S. 101 / Nr. 24 Registersachen (d)

BGE 70 I 101

24. Arrêt de la Ire Section civile du 20 juin 1944 dans la cause Ernest Borel
& Cie c. Département fédéral de justice et police.


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Regeste:
L'utilisation du signal international de détresse S. O. S. comme marque de
commerce est contraire aux bonnes moeurs (art. 14 , al. l er , ch. 2 LMF).
Der Gebrauch des internationalen Notsignals S. O. S. als Handelsmarke
verstösst gegen die guten Sitten (Art. 14 Abs. 1 Ziff. 2 MSchG).
L'uso del segnale internazionale di pericolo S.O.S. come marca di commercio
offende i buoni costumi (art. 14 , cp. 1, cifra 2 LMF).

A. ­ Le 9 novembre 1943, la maison Ernest Borel & Cie, successeur de
Borel-Courvoisier, société anonyme, à Neuchâtel, a déposé au Bureau fédéral de
la propriété intellectuelle à Berne une marque verbale «S. O. S.» pour tous
produits horlogers. Elle dit être sur le point de mettre dans le commerce une
nouvelle montre munie d'un dispositif avertisseur qui, de même qu'un
réveille-matin, pourra se déclencher à l'heure prévue par le porteur de la
montre; c'est à cette montre que la marque serait plus spécialement destinée.
La marque a été enregistrée sous no 105761 et l'enregistrement publié dans la
Feuille officielle suisse du commerce du 16 décembre 1943.
Le 4 janvier 1944, la Chambre de commerce de Zurich a signalé au Département
fédéral de justice et police qu'on trouvait choquant et contraire aux bonnes
moeurs cet emploi d'un signe international de détresse à des fins de réclame
commerciale.
La déposante, informée de cette critique, déclara maintenir sa marque.
B. ­ Le 16 mars 1944, le Département fédéral de justice et Police, agissant en
vertu de l'art. 16 bis , 1 er

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al., de la loi fédérale sur les marques de fabrique de 1890/ 1928 (LMF), a
ordonné d'office la radiation de la marque «S. O. S.» no 105761 comme
contraire à la disposition de l'art. 14, 1er al., ch. 2 de cette loi. Le
Département considère ceci: S. O. S. est le signal international de détresse;
il sera compris ainsi par le public suisse, même si d'aucuns pouvaient lui
donner encore le sens plus général d'«alerte»; «l'exploitation de ce signe à
des fins de commerce et de réclame, surtout en temps de guerre, où de
nombreuses personnes sont constamment exposées à la mort, est de nature à
blesser gravement dans leurs sentiments d'humanité, de charité et d'affection
des cercles étendus du public suisse, tout particulièrement les personnes qui
ont des parents ou des amis parmi les belligérants»; la marque «S. O. S.» est
donc contraire aux bonnes moeurs.
Contre cette décision, la déposante a formé en temps utile un recours de droit
administratif auprès du Tribunal fédéral, en concluant à ce qu'elle soit
annulée.
Le Département fédéral de justice et police conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1. ­ Aux termes de l'art. 14 , l er al., ch. 2 LMF, le Bureau fédéral de la
propriété intellectuelle doit refuser l'enregistrement d'une marque contraire
aux bonnes moeurs. Le Département fédéral de justice et police peut ordonner
d'office la radiation d'une marque enregistrée contrairement à cette
disposition. Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est
recevable contre cette décision (art. 16 bis et 12).
2. ­ La jurisprudence (RO 56 I 49) déclare contraire aux bonnes moeurs
«l'activité qui cause ou favorise un résultat immoral, ou bien empêche
l'accomplissement de ce qui est prescrit ou encore, de quelque autre manière,
découle d'une mentalité condamnable et blesse le sens moral; le critère
décisif pour savoir si les principes moraux sont violés' ce n'est point
l'opinion subjective des

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intéressés, mais la conception des concitoyens au jugement sain et droit; il
peut y avoir atteinte aux bonnes moeurs même lorsque les parties n'ont pas
conscience du caractère immoral de leur activité». «Une marque», dit l'arrêt
cité, «heurte les bonnes moeurs lorsqu'elle apparaît immorale du point de vue
sexuel, religieux ou politique et aussi lorsqu'elle est inexacte».
Cette énumération ne prétend pas être exhaustive, elle indique seulement des
exemples typiques d'immoralité. En réalité, une marque peut choquer le
sentiment moral de personnes pondérées, même si elle n'est pas contraire aux
bonnes moeurs sous le rapport religieux, politique, sexuel ou de la vérité. Il
en était ainsi, par exemple, des marques «Kidnapper n pour liqueurs,
«Stavisky» pour apéritifs, refusées par le Bureau fédéral de la propriété
intellectuelle comme offensant le sens moral (Bulletin III de mars 1944 du
Groupe suisse de l'Association internationale pour la protection de la
propriété intellectuelle, p. 82).
L'utilisation du signe S. O. S. comme marque de commerce est, elle aussi,
choquante et de plus capable d'induire en erreur. S. O. S. («Save Our Souls»,
sauvez nos âmes; mots d'un cantique anglais) est le signal de détresse
radio-télégraphique international annonçant que le navire ou l'aéronef ou tout
autre véhicule d'où provient le message est sous la menace d'un danger grave
et imminent, et demande une assistance immédiate (art. 19 du Règlement général
annexé à la Convention radio-télégraphique internationale de Washington 1927;
cf. Larousse du XX e siècle, tome 6, p. 415); S. O. S. est l'appel suprême
d'êtres en péril de mort. Les circonstances tragiques et les transes qu'il
évoque, son but humanitaire, sa fonction internationale, doivent le mettre à
l'abri d'un usage abusif à des fins commerciales. Sans doute, «demander S. O.
S.», «lancer S. O.S.» sont-ils devenus dans le langage familier synonymes de
demander de l'aide et du secours. Mais le Bureau de la propriété
intellectuelle a raison de ne pas

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se prêter à l'exploitation mercantile de ce signal qu'on détourne ainsi de sa
destination propre. L'emploi public de ce signe de détresse doit pouvoir être
pris au sérieux. En faire un instrument de réclame et de spéculation intéresse
sur le sentiment est contraire aux bonnes moeurs. Le choix d'une marque
échappant à toute critique est si grand qu'il y a lieu d'approuver le Bureau
de la propriété intellectuelle de se montrer plus rigoureux que par le passé.
Par ces motifs, le Tribunal, féderal
Rejette le recours.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 70 I 101
Date : 01. Januar 1943
Publié : 19. Juli 1944
Source : Bundesgericht
Statut : 70 I 101
Domaine : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Objet : L'utilisation du signal international de détresse S. O. S. comme marque de commerce est contraire...


Répertoire des lois
LMF: 1  14  16bis
Répertoire ATF
56-I-46 • 70-I-101
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
département fédéral • montre • tribunal fédéral • recours de droit administratif • d'office • moeurs • protection des marques • société anonyme • assistance publique • ue • neuchâtel • signal avertisseur • libéralité • danger • décision • avis • usage abusif • marque verbale • vue • chambre de commerce
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