S. 128 / Nr. 28 Familienrecht (f)
BGE 71 II 128
28. Arrêt de la II e Cour civile du 27 avril 1945 dans la cause del Ferro
contre Dame del Ferro-Gil.
Regeste:
For de l'action en constatation de l'existence d'un mariage. (Art. 2 et 8 de
la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en
séjour.)
L'action tendant à faire constater l'existence d'un mariage doit être rangée
parmi les actions prévues à l'art. 8 de la loi sur les rapports de droit civil
et ressortit en conséquence à la juridiction du lieu d'origine.
Gerichtsstand der Klage auf Feststellung des Bestehens einer Ehe (Art. 2 und 8
NAG)
Eine solche Klage gehört zu den Familienstandklagen des Art. 8 NAG und
unterliegt daher der Gerichtsbarkeit der Heimat.
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Foro dell'azione di accertamento dell'esistenza d'un matrimonio (art. 2 e 8
della LDD).
L'azione tendente a far accertare l'esistenza d'un matrimonio dev'essere
noverata tra quelle previste dall'art. 8 LDD e soggiace quindi alla
giurisdizione del luogo d'origine.
Le 23 mai 1942, Dame del Ferro-Gil, de nationalité colombienne, a ouvert
action devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois en concluant à ce
qu'il plaise à celle-ci prononcer:
«1° que la demanderesse est l'épouse d'Ernesto del Ferro;
» 2° que le mariage doit être inscrit dans le registre central de l'état civil
de la République de Costa Rica.»
Par demande exceptionnelle du 14 juillet 1942, del Ferro a élevé le
déclinatoire en contestant la compétence des tribunaux suisses pour connaître
de l'action.
Par jugement du 31 janvier 1945, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a
rejeté les conclusions de la demande exceptionnelle de del Ferro et l'a
condamné aux dépens.
Del Ferro a recouru au Tribunal fédéral en concluant à ce qu'il plaise à ce
dernier prononcer avec suite de dépens:
«1) que la Cour civile du Canton de Vaud est incompétente pour connaître de
l'action intentée par Dame Lucrecia Gil, à Lausanne, au Dr Ernesto del Ferro,
à la Tour-de-Peilz, la demanderesse au fond étant renvoyée à mieux agir;
» 2) que les frais et dépens de première instance sont alloués au recourant.»
Dame Lucrecia del Ferro-Gil a conclu au rejet du recours et à la confirmation
du jugement avec dépens.
Considérant en droit:
1. Le recours est recevable en vertu de l'art. 49 OJ. Il s'agit en effet
d'une décision préjudicielle prise séparément du fond par le tribunal visé à
l'art. 48 1 er alinéa dans une contestation civile portant sur un droit de
nature non pécuniaire, dans le sens de l'art. 44, et qui est
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attaquée pour violation de prescription de droit fédéral au sujet de la
compétence ratione loci.
2. Le litige se ramène au point de savoir si l'action de la demanderesse qui
tend à faire prononcer qu'elle est l'épouse légitime du défendeur (demandeur
dans l'exception) ressortit au juge du domicile dont parle l'art. 2 de la loi
du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civils applicable aux étrangers
selon l'art. 59, précédemment 61 du titre final du code civil, ou si, au
contraire, il faut ranger cette action parmi celles qui ont trait aux matières
que l'art. 8 de la même loi réserve à la juridiction du lieu d'origine.
De ce que l'art. 56 de la loi fédérale du 24 septembre 1874 sur l'état civil
et le mariage contenait une disposition conférant au juge suisse le pouvoir de
prononcer sous certaines conditions l'annulation de mariages d'étrangers et de
ce que cette disposition n'a pas été modifiée par la loi de 1891, les premiers
juges ont cru pouvoir tirer la conclusion qu'à moins de donner à l'art. 8 de
la loi de 1891 une portée plus étendue que celle qu'il avait au moment où il a
été adopté, cet article ne s'appliquait pas à l'action en constatation d'un
mariage d'étrangers, car, disent-ils, si le juge du domicile en Suisse était
compétent même après l'entrée en vigueur de la loi de 1891 pour prononcer
l'annulation d'un mariage d'étrangers, il l'était aussi tout naturellement
pour constater préalablement l'existence d'un tel mariage. Le Tribunal fédéral
ne peut se rallier à cette opinion.
Il est exact que la loi de 1891 n'a formellement abrogé ni l'art. 43 ni l'art.
56 de la loi de 1874, et aussi bien est-ce pour ce motif précisément que la
jurisprudence a admis que l'action en annulation de mariage échappait à la
règle de l'art. 8 de la loi de 1891 (cf. RO 33 I 343), mais cela n'est pas
encore une raison pour dire que l'action en constatation de mariage y échappe
aussi. Certes il peut arriver que le juge saisi d'une action en annulation de
mariage ait à se prononcer préjudiciellement sur sa validité. S'il en est
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ainsi, c'est parce que seul un mariage valable peut être annulé et qu'on admet
d'une façon générale, pour des motifs d'économie, que le juge compétent quant
à l'objet principal du différend l'est aussi pour se prononcer, le cas échéant
par une décision préparatoire, sur les questions préjudicielles dont peut
dépendre la question principale. Mais il ne suit nullement de là qu'il serait
également compétent pour les trancher si elles étaient seules en discussion.
On ne saurait donc tirer aucun argument en faveur de la solution admise par
les premiers juges ni des dispositions de la loi de 1874 ni de la
jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'action en nullité de mariage.
Quoi qu'il en soit de celle-ci, on ne voit pas de raisons de ne pas comprendre
l'action en constatation de mariage dans la catégorie des actions qui
ressortissent à la juridiction du lieu d'origine en vertu de l'art. 8 de la
loi de 1891. Il est évident tout d'abord que l'énumération que fait cette
disposition n'est pas limitative, puisqu'elle se sert de l'adverbe notamment,
et si strictement qu'on interprète l'expression état civil, il serait
difficile de ne pas considérer comme une question intéressant au premier chef
l'état civil de la demanderesse celle de savoir si elle est ou non l'épouse du
défendeur.
Contrairement à ce que dit le jugement attaqué, la jurisprudence du Tribunal
fédéral ne saurait fournir d'argument décisif en faveur de la solution des
premiers juges. Les deux arrêts invoqués (RO 33 I 343 et 48 II 184) se
rapportent en effet exclusivement à l'action en annulation de mariage. Il est
vrai que le premier avance un argument qui pourrait prêter à malentendu quand
il dit «dass aber die Frage nach dem Bestand oder Nichtbestand einer gültigen
Ehe keine solche des Familienstandes im Sinne von Art. 8 NAG ist, ergibt sich
zwingend...» Toutefois on voit bien d'après le contexte qu'on ne voulait pas
parler de l'action tendant à faire constater l'existence d'un mariage, mais de
l'action en nullité de mariage et que c'est à cette dernière seulement que le
Tribunal fédéral
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entendait dénier le caractère d'une action touchant à l'état civil dans le
sens de l'art. 8 de la loi de 1891.
3. Le juge suisse étant incompétent pour statuer sur l'action de la
demanderesse, il n'y a pas à se demander s'il n'y aurait pas lieu de la
renvoyer à mieux agir du fait qu'un même procès serait pendant devant un autre
tribunal à l'étranger.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que les
conclusions de la demande exceptionnelle présentée par le recourant à la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois le 14 juillet 1942 sont admises.