour déterminant • membre d'une communauté religieuse • preuve facilitée • recours de droit administratif • décision • titre • limitation • cours boursier • tribunal fédéral
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